L'influence du "gaming" à la littérature

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29/06/2021

Sylvie Kaufhold, Les Origines, tome 2, Royaumes Ennemis, éditions du 38

Sylvie Kaufhold, Les Origines, tome 2, 
Royaumes Ennemis, éditions du 38

Après avoir beaucoup écrit pour la jeunesse, Sylvie Kaufhold vient de démarrer une excellente série fantasy indéniablement plus adulte, intitulée Royaumes Ennemis

Il y a peu, j'ai eu le plaisir de vous parler du premier volet, alors, aujourd'hui, je m'en viens vous partager mes impressions sur le tome 2. 

Reçu en service de presse, je remercie Sylvie Kaufhold de sa confiance renouvelée. 

Comme l'indique son titre, Les Origines, ce deuxième tome n'est pas une suite dans le sens qu'il ne prend pas directement la suite des Magiciennes. En effet, l'autrice a fait le choix de s'arrêter un instant dans la narration de ses intrigues pour revenir sur des événements antérieurs. Pourquoi pas !

Mais je vous rassure immédiatement, on retrouve bien dans ce présent ouvrage tous les personnages qui ont fait le succès des Magiciennes. 

Ainsi, on marche, par exemple, dans les pas de Khazan et d'Iridiane dans leurs jeunes années afin de mieux comprendre les liens qui les unissent. Sans parler de cette volonté farouche d'Iridiane de vouloir protéger son cousin ou l'origine des ambitions de conquête du jeune homme. De même, on passe beaucoup de temps auprès de la mère de Lulaï, Anir. Une magicienne dont l'esprit s'est dissout dans les rêves. On fait donc plus ample connaissance avec cette femme trop ambitieuse pour accepter ce destin trop étriqué que son mariage lui offrait. En outre, on fait à nouveau souvent escale à Méri, déjà tenu d'une main de fer par la terrible Zei. On continue, notamment, de goûter à ses intrigues et à son implacable politique de conquête, ainsi qu'à son obsession pour la jeunesse éternelle. D'ailleurs, on ne s'étonne plus de voir sa fille, Zeilin, être la parfaite incarnation de ses ambitions. Sauvage et sanguinaire, on accompagne cette dernière dans ses rapines et même dans son meilleur coup d'éclat, à savoir son rapprochement avec Araklaeg. Enfin, on s'embarque avec Okai pour suivre ses aventures sur mer. En effet, il n'y a pas de meilleure formation pour un prince héritier que la piraterie. 

Tous ont un grand destin même s'ils ignorent encore lequel. 

Ecrit comme un préquel, ce deuxième tome se lit finalement comme un intermède entre deux moments forts de l'action. Avec ce livre, Sylvie Kaufhold ménage donc une pause à ses lecteurs pour leur faire prendre la mesure de certains rouages de son intrigue. Ainsi, on retourne dans le passé de ses personnages pour mieux comprendre ce qui les anime et ce qui les a marqué. L'un des grands points forts de ce cycle est justement la qualité et l'authenticité de ses protagonistes. Il faut bien reconnaître à l'autrice qu'elle les a bien travaillés en leur donnant notamment une vraie diversité. Cela apporte un charme indéniable à cette saga. 

Or, avec Les Origines, elle prend le temps de s'arrêter sur chacun d'entre eux pour les rendre encore plus crédibles, ce ne qui ne gâche en rien notre plaisir de lecture, et peut même influencer notre jugement. Aussi, là où on aurait tendance à détester Zei ou Anir, dans ce tome 2, Sylvie Kaufhold nous fait voir les choses d'une autre manière. De même que l'on apprécie de suivre Okai dans ses aventures maritimes. C'est vraiment un héros intéressant. Même si personnellement j'apprécie énormément les personnages féminins de ce cycle, je ne rechigne pas non plus à m'attacher à certains hommes. 

Clairement, Sylvie Kaufhold s'appuie sur une solide galerie de personnages pour nous faire pleinement adhérer à son histoire. 

Dans Royaumes Ennemis, on saute d'un royaume à l'autre pour vivre en simultané des destins forgés dans le sang et la conquête. Sur mer ou sur terre, on vibre pour ce tumultueux récit.

Sylvie Kaufhold use de cette même écriture nerveuse qui ne laisse aucun répit à ses lecteurs. On apprécie, d'ailleurs, de retrouver ce modèle de narration construit sur de courts chapitres donnant ainsi au cycle tout son entrain. 

Maintenant que l'on est familier de cet univers immersif et dépaysant, on ne demande plus qu'à y retourner. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mon avis sur le tome 1 : Les Magiciennes, ainsi que sur Terres Obscures.  

Informations 

Sylvie Kaufhold
Les Origines
Tome 2
Royaumes Ennemis
Editions du 38

Lien vers le site

28/06/2021

Les 6 romans de fantasy à lire en vacances


L'été est là, les vacances approchent à grands pas et vous ne savez toujours pas quels livres emmener dans votre valise. Pas de panique, je vous propose une sélection de six romans de fantasy à emporter avec vous pour parfaire votre séjour. 

Avec ces romans, je vous promets de l'aventure, du rire, du suspense et de la magie. Bref, dépaysement et divertissement garantis !

 Jean-Claude Dunyach, L'Empire du Troll, éditions L'Atalante 

Dans L'Empire du Troll, le Troll connaît quelques revers. Tout commence lorsqu'il découvre que sa chère et tendre trollesse a eu les yeux plus gros que le ventre en empruntant beaucoup d'argent pour agrandir son salon de coiffure. Ne pouvant plus payer ses mensualités, elle est maintenant menacée d'expulsion. Quant aux nains de la mine, ils ont cessé subitement de creuser et jouent à cache-cache avec le Troll quand celui-ci souhaite en connaître la raison. Il lui faut de l'or et vite ! Et pour ça, il a un plan. Or, je vous l'accorde, ce n'est pas sans risque mais aux grands maux, les grands remèdes. C'est comme cela qu'on le retrouve en train de monter une expédition pour aller cambrioler l'antre d'un dragon. Cela pourrait fonctionner à condition que les avocats ne s'en mêlent pas !

Par le biais d'un humour mordant et d'un merveilleux omniprésent, Jean-Claude Dunyach tient un propos très intelligent et fait une analyse fine de notre société.

 

Jean-Laurent Del Socorro, Du Roi Je Serai L'Assassin, éditions ActuSF

Dans Du Roi Je Serai L'Assassin, on recroise donc la route de Silas, le chef de la guilde des assassins de Marseille dans ses jeunes années lorsqu'il n'était encore que Sinan. Né à Grenade, Sinan est un Morisque qui grandit, avec ses deux sœurs, sous le joug d'un père autoritaire et la menace permanente de l'inquisition. A force de coups et de violence et guidé par les troubles politico-religieux sanglants, Sinan va se forger un destin tourmenté. Entre l'Andalousie et le Languedoc, ce roman nous transporte dans l'histoire incroyable d'un homme qui s'est écrite à l'encre de sang. 

Avec Du Roi Je Serai L'Assassin, Jean-Laurent Del Socorro signe un roman palpitant qui allie, avec brio, émotions et action. 

Jean-Laurent Del Socorro, c'est vraiment la plume de fantasy qui va vous faire aimer l'Histoire.

Adrien Tomas, Notre Dame Des Loups, éditions Mnémos

1868, au cœur de l'Ouest américain, Adrien Tomas nous colle aux basques de sept veneurs qui traquent, dans le plus grand secret, les meutes de loups-garous infestant les lieux. Or, au vu de leur nombre croissant à chaque attaque, les membres de cette étonnante bande sentent bien qu'ils se rapprochent enfin du but. Celle que l'on appelle Notre Dame des Loups, la mère de toutes ces créatures infernales n'est sans doute plus très loin car elle a battu le rappel de ses enfants pour la protéger de la menace. Sur le qui-vive, qui de ces hommes et de ces femmes seront encore là pour affronter le regard de la bête et tâter de ses crocs acérés ? 

En quelques mots, Adrien Tomas a posé le décor de son intrigue. Notre Dame des Loups emprunte au western mettant en scène des chasseurs de prime en remplaçant les criminels à ramener devant la justice par des créatures à crocs que les personnages d'Adrien Tomas doivent abattre coûte que coûte. 

Entre morts suspectes et traque sanglante, cette fantasy à poudre se pare d'une bonne dose de suspicion pour nous offrir un récit puissant, impossible à lâcher jusqu'à la fin. 

Robert Jackson Bennett, Les Maîtres Enlumineurs, Albin Michel Imaginaire

Dans Les Maîtres Enlumineurs, on marche dans les pas d'une jeune voleuse, prénommée Sancia. Vivant jusque-là de vols sans envergure, elle espère raccrocher en effectuant un dernier grand coup, censé lui rapporter un bon pécule, lui permettant de mettre les voiles. Engagée pour dérober un étrange artefact gardé sous haute surveillance dans un entrepôt, elle est a cent lieux d'imaginer ce qu'elle va déclencher. Avec une telle puissance entre ses mains, rien d'étonnant à ce que le monde se déchaîne autour d'elle. Sera-t-elle se trouver les bons alliés pour l'aider dans sa quête ? 

Dès son premier tome, l'auteur nous immerge dans un récit sans temps mort entraînant ses personnages dans un tourbillon de rebondissements et de découvertes. Le récit est rythmé et les intrigues sont nombreuses.

Avec ce premier volet, Robert Jackson Bennett a posé les bases d'un univers solide qui ne demande qu'à s'épanouir dans les prochains tomes en creusant notamment du côté de ses personnages et en levant le voile sur les mystères, à peine esquissés ici. A suivre ! 

26/06/2021

Orson Scott Card, Flammes de vie, tome 5, Les Chroniques d'Alvin le Faiseur, éditions L'Atalante

Orson Scott Card, Flammes de vie, tome 5, 
Les Chroniques d'Alvin le Faiseur
éditions L'Atalante

En ce mois de juin, je continue ma lecture des Chroniques d'Alvin le Faiseur d'Orson Scott Card avec la sortie du tome 5 aux éditions L'Atalante. Et je peux d'ores et déjà vous dire que le plaisir de me plonger dans ce grand classique du genre demeure intact. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce service de presse. 

Dans Flammes de vie, Alvin est reparti sur les routes en compagnie d'Arthur Stuart, d'En-Vérité Cooper et de Mike Fink. Il espère trouver le moyen de fonder sa cité de Cristal. Chemin faisant, ils rencontrent une orpheline prénommée Purity dont En-Vérité s'éprend immédiatement. Mais lorsqu'elle apprend la vérité sur leur mission et les pouvoirs d'Alvin, elle prend peur et les dénonce aux autorités locales. Alors qu'ils pourraient aisément disparaître, En-Vérité s'entête à vouloir sauver la demoiselle et par la même occasion, faire un coup d'éclat judiciaire pour que cessent enfin les procès pour sorcellerie. De son côté, Peggy, elle, poursuit son combat pour mettre fin à l'esclavage. Elle a dans l'idée de plaider la cause auprès du roi à Camelot, mais c'est sans compter la présence inopinée de son beau-frère qui ne va pas manquer de lui faire quelques difficultés. Chacun prit dans une succession d'événements souvent incontrôlables, arriveront-ils à s'en sortir pour mieux se retrouver ? 

Avec Flammes de vie, Orson Scott Card marque une rupture de narration dans son cycle. En effet, si dans les tomes précédents, il était plutôt question de quête d'identité pour Alvin, dans ce présent roman, on suit un héros indéniablement adulte qui sait qui il est et où il va. Il a pris pleinement conscience du destin qui s'offre à lui et n'a plus qu'à mettre tout en oeuvre pour l'accomplir. Maintenant qu'il sait quoi faire, à savoir construire sa cité de Cristal, il ne lui reste plus qu'à comprendre comment y parvenir. Voilà pourquoi nous le retrouvons sur les routes en quête d'inspiration. 

Flammes de vie est un roman charnière qui apparaît comme un tournant dans ce cycle car il nous fait bien ressentir que la dernière ligne droite est engagée. Ce nouvel objectif donne un nouveau souffle au récit et maintient par la même occasion l'attention des lecteurs. 

Pour continuer à répondre aux exigences de son uchronie de fantasy, l'auteur conserve toujours ce même cadre historique qui opposa les esclavagistes aux abolitionnistes, tout en continuant d'explorer le merveilleux qui s'exprime très naturellement sur cette terre de mixité culturelle et cultuelle. 

Aussi, dans Flammes de vie, on ne s'étonne donc pas d'assister à un procès pour sorcellerie. Au vu du lourd passé américain avec les tristement célèbres procès de Salem, les superstitions ont la dent dure et invoquer Satan à tour de bras pour, par exemple, se débarrasser d'un voisin par pure jalousie demeure monnaie courante. En outre, Orson Scott Card s'est allègrement inspiré ici du folklore africain en insérant des pratiques vaudou. On les remarque notamment à travers la fabrication de poupées ensorcelées ou d'objets réalisés à partir de morceaux de corde censés contenir l'âme des esclaves nouvellement débarqués en Amérique. Seul moyen pour ces derniers de réussir à supporter leur terrible condition. 

22/06/2021

Megan Lindholm & Steven Brust, Gypsy, éditions Mnémos

Megan Lindholm & Steven Brust, Gypsy, éditions Mnémos

Avec Gypsy, Megan Lindholm et Steven Brust ont réitéré l'expérience d'écrire à quatre mains. Pour rappel, ils l'avaient déjà fait avec Liavek, un univers qu'ils ont partagé et étoffé avec d'autres auteurs sous la forme de novellas. 

Depuis quelque temps, le collectif des Indés de l'Imaginaire se réintéresse aux écrits de Robin Hobb, et en ce mois de juin, ce sont les éditions Mnémos qui s'y collent en nous proposant Gypsy, un roman de fantasy urbaine où le conte rencontre le thriller. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Dans ce roman, on part à la suite de Mike Stepovitch, un policier divorcé et dépressif qui est chargé d'enquêter sur une série de meurtres sanglants. Alors que son équipier et lui pensent tenir le suspect en la personne d'un gitan amnésique, celui-ci va leur donner du fil à retordre et même les faire douter. A la poursuite de cet homme insaisissable, leurs pas vont les conduire au cœur de la communauté gitane et de leurs croyances. Mais pour le très cartésien Mike Stepovitch, cette enquête pourrait bien ébranler ses plus grandes certitudes, quitte à le faire sombrer dans la folie. 

Gypsy est un récit sombre qui nous immerge dans une enquête policière mêlée à des éléments du conte. En effet, dans ce livre, on passe d'un monde où se vivent les contes à celui où ils se lisent. Aussi, le monde d'en haut s'en trouve perturbé par une méchante reine, que l'on appelle la Belle Dame, qui compte pervertir les humains et changer leur monde à jamais. Pour l'arrêter, celui que l'on surnomme le Cocher doit rappeler le Blaireau, le Corbeau et la Chouette, soient des gitans chargés de retrouver cette dernière afin de la renvoyer d'où elle vient. Mais ils ne seront pas seuls car d'autres viendront leur prêter main forte comme ces vieilles gitanes qui mettront tout en oeuvre pour mettre des bâtons dans les roues à cette entité maléfique. Engagés dans ce grand bras de fer, certains feront les frais de la funeste Belle Dame au point de trouver la mort. C'est comme cela que Mike Stepovitch va croiser la route de ces créatures et se retrouver mêlé à cette étrange traque où le surnaturel surgit ici ou là pour brouiller les pistes et corrompre les âmes. 

Ici, Megan Lindholm et Steven Brust empruntent autant au thriller qu'au fantastique pour écrire un récit étrange et perturbant. D'une  sombre enquête, on plonge à pieds joints dans l'ambiance des contes transmis lors des veillées près du feu. De cette tradition orale, les auteurs ont conservé dans leur texte cette même musicalité en débutant, par exemple, chaque chapitre par une strophe, extrait d'une chanson, d'un poème ou d'un conte. En outre, la musique est omniprésente dans ce livre puisque le dénominateur commun à ces gitans est de jouer d'un instrument. Or, les notes résonnent ici comme un fil d'Ariane leur permettant de se retrouver. A ce titre, Gypsy est également un texte très poétique qui dégage de belles sonorités et un esthétisme évident. 

19/06/2021

Kim Stanley Robinson, Lisière du Pacifique, éditions Les Moutons électriques

Kim Stanley Robinson, Lisière du Pacifique, éditions Les Moutons électriques

En 2021, l'utopie a posé ses valises chez les Moutons électriques. En effet, cette année ils ont eu envie de revenir à un imaginaire positif et plein d'espoir, sans doute pour casser cette morosité ambiante qui s'est installée dans nos cœurs, depuis plus d'un an maintenant. 

Aussi, en mai, ils ont eu la bonne idée d'éditer une pépite américaine signée par le célèbre auteur de la trilogie, Mars. Il s'agit de Lisière du Pacifique de Kim Stanley Robinson qui a même reçu pour le présent ouvrage, en 1991, le prix John-Wood-Campbell Memorial.  

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les Moutons électriques, je remercie chaudement Erwan pour l'envoi de ce service de presse. 

Ne lisant que très peu de science-fiction et/ou de climate fiction, je ne connaissais donc pas la plume de Kim Stanley Robinson. Or, avec Lisière du Pacifique, j'ai découvert une écriture délicate et un imaginaire aussi flamboyant qu'éclairant. 

Dans Lisière du Pacifique, on débarque donc à El Modena, une petite ville californienne peuplée par une communauté d'habitants qui tente de vivre en harmonie avec la nature. On y suit notamment Kevin Clairbone, un natif des lieux qui exerce la profession d'architecte et de constructeur de maisons. Alors que son tour est venu de siéger au conseil municipal, il découvre une anomalie dans la gestion de l'eau. De fil en aiguille, ses investigations vont l'amener à mettre à jour une affaire de malversation, impliquant des élus locaux et des sommes d'argent aux origines douteuses. Dans un monde pourtant devenu plus vert et qui s'est battu pour la justice sociale, que peut-il se passer lorsque la corruption resurgit ?  

Kim Stanley Robinson s'est beaucoup illustré dans l'écriture de thrillers climatiques et écologiques, alors on ne s'étonne pas de la voir imaginer ici une utopie dans laquelle ces questions sont au cœur des enjeux. 

Ainsi, dans ce roman, l'auteur a imaginé un futur dans lequel l'Amérique et plus particulièrement la Californie s'est reconnectée à la nature. Il nous immerge au sein d'une communauté qui a refait société en vivant à l'écoute les uns des autres. On découvre d'immenses demeures fonctionnant aux énergies renouvelables et où plusieurs familles cohabitent. Les humains ne sont plus isolés et individualistes mais vivent selon le principe du partage. Chaque maison dispose d'un potager collectif où chacun doit prendre part à son entretien. Il en va de même pour la gestion de la commune qui est assurée par les citoyens chacun à leur tour. Lisière du Pacifique nous décrit un monde plus humaniste et plus équitable car il a mis à bas le capitalisme néocolonialiste pour laisser place à une vraie justice sociale. 

16/06/2021

Michel Robert, L'Ange du Chaos, tomes 4 et 5, intégrale 2, éditions Pocket Imaginaire

Michel Robert, L'Ange du Chaos, Intégrale II, 
tomes 3 et 4, éditions Pocket Imaginaire

Avec la sortie du deuxième intégrale de L'Ange du Chaos chez Pocket Imaginaire, je retrouve avec plaisir le plus célèbre agent des ombres de Michel Robert.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Laure Peduzzi pour l'envoi de ce service de presse. 

Hors-Destin

Dans ce quatrième volet, Morion charge Cellendhyl de Cortavar d'aller extraire un agent infiltré dans le royaume des Ténèbres. Mission délicate et dangereuse que d'aller fouler les terres de son pire ennemi, le Père de la Douleur, mais Cellendhyl n'a pas d'autre choix que d'exécuter les ordres de son maître. Accompagné de ses Spectres, l'équipe qu'il a formée, ils débarquent sur place et remontent la piste de l'agent Khémal sans avoir la certitude de le retrouver vivant. Là-bas, ils croisent la route de l'héritière du Chaos qui entretient secrètement une liaison avec Empaleur-des-Âmes. Tenue à l'écart de la gouvernance du Chaos par son père et son frère, elle intrigue de son côté pour obtenir le pouvoir. Passé la surprise de la retrouver là, Cellendhyl est vite préoccupée par sa mission qui tourne mal. Démasqués, lui et son équipe ont juste le temps d'emporter un Khémal très mal en point dans leur fuite sur un autre plan. Mais, Valkyr est un lieu dangereux et sans échappatoire qui pourrait leur valoir de voir les mâchoire du piège se refermer sur eux. 

Belle de Mort

Alors que sa relation avec Estrée d'Eodh prend un tournant sentimental, Cellendhyl est contraint de la quitter pour accomplir une nouvelle mission de Morion. En effet, quelque chose se trame dans le royaume de la Lumière et le prince des apparences veut en apprendre plus à ce sujet, quitte à en retirer quelques avantages. Cellendhyl parti, Estrée est, quant à elle, rappelée à l'ordre par Léprin afin qu'elle n'oublie pas le marché conclu avec le Père de la Douleur. Or, justement, l'heure des comptes a sonné et elle est sommée de révéler l'emplacement exact de la citadelle du Chaos afin que les Ténèbres puissent lancer leur invasion minutieusement préparée. Au bord de l'abyme, comment Cellendhyl et Estrée vont-ils se sortir de cette situation qui semble sans issue ? 
Avec ce cinquième tome, Michel Robert marque un tournant dans son cycle. Révélations et rebondissements s'enchaînent avec une belle virtuosité. 

Au-delà de son personnage emblématique de Cellendhyl de Cortavar qui a laissé son empreinte indélébile dans le paysage littéraire de fantasy, Michel Robert a également donné à son cycle d'autres personnalités notables. 

En effet, il dresse, notamment, le portrait de belles héroïnes, à l'image d'Estrée d'Eodh qui va vite devenir le pendant féminin de Cellendhyl. Éblouissante à plus d'un titre, nul ne résiste aux charmes incontestées de la belle héritière du Chaos, pas même notre si sérieux agent des Ombres. Mais quelle incroyable héroïne qu'est Estrée. On la croit juste droguées à diverses poudres et au stupre, dérive facile pour la cadette d'un puissant mais elle est plus complexe que cela. Elle dissimule en réalités de nombreux secrets autant pour les protagonistes qui l'entourent que pour les lecteurs de cette saga. Envoûtante et surprenante, avec elle, on passe par toutes les surprises car on se laisse berné par ce joli minois que l'on pourrait croire crédule ou simplement dépassé par les événements. Que nenni mes chers lecteurs car avec Estrée, Michel Robert ne nous dévoile son jeu que par parcimonie. Alors attendez-vous au meilleur comme au pire. 

En outre, elle donne l'occasion à l'auteur d'ajouter une dimension plus sensuelle, voire charnelle à ses romans. Plus qu'un récit d'aventures coup de poing, des sentiments se mêlent ainsi au texte pour ménager quelques moments de pauses bienvenus à l'action menée ici tambour battant. Des passages qui nous apparaissent finalement comme des respirations avant de replonger dans le tumulte des combats. 

L'Ange du Chaos nous conte donc le destin de Cellendhyl de Cortavar, oscillant entre vengeance et rédemption, et qui s'écrit dans le sang et les coups. Il faut dire que par l'entremise de son maître Morion, il se retrouve perpétuellement au cœur des complots ourdis ici ou là. C'est l'autre grande facette de la saga de Michel Robert : cette multitude de cabales qui se trament sur tous les plans, et que Cellendhyl tente de percer à jour. Les luttes de pouvoir et la guerre d'influence règnent en maître dans ce cycle. Cellendhyl en fait régulièrement les frais car pris pour cible, il doit souvent déjouer des tentatives d'assassinats. Cela rend ce texte tourbillonnant et captivant où l'on assiste à de nombreuses passes d'armes. L'écriture de Michel Robert est si visuelle que les scènes de combats pourraient être parfaitement adaptées au cinéma.

Bien que ce deuxième volume soit un véritable pavé de 780 pages, on ne s'ennuie pas un seul instant dans la lecture de cet intégrale qui mêle brillamment action, sexe et machinations. 

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur l'Intégrale 1

Michel Robert
L'Ange du Chaos
Tomes 4 et 5
Intégrale 2
9-782-2-66307-994
780 pages
Editions Pocket Imaginaire

13/06/2021

Floriane Impala nous parle de...

Floriane Impala

A l'occasion de la sortie de La Brigade du Surnaturel, récemment paru dans la collection Naos des éditions ActuSF, j'ai eu envie d'en savoir un peu plus sur Floriane Impala. Ayant eu un gros coup de cœur pour son roman, c'est tout naturellement que je lui laisse la parole sur Fantasy à la Carte. Si vous n'avez pas encore eu vent de cette petite pépite, foncez immédiatement chez votre dealer de livres. 

Fantasy à la Carte : Pourriez-vous  vous  présenter en quelques mots ?

Floriane Impala : La première chose que vous devez savoir, c’est que je suis une licorne.

La seconde, que même lorsque j’aurais 90 ans, je regarderai toujours avec mon âme d’enfant, les Disney et Miraculous.

La troisième, mais non pas des moindres, mon plus grand plaisir dans la vie : le cliffhanger.

Fantasy à la Carte : Comment en êtes-vous venu à l’écriture ? Avez-vous  toujours voulu être autrice ? Ou est-ce venu plus tard ?

Floriane Impala : Je suis tombée dedans quand j’étais petite. Fort ! Je me suis cogné la tête dans le fond et depuis je rêve de dragons, de vampires, d’elfes et d’une pléiade d’autres créatures fantastiques toutes plus étranges les unes que les autres. Elles ne sont jamais reparties et me tiennent encore compagnie lorsque j’écris aujourd’hui.

Je crois que j’ai commencé à écrire avant même de vraiment m’être mise à la lecture. Mon premier travail « d'autrice » me vient de la primaire, à 8 ans, lorsqu’il a fallu que j’écrive une courte histoire pour le journal de l’école. J’étais fière d’avoir été choisie. Il fallait me voir : un vrai petit paon. Du coup, j’y ai mis tout mon cœur de petite fille et tout mon art. Cette courte nouvelle parlait de prince, de princesse, d’un amour infini, d’une mort tragique et de deux pommiers qui s’enlacent sur les corps de mes héros. Je l’ai retrouvée puis relue, il y a quelques années et franchement, c’était catastrophiquement génial.

Fantasy à la Carte : Pourquoi avoir choisi d’écrire de l’Imaginaire ?

Floriane Impala : Parce que le quotidien m’ennuie. Oups !
On est d’accord… une enquête policière c’est bien, mais un meurtrier surnaturel, c’est mieux.

Fantasy à la Carte : Concernant La Brigade duSurnaturel, comment est né ce roman ? Combien de temps pour l’écrire ?

Floriane Impala : La Brigade du Surnaturel est né il y a environ trois ans, dans le cadre d'un concours sur wattpad (le fameux site d'écriture qui m'a permis de signer chez ActuSF). Nous autres candidats, nous devions écrire un texte de moins de 15 000 caractères espaces compris. Moi et ma folie de la description détaillée, on était déjà moyennement rassurées… Mais tout s’est bien déroulé (à 10 caractères près) et j’ai pu le poster sur la plateforme. Le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne m’attendais pas à cet accueil. Mes lecteurs, qui me suivaient déjà sur La PIERRE de SANG, mon roman de High fantasy, sont arrivés avec leurs fourches et leurs panneaux de protestation et m’ont (gentiment) demandé une suite. Comment refuser ?
La Pierre de Sang de Floriane Impala, éditions Sudarène

Pour entrer dans les détails, j’ai mis un peu moins de deux ans à écrire La BMS (j’aime procrastiner) et Stéphanie, mon éditrice, nous a ajouté une année de corrections éditoriales, de travail de fond, de réécriture, de changement de narration de TOUT le roman… Stéphanie, c’est mon Satan Vaderet personnel. :D

Fantasy à la Carte : Avez-vous connu des moments difficiles dans l’écriture, et notamment des scènes difficiles à relater ? Si oui, lesquelles ?

Floriane Impala : Je crois qu’il y a toujours des moments… difficiles, je ne sais pas, mais moins prolifiques. La page blanche peut frapper à n’importe quel instant. La perte de motivation également. C’est pour cette raison que j’ai décidé de m’inscrire sur wattpad en premier lieu. J’avais besoin de faire lire ce que j’écrivais depuis des années. J’avais besoin de sentir que quelqu’un dans l’univers était intéressé par mes élucubrations et mes gribouillis. Wattpad m’a permis de finir mes deux romans et de les faire publier. Ça a été une chance et un tremplin merveilleux pour moi. Chapitre après chapitre, recevoir les retours de lecteurs, ça n’avait pas de prix. Dès les premiers commentaires, je voulais me remettre immédiatement à la suite.

Je n’ai pas eu l’impression d’avoir des scènes plus difficiles à écrire, que ce soit de la baston pure ou des scènes de sexe. Ce qui était le plus laborieux, c’était de garder en mémoire la psyché de mes personnages. Que voulaient-ils ? Ou voulaient-ils aller ? J’ai tendance à m’éparpiller quand j’écris, du coup, mes personnages aussi.

Fantasy à la Carte : Était-ce une volonté de départ de mélanger les genres ou l’idée a-t-elle germé au fil de l’écriture ?

Floriane Impala : Dès ce fameux premier chapitre, je voulais faire évoluer mes personnages dans un monde où le surnaturel – ou la magie du moins – serait reconnu. J’ai a.do.ré la série littéraire de Charlaine Harris, La communauté du sud (True Blood) lorsque les vampires font leur coming out et que la société est obligée de s’adapter en conséquence. J’avais envie d’imaginer le XXIe siècle avec une touche de merveilleux. Même si le merveilleux en question est une pandémie magique.

10/06/2021

Marina & Sergueï Diatchenko, Numérique, tome 2, Les Métamorphoses, éditions L'Atalante

Marina & Sergueï Diatchenko, Numérique, tome 2, 
Les Métamorphoses, éditions L'Atalante

Alors que Vita Nostra a raflé tous les prix en 2020 (Grand Prix de l'Imaginaire, prix Imaginales, prix Elbakin et prix Planète SF des blogueurs), les éditions L'Atalante viennent tout juste d'éditer le second volet de ce triptyque. Une sortie très attendue qui devrait également fortement marquer le paysage littéraire de 2021. 

Reçu en service de presse, je remercie à nouveau Emma et les éditions L'Atalante pour leur confiance renouvelée. 

Dans Numérique, Marina & Sergueï Diatchenko nous attachent à un certain Arsène Snegov, un adolescent âgé de 14 ans qui, à l'image de sa génération, ne vibre que par les jeux vidéo. Complètement obnubilé par son monde virtuel, il délaisse les cours pour se consacrer exclusivement à sa passion. Tout bascule le jour où ses parents décident brutalement de le couper de son addiction. Privé d'ordinateur, il s'enfuit pour aller jouer en réseau ailleurs. C'est à ce moment qu'il fait la connaissance d'un certain Maxime qui lui fait l'incroyable proposition de l'engager pour devenir testeur de jeux vidéo. L'aubaine est trop belle pour refuser mais il aurait dû savoir qu'il y a un prix à payer à toute chose. Alors sera-t-il capable d'assumer toutes les conséquences de son choix ? 

Avec Numérique, les auteurs poursuivent leurs explorations de cette thématique des métamorphoses initiée dans Vita Nostra. Aussi, ce volet n'est donc pas une suite directe mais une nouvelle interprétation du roman d'apprentissage. Ainsi, ils mettent en scène ici un jeune homme en pleine quête d'identité comme l'était Sacha dans le premier volet. En revanche, cette quête ne se déroule pas dans l'enceinte d'une école car Arsène est un électron libre, déscolarisé qui s'enferme dans les jeux vidéo pour se forger une identité et une personnalité toute autre. Encadré par l'étrange Maxime qui lui sert à la fois de mentor, de protecteur et de grand frère, Arsène va doucement se métamorphoser en naviguant en eaux troubles où le réel se confond bien souvent avec le rêve. 

Numérique s'inscrit dans un Saint-Pétersbourg dystopique où la technologie s'est fortement développée, à l'insu de tous, excepté pour une poignée d'initiés. Par l'intermédiaire de leur récit, Sergueï & Marina Diatchenko pointent du doigt notre société moderne hyper-connectée et hautement surveillée dans laquelle les humains sont vissés à leur écran. Ils en sortent complètement déconnectés du réel et vivent dans un monde finalement très artificiel. Les interactions sociales disparaissent ou ne se font plus que par écran interposé. Pour preuve, quand on s'intéresse de près au fonctionnement du noyau familial d'Arsène. Au début du roman, on découvre des parents inquiets de voir leur fils accro aux jeux au point de sécher les cours. Mais parallèlement, ils n'ont aucun recul sur leurs propres agissements puisque l'on a d'un côté, la mère accrochée à sa tablette pour mater en boucle des blogs et de l'autre côté, le père qui lui, a, les yeux rivés sur l'écran de la télévision pour suivre les informations en continu. Ils ne perçoivent donc pas l'image qu'ils renvoient à leur fils ainsi que leur part de responsabilités dans les actes de ce dernier. Englués dans ce flux d'informations, ils perdent peu à peu le sens des priorités. Ainsi, les relations intrafamiliales se dégradent, les parents s'éloignent, des conflits éclatent et un inéluctable détachement s'installe progressivement.

L'addiction prend bien des formes et n'épargne personne. En s'imposant dans notre quotidien comme indispensables, les outils modernes prennent finalement peu à peu le contrôle de notre vie et sur notre manière de penser. 

Justement dans ce roman, les auteurs questionnent beaucoup sur la place de la manipulation et de l'influence dans la société. Ce sont d'ailleurs des techniques très utilisées en marketing publicitaire pour donner l'envie et créer le besoin chez le consommateur afin d'augmenter les ventes de tel ou tel produit. Mais qu'en est-il quand ces mêmes procédés sont utilisés pour influencer l'opinion publique sur des sujets fondamentaux ? 

A travers leurs deux personnages principaux, les auteurs abordent cette question de la manipulation en commençant par celle utilisée consciemment ou inconsciemment par Arsène qui en use notamment dans le jeu. C'est la raison pour laquelle il est remarqué et approché par Maxime qui voit en lui un parfait sujet d'étude et un outil-clé pour accomplir ses desseins. En outre, il lui fait ainsi prendre conscience de l'omniprésence de l'influence car elle est utilisée partout et par tous. 

A travers ce nouveau regard qu'il pose sur son environnement, on découvre le monde de faux-semblants qui nous entoure. A force de se plonger dans le virtuel, l'humanité perd pied et de fait, se coupe de ce qui fait son essence. Avec Numérique, Marina & Sergueï Diatchenko signent un roman noir glaçant qui nous fait très vite perdre pied pour nous projeter dans une réalité loin d'être absurde. En effet, avec le numérique qui dicte progressivement notre quotidien, les auteurs s'interrogent finalement dans ce roman sur la place actuelle de l'humanité. A l'heure où l'on parle beaucoup de transhumanisme, est ce que celui-ci ne passerait justement pas par ce que ce livre énonce ? 

Numérique est donc un récit aussi intrigant qu'il est dérangeant pour le questionnement qu'il pose et l'avenir qu'il suggère. 

Le duo formé par Arsène et Maxime contribue à nous ancrer davantage dans l'histoire. Que ce soit l'adolescent rebelle ou l'énigmatique et secret adulte, leur relation conflictuelle et chaotique émaille ce texte d'un intérêt sans cesse renouvelé. Tout au long de ce livre, on reste captivés par leur personnalité qui s'entrechoquent régulièrement. Que ce soient les réactions ou les découvertes d'Arsène ou bien les non-dits et les mensonges de Maxime, on ne sait pas exactement où l'on va et on s'attend même au pire au prochain chapitre. 

Les auteurs se sont beaucoup amusés à brouiller les pistes avec ces personnages pour nous laisser volontairement dans le flou et nous tenir en haleine jusqu'au bout. 

Personnellement, je trouve que ce tome 2 est plus facile d'accès que le premier. L'histoire est prenante et est écrit avec une grande fluidité. Les plumes de Marina & Sergueï Diatchenko se mêlent encore une fois très harmonieusement pour nous écrire une récit bien ficelé. 

Avec Numérique, les auteurs ukrainiens frappent fort une nouvelle fois en nous offrant un récit captivant qui va faire grand bruit.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur Vita Nostra, et sur la blogosphère, la chronique d'Elbakin

Informations

Marine & Sergueï Diatchenko
Numérique
Tome 2
Les Métamorphoses
9-791036-0007768
416 pages
Editions L'Atalante

05/06/2021

Tad Williams, La Légende du Noble Chat Piste-Fouet, éditions Mnémos

Tad Willians, La Légende du Noble Chat Piste-Fouet, éditions Mnémos

Avant de connaître le succès avec son cycle, L'Arcane des Épées, Tad Williams s'est essayé à l'animal fantasy avec son premier roman, intitulé La Légende du Noble Chat Piste-Fouet.

Je profite de sa réédition aux éditions Mnémos pour vous en parler et remercie Estelle Hamelin pour ce nouveau partenariat. 

Je ne vous cache que ce ne fut pas une lecture facile et pour cause, lire un roman mettant les chats à l'honneur quand on a deux chiens à la maison, c'est risqué, à tout moment, de voir le livre être mis en pièces. Heureusement avec un peu de ruse, on arrive à tout. 

Dans La Légende du Noble Chat Piste-Fouet, on file le train à un jeune chat, prénommé Fritti Piste-Fouet qui, du jour au lendemain, doit quitter le refuge du Vieux-Bois pour s'engager dans des chemins inconnus. Mais a-t-il un autre choix ? Quand sa bonne amie Patte-Feutrée disparaît et dont le sort n'inquiète personne, lui seul est à même de se rendre à la cour d'Harar signalé sa disparition et trouver de l'aide auprès de ceux qui savent. Ainsi, commence l'histoire du célèbre chat, Piste-Fouet. 

Comme le titre l'indique, on ne s'étonne donc pas de lire dans ce roman une histoire de chats. En effet, Tad Williams a imaginé une société féline dans laquelle l'homme n'a qu'un rôle mineur, relayé au rang de serviteur, bon à fournir un abri et une gamelle quand la chasse est mauvaise. Pour preuve ici, il y est que très brièvement mentionné. Ainsi, à travers le regard de Fritti Piste-Fouet, on découvre une société féline structurée et hiérarchisée avec à sa tête une reine et un prince consort, que les chats peuvent consulter en cas de litiges et/ou pour recevoir un conseil. Les chats se partagent le territoire par clans mais aiment se retrouver à des moments-clés du mois lors d'assemblées afin d'échanger des histoires et des contes. Ils ont une culture orale très marquée et se transmettent les légendes de leur Peuple lors des veillées en les chantant. Ainsi, ce texte dégage un bel esthétisme poétique à travers ces fameux chants disséminés au fil des pages pour nous faire découvrir les plus grandes épopées de ce Peuple. 

De plus, leur vie est cadrée par des rituels de passage marquant des moments importants. Ainsi, la cérémonie d'imposition du nom y est fondamentale. C'est pourquoi, chaque chat dispose d'un nom de cœur donné par leur mère à la naissance et connu que des proches, ainsi que d'un nom de visage, choisi par les Anciens lors de la première assemblée. Alors que le premier est tiré de la langue ancienne du Haut-chant, le second, lui, provient du Chant-commun et est utilisé partout et par tous. 

Mais La Légende du Noble Chat Piste-Fouet est aussi un roman d'action où le danger menace tout du long ces boules de poils. En effet, de sombres créatures rôdent et enlèvent les chatons et les jeunes chats. D'ailleurs, pris en chasse par plusieurs d'entre elles, Piste-Fouet sera très longtemps bien incapable d'en faire une description précise. Bien souvent submergé par la peur, la fuite sera son salut jusqu'à ce qu'elle ne soit plus possible. Voilà qui teinte ce texte de quelques notes horrifiques où plane l'ombre du mal.

Comme souvent en littérature fantasy, la lutte entre le Bien et le Mal se dessine également ici, à travers ces félins dégénérescents que Fritti  va devoir affronter pour tenter de libérer son Peuple de leur joug et sauver, si possible, sa bien-aimée. Ainsi, Fritti Piste-Fouet arbore ici une âme chevaleresque même si sa nature de chat revient souvent au galop. On ne se refait pas. Alors comme ses congénères, il arrive qu'il se laisse emporter par ses instincts de chasseur et en oublie le but de sa quête mais - rassurez-vous - jamais pour très longtemps. Ainsi, on découvre en Fritti, un héros courageux, un brin têtu et débrouillard malgré lui. A l'image de ses pairs, on retrouve bien toutes ces caractéristiques félines que les familiers des chats reconnaîtront sans peine. Pour l'accompagner dans sa périlleuse mission, l'auteur lui a adjoint un chaton du nom de Bond-Vif qui lui vaut une vénération sans bornes. 

Bien entendu, ce duo nous apparaît bien improbable pour affronter les méchants mais c'est justement tout l'intérêt de ce livre. C'est également un récit d'apprentissage dans lequel l'auteur explore la quête d'identité. 

Avec ce récit, Tad Williams signe un bel hommage à cette noble espèce qui sait toujours tenir la dragée haute à son entourage, y compris aux humains car ne dit-on pas des propriétaires de chats qu'ils habitent chez leurs compagnons à poils et non l'inverse. 

La Légende du Noble Chat Piste-Fouet revisite sous un angle d'originalité les codes de la fantasy. Même si l'on retrouve parfois le chat dans des récits du genre, j'en connais personnellement aucun qui lui soit exclusivement consacré comme c'est le cas ici. Si ce n'est le célèbre cycle des Chroniques de Narnia de C.S. Lewis, peu d'auteurs ont d'ailleurs franchi le pas d'écrire de la fantasy animalière. 

Ce livre nous apparaît d'autant plus précieux, un classique du genre que l'on découvre ou redécouvre grâce aux éditions Mnémos. Rafraîchissant ! 

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, la critique du site Elbakin

Tad Williams
La Légende du Noble Chat Piste-Fouet
978-2-35408-906-1
368 pages
Editions Mnémos

01/06/2021

Floriane Impala, La Brigade du Surnaturel, collection Naos, éditions ActuSF

Floriane Imapala, La Brigade du Surnaturel, éditions ActuSF

Avec La Brigade du Surnaturel, Floriane Impala fait une entrée tonitruante au catalogue de Naos. Du haut de ses 600 pages, La Brigade du Surnaturel est le genre de roman que l'on n'a pas envie de lâcher et que l'on referme avec un gros pincement au cœur. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent pour l'envoi de ce service de presse. 

Inspectrice à la BMS (Brigade de la Magie et du Surnaturel), Claire Defontaine traque et élimine les humains contaminés par la magie. En effet, depuis trois ans sévit une pandémie qui infecte les humains d'une magie instable qui les consume faisant d'eux de véritables bombes humaines. Alors que sa dernière intervention connait un dénouement mortel, Claire est sommée de faire équipe avec un incube pour résoudre une enquête top secrète concernant la communauté des surnaturels. Louvoyer dans ce monde inconnu promet de lui compliquer la tâche sans compter les dangers encourus mais a-t-elle un autre choix ? 

La Brigade du Surnaturel cumule toutes les qualités d'un roman coup de cœur. C'est une oeuvre à tiroirs qui mêle harmonieusement l'enquête policière à la fantasy tout en revisitant les mythologies.

La Brigade du Surnaturel s'enorgueillit donc d'un univers fantasy très travaillé. En effet, Floriane Impala y interpose notre monde à celui des Limbes où se croisent démons, anges et dieux. Par le truchement de son enquête, Claire découvre ce monde parallèle dont elle soupçonnait déjà l'existence depuis le suicide de son père. Missionnée par le diable en personne, elle est chargée d'élucider un crime sanglant qui a entraîné la mort violente d'une puissante succube et de plusieurs de ses clients humains. Au fil des rencontres surnaturelles que fait Claire, l'autrice lève le voile sur les Limbes, royaume miroir au nôtre, très hiérarchisé où chaque divinité se dispute le pouvoir. C'est dans ce nid de vipères que l'inspectrice met les pieds sans savoir que des jeux de pouvoir sont à l'oeuvre et tout y est faux-semblant. Ici, les mythologies se télescopent et on ne s'étonne donc pas de voir le panthéon nordique côtoyer, par exemple, celui de la Grèce antique. Floriane Impala s'est réappropriée avec beaucoup d'habileté ces mythologies pour nous immerger dans une intrigue dont les fils sont tirés par les déités les plus rusées. Ni blanc, ni noir, on foule un territoire inconnu où les résidents sont habités par les mêmes sentiments et passions que les humains. Tout y est juste plus exacerbé. Dans son roman, Floriane Impala joue finement avec ces mythes et les codes du polar pour nous dessiner un univers finalement très crédible auquel on adhère complètement. 

Adossé à cet univers solide, on apprécie le duo qu'elle met en scène car il donne à ce récit toute sa dynamique. En jouant d'emblée sur leurs antagonismes, l'autrice donne le ton à son texte en nous promettant de savoureux moments. Et pour cause, Claire Defontaine et Keziah sont, de prime abord, aux antipodes l'un de l'autre. Lui est un irrésistible immortel qui, par sa nature d'incube, dégage une puissante aura de séduction alors qu'elle est surtout obnubilée par son travail, fermée à toute forme de relation sérieuse ou non. Mais contrairement à ce que vous êtes en train d'imaginer, Floriane Impala n'a pas cédé à la facilité dans l’évolution potentiellement prévisible de leur relation. Contraints de collaborer, ils vont, bien entendu, apprendre à se connaître mais aussi et surtout se découvrir eux-même. Même si plane un parfum de "je t'aime, moi non plus" au-dessus d'eux, même s'il y a parfois une petite jalousie qui s'installe entre eux, leur relation va surtout emprunter des chemins inattendus. 

Si, au premier abord, on perçoit Claire surtout comme une femme froide, elle cache en réalité sous sa carapace une personnalité plus complexe que cela. Nourrie par des drames personnels, sa personnalité est surtout faite de force et de faiblesse qui s'affrontent en permanence. C'est une vraie héroïne badass qui dégaine son arme à tout bout de champ car elle est plutôt du genre à tirer avant de parler. Après tout, c'est aussi ce qui fait son charme. A ses côtés, Kesiah est un séducteur, sûr de ses atouts. Sa rencontre avec Claire va vite le décontenancer et pour cause, elle lui résiste. Énigme l'un pour l'autre, au fil de l'enquête, ils vont apprendre à se connaître et nous révéler, par la même occasion, des pans insoupçonnés de leur personnalité. Je dois reconnaître qu'on craque franchement pour ces deux héros qui nous offrent sur un plateau une aventure fort captivante. 

Le style de l'autrice y est aussi pour quelque chose. Il faut dire que ses premières lignes nous mettent directement dans le bain avec une inspectrice sur les nerfs qui tire sans sommation sur Kesiah alors même que la pièce dans laquelle les deux protagonistes se trouvent est plongée dans le noir.

Ainsi, on prend de suite, la mesure de l'aventure "rock'n'roll" que nous promet l'autrice.

Avec La Brigade du Surnaturel, j'ai découvert une nouvelle signature de l'Imaginaire et le moins que je puisse dire, c'est que l'alchimie a pris de suite car c'est un énorme coup de cœur !

C'est un roman si vivant, vibrant et captivant que j'espère juste y replonger bientôt. 

Fantasy à la Carte

Floriane Impala
La Brigade du Surnaturel
Collection Naos
978-2-37686-357-1
608 pages
Editions ActuSF