L'influence du "gaming" à la littérature

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28/11/2022

Anne Rice, Entretien avec un vampire, éditions Pocket

Anne Rice, Entretien avec un vampire, éditions Pocket

Autrice incontournable de littérature fantastique, Anne Rice compte une quarantaine de livres à son palmarès. Son enfance baignée dans la culture de la Nouvelle Orléans, faite de vaudou et d'autres croyances lui a inspirée l'élaboration de récits fantasmagoriques. 

Alors que sa série Chroniques des Vampires connait un regain d'intérêt avec la nouvelle adaptation d'Entretien avec un vampire sur Netflix, il était temps que je m'intéresse à la question en plongeant dans le premier tome. 

Résumé :

Dans Entretien avec un vampire, on fait la connaissance d'un vampire prénommé Louis qui a accepté de livrer son histoire à un inconnu venu l'interviewer. Tout commence deux siècles plus tôt alors qu'il est un riche propriétaire terrien en Louisiane, il sombre peu à peu dans la dépression après le décès brutal de son frère. Alors qu'il n'a plus goût à rien, il fait la rencontre d'un être mystérieux tantôt fantasque, tantôt irascible qui va lui offrir une immortalité aussi inattendue que cruelle. 

Mon avis :

Avec Entretien avec un vampire, Anne Rice signe un récit à l'ambiance sombre et intimiste qui redonne au vampire ses attributs ténébreux de chasseur avide. Esclave de ses bas instincts, il ne résiste pas à l'appel du sang. Sous la plume d'Anne Rice, il prend les traits d'un prédateur qui arpente inlassablement le monde, quitte à en devenir fou. 

Ce récit investit d'abord la Louisiane du 18e siècle pour se nourrir du folklore local et donner naissance à des légendes que l'on voit s'épanouir en Europe et particulièrement à l'Est où les protagonistes se rendent pour finir par s'établir à Paris. L'autrice nous plonge dans un réalisme où le fantastique survient à la faveur de la nuit. On y retrouve le charme propre aux récit fantastiques du 19e siècle. Ici, Anne Rice s'est beaucoup recentrée autour de la personnalité du vampire. 

En effet, en suivant Louis dans l'errance de ses premières années en tant que vampire, l'autrice s'est surtout intéressée à la psychologie de cette créature surnaturelle qui se retrouve tiraillée entre sa nature démoniaque et son humanité fugitive. D'autant que Louis est un vampire atypique qui va longtemps refuser sa condition, préférant se substanter du sang des animaux que de celui des humains. 

Elle s'appesantit également sur la relation fusionnelle parfois toxique qui lie un vampire à son créateur. On goûte ici à la fascination quasiment morbide de Louis pour Lestat qui le craint et pourtant semble incapable de s'en détacher. Lestat est un être inconstant et imprévisible. Or, en gardant par-devers lui les secrets du vampirisme, il va mettre Louis dans la posture délicate de la créature qui avance à tâtons dans ce monde fait d'inconnues autour des dangers qui le guettent ou des possibilités qui l'attendent. 

Dans ce premier volet des Chroniques des Vampires, Anne Rice explore la quête d'un vampire qui doit apprendre à renoncer à son humanité pour aller de l'avant et se forger une nouvelle identité. 

Au cours de ses pérégrinations, Louis va être soumis à des émotions fortes : la tentation, la peine, le regret ou la passion. C'est un texte où il y a peu d'action mais où l'autrice joue beaucoup sur l'émotionnel et la sensation pour faire ressentir aux lecteurs tous les sentiments par lesquels passe Louis au cours de sa vie de mort-vivant. 

A travers la figure du vampire torturé, Anne Rice introduit un élément dérangeant dans son roman, mais qui lui est nécessaire pour aborder la notion de responsabilité qu'implique un grand pouvoir car il faut notamment en assumer toutes les conséquences aussi bien pour soi que pour autrui.

Entretien avec un vampire est un huis clos qui met en scène très peu de personnages mais permet à l'autrice d'explorer tous les visages que peut revêtir le vampire. Ainsi, si Louis incarne le vampire tourmenté, Lestat, lui, est plutôt belliqueux tandis que Claudia est orgueilleuse. Tous donnent une vision personnelle et unique de l'immortalité offrant ainsi aux lecteurs matière à réflexion. 

En conclusion :

Lire Entretien avec un vampire, c'est plonger ou replonger dans le premier roman qui a inauguré les nombreux récits qui ont fait le succès d'une plume devenue incontournable pour le genre. On ne peut que vous recommander de vous y plonger surtout si vous aimez frissonner à l'atmosphère enténébrée du fantastique. 

Fantasy à la Carte

Informations

Anne Rice
Entretien avec un vampire
9782266134859
511 pages
Editions Pocket

Lien vers le site

23/11/2022

Nicolas Texier, L'Ombre à Berlin, éditions Les Moutons électriques

Nicolas Texier, L'Ombre à Berlin, éditions Les Moutons électriques 

Après avoir collaboré au roman graphique, Fumée, publié en août dernier, Nicolas Texier n'a pas quitté sa plume car il signe en septembre, L'Ombre à Berlin, magnifiquement illustré par Melchior Ascaride

Lu dans le cadre d'un nouveau partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Erwan Cherel pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Été 1932, Jakob Blumen est accusé du meurtre d'un jeune SS. Sa fille, Adèle n'arrive pas à croire à sa culpabilité et est bien décidée à prouver son innocence, en dépit des milices nazies qui ne vont pas manquer de la traquer. Avec l'aide de sa logeuse ex-bosseuse et lesbienne extralucide et de son ami, soigneur dans un zoo, ils vont s'engager dans une enquête dangereuse plongeant à pieds joints dans le surnaturel auquel le NSDAP semble intiment lié. Pour autant, arriveront-ils à faire éclater la vérité sans y perdre eux-mêmes la liberté et même la vie ? 

Mon avis :

L'Ombre à Berlin est un récit uchronique qui prend cadre dans la République de Weimar moribonde puisqu'on est propulsé au moment où le pouvoir politique est progressivement confisqué par le NSDAP. La montée du nazisme marque le début des persécutions juives. L'ambiance est donc à la suspicion et à l'accusation. Or, elle sert parfaitement l'intrigue de Nicolas Texier qui prend comme point de départ le meurtre d'un SS et que la police veut faire endosser à un Juif. Il nous embarque dans les méandres d'une enquête : celle d'une jeune fille prête à braver le danger pour innocenter son père. D'ailleurs, ses investigations la conduisent à explorer l'envers du décor de l'idéologie nazie. Sous la plume de Nicolas Texier, l'obsession d'une race aryenne supérieure est ici liée à une résurgence de la mythologie germanique. En effet, les Nazis interprètent les nombreux malheurs qui se sont abattus sur l'Allemagne depuis la Grande Guerre comme étant le signe d'un prochain Ragnarök, autrement une apocalypse dont ils imaginent pouvoir s'extraire grâce au mythique navire Naglfar. Ainsi, l'auteur emprunte avec beaucoup d'ingéniosité des éléments notables des mythes pour servir à dessein son intrigue qui repose allègrement sur le complot. 

L'univers imaginé par Nicolas Texier est donc très immersif car il mêle les heures sombres de l'Histoire à un ésotérisme marqué par du spiritisme et des expériences scientifiques fort étranges. 

19/11/2022

Pierre Léauté, Trilogie du Singe, éditions 1115

Pierre Léauté, Trilogie du Singe, éditions 1115

Après un premier roman d'anticipation, Les Négriers de Babylone, Pierre Léauté pose ses valises en territoire uchronique et enchaîne les récits du genre. 

Ainsi, en 2015, il signe chez Le Peuple de Mü, Mort aux grands dont le héros principal fera son retour en 2020 dans Je n'aime pas les grands. Puis, entre 2016 et 2019, il publie sa trilogie Les Temps Assassins. Enfin, en 2022, il multiplie les publications et nous propose pas moins de trois livres : Retour à Malataverne en janvier, The 8 list en octobre et enfin, Trilogie du Singe, en ce mois de novembre. Or, c'est justement de celui-ci dont il va être question dans cette chronique. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions 1115, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse. 

Mon avis :

Qu'il soit compagnon d'aventure, personnage emblématique du cinéma hollywoodien ou simple métaphore, le singe occupe sans surprise le premier rôle dans ce recueil de nouvelles

Réécrire l'Histoire est un exercice de style difficile mais pour lequel Pierre Léauté est bien rôdé. D'ailleurs, avec son triptyque Trilogie du Singe, on est clairement dans le concept du trois salles, trois ambiances. 

Trois récits qui nous font remonter le temps et dessinent de nouvelles perspectives. 

Dans "La grande brisure", nous voici propulsé dans une Bretagne du XVIIIe siècle qui a échappé au giron du roi de France et conservé jalousement son indépendance, notamment grâce au bouleversement géologique qui l'a détachée du continent. Mais le royaume de Bretagne est menacé, son roi vieillissant n'est plus à la hauteur et la conspiration s'est glissée entre ses murs. Or, c'est dans ce contexte houleux qu'il charge un vieil armateur malouin de lui ramener une étrange cargaison. Pour autant, est-ce que cela infléchira le destin des Bretons ? Nul ne le sait car qui vivra verra. Dans ce récit, Pierre Léauté chatouille un sujet qui fait toujours débat en Bretagne, à savoir son indépendance. En s'appuyant sur la fierté et le courage d'un peuple, il lui redessine habilement un autre destin qui s'écrit au son des canons et d'un abordage tout en panache. 

16/11/2022

Guillaume Suzanne, Mort comme au premier jour, éditions Black Rabbit

Guillaume Suzanne, Mort comme au premier jour, éditions Black Rabbit

Romancier et nouvelliste, Guillaume Suzanne signe entre 2008 et 2014 une science-fiction délirante avec sa saga des poubelles.

Appréciant le format court, il se plaît à explorer les littératures de l'Imaginaire au sens large pour mieux poser un regard critique sur la société.

Il compte déjà une quinzaine de nouvelles et trois romans courts à son compteur mais il ne s'est pas arrêté là puisqu'il nous propose un nouveau texte avec Mort comme au premier jour. Celui-ci fait l'objet d'un financement participatif sur la plateforme Ulule, toujours en cours jusqu'au 28 novembre 2022. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Black Rabbit, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Mourir d'une chute dans un escalier, voilà bien une mort idiote ! Or, c'est ce que Guillaume Suzanne a réservé au personnage principal de sa dernière novella, Mort comme au premier jour. Alors si vous êtes curieux de savoir comment cela se passe dans l'au-delà, suivez le guide mais attention ne croyez pas que cela soit un long fleuve tranquille. Bien au contraire, le repos éternel est devenu un concept surfait. Dans ces conditions, tout devient donc possible...

Mon avis :

La mort est une porte d'entrée idéale à tout bon récit fantastique et ça, Guillaume Suzanne l'a bien compris. En tout cas, c'est la réflexion que l'on se fait quand on jette un œil à certains des titres de sa bibliographie comme "Si près du bord", "L'appel de Latombe" ou "La Cuvée du condamné". Alors rien d'étonnant de la retrouver au cœur de sa dernière novella. 

En trois actes, on suit ce défunt dans l'appréciation de son nouvel environnement et de ses compagnons d'infortune. On est donc transporté dans un au-delà où les nouveaux arrivants perdent leur nom au profit d'un numéro provisoire en attendant qu'ils s'en choisissent un autre. De même qu'ils ont le loisir de choisir le lieu où ils souhaitent se rendre, passé la première étape, mais en omettant de leur préciser que certains désirs ont de lourdes contreparties. 

C'est ainsi que le temps de quelques pages, on partage ce séjour mortifère baigné par l'imaginaire déjanté d'un auteur qui n'hésite pas à jouer avec les grandes figures de l'enfer et du paradis en nous en proposant une réincarnation des plus loufoque. 

Diable, faucheuse, les rencontres se succèdent mais ne se ressemblent pas. Guillaume Suzanne puise allègrement son inspiration dans des épisodes célèbres de la Bible, à l'image du combat de David contre Goliath en s'arrangeant avec la version officielle pour mieux l'adapter à son propos. Le tout étant de garder ici cette légèreté de ton associée à la multiplication de situations burlesques pour continuer de satisfaire un public déjà très attaché à son style.

13/11/2022

Richard Cowper, L'Oiseau Blanc de la Fraternité, éditons Argyll


Richard Cowper, L'Oiseau blanc de la fraternité, éditons Argyll 

Richard Cowper est l'un des deux pseudonymes qu'utilise John Middleton Murry, Jr pour signer ses romans. 

Auteur britannique d'une quinzaine de romans et de nombreuses nouvelles, Richard Cowper s'est consacré exclusivement à l'écriture dans les années 70. 

Après avoir réédité Le Crépuscule de Briareus en 2021, les éditions Argyll viennent de s'attaquer à une autre de ses œuvres, la trilogie de L'Oiseau blanc de la fraternité.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Argyll, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

A l'aube du troisième millénaire, un jeune joueur de pipeau accompagné d'un vieil homme sont porteurs d'un message d'espoir sous la forme d'une histoire : celle d'un oiseau blanc qui apporterait la paix et la fraternité pour ce monde déclinant. De cette histoire, un culte est né et il n'est pas au goût de tous, particulièrement des Pères Gris de l'Eglise qui ont décidé de faire la chasse à ces adorateurs. Or, c'est dans cette ambiance périlleuse que le Frère Thomas s'engage sur la route pour apporter le testament de Morfedd au sanctuaire de Corlay afin que cette précieuse relique y soit protégée. Il sera notamment épaulé dans sa quête par une jeune fille au don divinatoire. Ensemble, arriveront-ils à déjouer les chausses-trappe que va leur réserver le destin ?

Mon avis :

L'Oiseau blanc de la fraternité est un cycle qui nous propulse dans un futur post apocalyptique où la montée des eaux a eu lieu noyant bien des lieux et emportant une grande partie de la population. Ce cataclysme a donc rebattu les cartes en modifiant profondément le monde renvoyant la société à un temps moyenâgeux. Ainsi, l'auteur a choisi la figure du barde pour porter cette histoire et donner vie au mythe de l'oiseau blanc de la Fraternité. L'ambiance était donc propice pour permettre à l'auteur d'y distiller une forme de magie qui prend corps dans le pouvoir divinatoire, qualifié ici de huesch, de quelques protagonistes, ainsi qu'à travers un certain pipeau qui donne au musicien la capacité d'ensorceler les gens et les animaux. Or, ce puissant artefact est l'enjeu narratif principal de ce cycle car il confère de grands pouvoirs et une grande responsabilité à son détenteur tout en constituant une menace pour l'ordre établi. En suivant la destinée de cet instrument de musique et de ses différents porteurs, on plonge dans la quête d'un avenir meilleur nourri par le fol espoir de voir la paix s'installer durablement dans ce nouveau monde. 

Néanmoins, cette épopée ne va pas se dérouler sans heurts puisque Richard Cowper s'est largement inspiré de la lutte opposant l'Eglise catholique à l'Eglise réformée en rejouant cette même partition avec les Pères Gris de l'Eglise et les frères de la Fraternité. Aussi, ces derniers sont décrétés hérétiques et à ce titre, sont traqués et assassinés par des religieux chargés des basses œuvres que l'on appelle les Faucons et les Corbeaux. 

On est happés par ce texte qui réserve mille dangers à ses personnages en les entraînant au cœur des intrigues conspirationnistes d'un pouvoir qui cherche à les éliminer par tous les moyens. 

La plume délicate de Richard Cowper nous entraîne finalement à cent à l'heure dans les 631 pages qui composent ce récit. 

04/11/2022

Wayne Barrow, Bloodsilver, éditions Mnémos

Wayne Barrow, Bloodsilver, éditions Mnémos

Pour ce Mois de l'Imaginaire, les éditions Mnémos ont fait les choses en grand en proposant une très belle version collector de Bloodsilver de Wayne Barrow

Sacré grand prix de l'Imaginaire en 2008, les lecteurs du genre ne bouderont pas leur plaisir de découvrir ou de redécouvrir ce livre qui a su marquer son époque.

Sous le pseudonyme de Wayne Barrow se cachent deux plumes françaises incontournables des littératures de l'Imaginaire : Xavier Mauméjean et Johan Heliot qui ont décidé de joindre leur talent pour ce projet d'écriture commune. Avec Bloodsilver, les auteurs ont relevé le défi d'écrire à quatre mains une oeuvre qui vient enrichir chacune de leur bibliographie déjà bien foisonnante. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Nathalie Weil pour l'envoi de ce service de presse. 

Seize nouvelles sont au programme de ce recueil et s'attachent à retracer les grandes étapes de la construction du Nouveau Monde en s'intéressant tout particulièrement à la Conquête de l'Ouest. 

Mon avis :

Bloodsilver est donc une uchronie fantastique dans laquelle les vampires se sont invités au casting et ce dès la première nouvelle, "Nouveau Monde", qui donne d'emblée le ton à l'ensemble du livre. En effet, on y rencontre un individu se faisant appeler le Grec qui vient témoigner du massacre dont a été victime son village après le naufrage d'un bateau venant du vieux continent. Dans ce village indien, nul n'a vu venir le danger de la part de ces naufragés que tous croyaient bel et bien morts. Erreur fatale pour cette petite communauté qui va payer le prix du sang, excepté le Grec, seul survivant de ce génocide. Or, c'est avec un désir de vengeance chevillé au corps qu'il va prendre la route pour traquer ces créatures de la nuit et se joindre à la communauté de chasseurs fondée par un certain Cotton Mather. 

Célèbre pasteur qui s'est illustré lors des procès des sorcières de Salem et que l'on retrouve présentement dans cette ville maudite du Massachusetts pour "Le Jour du Jugement". Première étape pour cet homme de foi qui s'est donné pour mission de purger le malin véhiculé par ce convoi considéré comme maléfique et engagé sur la route de l'Ouest. 

Quoi de mieux que des hors-la-loi, têtes brûlées à la gâchette facile pour rejoindre les rangs de ces chasseurs hors-normes à l'image d'un certain Doc Holliday, de Jesse James, des frères Dalton ou encore de Billy the Kid. Justement la nouvelle "Kid Caesar" est consacrée aux frasques du jeune Billy qui l'ont bien des fois conduit à la prison. Or, c'est fraîchement amnistié qu'il s'engage dans la traque de ces ombres aux dents longues, au moins pendant tout le temps qu'ils étaient considérés comme ennemis de l'Etat. 

Plus que de s'insinuer dans le paysage, ces derniers s'imposent peu à peu dans le destin politique du pays. Ils ont la faveur de certains présidents à l'image de Thomas Jefferson qui ordonne la fondation de Silver City comme zone franche où les chasseurs doivent cohabiter avec les vampires, appelés ici les brookes. Plus tard, Abraham Lincolm prononcera un discours de tolérance en faveur de ces brookes. Enfin, Théodore Rossevelt permettra à un état brooke de voir le jour à Bloodsilver comme en témoigne la nouvelle "Silver City" à travers les souvenirs d'un certain Samuel Clemens, plus connu sous le pseudonyme de Mark Twain qui n'aura de cesse d'empêcher l'avènement de cet état au risque de se faire tuer. Une quête qu'il a entamé très jeune puisque dans "La part d'ombre", il est déjà à l'oeuvre à forger la légende d'un jeune homme que ses écrits ont transformé en héros luttant contre la menace vampirique. Mais, il n'est pas bon d'attirer leur attention, d'ailleurs lui-même en fera les frais tout au long de sa vie. 

A travers Bloodsilver, Xavier Mauméjean et Johan Heliot revisitent avec beaucoup de talent les grands moments de la conquête de l'Ouest en s'appuyant sur les destins d'hommes et de femmes devenus légendaires qu'ils confrontent bien volontiers au surnaturel. 

L'ambiance western qui sied si bien à cette période charnière de l'Histoire des Etats-Unis d'Amérique, s'entremêle habilement avec le fantastique pour nous livrer un patchwork de morceaux choisis au goût acre de la poudre et métallique du sang. 

Il est vrai que le destin de l'Amérique s'est surtout écrit grâce aux armes à feu qui ont très vite donner au pays son hégémonie. Celles-ci sont omniprésentes dans chacune des nouvelles avec des protagonistes qui ont un rapport particulier avec elles, souvent fusionnel, voir totalement dépendant. Or, la nouvelle "La Veuve Noire" met en lumière le destin de la famille Winchester qui s'est enrichie grâce à l'industrie de l'armement et dont les armes légères ont précocement mis fin à la vie de bien des Américains. Or, ne supportant pas la perte de sa fille et de son mari, Sarah Winchester s'était mise en tête de construire un manoir pour accueillir toutes les âmes emportées par ces satanées pétoires. Johan Heliot et Xavier Mauméjean ont puisé allègrement dans le mythe entourant cette femme pour lui brosser une vie fantasmagorique, quitte à forcer le trait. Une manière de remettre au cœur du débat la problématique de l'armement en libre-service pour tous et des conséquences funestes qui lui sont inhérentes.