L'influence du "gaming" à la littérature

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11/08/2020

David Bry, Le Garçon et la ville qui ne souriait plus, Pocket Imaginaire

David Bry, Le Garçon et la ville qui ne souriait plus, Pocket Imaginaire

Invité d'honneur de l'édition 2019 des Imaginales, David Bry a su s'imposer dans le paysage actuel des littératures de l'Imaginaire. Il commence à cumuler quelques titres notables comme Que passe l'hiver, un récit poétique et envoûtant. 

Avec Le Garçon et la ville qui ne souriait plus, il signe un nouveau récit tout aussi puissant. Sa réédition chez Pocket Imaginaire me donne l'occasion de vous en parler. Je remercie Laure Peduzzi pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Paris 1858. Romain désespère ses parents. Fils de bonne famille, ces derniers souhaitent qu'il s'intègre dans la haute société en décrochant une bonne situation et en faisant un beau mariage. Seulement, le jeune homme ne se sent pas à sa place parmi les mondains. Il n'aspire qu'à la liberté. Chaque soir, il fait le mur pour rejoindre en catimini la Cour des Miracles. Là-bas, il observe en cachette et admire en secret la légèreté de ce monde, bien loin de l'hypocrisie des nobles. Un jour, il surprend une conversation entre son père, chef de la police et un inconnu. Ils parlent d'éradiquer la Cour des Miracles. A ces mots, son sang ne fait qu'un tour, il ne peut laisser faire sans rien tenter. Mais saura-t-il se faire entendre, lui, le notable, auprès des rejetés de la société ?

Mon avis :

Dans Le Garçon et la ville qui ne souriait plus, David Bry nous plonge dans un Paris uchronique régit, depuis cinquante ans, par les Lois de la Norme afin d'assurer ordre et stabilité au sein de l'Empire. Depuis lors toutes personnes difformes, malades ou ayant des mœurs contre-nature sont arrêtées lorsqu'elles sont surprises à déambuler en dehors de l'île de la Cité qui leur sert de refuge. Persécutés aussi bien par la police de la Norme, par les Lames Noires, engagées par l'Eglise que par le chasseur, les "anormaux" survivent avec de plus en plus de difficultés. Avec l'aide de Romain, ils mettent à jour un complot visant à les faire définitivement disparaître. En effet, il semble que les bien nés souhaitent leur disparition pour ne vivre qu'entre eux. C'est dans cet univers teinté de défiance et d'intolérance que David Bry projette sa pléthore de héros, tous plus intéressants les uns que les autres. 

Il y a bien évidemment son personnage principal, Romain de Sens. En pleine quête d'identité, Romain est un adolescent troublé et perdu qui n'appréhende pas encore sa vraie nature et ses sentiments. Il est écrasé sous le poids de la pression sociale et familiale. Or, cette aventure va lui donner la force de s'assumer et de se faire accepter dans le regard des autres. Il y a son père, Rodéric de Sens qui dégage une aura d'autorité, conséquence de sa fonction. C'est un homme droit et sévère que Romain ne veut pas décevoir mais pourra-t-il empêcher l'inévitable ? C'est un personnage qui se découvre et se laisse apprécier au fil des pages. Dans un autre genre, on aime Lion avec son franc-parlé et son flegme. Il se lit très rapidement d'amitié avec Romain, à qui il accorde, presque immédiatement, sa confiance. On ne résiste pas à sa bonhomie. Sans parler du petit Zacharie qui zozote un peu et ne manque pas de courage, du haut de son jeune âge pour affronter les dangers. Il est très attendrissant. L'auteur a vraiment fait du bon travail sur tous les personnages de ce roman, créant un attachement évident.

Derrière une intrigue bien ficelée, il aborde des thématiques fortes comme la différence, la tolérance et l'acceptation de soi. Il les aborde d'ailleurs avec la même sensibilité qu'il a utilisée dans Que passe l'hiver. C'est un roman riche en émotions qui nous prend littéralement aux tripes. On reste subjugué par la beauté de ce Paris décadent où les miséreux sont des héros solaires. 

En conclusion :

David Bry est un très bon auteur dont la plume agréable nous offre avec Le Garçon et la ville qui ne souriait plus, un roman très travaillé autant au niveau de l'univers, de l'intrigue que des personnages. Voici une lecture dont il ne faut surtout pas se priver !

Fantasy à la Carte

Du même auteur, lisez aussi mes avis sur Que passe l'hiver et La Princesse au Visage de Nuit

David Bry
Le Garçon et la ville qui ne souriait plus
Pocket Imaginaire

07/08/2020

Alan Moore & Cindy Canévet, L'Hypothèse du Lézard, éditions ActuSF

Alan Moore & Cindy Canévet, L'Hypothèse du Lézard, éditions ActuSF

Après Liavek de Megan Lindholm et Steven Brust, c'est au tour d'Alan Moore de prendre place dans le catalogue des éditions ActuSF. Cette nouvelle de L'Hypothèse du Lézard est également tirée de l'une des 5 anthologies, publiées entre 1985 et 1990, qui partagent un univers commun. Seulement pour sa réédition, les éditions ActuSF lui ont offert un bel écrin. Edité dans sa toute nouvelle collection de graphics, le texte d'Alan Moore profite du talent de Cindy Canévet qui vient l'égayer de ses superbes illustrations. 

Mais avant d'aller plus loin, je souhaite remercier Jérôme Vincent pour m'avoir proposé ce très beau partenariat. 

A neuf ans, Som-Som est vendue au bordel, la Maison sans Horloges, situé à Liavek. Alors qu'au début, on ne la charge que de quelques commissions, les choses changent, trois ans plus tard, lorsque la maîtresse des lieux, Madame Ouish, lui annonce qu'elle va porter le Masque brisé et devenir ainsi l'amante des magiciens. Un nouveau statut qui va la condamner au silence lorsqu'elle aura subi l'opération nécessaire à la pose de ce masque. Enfermée dans son corps et n'ayant plus l'usage de la parole, elle devient la compagne idéale, gardienne de tous les secrets. Pour elle, c'est également le début d'une étrange amitié avec Raura Chin qui a pris l'habitude de lui confier autour d'un thé sa vie et ses expériences avec son amant Foral Yatt. A la Maison sans Horloges, la vie de Som-Som va donc prendre un étrange tournant mais saura-t-elle l'accepter ? 

Dans L'Hypothèse du Lézard, Alan Moore nous entraîne dans un récit baroque et tragique. Il nous immerge dans le quotidien d'une maison close où l'on croise des personnalités fantasques comme les deux comédiens : Raura Chin et Foral Yatt. Tous deux entretiennent une relation fusionnelle et conflictuelle. Som-Som est témoin des déchirures de leur couple après que Raura Chin est décidé de quitter le bordel pour faire décoller sa carrière de comédien. Plus tard, son retour va entraîner bien des souffrances, des affrontements et de la déception pour l'un comme pour l'autre. A travers le regard de Som-Som, Alan Moore explore la lente destruction d'une relation amoureuse lorsqu'elle est sacrifiée sur l'autel de l'ambition. Il met en lumière toute la cruauté de l'âme humaine lorsque celle-ci n'aspire qu'à la vengeance. 

La Maison sans Horloges est un lieu étrange, miroir de la démesure de la cité de Liavek. Lieu de perdition ou d'oubli pour certains, elles est donc autant une prison qu'un refuge. 

Bien que Som-Som soit l'héroïne de cette nouvelle, elle s'efface pour laisser la place aux autres résidents de cette maison close. Pourtant ce qu'elle subit est terrible. Abandonnée par sa mère, dépossédée de la parole, défigurée et handicapée, elle n'en demeure pas moins une héroïne forte qui ne s’apitoie pas sur elle-même. 

Observatrice avisée, elle nous ouvre la porte d'un monde violent et cruel que l'illustratrice Cindy Canévet a parfaitement mis en valeur ici. Sa prédilection pour l'encre de Chine met en lumière toute l'étrangeté de cette sombre histoire. Au-delà de la noirceur de l'encre qu'elle utilise, l'artiste a su donner une grande beauté aux personnages d'Alan Moore. Ainsi, on découvre une Madame Ouish majestueuse et une Som-Som d'une grande beauté en dépit de son masque effrayant. Cindy Canévet a parsemé les pages de ce livre de ses magnifiques dessins qui accompagnent harmonieusement notre lecture de cette nouvelle. 

Tourner les pages de L'Hypothèse du lézard est autant un enchantement pour les yeux qu'un billet pour embarquer à nouveau vers une cité imaginaire qui a déjà fait beaucoup parler d'elle. 

Fantasy à la Carte
A lire aussi les avis de Livropathe et Le Bibliocosme

Informations

Alan Moore & Cindy Canévet
L'Hypothèse du Lézard
128 pages
978-2-37686-255-0
Editions ActuSF

04/08/2020

Jean-Laurent Del Socorro & Marc Simonetti, La Guerre des Trois Rois, éditions ActuSF


Jean-Laurent Del Socorro, La Guerre des Trois Rois, éditions ActuSF

Avec La Guerre des Trois Rois, Jean-Laurent Del Socorro fait une nouvelle escale dans son univers de Royaume de Vent et de Colères. La sortie de ce livre, c'est l'occasion pour les éditions ActuSF d'inaugurer une très belle collection de romans graphics. Je remercie d'ailleurs Jérôme et les éditions ActuSF pour l'envoi de ce magnifique service de presse. 

Mai 1588. La compagnie du Chariot, dirigée par la jeune capitaine Axelle, accompagne le roi Henri III dans son coup de force pour reprendre Paris au duc de Guise et à ses Ligueurs. Mais devant le soulèvement des Parisiens, il échoue et doit fuir à Chartres. Pour mettre un terme aux guerres de Religion et asseoir définitivement son pouvoir, il décide de faire appel aux alchimistes de l'Artbon. L'affaire est délicate et doit rester secrète. Axelle et ses hommes auront un rôle à jouer. Mais attention : à trop vouloir se frotter aux affaires d'Etat, ils pourraient bien s'y brûler les ailes. 

Comme à son habitude, Jean-Laurent Del Socorro inscrit son récit au cœur d'un moment-clé de l'Histoire. Ici, il s'agit d'événements antérieurs à ceux relatés dans Royaume de Vent et de Colères. En effet, nous sommes en pleine guerres de Religion. Le pouvoir est écartelé entre le duc de Guise et ses partisans, le roi Henri III et Henri de Navarre. La France est donc divisée. Après l'échec de son putsch sur Paris, Henri III est contraint de signer l'Edit d'union à Rouen avec la Ligue, renouvelant la promesse de chasser les hérétiques et de convoquer les Etats généraux à Blois du 16 octobre 1588 au 16 janvier 1589. Cette réunion extraordinaire est surtout marquée par l'assassinat de Henri Ier de Guise, commandité par le roi lui-même. Cela lui vaudra les représailles d'un moine fanatique du nom de Jacques Clément qui l'assassinera à son tour le premier août 1589. Cette mort tragique met donc fin à la dynastie des Valois et annonce l’avènement des Bourbons, avec Henri de Navarre qui monte sur le trône. 

La Guerre des Trois Rois est un texte court qui met en lumière des instants cruciaux où les tensions sont exacerbées et le danger est à son comble. Cette période trouble est donc un terreau idéal à l'épanouissement de la fantasy. Avec un roi aux abois, on ne s'étonne qu'à peine de le voir se tourner vers des alchimistes pour trouver une solution à son problème et triompher de cette épineuse situation. D'autant qu'à l'époque on croit à la sorcellerie. On la rend même responsable de tous les maux : guerres, famines, épidémies, etc. D'ailleurs, c'est bien entre 1580 et 1630 que les procès pour sorcellerie atteignent leur apogée. Ainsi donc on recroise ici la magie de l'Artbon. Puissante, elle a tout de même un prix à payer. D'ailleurs, au vu de la fin tragique d'Henri III, on peut en conclure qu'elle lui a coûté cher. L'Artbon a des effets dévastateurs et il est difficile de lui résister. Beaucoup en deviennent tout simplement accro. C'est une magie dangereuse qui marque à jamais l'alchimiste qui la manipule. Sa présence dépose finalement une aura de mystère sur ces événements historiques. 

La Guerre des Trois Rois, c'est aussi les destins entremêlés d'une poignée de mercenaires que l'on a plaisir à retrouver ici. Voici des héros hauts en couleurs à la langue bien pendue et à la gouaille légendaire. Il y a par exemple N'a-qu'un-œil, le narrateur de ce livre qui nous relate les faits par l'intermédiaire du journal que la capitaine lui a demandé de tenir. Avec son franc-parlé et son langage parfois fleuri, il donne le ton de cette compagnie hétéroclite, souvent brute de décoffrage, mais respectant un certain code d'honneur. Parmi eux, il y a également l'artiste Tremble-voix qui croque, à ses moments perdus, aussi bien ses camarades que les lieux et les gens qu'il rencontre. Avec lui, l'auteur fait une belle mise en abyme en lui attribuant les splendides illustrations du talentueux Marc Simonetti. On s'émerveille devant la finesse de son trait qui reproduit à la perfection des lieux mythiques ou des grandes figures de l'Histoire de France. Il faut dire que dans le milieu de l'Imaginaire, Marc Simonetti est un illustrateur célèbre. On lui doit notamment les belles illustrations des romans de G.R.R. Martin ou de Robin Hobb

La collaboration entre la plume de Jean-Laurent Del Socorro et le pinceau de Marc Simonetti fait de ce livre un superbe objet qu'on apprécie de feuilleter. 

Pari réussi pour cette nouvelle aventure éditoriale des éditions ActuSF qui nous proposent avec ce premier livre, La Guerre des Trois Rois, un récit d'aventure rondement mené.

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mes avis sur Boudicca et Royaume de Vent et de Colères.

Informations

Jean-Laurent Del Socorro
La Guerre des Trois Rois
128 pages
978-2-37686-253-6
Editions ActuSF


D'autres avis sur la blogosphère : Au Pays des Cave Trolls et Ombrebones

31/07/2020

Régis Goddyn, Le Sang des 7 Rois, tome 2, éditions L'Atalante

Régis Goddyn, Le Sang des 7 Rois, tome 2, éditions L'Atalante

Après un premier tome prometteur, je n'ai pas eu envie de lâcher tout de suite le cycle du Sang des 7 Rois de Régis Goddyn. Cette saga est si addictive que je n'ai pas hésité à enchaîner avec le tome 2. Je remercie d'ailleurs Emma et les éditions L'Atalante pour l'envoi de ce service de presse. 

On y retrouve, bien entendu, Orville qui a non seulement perdu la trace des enfants enlevés mais est fait prisonnier sur la mystérieuse île du Goulet, gardée par un groupe de Gardiens. Il en coûte de déplaire au marquis de Vallade mais pour notre intrépide sergent, ce n'est que partie remise, il compte bien régler ses comptes avec cet individu. Alors que pour lui, les événements prennent une étonnante tournure, d'autres personnages se font une place au sein de cette saga. Il y a déjà Rosa, une enfant qui use de ses dons pour entraîner à sa suite dans la montagne une bande de réfugiés afin d'échapper à un capitaine-ambassadeur sanguinaire. Le vicomte Hautterre, quant à lui, fait les frais de la soif de pouvoir de certains Gardiens corrompus qui souhaitent faire de ses terres un bastion pour asseoir leur domination sur les sept royaumes. Alors que les ennemis commencent à abattre leurs cartes, Orville et les autres seront-ils capables de déjouer leurs plans diaboliques ?

Le Sang des 7 Rois nous immerge dans un Moyen-Âge utopique où la fantasy prend naturellement racine. On y retrouve autant de forteresses que de combats à l'épée que l'on est en droit d'attendre dans ce genre d'univers. Mais l'auteur a ponctué son livre de quelques notes de piraterie. En effet, chemin faisant Orville va se frotter aux pirates sévissant dans les mers des sept royaumes. Il faut dire que les flibustiers incarnent parfaitement la figure de l'aventurier. Leur présence s'impose donc spontanément dans ce récit d'aventure, et procure un vrai dépaysement pour les lecteurs. 

D'autres personnages s'établissent progressivement dans cette saga sans que cela gêne la lecture. Dans ce tome 2 , on partage donc notre temps entre Orville dont on a déjà longuement parlé et d'autres voix qui commencent à se faire entendre. 

Ainsi, de fortes personnalités se révèlent au gré de la mise à jour des conspirations. Il y a Rosa  si jeune et pourtant déjà si mature. On sent qu'elle va devenir un personnage-clé de ce cycle. Disposant de grands pouvoirs et malgré son jeune âge, elle prend, tout de même, la tête des réfugiés et compte bien les sauver. On croise également de nombreux Gardiens entre ces lignes. Certains sont plus marquants que d'autres, à l'image de Sylvan, capitaine de la Garde du fort de l'île du Goulet. C'est un homme intègre qui a trop vécu. Retiré sur ce rocher, il aspirait à la paix mais l'arrivée d'Orville va tout bouleverser. On apprécie sa droiture et son franc-parler. Aldemond est lui aussi un Gardien. Plus jeune, il est encore naïf et plein d'espoir. Il prend la suite de Sylvan à la tête du fort de l'île du Goulet et compte bien en percer tous les secrets comme le lui a, d'ailleurs, demandé Lothar. Or, justement parlons de ce Lothar, ancien roi devenu Gardien, il est sans doute l'un des personnages de Régis Goddyn les plus retors. Il manipule Gardiens et rois pour revenir au pouvoir En constituant sa propre descendance au sang bleu grâce à la confrérie des Gardiens, il espère ainsi sortir de l'ombre et renverser les pouvoirs en place. Mais derrière ses desseins diaboliques se cache une force qui semble encore plus puissante. En effet, dès ce second volet, on sent bien que l'auteur ne nous a pas tout dit. D'autres agissent encore à couvert et on ignore encore qui des rebelles, des Gardiens ou des rois remportera cette vaste partie d'échecs. 

Avec Lothar, on prend la mesure de la qualité de ce cycle qui maintient tout le long une ambiance lourde de secrets

Le Sang des 7 Rois est le genre de cycle qui réconcilie les lecteurs récalcitrants avec des sagas fleuves. Prodigieux !

Fantasy à la Carte
A lire aussi sur le blog mon avis sur le tome 1 du Sang des 7 Rois

Régis Goddyn
Le Sang des 7 Rois
Tome 2
Editions L'Atalante