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07/04/2023

Peng Shepherd, Les Cartographes, éditions Albin Michel Imaginaire

Peng Shepherd, Les Cartographes, éditions Albin Michel Imaginaire 

Après Le Livre de M, une dystopie récompensé par le prix Neukom en 2019, Peng Shepherd a repris sa plume pour signer un deuxième roman. Avec Les Cartographes, elle quitte les rivages du postapocalyptique pour explorer les méandres du thriller fantastique. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Après un incident survenu sept ans plus tôt à la New York Public Library qui a mis un terme à sa prometteuse carrière et l'a contrainte à couper définitivement les ponts avec son père, Nell Young est appelée à se rendre de toute urgence à la bibliothèque. Son père vient d'y être retrouvé mort dans son bureau. D'après les premières constatations, le décès serait naturel, mais le cambriolage survenu peu de temps après instille le doute dans l'esprit de Nell. D'autant que rien ne semble avoir été volé et si le cambrioleur cherchait cette maudite carte qui lui a valu son renvoi et qu'elle a retrouvée dans les affaires de son père. En l'étudiant de près, elle y découvre une anomalie. Dès lors, elle n'aura de cesse de vouloir en comprendre les raisons, quitte à se mettre en danger car les Cartographes s'y intéressent également. Et si ces gens étaient prêts à la tuer pour l'empêcher de trouver ses réponses ? 

Mon avis :

Pour poser le décor des Cartographes, Peng Shepherd est partie d'une réalité historique et en a fait son terrain de jeu. En effet, fascinée par l'apparition mystérieuse d'un village dans l'Etat de New York après que sa mention ait été ajoutée en 1930 sur les cartes routières produites par la Général Drafting Corporation pour confondre ses concurrents en cas d'éventuels plagiats, l'autrice s'est emparée à son tour de ce phénomène pour y planter son intrigue. Ainsi, dans son roman, Les Cartographes, Peng Shepherd a fait de cette carte de 1930 un enjeu autour duquel ses protagonistes se pressent pour soit en percer le mystère, soit mettre des bâtons dans les roues aux autres pour garder le secret. 

Ici, l'autrice balade autant son personnage principal que ses lecteurs en maintenant un flou autour de cette carte d'apparence banale qui pourtant suscite un tel émoi au point de commettre des vols et même des meurtres. Cela a le double intérêt d'instiller des éléments propres au roman policier, tels le questionnement autour du mobile du crime, les investigations pour démasquer le coupable sans parler de l'étau qui se resserre lentement autour des protagonistes, mais permet également à l'autrice d'ouvrir la porte vers un univers de fantasy urbaine à travers le trésor que recèle cette carte empreinte d'un certain onirisme. D'ailleurs, la cartographie est un élément important en fantasy car c'est par l'élaboration de cartes que ces mondes imaginaires prennent vie. Ainsi, sous la plume de Peng Shepherd, la cartographie devient le bais idéal pour donner à son texte sa dimension magique. 

Derrière l'enquête et l'aura de mystère, Les Cartographes explore surtout les mécanismes psychologiques empruntés par les différents personnages de cette histoire pour faire face aux évènements. En plongeant dans le passé de ses parents et en remontant le fil de leurs souvenirs, Nell va mettre à jour les sombres secrets qui ont entaché la relation qui les liait à leurs meilleurs amis. C'est un roman intimiste qui touche finalement à l'affect car le texte est parsemé de mensonges, d'omissions, de non-dits et de trahisons, ce qui lui donne tout son sel. 

Très vite, on est happés par ce récit qui se lit comme un véritable page-turner et où l'autrice maîtrise parfaitement le suspense. 

Elle nous attache d'ailleurs sans mal à ses protagonistes pour lesquels on va même ressentir une certaine proximité. Il y a bien évidemment Nell qui a été non seulement brutalement écartée de la vie de son père mais a perdu un travail prestigieux, ainsi que son fiancé n'assumant pas à l'époque la situation. On la retrouve quelques années plus tard esseulée à occuper un emploi de substitution sans intérêt pour elle, ne décolérant toujours pas de l'affront que son père lui a fait. Or, la disparition de celui-ci, passé le choc de la nouvelle, va peut-être lui offrir l'opportunité de retrouver son poste initial. Si aux premiers abords, elle nous paraît distante et inexpressive, les émotions finissent quand même par fissurer peu à peu l'armure sous laquelle elle se dissimule pour se protéger moralement depuis son bannissement. On découvre ainsi une jeune fille déboussolée en quête de compréhension. C'est pourquoi, elle plonge dans cette enquête à pieds joints afin de mettre à jour les secrets familiaux qui lui ont empoisonné la vie, quitte à se mettre en danger. A ses côtés, Félix, son amour de jeunesse refait surface. Il semble ne pas avoir complètement fait son deuil de leur séparation. En dépit d'une situation professionnelle florissante, il accepte de reprendre une place dans sa vie, au moins le temps qu'ils démêlent ensemble cette épineuse affaire. Timoré et sans doute un peu honteux de son comportement de l'époque, Félix est un jeune homme plutôt gauche, sans pour autant manquer de sensibilité même s'il refuse de s'avouer à lui-même les sentiments qu'il ressent toujours pour Nell. Enfin, bien qu'il soit décédé au début du livre, l'ombre de Daniel Young plane quand même tout au long du récit. Son omniprésence lui fait d'ailleurs prendre une place centrale. Il est sans doute le protagoniste le plus surprenant car il est celui qui évolue le plus du point de vue du regard qu'on lui porte. Ainsi, s'il nous est immédiatement antipathique surtout quand on le juge sur son comportement paternel, l'autrice nous laisse entrevoir, au fil des pages, un autre visage qui ne manque pas d'une certaine noblesse. 

Tous sont intéressants à suivre car ils nous réservent leurs lots de révélations qui valent le détour. 

En conclusion :

Avec Les Cartographes, Peng Shepherd confirme son talent en proposant un récit aussi addictif que passionnant qui nous emporte d'un bout à l'autre sans nous laisser le temps de souffler. Une pure réussite ! 

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur Le Livre de M

Informations

D'autres avis sont à lire sur la blogosphère : Le Bibliocosme, Le Nocher des Livres, et Les Blablas de Tachan, Au Pays des Cave Trolls et Les critiques de Yuyine

Peng Shepherd
Les Cartographes
9782226471246
471 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

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