L'influence du "gaming" à la littérature

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29/03/2019

Chantal Robillard, Dimension Fées, anthologie, éditions Rivière Blanche

Il y a quelques semaines, Fantasy à la carte vous offrait un intermède en Brocéliande. Haut lieu de féerie et de fantasy, revu et corrigé par une vingtaine d'auteurs à travers de courts textes, remplis de rêveries et rassemblés à l'occasion de la sortie du recueil, Dimension Brocéliande

Or, parmi toutes les créatures oniriques qui peuplent des lieux aussi merveilleux que la forêt de Brocéliande, il existe une communauté d'êtres, volontiers décrits comme enchanteresses, que l'on s'accorde tous à qualifier de fées. Et justement en 2016, les éditions Rivière Blanche leur ont consacré une très belle anthologie dans laquelle 26 auteurs, conteurs, poètes et même elficologue se sont donnés rendez-vous pour nous exposer leur propre représentation de la fée. Mais tout abord, je tiens à remercier Philippe Ward pour ce partenariat qui m'a offert une lecture toute en émerveillement. 

Voici une anthologie qui surprend autant qu'elle envoûte devant l'ensemble de ces conceptions différentes de la fée qui oscillent entre lumière et obscurité. 

Qu'on se le dise, il n'y a pas que des bonnes fées, à l'image des Blondines d'Hervé Thiry-Duval. Notons qu'avec leurs dents longues, on se doute bien que cela cache une certaine cruauté. Si belles et si fatales surtout pour ce benêt de Florentin qui, en cédant aux sirènes de ces Jézabel, a poussé sa fiancée au désespoir, enfin jusqu'à ce que ces dernières lui jouent un tour plus pendable encore. 

La facétie des fées est notoire qu'importe qu'elles vivent en Ecosse ou à Prague, d'ailleurs.  L'héroïne de Claudine Glot va en faire les frais dans "A Fair Revenge". Même si elle a consacré sa vie à prouver leur existence, elle n'y croit guère elle-même. Même quand elle épouse Alistair Glenvein, troisième lord Aviemore qui était, lui, pourtant convaincu de l'existence du petit peuple, elle n'y croit toujours pas. Il lui faudra regagner les terres bretonnes pour que la réalité lui éclate au visage au risque d'en payer le prix fort. 

Il est clair que les fées enchantent l'imaginaire populaire depuis bien longtemps. La voici toujours à la mode, toujours si mystérieuse, toujours envoûtante comme la belle Nixia de Pierre Bordage, une fée des stations d'épuration qui n'a pourtant rien de nauséabond. Croyez-moi ! 

Elles ont bercé notre enfance comme celle de Jacques Lovichi qui dans "Carabosse, la véritable histoire", compte bien nous révéler les vérités que Charles Perrault nous a cachées.

Tantôt démone, tantôt ange-gardien, la fée semble source d'inspiration inépuisable qui conduit même certains à pousser la chansonnette. Et ce n'est pas Henri Etienne Dayssol qui nous contredira car elles lui ont inspiré "A tant rêver", poème hommage aux princesses désenchantées. 

Aucun doute sur l'accueil réservé à cette anthologie. les nouvelles y sont toutes plus divertissantes les unes que les autres. 

La performance de ces auteurs entend aussi réveiller un imaginaire collectif merveilleux et prendre la mesure de ce qui nous entoure. En effet, la figure de la fée peut prendre bien des formes, elle semble plus proche de nous que l'on veut bien croire. Il suffit juste d'ouvrir l’œil ! 

Fantasy à la carte

Chantal Robillard
Dimension Fées
Anthologie
Editions Rivière Blanche

Lire aussi Dimension Brocéliande de Claudine Glot et Chantal Robillard, éditions Rivière Blanche. 

25/03/2019

Guillaume Coulaty, Pirates des Trois Mers, La Guerre des Maisons, tome 1, Les Presses Littéraires

Parmi les nouvelles plumes de fantasy française, laissez-moi vous présenter Guillaume Coulaty qui signe avec Pirates des Trois Mers, un premier récit bien rythmé.

Nourri par ses lectures, qu'elles soient classiques ou davantage tournées vers l'Imaginaire, il a eu envie de s'atteler lui aussi à l'écriture d'un roman d'aventure teinté de fantasy car, comme il le dit lui-même dans une interview, c'est ce genre qui lui sied le mieux. 

Comme son titre l'indique, Pirates des Trois Mers nous plonge dans l'univers de la piraterie. Thématique fascinante à plus d'un titre qui en a inspiré plus d'un, telle Robin Hobb dans sa célèbre saga des Aventuriers de la Mer. Le monde des flibustiers est synonyme de voyage, de découverte et d'affrontements. C'est donc un terrain de jeu idéal pour les auteurs du genre. 

Pirates des Trois Mers est un roman qui nous est conté à deux voix. D'un chapitre à l'autre, Guillaume Coulaty nous attache tantôt aux pas de Kaplesh, un ancien militaire devenu pirate, tantôt à ceux de sa jeune sœur C'Leenë qui tente de s'affranchir de l'autorité parentale. Deux héros qui évoluent dans l'univers impitoyable du Fertoslhon dans lequel les plus faibles n'ont pas leur place. 


"Je m'appelle Kaplesh, de la famille Farge. Je suis un pirate !"

Militaire émérite, Kaplesh quitte précipitamment l'armée pour s'enrôler sur un navire et partir à l'aventure comme pirate. Pour fuir les jeux de pouvoirs des plus puissantes maisons du Fertoslhon mais aussi pour s'éloigner de la cruauté de sa mère, Kaplesh compte bien se forger une réputation afin de revenir plus fort que jamais et prendre ainsi la tête de la maison Farge. Mais lorsqu'il échappe miraculeusement à une tentative d'assassinat, il comprend bien vite qu'un contrat a été mis sur sa tête et que l'exécuteur se trouve parmi ses équipiers. Il lui faudra être le plus malin pour le ou les démasquer et sauver ainsi sa peau. Un vent de rébellion souffle sur la maison Farge car C'Leenë n'aura de cesse également de mettre tout en oeuvre pour rejoindre son frère. Seulement face à la dureté et à la froideur de ses parents qui n'hésiteront pas à employer les grands moyens, sera-t-elle toujours aussi résolue pour mettre ses plans à exécution ? 

Pirates des Trois Mers est un récit fluide et entraînant. Finalement, on rencontre peu de romans de fantasy mettant le pirate à l'honneur : raison pour laquelle celui de Guillaume Coulaty est le bienvenu. Ici, il insère son intrigue dans un univers qu'il a volontairement voulu dur et hostile. Sans doute un clin d’œil à G.R.R. Martin dont la lecture du Trône de Fer l'a apparemment fortement marqué au point de reprendre cette idée de puissantes familles qui s'affrontent dans une guerre pour le pouvoir. Là aussi, pas de quartier et tous les coups sont permis. Les meurtres, les rapts, et la dissimulation sont les moyens nécessaires pour asseoir sa position. Des ingrédients qui ont largement fait leurs preuves pour leur efficacité et qui, ici, apportent leur lot de plaisir pour la lecture d'un livre chargé de lourds secrets. 
Guillaume Coulaty mêle des peuples imaginaires aux humains pour apporter sa touche de magie. 

Ses personnages arborent tous une part d'ombre et de mystère dont il a délibérément forcé le trait. Le but étant de mettre en valeur des personnages complexes dont on ignore les réels desseins.

Pour son premier roman, Guillaume Coulaty a bien assuré en nous offrant une escale dans son univers riche et tortueux. Une première incursion qui donne envie de lever à nouveau l'ancre du Morgan pour vivre de nouvelles aventures. Merci à lui pour son intérêt pour Fantasy à la carte et pour ce partenariat. 

Fantasy à la carte

Guillaume Coulaty
Pirates des Trois Mers
La Guerre des Maisons
Tome 1
Les Presses Littéraires 

22/03/2019

Le Point sur Game of Thrones

Avant de savoir qui des Marcheurs Blancs ou des quelques derniers prétendants au Trône de Fer va triompher, le Point Pop vient de sortir un hors-série spécial Game of Thrones

Amuse-gueule pour les fans qui vient nous donner quelques pistes expliquant le succès de cette série phénomène. Pourquoi GOT attire toujours plus de spectateurs ? Tout abord, son auteur G.R.R. Martin s'est affranchi du traditionnel merveilleux propre aux récits de fantasy à l'image du Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien. En effet, en éliminant ses personnages les uns après les autres, il aiguise la curiosité. La série nous offre des scènes chocs au fil des saisons au point de perturber le spectateur qui ne s'y attend pas. Les showrunners ont misé sur le spectaculaire et le résultat est juste bluffant. Le Point Pop revient justement sur ces scènes marquantes qui ont fait le succès de la série, à commencer par la décapitation de Ned Stark. Elle donne immédiatement le ton général de cette production : les gentils seront sacrifiés. 

Un numéro qui revient sur les influences que G.R.R. Martin a utilisé pour nourrir son récit. Ainsi, l'épisode des "Noces pourpres" peut faire référence à de nombreux moments critiques de l'Histoire comme le "Black Dinner" de 1440 lorsque après la mort du roi Jacques Ier d'Ecosse, le prétendant au trône William Crichton s'est débarrassé de ses rivaux en les invitant à dîner au château d’Édimbourg. Clairement l'Histoire a inspiré l'auteur mais aussi certaines figures historiques comme Nicolas Machiavel qui nous rappelle les intrigants Petyr Baelish et lord Varys, les deux fameuses éminences grises de la série qui agissent dans l'ombre du pouvoir pour servir leurs ambitions. Les héros de G.R.R. Martin sont nombreux. Il y a donc de quoi contenter les lecteurs ou les spectateurs du reste. A travers eux, il explore la nature humaine dans ce qu'elle peut révéler de pire. 


Si on ajoute à cela un gros budget pour financer les scènes d'action qui vient donner de la crédibilité à l'ensemble, vous comprenez vite pourquoi elle est si addictive. 

Ce Point Pop est une mine d'informations sur cette série. Petits détails ou grosses révélations, il permet de se replonger avant l'heure dans l'univers impitoyable d'une série qui aura marqué son époque. Pour le final, rendez-vous le 14 avril. 
Fantasy à la carte

Game of Thrones
Mythes et origines
Point Pop
hors-série

18/03/2019

Estelle Faye, Les Révoltés de Bohen, éditions Critic

2019 célèbre les 10 ans des éditions Critic. Fier de compter déjà 100 titres à son catalogue, cet éditeur nous a moult fois fait rêver, voyager et même oublier quelques instants notre quotidien pour vivre de grandes aventures littéraires. 

Que l'on suive un duo de héros mercenaires étonnants dans Des sorciers et des hommes de Thomas Geha, qu'on lise un récit engagé qui nous prend aux tripes avec Olangar de Clément Bouhélier ou que l'on se laisse bercer par les ritournelles du ménestrel Bertram, le héros de Camille Boulanger, Critic a toujours un récit qui vient contenter notre appétit de lecteur passionné. 

De belles sorties sont encore à prévoir cette année, parmi lesquelles on peut citer Estelle Faye qui revient avec un nouveau roman issu de son univers de Bohen. D'abord connue pour ses nouvelles, cette plume de fantasy française est tout autant à l'aise avec des récits plus longs. Pour preuve ce cycle composé pour le moment de deux tomes: Les Seigneurs de Bohen et Les Révoltés de Bohen

En 2018, Fantasy à la carte avait été subjugué par ce récit de la fin d'un empire appelant à un renouveau, conté à travers les destins d'une poignée de héros.

"Le retour des héros" 

Les Révoltés de Bohen prend la suite de cette incroyable saga. Quinze ans se sont écoulés depuis la fin de l'empire et pourtant tout est à refaire. Un tyran a laissé la place à un autre. Même si les cartes ont été redistribuées, Bohen et son peuple courent encore un grave danger. Les héros d'hier vont devoir reprendre du service côte à côte avec ceux d'aujourd'hui. Une nouvelle révolution est en marche avec à sa tête Andreï et Sigalit, la Voix de Bohen décidés à rallier un maximum de partisans pour renverser celui que l'on appelle l'Usurpateur. Ce dernier a profité du chaos ambiant pour s'emparer du pouvoir avec le soutien de la princesse Yule (fille aînée de empereur). Derrière ce nom se cache un esprit ancien Wurm que l'on nomme l'Autre et qui s'est approprié le corps de Sainte-Etoile afin de mener à bien son plan machiavélique de domination. 

Estelle Faye nous emporte avec la même fougue dans ce nouvel opus. Elle a nourri son intrigue de mystères et de non-dits qui nous captivent tout de suite. Tout en retrouvant des éléments similaires au premier tome, elle réussit le tour de force de nous surprendre et de nous tenir à nouveau en haleine jusque dans les dernières lignes de ce livre. L'écriture de ce second roman est déjà porteur d'un message fort. En effet, même avec les meilleures intentions du monde, le changement ne se fait pas comme ça. Car une révolution laisse la place au chaos qui profitera toujours au plus malin et pas forcément au plus grand nombre. 

"Une nouvelle révolution est en marche"

Derrière cette histoire des peuples qui se soulèvent pour retrouver leur liberté, se dessinent les destins de héros aux personnalités fortes. Ce sont ces hommes et ces femmes qui donnent de la puissance à ce récit, et rendent la lecture si passionnante. Personnellement, j'ai pris un grand plaisir à retrouver certaines figures de la révolution, de voir ce qu'ils sont devenus et quelle suite ils vont donner à leur vie. 

La fantasy d'Estelle Faye n'est pas avare en merveilleux. Elle ponctue son récit de magie qui se manifeste de bien des manières. Il y a notamment la présence de mages et de morguennes du côté des Havres, le retour des Vaisseaux noires qui me font penser au célèbre Black Pearl de Pirates des Caraïbes, l'existence des djinns du Royaume Vide ou les métamorphes en général comme Ioulia la perdrix ou encore la renaissance des dracs, ces créatures ailées asservies par les Wurms qui pourraient d'ailleurs bien servir cette révolte, à l'image des dragons de Daenerys Targaryen. 

Son écriture nous transporte dans une diversité d'ambiances aux notes parfois orientales, parfois médiévales. Ainsi, on retrouve tantôt le riad, tantôt nous voici au cœur de la toundra, quand ce ne sont pas des marais. Finalement, c'est un véritable voyage qu'elle nous offre ici dans lequel le dépaysement est garanti.

Miroir de ce qui se passe dans nos sociétés modernes, la fantasy de cette autrice est porteuse de plus d'un message. Car finalement cette thématique de la révolution est une manière de mettre fin à une société étriquée, enfermée dans des diktats étouffants dont les héros d'Estelle Faye cherchent à se libérer afin d'être eux-mêmes et de vivre comme bon leur semble sans subir le regard désapprobateur de l'autre. Elle nous propulse dans un monde finalement très proche du nôtre, où la nature humaine est incroyablement bien dessinée.

Ecrit sans fausse note, Les Révoltés de Bohen ne fait que confirmer l'étendue du talent de cette belle plume.

Fantasy à la carte

Estelle Faye
Les Révoltés de Bohen
Editions Critic


A lire aussi, Les Seigneurs de Bohen d'Estelle Faye, éditions Critic. 

11/03/2019

Régis Goddyn, L'Ensorceleur des choses menues, éditions L'Atalante

Avec L'Ensorceleur des choses menues, Régis Goddyn n'en est pas à son premier coup d'essai. En 2013, il signe un premier roman Le Sang des 7 rois qui lui assure un succès immédiat. 

Explorateur d'un genre aux limites continuellement repoussées, il revient ici avec un roman de fantasy sans épées ni chevaux comme l'annonce les éditions L'Atalante dans la quatrième de couverture. Je remercie d'ailleurs la maison d'édition pour ce partenariat. C'est un plaisir que de mettre à l'honneur d'aussi bonne plume. 

Bien loin des sentiers battus, Régis Goddyn n'avait pas envie de nous raconter une énième histoire de jeunes gens prenant les armes contre une terrible menace afin de sauver le monde. Non, ici, il s'est attelé à écrire un récit très différent. 

Dans L'ensorceleur des choses menues, on entre dans l'univers de Régis Goddyn en suivant un duo de personnages étonnants, formé d'un vieil ensorceleur et d'une toute jeune fille. Ensorceleur de choses menues à la retraite, Barnabéüs Grodalem n'aspire qu'à s'enfermer dans son cabinet d'écriture pour rédiger ses mémoires. L'âge se faisant bien sentir dans ses articulations, il ne se sent plus la force d'arpenter les rues de Kiomar-Balatok pour vendre ses petits services d'ensorceleur. Mais voilà qu'une jeune fille du nom de Prune force sa porte pour solliciter son aide. Elle souhaiterait qu'il l'accompagne dans sa quête pour retrouver son promis parti avec son père à la cité blanche des mages d'Agraam-Dilith afin d'en devenir un lui-même. Seulement aucun des deux n'est revenu de l'expédition. Une situation inacceptable pour Prune qui se retrouve ainsi sans avenir. Alors faisant fi des traditions de sa caste et de la loi, Barnabéüs enfreint un peu les règles et décide tout de même de suivre la jeune femme dans sa mission désespérée. Or, comme seuls les mages ont l'autorisation de voyager, ils sont très rapidement pris en chasse par des spadassins, bien déterminés à les arrêter. Embarqué dans une course-poursuite dont l'issue est plus qu'incertaine, Barnabéüs regrettera-t-il son choix d'être parti à la recherche de cette chimère ? 

Amateur du genre, Régis Goddyn rencontre d'abord la fantasy en la lisant puis se lance tout naturellement dans l'écriture de ses propres histoires inscrivant de grands destins héroïques dans des univers imaginaires très marqués. La plume de ce jeune auteur de fantasy est une invitation au voyage et au dépaysement. Pourquoi dépaysant, d'ailleurs ? Dans L'ensorceleur des choses menues, il choisit tout de même un vieillard pour héros. Improbable personnage qui suit poussivement la jeunesse de Prune. Il me rappelle Philippe Gardeval, un très célèbre Sénéchal (héros de Grégory Da Rosa qui lui aussi n'avait pas hésité à donner la parole à un homme vieillissant). L'auteur fait d'ailleurs constamment référence à cette dualité vieillesse/jeunesse. Remise en question perpétuelle de la légitimité de Barnabéüs d'être là aux côtés de Prune pour la protéger. Après tout, il est gros, ses articulations sont usées si bien que son image de protecteur en prend un sacré coup. Bref, il manque sérieusement de crédibilité. Et pourtant, il est détenteur d'un grand savoir. Arrivé à un âge aussi vénérable avec une carrière d'ensorceleur derrière lui, il dispose de plus d'un atout dans son sac dont Prune compte bien se servir. On comprend d'autant mieux les motivations de cette dernière. En effet, si pour une raison ou une autre le fiancé n'était pas retrouvé, elle pourrait s'assurer un avenir en devenant ensorceleuse à son tour - du moins si, Barnabéüs daignait lui enseigner les sorts qu'il connait. Etant vieux et sans descendance, le vieil ensorceleur apprécierait sans doute d'en faire son apprentie. Voici l'autre thématique largement explorée par l'auteur : celle de la transmission d'un héritage afin qu'il soit préservé dans le temps. Préservation et conservation, voilà deux sujets auxquels notre société moderne est attachée. 

Auteur d'une fantasy plus intimiste, calquée sur le modèle du huis clos, Régis Goddyn n'en oublie pas de nous rappeler les choses qui comptent, tout en nous entraînant aux confins d'une aventure pavée de mystères. 

L'ensorceleur des choses menues n'en demeure pas moins un roman prenant dans lequel ses personnages sont en perpétuelle évolution. Ne vous y trompez pas, Régis Goddyn joue aussi ici les ensorceleurs et vous promet une lecture surprenante à la conclusion à peine croyable. 

Fantasy à la carte

Régis Goddyn
L'ensorceleur des choses menues
Editions L'Atalante

04/03/2019

H.A. Laymore, Le Serment du Corbeau, Lyon des Cendres, tome 1, éditions L'Alchimiste

Fraîchement débarquée dans le paysage éditorial des littératures de l'Imaginaire, les éditions L'Alchimiste m'ont proposé de découvrir le premier roman fantasy de leur poulain : H.A. Laymore. Qui se cache derrière un tel nom de plume aux consonances si mystérieuses ? Un artiste autodidacte aux multiples casquettes tantôt photographe, plasticien, tantôt écrivain. Mais intéressons-nous plutôt à l'auteur. Ce Lyonnais a la vocation d'écrire une oeuvre aussi magistrale qu’audacieuse. Retenez bien ce nom, j'ai le pressentiment qu'il va marquer le genre. Il faut dire que le premier volet de "Lyon des Cendres" accumule les ingrédients forts d'un récit ensorcelant. Histoire, espionnage, alchimie, complot, manipulation, tout est là pour en faire un grand succès auprès des lecteurs avides de renouveau. 

H.A. Laymore nous fait virevolter entre ses nombreux personnages dont les destins vont s'entremêler pour venir tisser une intrigue complexe et cabalistique. L'auteur nous met en relation à tour de rôle avec un Hussard de la Mort affecté aux affaires occultes chargé ici d'enquêter sur la disparition d'un camarade, avec une mère et sa fille aristocrates luttant pour rétablir une monarchie déchue, avec une sœur missionnée pour récupérer une certaine partition, précieux artefact qui fait s'agiter la société secrète des alchimistes, ou encore avec des personnalités politiques qui ont influencé l'avenir de Lyon sous la Convention nationale comme Joseph Fouché et Jean-Marie Collot d'Herbois. Chacun nous raconte son histoire sans connaître l'existence des autres, mais tous sont les pions d'une force supérieure. Car des forces occultes sont à l'oeuvre les réduisant à de simples marionnettes qui s'ignorent, pour accomplir un dessein qui les dépasse. 

En inscrivant son récit dans une période très troublée de l'Histoire de France, et notamment de la ville de Lyon, H.A. Laymore s'affirme d'ores et déjà comme l'auteur d'une uchronie de fantasy ambitieuse. Qui dit désordre, révolte populaire, dit violence, conspiration, cabale, autrement dit un contexte propice à introduire des éléments fantastiques, telle une société secrète d’alchimistes œuvrant dans l'ombre des pouvoirs en place. 

1793, Lyon est le théâtre d'affrontements sanglants. La ville est dépossédée de son nom, ses murailles sont abattues, les maisons bourgeoises sont détruites. La cité est en ruines, les Lyonnais sont affamés et des centaines d'opposants aux Républicains sont fusillés ou guillotinés. Des massacres que l'on doit surtout à Collot d'Herbois et à Fouché nommés en remplacement de Couthon par la commission Parein. C'est d'ailleurs autour de ces tristes figures de l'Histoire que l'auteur va composer son intrigue. Le chaos règne à l'époque. Or, c'est un élément dont se nourrit régulièrement la fantasy pour construire ses histoires. On comprend d'office le choix d'un tel cadre.  

Mais au-delà d'une réalité sombre, H.A. Laymore dessine un univers onirique généreux. L'introduction d'alchimistes suscite chez bon nombre de lecteurs de fantasy une certaine fascination pour ce monde occulte côtoyant ici un fanatisme religieux et la pratique d'une magie par l'intermédiaire de la musique. En effet, c'est la manière de produire les notes qui donne le pouvoir au musicien de relever les morts provoquant ainsi une perturbation dans l'équilibre. Les croyances en sont donc bouleversées. 

H.A. Laymore signe un premier roman remarquable avec une trame solide. Derrière son écriture on sent de belles références littéraires  comme ce rapport à la musique qu'il semble partager avec Mathieu Gaborit que l'on retrouve dans son cycle des Royaumes Crépusculaires ou encore cette envie de se lancer dans la fantasy par le biais de l'uchronie à l'image de Pierre Pevel

Intrigante et envoûtante, la plume de ce nouvel auteur n'a pas fini de nous faire voyager. 

Fantasy à la carte

H.A. Laymore
Le Serment du Corbeau
Lyon des Cendres
Tome 1
Editions L'Alchimiste