L'influence du "gaming" à la littérature

Google console

accueil2

accueil2
Affichage des articles dont le libellé est Albin Michel Imaginaire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Albin Michel Imaginaire. Afficher tous les articles

06/05/2025

Robert Jackson Bennett, La Cité des Miracles, éditions Albin Michel Imaginaire

Robert Jackson Bennett, La Cité des Miracles, T.3, Les Cités Divines, 
éditions Albin Michel Imaginaire 

La Cité des Miracles est le troisième volet qui vient clôturer de façon magistrale la trilogie des Cités Divines de Robert Jackson Bennett. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Avec Les Cités Divines, Robert Jackson Bennett signe une série de haut vol mêlant fantasy et enquête avec une grande virtuosité. 

Personnellement, j'ai eu un énorme coup de cœur pour cette histoire et celui-ci ne s'est d'ailleurs pas démenti tout au long des tomes. Je ne peux donc que vous recommander de la lire à votre tour.

Résumé :

La mort violente de Shara Komayd tuée dans un attentat force Sigrud je Harkvaldsson à sortir de sa clandestinité pour enquêter afin de démasquer le commanditaire de cet assassinat. En tant que Première Ministre, Shara ne manquait pas d'ennemis. Toutefois, au vue de ses premières constatations, il semblerait que ce meurtre soit en lien avec des divinités puisque des miracles semblent encore à l'œuvre en dépit que ces dernières aient soit disant toutes disparues. Et si les apparences étaient une nouvelle fois trompeuses dissimulant une réalité toute autre et un avenir bien sombre ? A moins, bien sûr, que Sigrud réussisse à nouveau à faire pencher la balance !

Mon avis :

Après avoir été le théâtre d'affrontements apocalyptiques avec les divinités Kolkan et Jukov vaincues par Shara et Sigrud, le monde né sous la plume de Robert Jackson Bennett se reconstruit progressivement. Mais alors que tous pensaient être libérés de l'empreinte des dieux, des miracles semblent encore à l'œuvre. Ceux-ci ont notamment servi à éliminer la Première Ministre Shara Komayd. Pour Sigrud sorti des ombres, le doute n'est plus permis quant à la résurgence d'une nouvelle menace divine.

L'univers imaginé par Robert Jackson Bennett repose sur la qualité de sa mythologie. En effet, l'auteur s'est notamment inspiré de la mythologie grecque en y puisant quelques éléments. Ainsi, il emprunte à Cronos son habitude de manger ses enfants pour ne pas être détrôné par eux afin de donner à ses propres dieux une très grande puissance qu'ils acquièrent en consommant, à leur tour, leur propre descendance. La croyance en ces mythes façonne son monde en faisant ou défaisant des éléments. Celui-ci évolue au gré des envies et de l'emprise de ces créatures ancestrales. Leur pouvoir est tel qu'elles peuvent le réinitialiser à l'envi menaçant toutes les âmes qui y résident. Ainsi, leur simple existence est un danger pour le reste de l'humanité et ne peut qu'aboutir à un nouvel affrontement s'annonçant, d'ores et déjà, très spectaculaire. Conclusion oblige, l'auteur a lâché la bride à son imagination pour nous concocter de nombreuses scènes explosives à l'esthétique très cinématographique. Les combats y sont homériques et la tension, à son comble. 

Ce troisième opus est clairement à la hauteur des précédents et l'auteur a mis le paquet pour nous maintenir dans un suspense presque insoutenable. 

Shara n'étant plus là, Robert Jackson Bennett s'est davantage focalisé sur le personnage de Sigrud que l'on découvre plus en profondeur dans ce troisième tome. Il a puisé dans la figure du Berserk pour nourrir son portrait. Aussi, il incarne à sa manière cette image du guerrier fauve entrant dans une fureur sacrée le rendant surpuissant et capable d'affronter des êtres qui lui sont nettement supérieurs. Sigrud se laisse conduire par ses émotions. Il est bien souvent aveuglé par son désir de venger les personnes qui lui sont chères et qu'on lui a pris. Pour autant, la force brute qu'il arbore en permanence dissimule bien les sentiments qui l'animent et qui le rongent de l'intérieur. Lorsque l'on fait sa connaissance, on est loin d'imaginer qu'une sensibilité se cache sous cette armure de glace qui le drape et derrière son regard si pétrifiant pour qui le croise. C'est pourtant l'un des protagonistes le plus attachant de cette série, notamment à cause du passé bouleversant qu'il porte. Il est un héros à sa manière, choisi pour accomplir des actes incroyables et parfois inattendus. Les missions qu'on lui a confiées ou qu'il s'est assignées ont toujours la primeur sur son propre salut. C'est dire son degrés d'abnégation. 

Il fallait bien un tel protagoniste inoubliable pour mettre le point final à ce récit de grande envergure. Tout y est intense et immersif, à l'image de son implacable personnage principal.

Robert Jackson Bennett continue d'instiller dans son livre des réflexions politiques ou sociétales intéressantes. Ici, il questionne pas mal le pouvoir et ses conséquences, notamment lorsque celui-ci grise tellement son détenteur qu'il verse dans la mégalomanie. Il évoque également les traumatismes de l'enfance en mettant en exergue ses répercussions sur l'adulte. 

Comme à son accoutumée, Robert Jackson Bennett nous assure, avec La Cité des Miracles, un pure divertissement grâce à sa fantasy richement construite et à la variété des sujets abordés. 

Pour conclure :

La Cité des Miracles est un roman très qualitatif apportant son lot d'émotions fortes et d'action tout en proposant un décor grandiose complètement déstructuré. Dépaysement garanti !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur La Cité des Marches, La Cité des Lames, Les Maîtres Enlumineurs, Le Retour du Hiérophante et Les Terres Closes

Informations

Robert Jackson Bennett
La Cité des Miracles
Tome 3
Les Cités Divines
9782226485922
576 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

Lien vers le site

02/04/2025

Jean-Laurent Del Socorro, Les Amants du Ragnarök, éditions Albin Michel Imaginaire

Jean-Laurent del Socorro, 
Les Amants du Ragnarök
éditions Albin Michel Imaginaire 

Pour notre plus grand plaisir, Jean-Laurent Del Socorro Del Socorro vient de signer un nouveau titre chez Albin Michel Imaginaire

Cette fois-ci, il a délaissé la geste arthurienne pour investir la mythologie nordique. Son nouveau roman s'intitule Les Amants du Ragnarök.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Alors que le Ragnarök est annoncé, Thor a eu une vision de sa mort. Sa femme Iarnsaxa ne peut accepter son funeste sort et se met en tête de lui écrire un autre destin. Pour y réussir, elle se joint à Jórunn, une scalde éprouvée par le récent décès de sa compagne, morte sur le champs de bataille et cherchant à rejoindre le Valhalle pour lui faire ses adieux. Le chemin sera semé d'embûches et nul ne peut prédire à la réussite de la géante car personne n'a encore réussi à ce jour à mettre les nornes en défaut. Alors y parviendra-t-elle ?

Mon avis :

Pour son nouveau livre, Jean-Laurent Del Socorro a choisi le Ragnarök, autrement dit la fin des dieux comme cadre à son histoire. Une fin du monde qui a été prophétisée dans la mythologie nordique comprenant une série d'évènements dont un long hiver de 3 ans sans soleil, suivi d'une grande bataille dans la plaine de Vígríd au cours de laquelle la majorité des divinités, à l'image d'Odin, de Thor et de Loki, vont trouver la mort. 

Ainsi, dans Les Amants du Ragnarök, Jean-Laurent Del Socorro va nous rejouer cet épisode mythique en nous le contant du point de vue de protagonistes féminins. En effet, il nous attache aux pas d'une guerrière du nom d'Hervor qui lui est inspirée par l'héroïne légendaire du même nom incarnant le courage et la détermination des femmes guerrières à l'époque des Vikings, de la géante Iarnsaxa, toujours présentée comme la mère de Magni, fils de Thor et de la barde Jórunn faisant directement référence à Jórunn Skaldmær, une scalde norvégienne du IXe siècle. 

Ce parti pris de l'auteur a le double intérêt de mettre à l'honneur des destins féminins tout en réinjectant beaucoup d'humanité dans cette épopée mythique que l'on goûte à travers le regard très doux  de l'amante ou de l'épouse.

Avec Les Amants du Ragnarök, Jean-Laurent Del Socorro signe un texte d'une grande profondeur qui aborde le délicat sujet du deuil, à travers la perte, le manque et l'adieu. Il nous parle des relations humaines avec une très grande justesse en testant la force des sentiments qui lient certains de ses protagonistes. Ainsi, l'amour et les liens familiaux sont les thématiques que Jean-Laurent Del Socorro a choisi de mettre au cœur de son récit. 

Toutes les émotions suscitées par les mots de l'auteur viennent d'ailleurs contrebalancer l'action qui ne manque pourtant pas ici puisque rappelons qu'il s'agit ici ni plus ni moins de la fin d'un monde, celui des dieux nordiques détrônés par le christianisme. 

Or, pour être à la hauteur de cet évènement ô combien épique, l'auteur table sur trois fortes personnalités. Il nous dresse un portrait charismatique de chacune d'elles qui s'imposent naturellement dans ce monde dominé par les dieux et marquent à leur manière cet épilogue tragique de l'héritage viking. 

Hervor incarne la puissante guerrière dont la force et le courage en font une alliée de choix pour Odin lors de sa dernière bataille car tel est le destin des plus valeureux guerriers tombés au combat. A la différence des autres Einheriars, elle a gardé un lien très fort avec sa compagne Jórunn qui l'ancre toujours au présent et lui tisse un destin particulièrement héroïque aux côtés des Ases. Jórunn, elle, ne se distingue pas par ses qualités de combattante car c'est une barde. Elle est là pour chanter les hauts faits des autres. Pour autant, elle fait montre d'une force de caractère et réalise des prouesses juste par amour pour Hervor et démontre ainsi la force des sentiments. Elle porte les chants de l'Edda poétique et nous replonge dans les plus grandes sagas nordiques à l'image de la Völsunga. Sous la plume de Jean-Laurent Del Socorro, elle est à la fois témoin d'une époque et actrice d'un destin légendaire. C'est vraiment un très beau personnage féminin, très bouleversant dans les émotions qu'elle transmet. Enfin, Iarnsaxa est la géante qui a eu un fils avec le dieu Thor. Jean-Laurent Del Socorro a décidé de lui donner un rôle prépondérant dans le Ragnarök. Déjà il insiste sur l'amour indestructible qui la lie à Thor, à tel point qu'elle tente le tout pour le tout pour contrer le destin que les Nornes lui ont tissé. On apprécie cette mise à l'honneur d'une figure féminine très secondaire du mythe, d'autant qu'il nous en brosse un portrait très réussi. 

Pour conclure :

Avec Les Amants du Ragnarök, Jean-Laurent Del Socorro explore un autre héroïsme moins dans la force brute et plus dans la puissance des sentiments qui se révèlent être une arme redoutable. 

Ce retour en territoire viking ne vous laissera clairement pas indemne tant il est chargé d'émotions fortes.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog mes avis sur Morgane Pendragon, Du Roi Je Serai L'Assassin, Peines de Mots Perdus, La Guerre des Trois Rois, Royaume de Vent et de Colères et Boudicca

Informations
Jean-Laurent Del Socorro
Les Amants du Ragnarök
9782226495167
304 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

Lien vers le site

03/03/2025

Salomé Han, Le Sabre de Neige, T.1, Les Sabres Sacrés, éditions Albin Michel Imaginaire

Salomé Han, Le Sabre de Neige, T.1, 
Les Sabres Sacrés
éditions Albin Michel Imaginaire 

Scénariste et réalisatrice, Salomé Han est la première étrangère diplômée de la Korean Academy of Films Arts. Elle est également l'autrice de la trilogie, Les Sabres Sacrés, dont le premier tome, Le Sabre de Neige, est sorti le 29 janvier dernier.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Isao est l'unique disciple du Héron Blanc qui n'est autre que l'un des Porteurs de Sabres Sacrés, qui selon la légende, servent la volonté des Kami et procurent une extraordinaire longévité. Leur existence suscite bien des convoitises dont celle de l'Empereur lui-même. A cause de cela, Isao et maître Shiro vivaient dissimulés au cœur d'une forêt sacrée jusqu'au jour où leur refuge est menacé d'être découvert les obligeant à prendre la fuite. Malheureusement leurs routes vont se séparer et pour Isao, cela va marquer le début d'une aventure périlleuse au goût amer de la perte et du manque. Bien que déterminé à le retrouver, y parviendra-t-il ?

Mon avis :

Le Sabre de Neige prend cadre dans un Japon médiéval romantisé et infusé au folklore. Aussi, Salomé Han donne vie à un univers merveilleux peuplé notamment de Yokai, ces démons ou esprits se montrant tantôt menaçants, tantôt malicieux et prenant d'ailleurs moult formes selon les croyances. 

L'intrigue se concentre autour du katana, célèbre sabre japonais, que l'autrice a transformé ici en artefact magique, conférant à son porteur une certaine immortalité au prix du sang de ses ennemis. Ces sabres sacrés, au nombre de quatre, sont l'obsession du chef suprême de ce monde qui se voit déjà régner pour l'éternité. 

Dans son roman, Salomé Han nous attache aux pas d'un apprenti Kenshi qui se forme à l'art de l'épée auprès d'un maître et doit donc se conformer aux préceptes de la Voie, aussi bien dans la technique des arts martiaux que dans les réflexions philosophiques. Tout est donc affaire d'équilibre entre la maîtrise du combat et la méditation dans ce roman. 

Avec Le Sabre de Neige, Salomé Han signe un roman très immersif qui mutualise les ambiances puisque l'on passe d'un récit assez contemplatif à une explosion de péripéties au fil de l'évolution du personnage principal. 

Le Sabre de Neige pose les bases d'un univers ensorcelant riche d'une intrigue qui monte en puissance au fil des pages dissimulant ses secrets jusqu'au bout. 

Il est vrai qu'une certaine langueur se dégage de ce texte qui peut, de prime abord, ennuyer mais celle-ci est nécessaire à l'apprentissage du personnage principal car il passe progressivement d'un état passif à un rôle très actif. En effet, il va lui falloir du temps et bien des épreuves pour révéler sa vraie nature et accepter son destin. 

27/12/2024

Robert Jackson Bennett, La Cité des Lames, T.2, Les Cités Divines, éditions Albin Michel Imaginaire

Robert Jackson Bennett, La Cité des Lames
T.2, Les Cités Divines
éditions Albin Michel Imaginaire 

Pour terminer cette nouvelle année de lectures, j'ai choisi de retourner dans la saga, Les Cités Divines de Robert Jackson Bennett en m'attaquant au tome 2 publié au mois d'octobre. 

Pour rappel, il s'agit du récit préquel à celui des Maîtres Enlumineurs dont on déjà longuement parlé sur ce blog.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Après les horreurs de Bulikov, la générale Turyin Mulaghesh n'aspire qu'à vivre en paix loin des conflits. Mais c'est sans compter la pugnacité de Shara Komayd devenue entre temps Première Ministre qui la somme d'effectuer une dernière mission afin de pouvoir toucher ses émoluments de retraite. Sous couvert d'inspecter des installations militaires, elle est chargée d'enquêter sur la mystérieuse disparition d'une agente qui pourrait potentiellement être liée à un nouveau minerai récemment découvert dans la cité des lames, ancienne demeure de la déesse de la guerre et des massacres. Mais au vu des enjeux, la présence de la générale risque bien d'en gêner plus d'un qui chercheront à la mettre hors jeu par tous les moyens, n'en doutons pas !

Mon avis : 

Dans La Cité des Lames, on retrouve l'univers postapocalyptique marqué par la disparition des dieux de Robert Jackson Bennett. On plonge donc dans un monde en reconstruction fortement meurtri et où demeure un héritage divin très prégnant. Celui-ci est autant vénéré qu'il est honni. Sa puissance en fait une magie dévastatrice fortement convoitée entre ces lignes. A chaque cité explorée, une nouvelle facette est découverte. Ainsi, dans La Cité des Lames, elle s'incarne surtout dans des épées qui renferment les âmes des disparus. Il s'agit ici surtout de guerriers du passé qui refusent que leurs sacrifices soient oubliés. Ceux-ci constituent un formidable réservoir de pouvoir fort utile pour la divinité qui souhaiterait reprendre le pouvoir par le truchement de la guerre et des massacres qu'elle a toujours incarnés.

Robert Jackson Bennett laisse donc s'exprimer une magie envoûtante pour colorer son univers d'un puissant enchantement. Ingénieux et insolite, le pouvoir qui prend cadre dans ce décor est pour le moins explosif. 

Il a également l'intérêt de mettre en lumière des problématiques très actuelles. La première d'entre elles n'est pas des moindres puisqu'il s'agit de la guerre qui semble totalement inhérente à l'histoire de l'humanité et à la construction des sociétés. 

Robert Jackson Bennett émet une critique acerbe des ravages des conflits influencés par des politiques répondant bien trop souvent à des intérêts individuels. Il évoque également les dangers des conflits mondiaux faisant clairement référence à la Troisième Guerre mondiale qui nous guette. 

En outre, en choisissant de donner la primeur à une haut gradée de l'armée qui reprend du service, l'auteur nous parle autant du sujet des vétérans que de la vieillesse. Il casse volontairement les codes du genre qui se plaît à toujours employer de jeunes et fringants protagonistes pour mener la quête et privilégie plutôt ici des personnages nettement plus expérimentés avec un riche passé. Cela donne une vraie profondeur à l'histoire. Il y est, d'ailleurs, pas mal question de douleur et des limites notamment du corps, mais aussi de maturité et de sagesse. C'est un texte qui fait la part belle aux souvenirs et à l'importance de les transmettre. La mémoire est un savoir précieux qui permet de progresser surtout si on ne répète pas les mêmes erreurs. 

La Cité des Lames nous offre une errance dans le passé pour mieux préparer l'avenir et ne pas se laisser distraire par le chant des sirènes louangeant un soi-disant glorieux passé.

Plus que d'avoir imaginer un monde qui bruisse d'une vraie singularité, Robert Jackson Bennett a parsemé son récit de réflexions sociétales et environnementales fort intéressantes. 

D'autre part, on apprécie bien volontiers cette nouvelle protagoniste très nature et au caractère bien trempé. Elle est rafraîchissante presque malgré elle car sa franchise la rend finalement fort attachante. Pleine de courage et de droiture, elle est une femme à poigne qui sait se faire entendre quand il faut et a suffisamment de ténacité pour mener à bien les missions qu'elle s'est fixées ou qu'on lui a assignées. 

Pour conclure : 

Avec La Cité des Lames, Robert Jackson Bennett continue de nous régaler avec des intrigues tissées de complots ayant pour cadre un monde décadent. C'est une série très réussie !

Fantasy à la Cart

A lire sur le blog mon avis sur La Cité des Marches, Les Maîtres Enlumineurs, Le Retour du Hiérophante et Les Terres Closes

Informations 

Robert Jackson Bennett 
La Cité des Lames
T.2
Les Cités Divines 
9782226485915
575 pages
Éditions Albin Michel Imaginaire 

Lien vers le site


08/03/2024

Robert Jackson Bennett, La Cité des Marches, T.1, Les Cités Divines, éditions Albin Michel Imaginaire

Robert Jackson Bennett, La Cité des Marches, T.1, Les Cités Divines
éditions Albin Michel Imaginaire 

Après le succès des Maîtres Enlumineurs de Robert Jackson Bennett, les éditions Albin Michel Imaginaire récidivent en publiant le premier tome de sa saga, Les Cités Divines, qui lui fait office de préquel. 

Pour cette sortie événement, le récit arbore le bel écrin d'un livre relié. La version brochée sera donc publiée plus tard pour laisser le temps à ce format de trouver son public.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Ancienne puissante cité divine, Bulikov n'est plus que l'ombre d'elle-même depuis que les dieux sont tombés sous les coups du Kaj, un chef de guerre venu de Saypur. En outre, des pans entiers de la ville ont disparu suite à une étrange catastrophe, appelée le Cillement. C'est là qu'est sauvagement assassiné un professeur qui menait des recherches sur les divinités disparues. Or, pour enquêter sur cet odieux meurtre, est dépêchée sur les lieux la meilleure espionne du ministère des Affaires étrangères, Shara Thivani. Elle est accompagnée de son fidèle associé, originaire des terres froides, Sigrud qui va la seconder dans ses investigations à haut risque touchant à l'interdit. Alors que découvriront-ils ? 

Mon avis :

Pour avoir déjà goûté à la plume de Robert Jackson Bennett avec sa trilogie des Maîtres Enlumineurs, je connais déjà la qualité de son world building car c'est un auteur qui travaille admirablement bien ses univers. Ainsi, sa saga des Cités Divines ne fait pas exception à la règle et nous plonge dans une fantasy teintée de notes postapocalyptiques. 

Depuis le Cillement, le monde a changé. La cité de Bulikov en porte d'ailleurs les stigmates. En effet, des quartiers entiers ont disparus, subsistent même des marches ne menant plus nulle part. Dans ce décor de fin du monde, la population survie, privée de ses dieux, de ses rites et de ses croyances. Le continent ne vit donc plus sous leur protection depuis qu'Avshakta si Komayd de Saypur les a tués. Bourreau pour certains, héros pour d'autres, il est une figure emblématique qui accompagne le texte tout du long. La magie est résiduelle. Elle s'exprime par de rares miracles et à travers des artefacts divins, consignés dans un lieu tenu secret. Il faut bien reconnaître que Robert Jackson Bennett ne manque pas d'ingéniosité, notamment dans ses emprunts au patrimoine culturel pour nourrir l'onirisme de son roman. Ainsi, il va s'approprier des éléments, à l'image du tapis volant dont l'extraction de ses fils vont servir à la construction de bateaux volants et ainsi injecter au récit une dimension steampunk. 

La Cité des Marches est à la fois un polar et un roman de fantasy mais qui prend aussi une coloration steampunk et postapocalyptique. L'auteur a vraiment bien travaillé sa copie pour nous livrer un récit terriblement immersif. 

Mais, la richesse de ce livre réside aussi dans les thématiques abordées. Il y est beaucoup question d'intolérance religieuse, de racisme, d'esprit de revanche, de radicalisation des idées poussant à des actes violents. L'auteur s'intéresse ici aux mécanismes de l'idéologie sectaire résultant ou entraînant des persécutions. Cela met en lumière, par la même occasion, les conséquences psychiques que ce genre d'acte provoque, notamment lorsqu'il s'agit de renier sa nature ou de renoncer à ses envies. Le texte est clairement enrichi d'émotions fortes touchant à l'intime et à l'entrave à l'épanouissement personnel. 

De fait, La Cité des Marches est un roman qui se partage entre action, émotions et suspense. 

Quant aux protagonistes qui portent cette histoire, il faut que je vous en dise un mot car ils sont intéressants. Il y a déjà Shara, une espionne au service du ministère des Affaires étrangères. Par sa fonction, elle incarne une héroïnes forte qui affronte le danger et a réussi professionnellement à la force de son travail. Néanmoins, elle porte un lourd héritage familial qu'elle va devoir affronter sans parler des préjugés et de l'animosité qu'elle ne va pas manquer de rencontrer au cours de cette aventure. C'est un personnage tout en nuances mêlant assurance et doute. Elle est épaulée dans ses missions par Sigrud, un géant venu du nord. C'est un taiseux qui incarne l'image de l'homme fort. Son histoire personnelle est très touchante. On la découvre au fil des chapitres, le rendant extrêmement attachant. En outre, l'auteur s'est largement inspiré de la mythologie nordique pour construire ce personnage. Mais sous la plume de Robert Jackson Bennett, bien d'autres protagonistes prennent vie, imaginés de manière minutieuse que vous prendrez, j'en suis sûre, plaisir à rencontrer car ils font aussi le charme de ce livre. 

Pour conclure :

La publication de La Cité des Marches a été, pour ma part, l'occasion de belles retrouvailles avec un univers pour lequel j'ai eu un vrai coup de cœur. 

L'auteur y mélange les genres avec beaucoup de virtuosité. L'intrigue est bien ficelée et le suspense perdure jusque dans les dernières lignes. Bref, ne manquez pas de le lire à votre tour. 

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, les avis de livres en livres et Blog-O-Livre

Informations

A lire sur le blog, mes avis sur Les Maîtres EnlumineursLe Retour du Hiérophant et Les Terres Closes

Robert Jackson Bennett
La Cité des Marches
T.1
Les Cités Divines
9782226470621
544 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

Lien vers le site

30/01/2024

GennaRose Nethercott, La Maison aux Pattes de Poulet, éditions Albin Michel Imaginaire

GennaRose Nethercott,
 La Maison aux Pattes de Poulet
éditions Albin Michel Imaginaire 

Romancière, poétesse et novelliste, GennaRose Nethercott est sans doute un nom à retenir. Le succès de son roman La Maison aux Pattes de Poulet y est pour quelque chose d'où cet engouement de le voir publier en France. Et c'est Albin Michel Imaginaire qui s'y est collé avec la publication d'un livre, sublimé par sa magnifique couverture, signée Anouck Faure

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Bellatine et Isaac sont frère et sœur et les derniers de leur lignée. Ils viennent d'hériter d'un étrange leg qu'ils doivent récupérer au port de New York, tout droit envoyé de Kyiv. Il s'agit d'une maison, mais pas n'importe laquelle puisqu'elle est perchée sur des pattes de poulet et a appartenu à leur aïeule Baba Yaga. Alors que Bellatine se voit déjà y vivre et réfléchit à redonner la part à son frère, Isaac, lui, a la folle idée de la transformer en scène de théâtre de marionnettes afin de partir en tournée avec sa sœur comme au bon vieux temps de leur enfance. Bellatine n'a pas d'autre choix que d'accepter le temps de gagner suffisamment d'argent du moins. Seulement, elle ignore qu'un grand danger les guette car Ombrelongue est déjà sur leurs traces et compte bien les exterminer. 

Mon avis :

Dans La Maison aux Pattes de Poulet, GennaRose Nethercott s'est réappropriée la figure marquante du folklore slave, Baba Yaga. Tantôt décrite comme ravisseuse d'enfants pour les faire rôtir, tantôt comme donneuse d'objets et/ou de conseils au héros afin qu'il triomphe de sa quête, cette sorcière hante les contes russes. Or, l'intrigue de ce roman s'articule autour de sa célèbre isba nichée sur des pattes de poulet la rendant ainsi mobile. Sanctuaire et refuge à la fois, elle est le bien le plus précieux de Bellatine et d'Isaac. Son existence est une énigme, elle semble douée de vie, à l'écoute de ce qui se dit. Elle demeure un lieu apaisant pour quiconque pénètre ses murs, le feu permanent brûlant dans son poêle y joue sans doute un rôle. Sa présence symbolise donc la figure de Baba Yaga dont l'ombre plane au-dessus d'elle car elle est un réceptacle à ses souvenirs et à sa destinée. 

Le merveilleux  s'empare donc de ce texte en s'exprimant aussi à travers les pouvoirs que détiennent les deux personnages principaux. Don ou malédiction, la magie est bien là, elle fleurit dans les mains de Bellatine qui donne vie aux objets inanimés ou dans le corps d'Isaac qui est capable de s'approprier les traits de son visu. 

Mais l'onirisme de la plume de GennaRose Nethercott flirte beaucoup avec l'horrifique, notamment à travers l'inquiétant Ombrelongue qui donne vie aux peurs, empoisonnant ainsi les âmes et tuant les esprits. Entité maléfique et malveillante, sa présence donne la chair de poule car il est le croquemitaine de l'Histoire, chargé d'une bien funeste mission.

Dans La Maison aux Pattes de Poulet, l'autrice s'est penchée sur les différentes facettes du monstre. Ombrelongue en est, d'ailleurs, clairement l'essence. Agglomérat du pire de l'humain, il est la personnification des heures sombres de l'humanité dans ses basses œuvres par peur et lâcheté. Or, GennaRose Nethercott différencie cette monstruosité qui se croit légitime dans ses actes de celle dont certains ou certaines se croient à tort doter. C'est le cas de Bellatine qui se voit comme une abomination à cause de ses aptitudes surnaturelles et de ses désirs refoulées. La vérité est que le diable se cache souvent sous une couche de mensonges aux accents de légitimité. 

Derrière cette course-poursuite haletante, l'autrice évoque une réalité historique effroyable de la Russie tsariste. Il s'agit du temps des pogroms qui désignent les violentes attaques dont ont été victimes les Juifs par la population locale non juive les accusant d'être responsables de tous leurs maux. Ce devoir de mémoire est bouleversant et teinte ce récit de mélancolie, de larmes et d'une détermination quant à ne jamais laisser le passé tomber dans l'oubli. 

La Maison aux Pattes de Poulet est un conte sombre et tragique, pense-bête du passé pour ne pas le voir se reproduire dans l'avenir. 

Quant aux protagonistes de cette histoire, ils sont nombreux même si GennaRose Nethercott nous attache surtout aux pas de Bellatine et d'Isaac, beaucoup d'autres gravitent autour d'eux. D'ailleurs, ils ont beau être frère et sœur, ils ne se ressemblent pas pour autant. 

Fantasque, volubile et lâche, Isaac ne s'engage pas, préférant prendre la fuite dès que ça l'implique. Mais sa fausse désinvolture cache une peur, celle d'être abandonné, alors il préfère prendre les devants. C'est un garçon plus complexe qu'il n'y paraît et cette aventure va prouver qu'il n'est pas un couard mais plutôt un frère sur qui compter.

Bellatine manque cruellement de confiance en elle. Elle doute en permanence, ne se fait pas confiance et refoule sa vraie nature par peur du jugement ou de déplaire. Or, affronter le passé de sa famille va lui donner l'assurance manquante et lui permettre ainsi de s'épanouir en étant elle-même.

Pour conclure :

Lire La Maison aux Pattes de Poulet, c'est faire la rencontre d'une plume délicate qui nous plonge dans un univers baigné d'ombre et de lumière, agrémenté d'émotions fortes. Coup de cœur indéniable pour cette histoire, alors rendez-vous en librairie dès le 31 janvier pour que vous aussi, vous ayez le vôtre !

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur la blogosphère, l'avis de Just A Word

Informations

GennaRose Nethercott
La Maison aux Pattes de Poulet
9782226485991
523 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

Lien vers le site

09/05/2023

Robert Jackson Bennett, Les Terres Closes, tome 3, Les Maîtres Enlumineurs, éditions Albin Michel Imaginaire

Robert Jackson Bennett, Les Terres Closes
tome 3, 
Les Maîtres Enlumineurs
éditions Albin Michel Imaginaire 

Chez Albin Michel Imaginaire, le mois d'avril a rimé avec la sortie du troisième et dernier volet des Maîtres Enlumineurs de Robert Jackson Bennett. 

Un final très attendu pour les fans de la première heure, d'autant que l'auteur a pris son temps pour nous le délivrer.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Dans cet opus, il n'est plus question pour Sancia de se lancer dans un quelconque cambriolage ou de mettre hors d'état de nuire un Hiérophante avec ses amis car cette fois-ci, la menace est plus grande et plus globale. Ainsi, le combat dans lequel ils se sont tous lancés à corps perdus semble perdu d'avance car comment arrêter une force capable de contrôler autant les être animés qu'inanimés et d’interagir directement avec la réalité ? Pourtant leur devoir n'est pas de capituler, bien au contraire, il leur faudra même tout donner car il en va de leur survie mais aussi de la liberté de leur monde. 

Mon avis :

Avec Les Terres Closes, le moment est venu pour Robert Jackson Bennett de donner à ses lecteurs les clés de son univers afin d'en comprendre enfin tous les secrets. Le temps est donc à la révélation mais sous la plume de cet auteur, elle se fait tambour battant. Ainsi, le récit est toujours aussi rythmé. Il signe donc à nouveau un roman d'action fort captivant. 

Mais plus que d'enchaîner les péripéties et les coups d'éclat, Robert Jackson Bennett s'est également attaché à explorer le passé de certains de ses personnages, notamment de Clef et de Crasedes, dont l'histoire personnelle représente la pierre angulaire de cette saga. En effet, ce monde est le fruit de leurs créations à travers ce système d'enluminures capables d'interférer avec le réel. 

A travers cette magie, on peut clairement y voir une allégorie de l'intelligence artificielle et du mythe de l'homme Cyborg qui s'expriment par ces plaques enluminées implantées et connectant les porteurs entre eux. L'auteur met en exergue à la fois les avantages et les excès d'une telle avancée technologique. Il est vrai qu'il aborde ce sujet sous l'angle de l'éthique en rappelant la responsabilité des usagers de cette ingénierie quant à son application. Elle confère une telle puissance qu'elle aveugle au point de risquer d'y perdre son humanité. 

07/04/2023

Peng Shepherd, Les Cartographes, éditions Albin Michel Imaginaire

Peng Shepherd, Les Cartographes, éditions Albin Michel Imaginaire 

Après Le Livre de M, une dystopie récompensé par le prix Neukom en 2019, Peng Shepherd a repris sa plume pour signer un deuxième roman. Avec Les Cartographes, elle quitte les rivages du postapocalyptique pour explorer les méandres du thriller fantastique. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Après un incident survenu sept ans plus tôt à la New York Public Library qui a mis un terme à sa prometteuse carrière et l'a contrainte à couper définitivement les ponts avec son père, Nell Young est appelée à se rendre de toute urgence à la bibliothèque. Son père vient d'y être retrouvé mort dans son bureau. D'après les premières constatations, le décès serait naturel, mais le cambriolage survenu peu de temps après instille le doute dans l'esprit de Nell. D'autant que rien ne semble avoir été volé et si le cambrioleur cherchait cette maudite carte qui lui a valu son renvoi et qu'elle a retrouvée dans les affaires de son père. En l'étudiant de près, elle y découvre une anomalie. Dès lors, elle n'aura de cesse de vouloir en comprendre les raisons, quitte à se mettre en danger car les Cartographes s'y intéressent également. Et si ces gens étaient prêts à la tuer pour l'empêcher de trouver ses réponses ? 

Mon avis :

Pour poser le décor des Cartographes, Peng Shepherd est partie d'une réalité historique et en a fait son terrain de jeu. En effet, fascinée par l'apparition mystérieuse d'un village dans l'Etat de New York après que sa mention ait été ajoutée en 1930 sur les cartes routières produites par la Général Drafting Corporation pour confondre ses concurrents en cas d'éventuels plagiats, l'autrice s'est emparée à son tour de ce phénomène pour y planter son intrigue. Ainsi, dans son roman, Les Cartographes, Peng Shepherd a fait de cette carte de 1930 un enjeu autour duquel ses protagonistes se pressent pour soit en percer le mystère, soit mettre des bâtons dans les roues aux autres pour garder le secret. 

Ici, l'autrice balade autant son personnage principal que ses lecteurs en maintenant un flou autour de cette carte d'apparence banale qui pourtant suscite un tel émoi au point de commettre des vols et même des meurtres. Cela a le double intérêt d'instiller des éléments propres au roman policier, tels le questionnement autour du mobile du crime, les investigations pour démasquer le coupable sans parler de l'étau qui se resserre lentement autour des protagonistes, mais permet également à l'autrice d'ouvrir la porte vers un univers de fantasy urbaine à travers le trésor que recèle cette carte empreinte d'un certain onirisme. D'ailleurs, la cartographie est un élément important en fantasy car c'est par l'élaboration de cartes que ces mondes imaginaires prennent vie. Ainsi, sous la plume de Peng Shepherd, la cartographie devient le bais idéal pour donner à son texte sa dimension magique. 

30/12/2022

Jean-Laurent Del Socorro, Morgane Pendragon, éditions Albin Michel Imaginaire

Jean-Laurent Del Socorro, Morgane Pendragon, éditions Albin Michel Imaginaire 

Dès son premier roman Boudicca, Jean-Laurent Del Socorro s'illustre en faisant des figures historiques féminines, les héroïnes de ses livres. 

Après Royaumes de Vent et de Colères, La Guerre des Trois Rois et Du Roi Je Serai L'Assassin, il a également prouvé combien sa plume se plaisait dans la réécriture de l'Histoire. 

Or, en ce début d'année 2023, il a décidé de s'attaquer au mythe arthurien en faisant la part belle à la gente féminine. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Morgane Pendragon s'ouvre sur l'échec d'Arthur à arracher l'épée d'Uther de la roche laissant ainsi la place à Morgane qui, elle, y parvient en dépit des prédictions de Merlin. Devenue reine de Logres, elle devra se lancer dans la guerre contre celles et ceux qui ne la reconnaissent pas. Or, pour fédérer ses alliés, elle a l'idée d'une table ronde pour tenir conseil et prendre les décisions ensemble. De quête en quête avec ou sans ses Epées, Morgane trace sa route au cœur du mythe pour écrire sa propre légende. Quelle sera-t-elle ? Que retiendrons nous du nouveau destin de cette femme ? Marquera-t-elle l'Histoire à jamais ? 

Mon avis :

Avec Morgane Pendragon, on foule les terres de l'uchronie du mythe arthurien. En effet, en changeant un petit détail, à savoir qui retire l'épée du rocher, Jean-Laurent Del Socorro rebat les cartes des jeux politiques qui animent la cour de Camelote. Même s'il a gardé tous les éléments notables au légendaire, Jean-Laurent Del Socorro a néanmoins pris quelques libertés bien nécessaires comme faire siéger des hommes et des femmes à la Table Ronde. Ainsi, en mettant sur le trône de Logres , Morgane, il ouvre en grand les portes de la chevalerie aux femmes. Elles quittent donc l'ambiance feutrée des salons pour endosser l'armure, participer aux joutes et à la guerre afin d'inscrire à leur tour leur nom dans la légende. Aussi, Guenièvre et Elaine prennent part aux quêtes au même titre qu'Arthur, Lancelot ou Gauvain. Si Jean-Laurent Del Socorro leur a conservé leur prestigieuse filiation avec une Guenièvre qui est toujours fille du roi Léodagan de Carmélide et une Elaine qui, quant à elle, est fille du roi Pêcheur, Pellès, gardien du Saint Graal, elles prennent davantage part ici aux évènements majeurs qui ont marqué le cycle arthurien. 

01/04/2022

Tochi Onyebuchi, L'Architecte de la Vengeance, éditions Albin Michel Imaginaire

Tochi Onyebuchi, L'Architecte de la Vengeance, éditions Albin Michel Imaginaire

Tochi Onyebuchi est un écrivain nigérian américain de fantasy et de science-fiction. Après la publication de trois romans Young-Adult, il signe avec L'Architecte de la Vengeance, son premier livre destiné à un public adulte. 

Frappé par la qualité de ce texte, Gilles Dumay a souhaité l'éditer sous son label "Imaginaire" et cela, en dépit de son format court. 

Il m'a fait la surprise de me l'envoyer en service de presse, alors je le remercie d'autant que ce fut une lecture très intense. 

Kevin est né lors des émeutes qui ont secoué les Etats-Unis en 1992. Sous l’œil vigilant et protecteur de sa sœur aînée Ella, télékinésique, il va grandir et embrasser un destin pavé de violence. Dans une Amérique policière et persécutrice vis à vis des Noirs, Kevin et Ella pourront-ils échapper aux pièges de ce système pernicieux et survivre ?

Heurté par les décès successifs de Michael Brown, d'Eric Garner et de Laquan McDonald, en 2014, tombés sous les coups de policiers, Tochi Onyebuchi a eu besoin d'extérioriser ces exactions et les émeutes qu'elles ont entraînées. Dès lors les premières idées d'un roman ont commencé à germer dans son esprit, notamment autour de son duo de personnages principaux. 

L'Architecte de la Vengeance s'est nourri des failles du système américain qui accorde l'impunité à des représentants de la loi ayant usé d'un excès de violence sur des citoyens entraînant de graves blessures et même la mort. A travers les destins cabossés de Kevin et d'Ella, l'auteur souhaite mettre en exergue les injustices et les persécutions dont peuvent être victimes certains de ses concitoyens dont le seul tort est d'avoir la peau noire. Avec son expérience d'avocat en droit civique, Tochi Onyebuchi nous rappelle la nécessité de faire respecter les droits civiques de chacun afin de maintenir l'égalité entre les hommes.  

L'Architecte de la Vengeance est un texte plein de fureur qui nous conte le destin tourmenté d'un garçon en passe de devenir un homme dont l'enfance va être marquée par de mauvaises fréquentations sans pour autant être enrôlé dans le moindre gang grâce à l'omniprésence d'une mère et d'une sœur aimantes. Néanmoins, cela ne va pas l'empêcher d'être arrêté et incarcéré à tort au pénitencier de Rikers et d'y subir de plein fouet la haine policière. Tochi Onyebuchi insère donc son récit dans un contexte politico-social très fort qui suscite émotions et indignation. Les violences policières sont plus que jamais une thématique d'actualité qui revient au cœur des débats. En effet, qu'elles visent des populations pour leur ethnie, leurs oppositions politiques ou leur revendications sociales, la répression est là et semble sans limite. Elle s'installe de plus en plus dans de nombreux pays et est une redoutable arme d'état. D'ailleurs, avec son livre, l'auteur l'a remis au cœur des préoccupations. 

Mais L'Architecte de la Vengeance est également un roman dystopique imprégné de notes fantastiques. Celles-ci s'expriment à travers le don que possède Ella car elle est capable de s’immiscer dans l'esprit des autres pour communiquer ou y induire des émotions. Ce court roman est une fiction spéculative qui réserve son lot de surprises jusque dans ses dernières lignes. L'auteur y projette ses hypothèses autour de l'évolution possible de la société qui oscille entre modernité et dérive. 

Voici un court roman qui est finalement très foisonnant car il réserve à ses lecteurs une tournure très inattendue. La force de ce texte réside aussi dans le caractère attachant de ses personnages. En effet, ce livre est un huis clos dont l'intrigue se focalise autour d'un duo de personnages, formé par Ella et Kevin. Un choix narratif qui donne un ton intimiste au texte tout en assurant une proximité avec les lecteurs. 

29/10/2021

Robert Jackson Bennett, Le Retour du Hiérophante, tome 2, Les Maîtres Enlumineurs, éditions Albin Michel Imaginaire

Robert Jackson Bennett, Le Retour du Hiérophante
tome 2, Les Maîtres Enlumineurs
éditions Albin Michel Imaginaire

Après un premier tome qui a beaucoup agité la communauté de l'Imaginaire, Robert Jackson Bennett a donné une suite à son très intriguant premier tome des Maîtres Enlumineurs

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Dans ce tome 2, on retrouve Sancia, Bérénice, Orso et Grégor qui sont engagés dans une nouvelle mission, celle de démocratiser la création et l'usage des enluminures à tout le monde, tout en cherchant à mettre à mal l'hégémonie des maisons commerciales. Tout à leurs occupations délicates, ils mettent à jour une nouvelle cabale orchestrée par le camp Dandolo qui vise à ramener à la vie un hiérophante. Mais seront-ils capables d'empêcher le pire d'arriver car l'avenir même de Tevanne et de ses habitants est compromis ?

Avec Le Retour du Hiérophante, on foule à nouveau les rues de Tevanne, cette cité érigée au rang de personnage tant elle est omnisciente dans ce récit. En servant de cadre d'action des deux premiers volets des Maîtres Enlumineurs, elle incarne à elle-seule l'univers dans lequel Robert Jackson Bennett fait se dérouler son intrigue. A ce titre, elle joue un rôle important car son édification et son fonctionnement servent un dessein précis. Les descriptions nous révèlent immédiatement la nette séparation entre les quartiers aisés et les quartiers pauvres. Deux mondes qui s'évitent et qui s'opposent. La fracture sociale y est palpable. Or, dans Le Retour du Hiérophante, l'auteur a à cœur de nous dépeindre cette société clivante au moment où elle est sur le point de s'effondrer. Dans ce roman, on arrive à ce point de bascule civilisationnelle avec d'un côté, les puissants qui s'autodétruisent, grisés par un trop plein de pouvoirs et de l'autre côté, le réveil des consciences d'une population avide de se libérer de ses chaînes et de bénéficier d'un traitement plus égalitaire. 

Sous un vernis mâtiné de fantasy, Robert Jackson Bennett signe un cycle sociétal et social où il aborde finalement des problématiques qui agitent toute civilisation au bord du chaos. Avec Les Maîtres Enlumineurs, il se fait l'auteur d'une fantasy engagée, presque militante, portée par un groupe de héros qui se bat pour un monde plus juste et équitable. D'autant, qu'il est également question d'esclavagisme même si cette thématique demeure en arrière-plan dans ces deux premiers volets pour sans doute être traité de manière plus approfondie dans le prochain tome. Entre ces lignes, on ressent clairement le poids de l'Histoire des Etats-Unis d'Amérique et les combats menés par les esclaves pour gagner leur liberté. 

En outre, ce cycle dégage une vraie singularité car derrière les mécanismes de cette magie minutieusement élaborés se dessinent les contours d'un transhumanisme assumé où certains personnages de l'histoire dont l'héroïne principale elle-même ont été altérés dans le but d'une amélioration de leurs capacités. Sur le principe, ce procédé s'apparente à un progrès technologique intéressant et utile, à la condition de l'obtention du consentement des personnes concernées. Or, Sancia comme tant d'autres n'ont pas eu voie au chapitre sur la question et n'accepte pas d'en payer les conséquences. Ainsi, Robert Jackson Bennett alerte clairement sur les dangers de telles pratiques lorsque le libre-arbitre est ignoré. 

Fort de toutes ces thématiques, Le Retour du Hiérophante dégage une vraie maturité dans l'écriture et une belle avancée de l'histoire rendant ce récit d'aventure très captivant. 

Avec Les Maîtres Enlumineurs, Robert Jackson Bennett harponne très rapidement ses lecteurs pour leur faire emprunter des chemins inattendus pour le genre mais qui ne manquent pas d'intérêt.  Autant vous dire que j'attends la suite de pied ferme. 

Fantasy à la Carte

Sur la blogosphère, lisez les avis de La Geekosophe, de Dup de Book en Stock, du Culte d'Apophis, du Chien Critique, et de La Bibliothèque d'Aelinel

Informations

A lire aussi mon avis sur le tome 1

Robert Jackson Bennett
Le Retour du Hiérophante
Tome 2
Les Maîtres Enlumineurs
9782226441522
625 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

24/09/2021

Estelle Faye, Widjigo, éditions Albin Michel Imaginaire

Estelle Faye, Widjigo, éditions Albin Michel Imaginaire

Le 29 septembre prochain, Estelle Faye intègre le catalogue des éditions Albin Michel Imaginaire avec un nouveau roman qui s'intitule Widjigo.

Actrice, scénariste, réalisatrice, romancière, Estelle Faye cumule les casquettes. Sa plume talentueuse n'est pas passée inaperçue si l'on en croit les nombreuses distinctions déjà reçues pour récompenser certains de ses romans. Aussi, Porcelaine, légende du tigre et de la tisseuse reçoit le prix Elbakin en 2013, puis pour Thya (tome 1 de La Voie  des Oracles), ce sera les prix Elbakin et Imaginales en 2015 et enfin, Les Nuages de Magellan reçoit, quant à lui, les prix Bob Morane et Rosny aîné en 2019. 

Personnellement, j'ai un faible pour cette plume de l'Imaginaire francophone car depuis ma découverte des Seigneurs de Bohen, je n'ai pas cessé de lire ses autres livres, en continuant avec Les Révoltés de Bohen, Un Éclat de Givre ou encore Un Reflet de Lune

C'est donc avec un plaisir indéniable que je me suis plongée dans ce roman inédit.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse.  

1793, côtes de la Basse Bretagne,

Le jeune lieutenant de la République, Jean Verdier est chargé avec son régiment de ramener le noble Justinien de Salers, réfugié dans une forteresse, afin qu'il soit jugé par le tribunal révolutionnaire. Sur place, le vieux noble promet à Jean de le suivre sans faire de problèmes à la seule condition qu'il accepte d'écouter son histoire. Pour Jean, c'est le début d'une nuit étrange qui l'envoie sur la terre sauvage de Terre-Neuve, quarante ans plus tôt. 

Dans Widjigo, Estelle Faye confronte deux périodes historiques car on est tantôt en France sous la Terreur, tantôt à Terre-Neuve en 1753. Cela a le double intérêt narratif de dynamiser la lecture tout en nourrissant cette même ambiance diffuse d'angoisse.

L'intrigue principale prend donc cadre à Terre-Neuve, une île inhospitalière où plane l'ombre des croyances amérindiennes. Or, parmi leurs mythes demeurent, de manière prégnante, la légende du Wendigo, aussi nommé Widjigo chez les Algonquins. Il désigne un être surnaturel possédant une grande force spirituelle qui vit de préférence dans la forêt. Le Widjigo est également toujours associé à l'hiver, au froid et à la famine. On appréhende d'autant mieux son omniprésence entre ces lignes puisque Justinien de Salers se retrouve avec une poignée de compagnons, échoués sur l'île de Terre-Neuve après le naufrage de leur bateau. Très vite le froid, la faim et la peur vont se faire ressentir d'autant que la mort rôde et va frapper. Quand les survivants commencent à tomber, la suspicion s'installe. Pour Justinien de Salers, le criminel se cache peut-être parmi eux, à moins que ce soit l'oeuvre d'un autochtone ou d'un animal ? Toutes les hypothèses sont possibles et la folie gagne vite du terrain. 

Widjigo est un récit psychologique qui mêle du fantastique horrifique à quelques notes de thriller. Estelle Faye joue ici sur plusieurs tableaux et brouille bien volontiers les pistes. 

Elle s'appuie sur des personnages torturés qui cachent bien des secrets que l'on découvre petit à petit. Le héros lui-même, narrateur de cette histoire, ne nous dévoile son histoire que de manière diffuse. Il est si tourmenté que l'on en arrive parfois à s'interroger sur sa culpabilité. Quant aux autres personnages, ils ont tous une part d'étrangeté. Que ce soit le botaniste Clément Veneur qui avoue de suite à Justinien avoir été le seul survivant d'un massacre comme le jeune Gabriel faisant d'eux des êtres suspects aux yeux des autres. L’énigmatique métisse Marie, indienne de par sa mère, qui paraît toujours si froide et si détachée de tout et semble en savoir plus sur tout le monde. Le pasteur Ephraïm, aveuglé par sa foi et rongé par le remord, est inflexible avec sa fille Pénitence, quitte à la pousser à la névrose. 

La tragédie des histoires personnelles de chacun de ses personnages s'harmonise parfaitement avec l'ambiance lugubre que l'autrice a construit dans son livre.

Widjigo est un roman palpitant qui donne la chair de poule dès les premières lignes et dont il est impossible de se détacher avant d'arriver au terme de notre lecture. 

Les lieux décrits cadrent parfaitement bien avec les émotions que l'autrice cherche à susciter chez ses lecteurs : le trouble, le frisson, l'effroi et l'horreur.

Widjigo est un court roman incisif où l'affolement se dispute à la fascination. Tout y est pour ravir son public : le suspense, le meurtre, le secret et le mythe. La réalité et la légende se confondent, la frontière se trouble pour nous faire douter en permanence sur le contenu de ce que l'intrigue nous réserve.

Pari réussi pour Estelle Faye qui change complètement de registre en proposant avec Widjigo, un excellent roman d'épouvante.

Fantasy à la Carte

Sur la blogosphère, vous pouvez aussi lire l'avis de Just A Word.

Informations

Sur le blog, d'autres avis sont disponibles sur Les Seigneurs de Bohen, Les Révoltés de Bohen, Un Éclat de Givre et Un Reflet de Lune

Estelle Faye
Widjigo
978-2-226-45743-1
256 pages
Editions Albin Michel Imaginaire 

23/04/2021

Robert Jackson Bennett, Les Maîtres Enlumineurs, éditions Albin Michel Imaginaire

Robert Jackson Bennett, Les Maîtres Enlumineurs, Albin Michel Imaginaire

Fortement louangé par la communauté, le nouveau roman édité chez Albin Michel Imaginaire a su toucher le cœur de ses lecteurs. Il est signé par Robert Jackson Bennett qui a délaissé pour un temps ses polars mâtinés de fantastique et d'horreur pour écrire un cycle de fantasy pure. 

Reçu en service de presse, je remercie Gilles Dumay pour cette belle surprise que j'avais hâte de lire. 

Dans Les Maîtres Enlumineurs, on marche dans les pas d'une jeune voleuse, prénommée Sancia. Vivant jusque-là de vols sans envergure, elle espère raccrocher en effectuant un dernier grand coup, censé lui rapporter un bon pécule, lui permettant de mettre les voiles. Engagée pour dérober un étrange artefact gardé sous haute surveillance dans un entrepôt, elle est a cent lieux d'imaginer ce qu'elle va déclencher. Avec une telle puissance entre ses mains, rien d'étonnant à ce que le monde se déchaîne autour d'elle. Saura-t-elle se trouver les bons alliés pour l'aider dans sa quête ? 

Dans Les Maîtres Enlumineurs, Robert Jackson Bennett a voulu faire de la magie le critère principale de sa fantasy. Point de dragons, d'elfes ou de nains mais un système de magie minutieusement imaginé relevant presque de la technologie. En constatant dans les romans de ses homologues que finalement les manifestations magiques étaient peu expliquées, il a voulu dans son livre leur donner une autre dimension. Il est vrai que généralement dans la littérature fantasy, les personnages disposent simplement de pouvoirs leur permettant de réaliser des prodiges. Cela peut passer par l'énonciation de formules magiques et/ou l'utilisation d'objets comme une baguette mais les auteurs vont rarement plus loin. Alors Robert Jackson Bennett a eu l'idée d'inventer l'enluminure, un procédé qui consiste à graver des sceaux sur la surface d'objets afin de les animer pour leur faire faire ce que l'on souhaite. Ces runes sont autant d'injonctions ordonnées aux lesdits objets pour les détourner de leur fonction initiale. Ainsi, dans ce roman, on trouve, par exemple, des carrioles qui se déplacent toutes seules selon un itinéraire au préalablement défini par le sceau inscrit. Ici, l'auteur nous décrit de manière détaillée les mécanismes qu'emprunte cette magie pour fonctionner. On plonge ainsi dans un univers animé par une multitude d'objets qui influent sur la réalité. Mieux encore, son existence, on la doit à un groupe de savants, appelés les Hiérophantes, érigés au rang de divinités. Celle-ci trouve donc ses origines dans le mythe, ce qui lui ajoute un caractère sacré.  

La magie est donc omniprésente, le système est si développé qu'il est même intrinsèquement lié au fonctionnement de la cité. A Tevanne, le pouvoir est entre les mains des quatre maisons marchandes qui sont les seules à avoir autorité pour commercialiser des objets enluminés. En perpétuelle rivalité, leurs dévorantes ambitions dessinent les contours de la cité et mettent les habitants aux pas. Dans ce cycle, l'auteur nous brosse le portrait d'une société très marquée par les clivages sociaux. Si les quatre maisons sont installées dans des quartiers ultra protégés à la pointe du modernisme et des commodités, il en va de manière bien différente pour le reste de la cité où s'entassent dans des réduits insalubres, les foyers les plus pauvres. Tevanne abrite donc deux mondes qui vont être le théâtre de la lutte mise en exergue dans ce récit. En effet, les héros de Robert Jackson Bennett vont devoir s'allier afin d'empêcher que l'une des maisons asseye sa domination sur le monde en supprimant, au passage, de nombreuses vies. 

14/08/2020

Léafar Izen, La Marche du Levant, Albin Michel Imaginaire

Léafar Izen, La Marche du Levant, Albin Michel Imaginaire

Avec La Marche du Levant, Albin Michel Imaginaire nous propose un récit déroutant, brouilleur de pistes et qui se joue bien volontiers des frontières entre les genres. Je remercie d'ailleurs Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse qui marque indubitablement mon été d'une touche d'évasion.

Dans La Marche du Levant, on évolue aux côtés des peuples du Levant. A Odessa, on s'attache aux pas de la belle assassine Célérya. Membre de la Guilde, la jeune femme est passée maîtresse dans l'art de dépouiller ses victimes de leur bourse et si nécessaire, de leur vie. Un jour, elle est mandatée pour accomplir une étrange mission dans l'Est auprès de ceux que l'on appelle les Guetteurs. Là-bas, les événements ne vont pas se dérouler comme prévus. Une rencontre va bouleverser sa vie car ce qu'elle ignore encore, c'est que son destin est déjà écrit. Elle est un rouage nécessaire à l'accomplissement d'une très vieille prophéties. Les éléments se mettent en place, à Célérya, maintenant, de découvrir quel rôle elle va tenir ?

Dans son livre, Léafar Izen nous plonge dans un univers dystopique. En effet, il met en scène des peuples nomades qui avancent lentement, traversant des terres répondant aux noms d'Europa, de Syberia, d'Amerika ou de Terra Nuova. Nous sommes donc en terre connue. Ainsi, les villes qui servent de refuges aux populations, ne restent pas sur un espace géographique délimité sur une zone précise. En perpétuel mouvement, on s'émerveille devant la grandeur de la cité d'Odessa qui sert de cadre au plus gros de l'action de ce récit. Ainsi, ses demeures sont tirées par des bœufs et des dirigeables la survolent en permanence. Point de royaumes figés dans l'univers de Léafar Izen qui a choisi comme terrain de jeu la planète entière. Ce roman se lit comme une promenade au cœur de vastes paysages qui nous coupent le souffle par leur beauté. Mais c'est aussi la quête de survie d'un peuple qui, dans leur exode, court de grands dangers. 

Les éléments de fantasy ne manquent donc pas dans ce roman. Outre, cet univers sauvage et grandiose, l'auteur inscrit son récit dans un Moyen-Âge revisité comme cela est souvent privilégié dans la fantasy épique. On y croise une guilde d'assassins qui oeuvre dans l'ombre du pouvoir. Il faut dire que les enjeux sont nombreux et la course au pouvoir est acérée. Cette Guilde devient donc tout naturellement un outil indispensable pour asseoir son autorité et étendre son influence. Que l'on parle de la quête de pouvoir ou de la quête d'un paradis à trouver, l'auteur fait également appel à ce motif traditionnel de cette littérature. Elles sont d'ailleurs motivées ici par l'existence d'une prophétie qui annonce l'arrivée d'une élue chargée de conduire son peuple à la porte de l'Arche afin qu'il passe dans un nouveau monde. En outre, les combats épiques ne manquent pas de venir pimenter les pages de ce livre. 

Derrière cette aventure au long court surgissent deux figures féminines qui nous racontent tour à tour leur incroyable destinée. On ouvre ce livre avec Célérya qui passe de pion de la Guilde à pièce maîtresse dans ce jeu de pouvoir. Elle incarne l'indépendance et la liberté. Elle joue un rôle majeur dans cette histoire car c'est elle qui prend sous son aile l'élue annoncée par la prophétie, elle la protège et la place là où elle doit être. Cette élue, c'est Akeyra que l'on suit de la naissance jusqu'au terme de sa vie. Au fur et à mesure du roman, elle s'affirme et prend davantage de place dans la narration. Elle se révèle être une âme courageuse, aussi fougueuse que peut l'être Célérya. Elle prend le pouvoir dans un bain de sang mais arrive à se faire respecter malgré son jeune âge car elle incarne l'espoir pour les peuples du Levant. Elle est une jeune fille attachante. Pleine de rêves, elle n'hésite pourtant pas à se sacrifier pour protéger le plus grand nombre. C'est une héroïne surprenante qui se découvre au fil du temps. 

Léafar Izen est un rêveur qui nous embarque dans son épopée que l'on qualifie d'emblée de fantasy mais pourtant lorsque l'on arrive à l'épilogue, il nous met le doute. Le voilà qui conclue son livre sur un chapitre qui remet totalement en question toutes les certitudes que l'on a pu avoir sur ce livre. Il se montre ici d'une grande facétie et nous prouve que la frontière entre les genres est finalement très perméable. 

Avec La Marche du Levant, Léafar Izen se fait l'auteur d'un pavé prenant que l'on apprécie malgré quelques longueurs. Il réussie à nous attacher à des héroïnes majestueuses et inoubliables qui évoluent dans un monde sublime et implacable.

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur la blogosphère l'avis de Just A Word
Léafar Izen
La Marche du Levant
Albin Michel Imaginaire