L'influence du "gaming" à la littérature

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15/03/2024

Chantal Robillard, Dentelles des univers de Cendrillon, éditions Astérion

Chantal Robillard, Dentelles des univers de Cendrillon, éditions Astérion 

En février est sorti en librairie le nouveau livre de Chantal Robillard. Il s'agit de Dentelles des univers de Cendrillon qui rejoint ses autres recueils de nouvelles au catalogue des éditions Astérion : Dentelles des reflets de Venise, Dentelles des sirènes de la lagune et Dentelles du ru des troubadours

Grande amatrice des contes de fées, ils semblent être pour elle une source inépuisable d'inspiration. En tout cas, c'est ce que l'on se dit lorsqu'on jette un œil sur sa bibliographie avec des titres aussi évocateurs que Fugue de la fontaines aux fées ou Dimension Fées

Or, parmi les figures les plus emblématiques des contes, il y a une certaine jeune fille maltraitée par sa marâtre et ses filles qui l'ont reléguée au rang de souillon pour laquelle Chantal Robillard semble s'être prise d'affection puisqu'elle lui a consacré tout un livre. 

Ayant reçu Dentelles des univers de Cendrillon en service de presse, je remercie Chantal Robillard pour sa confiance renouvelée. 

Mon avis :

Ce n'est pas moins de 18 nouvelles qui sont au programme de ce nouveau recueil. Qu'elles répondent à un air de déjà vu pour qui connaît bien le travail de Chantal Robillard ou au contraire, est une exploration en terre inconnue, Cendrillon demeure le phare qui éclaire le chemin des lecteurs. 

L'autrice s'appuie donc sur les éléments propres à ce conte, à savoir la marâtre, les deux demi-sœurs tyranniques, le prince et la pantoufle qu'elle va allègrement transposer dans différentes époques et où elle donne même à Cendrillon de nombreux visages. 

Les textes sont variés et plutôt bien réussis.

Tantôt fantasque tantôt poignante, la plume de Chantal Robillard se part de nombreuses couleurs pour nous entraîner dans bien des voyages. Quoi de plus surprenant que de retrouver la figure de Cendrillon dans "La sizaine des Cendreux", au milieu des maquisards pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est une manière pour l'autrice de rendre hommage à tous les résistants du Val d'Allier tout en faisant vibrer la corde sensible de ses lecteurs. 

Le conte de fées, c'est aussi dépeindre la réalité aussi sombre soit-elle. D'ailleurs, Chantal Robillard ne se gêne pas pour le faire comme dans "La Place-aux-sabots" qui nous conte le funeste destin d'une innocente. Les éléments sont si bien amenés que l'on ne voit rien venir jusqu'à la chute qui est plutôt glaçante.

Néanmoins, le ton se pare parfois de notes plus légères, espiègles même, comme dans "Les mousquetaires",  son personnage récurrent, Pac de Cro, connaît quelques facéties de ses petits camarades. 

Pour explorer toutes les figures de Cendrillon, Chantal Robillard adopte de nombreux points de vue, parfois ils sont même des plus inattendus comme lorsque c'est la pantoufle elle-même qui prend la parole pour nous partager ses souvenirs dans "De verre vert". L'autrice est parfois très drôle, notamment lorsqu'elle conclut son recueil par quelques avis portés sur Cendrillon comme celui du troisième lézard ou de la sixième souris. Avouez que c'est cocasse. 

A l'image de ses livres précédents publiés chez Astérion, on retrouve aussi bien  des vers que de la prose entre les lignes de Dentelles des univers de Cendrillon car Chantal Robillard aime autant jouer avec les mots qu'avec ses lecteurs. Que voulez-vous, elle ne peut s'empêcher d'établir une connivence avec nous surtout lorsqu'elle invite les hommes de lettres à prendre part dans une autre version de leur propre conte. Ainsi, dans "Les trois sœurs",  Charles Perrault est l'époux d'Anastasie et Javotte, elle, s'est unie aux frères Wilhelm et Jacob Grimm pendant que Cendrillon demeure l'éternelle favorite du roi Soleil. Cela ne manque clairement pas de piquant. 

Pour conclure :

Que vous aimez les bons mots ou les réécritures de contes, Dentelles des univers de Cendrillon pourrait bien vous plaire car Chantal Robillard a encore une fois lâcher la bride à son imaginaire pour offrir une nouvelle évasion.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur Dentelles des sirènes de la lagune, Merlin enquête au palais du Rhin, Fugue de la fontaine au fées et Dimension Fées.

Informations 

Chantal Robillard 
Dentelles des univers de Cendrillon 
9781446185803
154 pages
Éditions Astérion 

Lien vers le site

12/03/2024

Aliette de Bodard, Serviteur des Enfers, éditions Mnémos

Aliette de Bodard, Serviteur des Enfers, éditions Mnémos 

Autrice américaine mais qui a grandi en France, Aliette de Bodard a toujours privilégié la langue anglaise pour écrire ses textes. 

Méconnue en France car peu traduite, il n'en demeure pas moins qu'elle cumule les plus prestigieuses distinctions : du British Science Fiction au British Fantasy en passant par les prix Locus et Nebula.

En dépit d'une bibliographie bien fournie, peu de ses textes sont disponibles en français. On ne peut donc que se réjouir de la réédition sous le titre de Serviteur des Enfers que nous proposent les éditions Mnémos. Il s'agit du premier volet qui inaugure sa série, Chroniques aztèques et compte à ce jour trois romans.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

A Tenochtitlan, Acatl est grand prêtre des morts. Son quotidien est consacré au service funéraire, à veiller les morts et à accompagner les familles dans leur deuil. Mais, sa vie se retrouve bousculée lorsqu'une prêtresse est portée disparue laissant derrière elle une chambre ensanglantée et que son frère est accusé de ce crime car elle était sa maîtresse. Dès lors, le prêtre aztèque s'engage dans une course contre la montre pour retrouver cette Eleuia ou à défaut, les preuves de l'innocence de Neutemoc. Pour autant, arrivera-t-il à ses fins ? 

Mon avis :

Serviteur des Enfers est un roman de fantasy historique qui prend cadre au temps de l'empire aztèque. En nous attachant aux pas d'un prêtre et d'un guerrier, Aliette de Bodard illustre parfaitement la société aztèque qui était très hiérarchisée et dont le sommet se partageait entre les dignitaires militaires et religieux. La religion était d'ailleurs omniprésente et polythéiste. Elle se caractérisait par des rites et des croyances qui imprégnaient la vie quotidienne des Aztèques au point d'influencer leur hiérarchie sociale et leurs relations avec les autres peuples jusqu'à motiver certains conflits armés. C'est une religion astrale dans laquelle le mythe solaire et son culte sont fondamentaux. Les dieux étaient affectés à des tâches précises d'assistance aux hommes et à la conservation du monde. Au sommet de ce panthéon, on trouve Huitzilopochtli, le dieu de la guerre et du soleil et Tlaloc, le dieu des eaux, de la foudre et des séismes dont les rivalités vont imprégner les pages de ce livre et même menacer le Cinquième Monde, autrement dit le présent actuel. Ces divinités sont vénérées par des sacrifices humains d'esclaves, issus de prises de guerre ou non mais aussi d'Aztèques libres souhaitant se donner à leur dieu pour avoir une meilleure vie dans l'autre monde. Ainsi, les sacrifices sont omniprésents entre ces lignes mais se pratiquent ici sur de petits animaux, essentiellement des volatiles car ces rites sanglants favorisent l'accès au pouvoir issu de l'autre monde. La religion aztèque apparaît donc ici comme le réceptacle idéale à la magie. Celle-ci s'épanouit aussi bien à travers les nombreuses interventions des dieux dans la vie des protagonistes d'Aliette de Bodard, souvent relégués au rôle de simples pions, que dans leurs interactions avec des forces invisibles.

Autour de ce contexte historique peu emprunté en littérature fantasy, Aliette de Bodard a développé un univers remarquable et très immersif. Le récit est d'autant plus captivant qu'il s'agit d'une enquête sur une disparition inquiétante pouvant potentiellement découler sur un meurtre. C'est très bien rythmé car on rentre tout de suite dans le vif du sujet et où le temps joue même contre le personnage principal  qui doit innocenter son frère et ainsi lui sauver la vie. 

Dans Serviteur des Enfers, la plume d'Aliette de Bodard est très habile pour entremêler des intrigues politiques complexes à des relations familiales conflictuelles. C'est un roman très psychologique qui part des antagonismes fraternels pour analyser les comportements et les sentiments qui en découlent. Ainsi, l'autrice va mettre en lumière les non dits, les idées fausses, la jalousie et les frustrations qui ne vont pas manquer de fleurir au sein d'une famille en but à des oppositions. Elle s'intéresse également à l'image du couple et à ses difficultés, notamment lorsque l'adultère s'invite dans la place. Le texte est riche, parcouru par de nombreuses émotions qui lui donnent tout son relief. 

En outre, l'autrice a bien travaillé la personnalité de ses protagonistes. Que ce soit Acatl ou son frère Neutemoc, on accroche de suite à cette fratrie car elle dégage une certaine vérité. Acatl est un homme réservé qui s'est réfugié dans les ordres car il aspire davantage à soulager les vivants de leur douleur et à accompagner le repos des morts plutôt que d'aller guerroyer pour la gloire de l'empire. Néanmoins, cette aventure va le bousculer dans sa routine et l'obliger à sortir de sa zone de confort pour affirmer sa position dans ce monde hostile. En cela, il va devoir mener de front plusieurs quêtes qui vont le confronter à son passé tout en l'obligeant à accepter de vivre avec ses regrets. Neutemoc, lui, est complètement différent. Déjà c'est un guerrier et est donc considéré comme l'élite de la société. Pourtant, il a failli à l'image que l'on attend de lui. Il a trahi et trompé sa famille. Des décisions lourdes de conséquence dont il va longtemps payer le prix. Inversement de situation pour ce personnage censé incarner le puissant qui se retrouve à devoir attendre d'être sauvé par un tiers. Les relations entre les deux frères promettent d'être explosives et risquent de compliquer la tâche déjà bien ardue du grand prêtre des morts.

Pour conclure :

Avec Serviteur des Enfers, on goûte à une fantasy totalement différente des codes habituels du genre. Je dois dire que cela fait beaucoup de bien de lire autre chose que de la mythologie nordique, grecque ou celtique. La plume est captivante et le récit est de haut vol. Grand merci aux éditions Mnémos d'avoir réédité ce texte, en espérant que les autres tomes de cette série suivront prochainement. En attendant, je vous déjà rendez-vous avec ce roman dès le 13 mars en librairie. 

Fantasy à la Carte

Informations

Aliette de Bodard
Serviteur des Enfers
978382671108
400 pages
Editions Mnémos

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08/03/2024

Robert Jackson Bennett, La Cité des Marches, T.1, Les Cités Divines, éditions Albin Michel Imaginaire

Robert Jackson Bennett, La Cité des Marches, T.1, Les Cités Divines
éditions Albin Michel Imaginaire 

Après le succès des Maîtres Enlumineurs de Robert Jackson Bennett, les éditions Albin Michel Imaginaire récidivent en publiant le premier tome de sa saga, Les Cités Divines, qui lui fait office de préquel. 

Pour cette sortie événement, le récit arbore le bel écrin d'un livre relié. La version brochée sera donc publiée plus tard pour laisser le temps à ce format de trouver son public.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Ancienne puissante cité divine, Bulikov n'est plus que l'ombre d'elle-même depuis que les dieux sont tombés sous les coups du Kaj, un chef de guerre venu de Saypur. En outre, des pans entiers de la ville ont disparu suite à une étrange catastrophe, appelée le Cillement. C'est là qu'est sauvagement assassiné un professeur qui menait des recherches sur les divinités disparues. Or, pour enquêter sur cet odieux meurtre, est dépêchée sur les lieux la meilleure espionne du ministère des Affaires étrangères, Shara Thivani. Elle est accompagnée de son fidèle associé, originaire des terres froides, Sigrud qui va la seconder dans ses investigations à haut risque touchant à l'interdit. Alors que découvriront-ils ? 

Mon avis :

Pour avoir déjà goûté à la plume de Robert Jackson Bennett avec sa trilogie des Maîtres Enlumineurs, je connais déjà la qualité de son world building car c'est un auteur qui travaille admirablement bien ses univers. Ainsi, sa saga des Cités Divines ne fait pas exception à la règle et nous plonge dans une fantasy teintée de notes postapocalyptiques. 

Depuis le Cillement, le monde a changé. La cité de Bulikov en porte d'ailleurs les stigmates. En effet, des quartiers entiers ont disparus, subsistent même des marches ne menant plus nulle part. Dans ce décor de fin du monde, la population survie, privée de ses dieux, de ses rites et de ses croyances. Le continent ne vit donc plus sous leur protection depuis qu'Avshakta si Komayd de Saypur les a tués. Bourreau pour certains, héros pour d'autres, il est une figure emblématique qui accompagne le texte tout du long. La magie est résiduelle. Elle s'exprime par de rares miracles et à travers des artefacts divins, consignés dans un lieu tenu secret. Il faut bien reconnaître que Robert Jackson Bennett ne manque pas d'ingéniosité, notamment dans ses emprunts au patrimoine culturel pour nourrir l'onirisme de son roman. Ainsi, il va s'approprier des éléments, à l'image du tapis volant dont l'extraction de ses fils vont servir à la construction de bateaux volants et ainsi injecter au récit une dimension steampunk. 

La Cité des Marches est à la fois un polar et un roman de fantasy mais qui prend aussi une coloration steampunk et postapocalyptique. L'auteur a vraiment bien travaillé sa copie pour nous livrer un récit terriblement immersif. 

Mais, la richesse de ce livre réside aussi dans les thématiques abordées. Il y est beaucoup question d'intolérance religieuse, de racisme, d'esprit de revanche, de radicalisation des idées poussant à des actes violents. L'auteur s'intéresse ici aux mécanismes de l'idéologie sectaire résultant ou entraînant des persécutions. Cela met en lumière, par la même occasion, les conséquences psychiques que ce genre d'acte provoque, notamment lorsqu'il s'agit de renier sa nature ou de renoncer à ses envies. Le texte est clairement enrichi d'émotions fortes touchant à l'intime et à l'entrave à l'épanouissement personnel. 

De fait, La Cité des Marches est un roman qui se partage entre action, émotions et suspense. 

Quant aux protagonistes qui portent cette histoire, il faut que je vous en dise un mot car ils sont intéressants. Il y a déjà Shara, une espionne au service du ministère des Affaires étrangères. Par sa fonction, elle incarne une héroïnes forte qui affronte le danger et a réussi professionnellement à la force de son travail. Néanmoins, elle porte un lourd héritage familial qu'elle va devoir affronter sans parler des préjugés et de l'animosité qu'elle ne va pas manquer de rencontrer au cours de cette aventure. C'est un personnage tout en nuances mêlant assurance et doute. Elle est épaulée dans ses missions par Sigrud, un géant venu du nord. C'est un taiseux qui incarne l'image de l'homme fort. Son histoire personnelle est très touchante. On la découvre au fil des chapitres, le rendant extrêmement attachant. En outre, l'auteur s'est largement inspiré de la mythologie nordique pour construire ce personnage. Mais sous la plume de Robert Jackson Bennett, bien d'autres protagonistes prennent vie, imaginés de manière minutieuse que vous prendrez, j'en suis sûre, plaisir à rencontrer car ils font aussi le charme de ce livre. 

Pour conclure :

La publication de La Cité des Marches a été, pour ma part, l'occasion de belles retrouvailles avec un univers pour lequel j'ai eu un vrai coup de cœur. 

L'auteur y mélange les genres avec beaucoup de virtuosité. L'intrigue est bien ficelée et le suspense perdure jusque dans les dernières lignes. Bref, ne manquez pas de le lire à votre tour. 

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, les avis de livres en livres et Blog-O-Livre

Informations

A lire sur le blog, mes avis sur Les Maîtres EnlumineursLe Retour du Hiérophant et Les Terres Closes

Robert Jackson Bennett
La Cité des Marches
T.1
Les Cités Divines
9782226470621
544 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

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