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12/01/2021

Alan Lee, Cahier de Croquis du Seigneur des Anneaux, éditions Christian Bourgois


Alan Lee, Cahier de Croquis du Seigneur des Anneaux, éditions Christian Bourgois

Enchantée par son Cahier de Croquis du Hobbit, sorti aux éditions Christian Bourgois, le 5 novembre dernier, je n'ai pas résisté à demander au Père Noël celui sur Le Seigneur des Anneaux. Or, comme j'ai été très sage, j'ai eu le plaisir de le trouver au pied de mon sapin. Merci Père Noël. 

Les Cahiers de Croquis d'Alan Lee sont de magnifiques ouvrages que je recommande à tous les amateurs de la Terre du Milieu

Généreusement illustrés, ils sont un très beau témoignage du travail qu'Alan Lee a effectué lors des tournages de ces deux films qui ont littéralement redéfini la réalisation d'une adaptation d'une oeuvre de fantasy

Lorsque l'on commence à feuilleter Le Cahier de Croquis du Seigneur des Anneaux, il est difficile de détacher son regard de cette multitude de détails que regorge chaque dessin. Avec John Howe, ils ont donné vie à la Terre du Milieu avec beaucoup de talent. C'est d'ailleurs, ces mêmes dessins qui ont alléché Ian McKellen et l'ont convaincu d'accepter d'endosser le rôle de Gandalf. C'est donc le travail d'Alan Lee qui a fait rentrer ce grand magicien au casting du film. En préfaçant ce bel ouvrage, l'acteur nous rappelle que l'image mentale que l'on se fait des lieux et des gens rencontrés dans les livres est totalement influencée par les illustrations qui y sont insérées. Ainsi, à travers ses nombreux croquis, Alan Lee a façonné la Nouvelle-Zélande pour qu'elle devienne la Terre du Milieu de J.R.R. Tolkien. 

Divisé en 20 parties, Alan Lee nous emmène dans les lieux emblématiques du Seigneur des Anneaux en commençant par le pays de Bree. Il nous explique que le village a été édifié dans un camp militaire, qu'ils y ont construit des maisons à colombages, placées par-dessus des bâtiments existants pour les prises de vue extérieures. Quant aux scènes intérieures, elles ont été tournées en studio. Au début du tournage, ils ont dû filmer les Hobbits dans un décor surdimensionné afin de faire prendre conscience aux téléspectateurs de la différence de taille. Cela a donc nécessité la création de deux décors rigoureusement identiques, sauf pour l'échelle. Par la suite, Peter Jackson a simplifié les choses en faisant jouer les acteurs à genoux. 

Parmi les hauts lieux qu'Alan Lee a apprécié créer, il y a Meduseld. Il s'est d'ailleurs inspiré des légendes anglo-saxonnes pour enrichir la décoration du Château d'Or et des bâtiments environnants. Bien que le cheval soit largement représenté, il est à noter qu'il y a ajouté de nombreuses créatures surnaturelles qui viennent s'enrouler autour des piliers, sur les arches ou encore sur la ferronnerie des lieux. La particularité d'Edoras est d'avoir été entièrement recréé en décor réel dans une vallée, situé sur l’Île du Sud. Un écrin somptueux et sauvage qui a retrouvé son état originel dès la fin du tournage. 

Cela nous amène au célèbre Gouffre de Helm qu'Alan Lee a commencé à dessiner dès son arrivée sur le site. Pour s'assurer une totale crédibilité de la bataille, Peter Jackson lui a demandé de travailler à la réalisation d'une maquette. Pour cela, il a modelé cette fameuse vallée avec de l'argile car Peter Jackson aime travailler avec des miniatures comme nous le confie ici l'illustrateur. 

Souvent tourné en paysages réels, le choix des lieux de tournage a été un élément crucial dans l'étape de la réalisation. Parfois, Alan Lee nous précise que l'équipe technique devait ajouter des éléments de décor dans le paysage afin de faire, par exemple, apparaître à l'écran l'existence de ruines, traces d'une civilisation déchue. D'autre part, il est souvent arrivé à Alan Lee d'embarquer à bord d'un hélicoptère afin de photographier les montagnes sous toutes leurs coutures. Cette collecte de photographies a été notamment nécessaire pour créer des arrière-plans qui ont servi pour les séquences à Fondcombe, Isengard et en Mordor. 

Pour Minas Tirith, l'illustrateur a cherché à recréer l'ambiance d'une vieille cité italienne avec ses nombreuses ruelles, escaliers et arches. C'est un lieu remarquable qui s'inspire de la Renaissance italienne comme en témoignent les nombreuses statues des rois du Gondor que l'on peut voir dans la grand'salle. 

Parfois, Alan Lee va chercher l'inspiration dans ses propres souvenirs comme ce fut le cas pour la conception des Mausolées où reposent les Rois et les Intendants du Gondor. En effet, il s'est servi de son expérience de travail dans un cimetière à Highgate pour représenter au mieux ce lieu sacré. 

S'il nous partage beaucoup d’anecdotes de tournage, Alan Lee évoque également certaines illustrations qu'il a réalisées pour l'édition du Centenaire car il faut garder à l'esprit qu'il est avant tout un artiste qui met en images les mots. En outre, la sublime illustration de couverture représentant nos deux Hobbits, Frodon et Sam, dissimulés à la vue des Orques devant la Porte Noire, marquant l'entrée en Mordor est un bel exemple de cet incroyable talent. En quelques détails, il fait ressortir toute la gravité de l'instant que vivent ces deux personnages pris dans la tourmente. 

Au gré des pages, on s'immerge dans les moments cruciaux de ces films. On est en but aux difficultés qu'Alan Lee et les équipes techniques ont pu rencontrer lors de cette aventure cinématographique. 

Ce Cahier de Croquis du Seigneur des Anneaux nous fait prendre la mesure du travail colossal qu'a réalisé l'illustrateur ; des nuits blanches qu'il a passées à la construction des décors. Il a tellement donné de sa personne qu'il s'est même fracturé le poignet lors d'une mauvaise chute en marchant sur des rochers en polystyrène. 

Cette expérience exceptionnelle, il la partage un peu avec nous à travers cet ouvrage. On y découvre l'envers du décor d'un film grandiose qui fait honneur à un homme de génie. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mon avis sur Le Cahier de Croquis du Hobbit

Alan Lee
Cahier du Croquis du Seigneur des Anneaux
Editions Christian Bourgois

15/12/2020

Alan Lee, Cahier de croquis du Hobbit, Christian Bourgois Éditeur

Alan Lee, Cahier de croquis du Hobbit, Christian Bourgois éditeur

Après vous avoir longuement parlé du travail de John Howe sur l'univers tolkienien, notamment à travers Un Voyageur en Terre du Milieu (Christian Bourgois Éditeur), Sur Les Terres de Tolkien (éditions L'Atalante) ou encore son Artbook (éditions Nestiveqnen), j'ai eu envie de revenir sur celui d'Alan Lee

Ayant reçu son Cahier de croquis du Hobbit à mon anniversaire et maintenant que je l'ai lu, j'ai eu à cœur de vous partager mes impressions dessus. 

A travers ce Cahier de croquis du Hobbit, Alan Lee nous remmène en Terre du Milieu et plus précisément sur les lieux de tournage du film éponyme. Au gré des pages richement illustrées, il nous confie quelques anecdotes tantôt savoureuses, tantôt instructives sur ses expériences et ses souvenirs. 

Divisé en sept parties, l'illustrateur suit finalement le même fil que l'adaptation cinématographique pour nous parler de ce qui l'a marqué au cours de cette incroyable aventure. 

C'est donc d'abord à Cul-de-Sac qu'il nous donne rendez-vous. Entre aquarelles et crayonnés, on découvre, par exemple, quelques-unes de ses nombreuses esquisses pour donner vie aux trous des Hobbits. Il nous confie d'ailleurs s'être largement inspiré de l'architecture des cottages du Devon pour les réaliser. Quant aux nombreux nains et autres personnages qu'il a dû dessiner, il avoue avoir eu souvent recours à ses proches qui lui ont carrément servi de modèles pour l'aider dans sa création de cette population foisonnante. 

Après avoir traversé les Terres Désolées, il nous fait faire une longue halte à Fendeval, un havre de paix elfique qu'Alan Lee a beaucoup aimé mettre en images. On y retrouve beaucoup l'esthétique visuelle de l'Art nouveau. La nature y est magnifiée. Les édifices s'enroulent et se confondent avec le végétal pour donner naissance à de véritables palais. 

Quelques pages plus loin, dans les Montagnes Brumeuses, on part à la rencontre des fantassins du mal et notamment des gobelins. Ce sont des créatures issues du folklore qu'Alan Lee se plait à dessiner depuis des années, alors en refaire pour le film ne lui a posé aucun problème. Mais, ici, il a surtout beaucoup travaillé sur les décors des grottes servant de cadre à cette partie de l'action car il fallait impérativement faire transparaître l'atmosphère de danger de ces lieux. Quant à sa représentation de Gollum, il revient sur un détail qui pour lui a eu son importance dans la scène "Énigmes dans le noir" : la conception de son bateau. En effet, il l'a imaginé fabriqué à partir de peaux et d'ossements d'orques. Ainsi, l'artiste démontre un vrai souci du détail afin  d'être le plus cohérent possible par rapport à l’histoire et aux personnages. 

Dans la Contrée Sauvage, on fait connaissance avec Beorn et son étrange demeure. Cette fois-ci, c'est une chaumière du Dartmoor qui lui a donné l'idée pour la conception de cette bâtisse. Reflet de la personnalité de cet énigmatique personnage, cette demeure recèle de nombreux trésors pour qui sait regarder. 

Parmi les nombreuses tâches qui lui ont été incombé, il y avait celle d'imaginer les lieux les plus inquiétants. Ainsi, il brosse un Dol Guldur tout en angles, en pierres taillées et métal rouillé, parcouru de plantes grimpantes et épineuses afin de susciter l'angoisse chez le spectateur. 

Régulièrement, il devait soumettre à Peter Jackson entre deux prises ses nombreuses propositions pour faciliter le tournage de telle ou telle scène comme ce fut le cas pour le célèbre passage dans la cave à vins où Bilbo a l'idée de fuir avec les nains dans des tonneaux vides. Encore aujourd'hui, il reconnait que lorsqu'il regarde à nouveau les films, il repense toujours aux autres options qui auraient pu être retenu. 

Pour Bourg-du-Lac, on retrouve le style des habitations de l'Europe de l'Est. De nombreux menuisiers ont d'ailleurs travaillé d'arrache pied pour un résultat saisissant qu'Alan Lee salue dans ce présent ouvrage. Mais Bourg-du-Lac lui a aussi donné l'occasion de faire partie du film. En effet, avec John Howe, ils ont joué les figurants pour venir grossir la fanfare qui accompagnait le départ de la compagnie. 

Enfin pour Erebor, il commence par nous partager des éléments techniques sur la construction des décors de cette forteresse, puis nous parle de Smaug et particulièrement de son goût pour les dragons et les légendes grecques, nordiques et galloises dans lesquelles on retrouve souvent ces sauriens. 

Grâce à une panoplie de techniques, les artistes comme Alan Lee ont pu donner des cadres grandioses et spectaculaires à ce film, au plus près de ce que J.R.R. Tolkien a imaginé. Mais comme l'illustrateur le dit lui-même, toutes leurs compétences ont quand même des limites car c'est bien grâce au jeu des acteurs que la magie a pu opérer. 

Le Cahier de croquis du Hobbit est un merveilleux beau-livre qui nous replonge dans l'ambiance du film. C'est un ravissement pour les yeux que d'admirer, encore et encore, les nombreux croquis, dessins, peintures de cet artiste qui a su capter comme son homologue John Howe l'essence même de la Terre du Milieu

Fantasy à la Carte

Alan Lee
Cahier de croquis du Hobbit
Christian Bourgois Éditeur 

19/06/2020

Vincent Ferré et Frédéric Manfrin (sous la dir.), Tolkien, Voyage en Terre du Milieu, Christian Bourgois Éditeur/ BNF

Tolkien, Voyage en Terre du Milieu, Christian Bourgois Editeur/BNF

Alors que l'exposition Tolkien, Voyage en Terre du Milieu de la Bibliothèque nationale de France vient de se voir attribuer le Prix Spécial du Grand Prix de l'Imaginaire 2020, j'en profite pour ressortir de ma PAL, le catalogue de l'exposition reçu à mon anniversaire. 

N'ayant pu me rendre physiquement à la BNF et déambuler dans les espaces consacrés au maître de la fantasy, ce beau-livre m'en donne néanmoins un bon aperçu. 

De l'avis de tous, le premier élément qui caractérise J.R.R. Tolkien et son oeuvre est la Terre du Milieu. C'est donc la construction de ce monde qui a été cœur de cette exposition. 

Divisé en trois parties, ce catalogue revient sur la genèse de ce monde fantastique en mettant en exergue ses principales forces. 

Qu'ils soient professeur, archiviste, conservateur, tous les intervenants qui ont pris la parole dans cet ouvrage sont des passionnés de l'univers de Tolkien. 

Ainsi, Damien Bador nous parle ici du goût de J.R.R. Tolkien pour l'invention des langues qu'il qualifie lui-même de "vice secret". Une passion poussée à l'extrême puisqu'il ira, par exemple, jusqu'à attribuer un alphabet aux Gobelins dans ses Lettres du Père Noël. Un intérêt qui a fait des émules parmi les passionnés puisque certains ont été jusqu'à bâtir des grammaires des langues elfiques. 

Sa fascination pour la linguistique est de notoriété mais Tolkien est également un cartographe et un géographe, comme le rappelle Isabelle Pantin. En effet, en même temps qu'il écrit, J.R.R. Tolkien trace une représentation figurative des lieux traversés par ses personnages. D'ailleurs, certaines cartes sont même annotées des noms des personnages aux côtés des noms de lieux. Au fur et à mesure de l'avancée dans la rédaction de ses histoires, il démontre un vrai souci de crédibilité en redessinant des cartes à l'échelle comme c'est le cas pour Le Silmarillion en 1930. 
Mais que serait un monde sans peuples comme le dit Anne Rochebouet. Alors J.R.R. Tolkien a commencé par introduire en Terre du Milieu, les Elfes. Certains se réfugient à l'ouest, à Valinor pendant que d'autres comme les Elfes gris demeurent dans les forêts comme celle de la Lorien. Puis, il introduit les hommes dont l'ouest leur est interdit, sauf aux Edains qui ont aidé les Elfes contre Morgoth. C'est là-bas qu'ils fondent le royaume de Numénor dont Aragorn est le dernier représentant de la lignée. Il y a également les Nains qui vivaient dans de grands royaumes sous la montagne jusqu'à ce qu'ils en soient chassés et errent depuis lors sur les routes. Les Hobbits que l'on retrouve du côté du Comté. Les Ents, seigneurs et protecteurs des forêts, un peuple qui témoigne de l'attachement de J.R.R. Tolkien aux arbres et à la nature. Sans parler des Orques, des Trolls, des Dragons, tous corrompus par Morgoth et Sauron. 

Ce qui est moins connu du grand public est le grand intérêt que portait l'auteur au dessin. Pierre Serié le souligne d'ailleurs judicieusement dans cet ouvrage. J.R.R. Tolkien avait une grande culture visuelle. Il a illustré ses récits à l'aide de dessins et d'aquarelles qui témoignent de sa fascination pour la nature anglaise et ses paysages. 

La seconde partie est riche en documents et en photographies pour illustrer au mieux le travail de construction de son univers. Dessins, cartes, lettres, brouillons se pressent entre ses pages pour nous faire prendre conscience de la mesure du travail colossal réalisé par l'auteur. Un intermède qui nous plonge dans les lieux emblématiques de la Terre du Milieu : le Comté, les royaumes des Nains, les terres des Elfes, le Rohan, le Gondor ou encore le Mordor. Un itinéraire visuel construit comme une balade instructive destinée aux amateurs et aux curieux qui sont avides d'en savoir un peu plus sur cette genèse de toute une vie. 

Cette exposition a été aussi l'occasion de mettre en lumière l'homme qu'il était. C'est pourquoi, ce catalogue se conclut sur ses années à Oxford qui fut autant pour lui son cadre de travail que de vie. C'est un peu son Valinor, son refuge, son paradis. Tout comme l'a été sa femme Edith ainsi que ses enfants. Pour preuve, ces photographies disséminées ici ou là qui sont autant d’instantanés des moments heureux auprès de sa famille et de ses amis. L'exposition n'a pas omis non plus ses moments passés au front qui l'ont profondément marqué au point de lui inspirer par exemple les terres désolées du Mordor. 

Ce catalogue reflète le travail de fourmis réalisé par les contributeurs de l'exposition autant pour l'exposition elle-même que pour la publication de ce livre. Chaque élément a été soigneusement sélectionné pour faire ressortir toute l'essence de cet événement.

Tolkien, Voyage en Terre du Milieu constitue un bel ouvrage qui donne finalement à cette exposition exceptionnelle son caractère éternel. 

Fantasy à la Carte

Vincent Ferré & Frédéric Manfrin (sous la dir.)
Tolkien, Voyage en Terre du Milieu
Christian Bourgois Éditeur
Bibliothèque nationale de France

10/01/2020

John Howe, L'Artbook, éditions Nestiveqnen

En cette fin d'année 2019, les éditions Nestiveqnen ont réédité L'Artbook de John Howe dans une version augmentée de 16 pages. Dès lors, il m'est apparu intéressant de le commander au Père Noël afin que mes souliers d'enfant sage soient garnis de fantasy

John Howe est un grand nom de la fantasy au même titre que des J.R.R. Tolkien, des  Raymond Feist ou encore des Robin Hobb. Seulement, lui, il donne vie à cet imaginaire avec un crayon ou un pinceau. 

A maintes reprises, j'ai pu voir ce talentueux artiste à l'oeuvre, notamment à travers mes explorations de ses ouvrages, Un Voyageur en Terre du Milieu (éditions Christian Bourgois) et Sur les Terres de Tolkien (éditions L'Atalante). 

Amoureux de la nature, admirateur des vieilles pierres, John Howe est un rêveur qui aime nous emmener à la découverte de mondes oniriques. 

Cet artbook retrace les temps forts de sa carrière, et ne se contente donc pas de nous présenter quelques illustrations du Hobbit ou du Seigneur des Anneaux

John Howe est un artiste accompli qui emporte son public à l'assaut de bien des univers. Cet artbook est une vraie balade guidée par d'autres figures artistiques issues tantôt du cinéma, tantôt de la littérature. Des personnalités avec lesquelles il a travaillées ou qui ont été marquées par son immense talent. 

C'est Viggo Mortensen qui ouvre la porte de cet imaginaire fabuleux. Il nous confie sa première rencontre avec les œuvres de l'illustrateur lorsqu'il s'est retrouvé, par hasard, seul dans l'atelier que John Howe partageait avec Alan Lee à Miramar. Il nous parle de la claque visuelle qu'il a pris ce jour-là. 

Passés les éléments biographiques, on revisite avec ce beau-livre certaines thématiques qu'il a traitées au cours de sa carrière. Ainsi, on peut admirer ses représentations de Merlin (1983, p 30), d'Avalon (1984, p 31) ou encore de Lancelot (1983, p 32) car bien évidemment, il n'a pas résisté à l'appel des légendes arthuriennes

La nature est une grande source d'inspiration pour cet artiste. Des êtres féeriques y sont souvent dissimulées à l'image de son "Elf Fantastic" (1996, p 43). Il aime dessiner les éléments qui se déchaînent,  comme en témoignent ses propositions, malheureusement, rejetées, de The Amber Spyglass de Philip Pullman (2000, p 52-53). Et pourtant, visuellement, elles sont très saisissantes

Le dragon, on le sait, le fascine. Il lui a d'ailleurs consacré de nombreuses planches. Beaucoup sont inspirées des œuvres de J.R.R. Tolkien comme sa vision de "La Mort de Smaug" (1985, p 97), mais il en a également dessiné pour d'autres romans comme le cycle de L'Assassin Royal de Robin Hobb. D'ailleurs, avec cet ouvrage, je réalise tout le travail qu'il a fait pour les romans de cette grande dame de la fantasy qui m'a donné le goût du genre. Je ne peux donc m'empêcher de toutes les admirer. Il y a même Parangon et Vivacia, les navires enchantés des Vestrit tirés des Aventuriers de la Mer (1998-1999, p 146-147). C'est un enchantement visuel d'autant plus quand on lu les livres

De son passage en Alsace, il aura été de toute évidence très marqué par les édifices religieux. La cathédrale de Strasbourg a été pour lui un immense terrain de jeu. En croquant ses gargouilles, ses arcades, ses tourelles, ses couloirs, il nous offre de nouvelles perspectives sur ce lieu chargé de secrets. 

Tous ces témoignages disséminés ici ou là à travers ce livre instaurent une vraie complicité avec le lecteur. On prend plaisir à lire ces petites anecdotes qui reflètent bien notre admiration commune pour les œuvres de John Howe.  

Cet artbook est un précieux témoignage du talent d'un homme qui a passé son temps à donner vie à l'invisible. 

Sombres ou lumineux, esquissés ou peints, tous ses dessins nous offrent la part de rêverie dont on a tant besoin dans nos vies si routinières. 


John Howe
L'Artbook
Editions Nestiveqnen

08/11/2019

Nathalie Dau & Krystal Camprubi, Légendes, créatures fantastique, éditions Auzou

Retrouvé au fond du grenier, Légendes, créatures fantastiques est un souvenir professionnel de mon stage au sein des éditions Auzou. Au vu du contenu, ce beau-livre a clairement sa place à la Une de Fantasy à la Carte

Présenté comme un grimoire, ce livre s'adresse à la jeunesse. Ici, la plume de Nathalie Dau est associée au pinceau de Krystal Camprubi pour ouvrir les portes du bestiaire merveilleux à la jeune génération. 

Avec beaucoup de pédagogie, Nathalie Dau donne quelques clés afin de comprendre ce qu'est une licorne, à quoi ressemble un dragon ou encore comment différencier une sorcière maléfique d'une bonne magicienne. 

Ce livre se divise en douze doubles-pages admirablement illustrées par Krystal Camprubi et présentant à tour de rôle la licorne, le dragon, la sorcière maléfique, la bonne dame, le lutin, la fée follette, le faune, l'ondine, le troll, la princesse en détresse et le chevalier. Chacune de ces pages est décorée d'un liseré, souvent différent, qui vient les encadrer à la manière des enluminures moyenâgeuses. 

Krystal Camprubi propose des crayonnés, des esquisses et des peintures qui viennent illustrer avec beaucoup de talent les propos de Nathalie Dau. Le livre est rempli de rabats à soulever ou à déplier pour découvrir les trésors cachés par l'illustratrice. Ainsi, elle donne la possibilité aux jeunes lecteurs de toucher le crin de la licorne ou l'étoffe de la robe de Merlin. Des privilèges rares qui ne sont réservés qu'aux initiés, vous imaginez bien !

Même si cet artbook est destiné à un jeune public, je ne peux m'empêcher de rester en admiration devant le talent de ces deux femmes. Voici deux noms de l'Imaginaire français qui font rêver les lecteurs de 7 à 77 ans. 


J'apprécie la finesse du trait dans les crayonnés de Krystal Camprubi et son souci du détail. Ses peintures sont empreintes d'un tel réalisme que l'on pourrait les prendre pour des photographies. A croire qu'elle s'est aventurée dans les lieux les plus secrets de la nature pour croquer ces créatures qui nous fascinent depuis des siècles. 

Nathalie Dau y décortique avec minutie ce qui nourrit nos contes et légendes populaires.

Cet ouvrage est un bien bel outil pour qui veut initier les enfants à la lecture et à la compréhension des contes de fées.  

Fantasy à la Carte

Nathalie Dau
Krystal Camprubi
Légendes, créatures fantastiques
Editions Philippe Auzou

13/01/2019

John Howe, Sur les Terres de Tolkien, éditions L'Atalante

Noël 2018 aura été marqué par J.R.R. Tolkien et John Howe pour Fantasy à la carte. La réception simultanée de deux artbooks de John Howe édités respectivement en 2002 (Sur les Terres de Tolkien, L'Atalante) et en 2018 (Un Voyageur en Terre du Milieu, éditions Christian Bourgois) m'a offert une perspective d'approche différente. 

Ayant commencé par le plus récent, c'est avec un autre regard que je me suis donc plongée dans le panorama publié par L'Atalante

Promenons-nous en Terre du Milieu avec John Howe

Invité en résidence par l'Office régional culturel de Champagne-Ardennes, John Howe a pu se consacrer à la réalisation de cet ouvrage qui vient compléter l'exposition au Centre culturel canadien à Paris qui s'est déroulée du 10 décembre 2002 au 11 janvier 2003. C'est à l'occasion de la sortie du film Le Seigneur des Anneaux - Les Deux Tours de Peter Jackson que 121 illustrations de l'artiste ont été exposées. Enrichi de nombreuses peintures, croquis et illustrations, ce présent ouvrage sert donc de catalogue à cette exposition afin d'en laisser une trace. 

A travers des réalisations qui s'échelonnent entre 1985 et 2001, on mesure le long processus de création de John Howe. 

Bénéficiant de la collaboration de la romancière Stéphanie Benson, de l'acteur Christopher Lee et du journaliste-écrivain Christophe Gallaz, ce beau-livre devient un parfait témoignage des prouesses que John Howe a réalisées. Tous sont unanimes, il est un magicien qui a donné vie à un univers fictionnel incroyable. Il lui a permis de sortir de l'imagination de J.R.R. Tolkien et de prendre vie sous nos yeux ébahis. il y a une vraie authenticité dans ses illustrations. Tout ce qu'il a croqué vient faire écho avec nos propres représentations que l'on a pu se faire lors de notre lecture des œuvres de J.R.R. Tolkien. C'est le gros point fort de cet illustrateur qui n'a rien dénaturé des récits de l'auteur mais qui les a, au contraire, magnifiés. C'est comme s'il avait parcouru lui-même la Terre du Milieu pour aller à la rencontre de ses habitants comme le souligne Stéphanie Benson. Et c'est exactement la réflexion que je me suis faite lorsque j'ai exploré son travail à travers ma lecture de Méditations en Terre du Milieu édité chez Bragelonne ou lorsque j'ai travaillé sur l'article qui lui a été consacré. 
A peine les yeux posés sur ses œuvres que l'on est saisi à la gorge par l'émotion d'être de retour en Terre du Milieu. Prenons l'exemple de son tableau de la Bataille du Gouffre de Helm (1996) qui nous aspire littéralement au cœur de ce moment critique avec ces milliers d'Orcs qui assiègent la forteresse. A y regarder de plus près, on sentirait presque la fumée âcre suite aux explosions pendant que notre cœur manquerait un ou deux battements en entendant les cris sauvages de ces démoniaques assiégeants. 

Cet ouvrage est un condensé de ce qui a pu être exposé en 2002-2003. Cela nous donne un petit aperçu de l'apport de cet illustrateur quant à l'identité visuelle que les romans de J.R.R. Tolkien ont pris.

Bien que datant de seize ans, ce beau-livre demeure un objet intemporel qui continue de susciter une grande admiration chez les nombreux fans.

Fantasy à la carte 

Sur les Terres de Tolkien

06/01/2019

John Howe, Un voyageur en Terre du Milieu, éditions Christian Bourgois

A la fin de l'année 2018, les éditions Bourgois ont redonné la parole à l'une des figures de l'héritage de J.R.R. Tolkien, John Howe. Il revient donc enrichir les rayonnages des librairies de l'Imaginaire avec ce qu'il appelle son cahier de croquis. 


Retour en Terre du Milieu pour John Howe

Sous la forme d'un beau-livre, John Howe nous fait voyager de Cul-Sac au Mordor à travers nombreuses de ses illustrations qui lui ont servi de base lors de ses collaborations pour les productions du Seigneur des Anneaux et du Hobbit de Peter Jackson. 

C'est un voyage qui s'organise en treize étapes au cours desquelles l'artiste nous offre des escales dans les lieux marquants de l'univers tolkienien. Mais plus que de parler de ces endroits fabuleux, il en profite également pour revenir sur les peuples et les créatures qui y vivent. Entre crayonnés et peintures, il nous fait revivre les grands moments des livres du maître de la fantasy. Entre souvenirs et petits focus sur des éléments-clés des romans, John Howe y est autant en voyage que son public.

Sans tout vous décortiquer afin de vous laisser le plaisir de la découverte, je peux tout de même vous dire que John Howe nous fait passer un instant dans la Comté afin d'admirer des détails architecturaux sur ces bien étranges maisonnettes de Hobbits. Puis, il nous fait traverser les forêts qui recouvrent la Terre du Milieu où le Mal s'est infiltré pervertissant cette nature qui fut belle et verdoyante pour devenir inextricable et dangereuse. Il fait quelques arrêts dans certaines forteresses, hauts lieux du pouvoir à l'image de Meduseld du Pays de Rohan, Erebor, le royaume des Nains sous la Montagne ou Minas Tirith, la cité des Hommes. Les cavernes et les refuges y sont également à l'honneur comme les Mines de Moria ou Gobelinville sous les Montagnes de Brume pour ce qui est des galeries souterraines, et les forteresses Elfes qui semblent le dernier bastion face au Mal, tel le Royaume Forestier, domaine de Thranduil ou La Lothlorien où règne Galadriel. 

Autant de lieux où se sont joués de nombreux destins aussi bien du côté du Bien que du Mal.

Au chapitre 10, John Howe donne la parole aux grands dragons de Tolkien, des créatures chères au cœur de l'illustrateur comme en témoigne sa participation à la série de documentaires Dragons, diffusée dernièrement sur Arte. Il partage avec nous sa représentation personnelle des dragons de Tolkien, Glaurung, Ancalagon et bien évidemment le célèbre Smaug. Des illustrations majestueuses et riches en détails qui témoignent du long travail de recherches que John Howe a effectué pour donner vie à ces êtres chimériques. Exercice qui fut difficile comme l'a démontré le documentaire qui compare les différentes représentations du dragon entre l'Orient et l'Occident. Un travail remarquable que ce présent ouvrage nous permet d'admirer à travers les quelques fragments choisis. 
Les éditions Christian Bourgois nous offrent avec la complicité de John Howe une nouvelle évasion en territoire fantasy. Grâce à un travail minutieux, il attire notre attention sur des détails à côté desquels nous étions peut-être passés lors de nos précédentes incursions chez Tolkien. C'est un ravissement renouvelé à chaque page tournée face au talent inégalé de cet artiste aux multiples casquettes.

Un Voyageur en Terre du Milieu est un cadeau dont je ne me lasserais jamais de tourner les pages afin d'aspirer une bonne bouffée de merveilleux. 


Fantasy à la carte

Un Voyageur en Terre du Milieu

15/01/2017

Hélène Larbaigt, L'étrange cabaret des fées désenchantées

Voici venir le grand soir, le moment que vous attendiez tous, celui où Hélène Larbaigt lève enfin le rideau sur son Fabuleux, Insaisissable et Étrange cabaret. 

Cette illustratrice à l'imagination fertile et au coup de crayon exalté nous ouvre la porte de son riche univers et démontre à travers L’Étrange Cabaret... des fées désenchantées l'étendu de son talent. 

Ici, point de fées comme l'imaginaire populaire l'a transmis depuis des millénaires. Vous n'y verrez pas de jolies marraines arborant fièrement leur baguette magique pour protéger des Cendrillons égarées ou réveillées des Belles Endormies. Les fées de cette illustratrice entraîne les spectateurs dans une revue endiablée, menée d'une main de fer par Morte Vanité, la propriétaire du fameux cabaret. 

Bien en chair pour certaines, aux grands yeux et aux dents affûtées pour la plupart, ces fées d'un genre moderne usent largement de leurs charmes pour envoûter les humains venant se perdre dans ce music-hall d'un autre type. 



Qu'elles soient issues des mythologies, des contes ou du panthéon des Dieux, ces fées désenchantées viennent chacune à leur tour nous raconter leur histoire et les raisons qui les ont amenées à pousser les portes du cabaret de Morte Vanité. Tantôt rejetées par les hommes, tantôt en but à leur mesquinerie ou à leur ingratitude, elles ont finalement toutes une bonne raison de se retrouver dans ce cirque de curiosités.  

Bien qu'elles aient toutes un destin extraordinaire qui mérite d'être partagé, j'ai pour ma part ma petite préférence pour la Baronne Samedi et son amour impossible avec le Baron La Croix. Mais je vous laisse seul juge de son histoire.
Qu'elles soient issues des mythologies, des contes ou du panthéon des Dieux, ces fées désenchantées viennent chacune à leur tour nous raconter leur histoire et les raisons qui les ont amenées à pousser les portes du cabaret de Morte Vanité. Tantôt rejetées par les hommes, tantôt en but à leur mesquinerie ou à leur ingratitude, elles ont finalement toutes une bonne raison de se retrouver dans ce cirque de curiosités.  

Les éditions Mnemos ont su rendre hommage à son travail remarquable en proposant un magnifique recueil bien fini. Chaque double page est filigranée et vient bien mettre à l'honneur chacune des histoires que cette autrice-illustratrice nous conte. A travers des fiches d'identités, des lettres personnelles, des affiches, des coupons d'entrée, ce livre apparaît comme un précieux témoignage de ce cabaret hors-normes. 

L’Étrange Cabaret... des fées désenchantées, c'est une page de vie d'une fantasy originale et extravagante signée Hélène Larbaigt.  


Fantasy à la carte

27/11/2016

L'Artbook, Keith Parkinson, éditions Milady

Pour écrire sur l'illustrateur Keith Parkinson, il m'a fallu m'immerger dans son monde. Pour faciliter la tâche, il fallait donc que je me procure son magnifique artbook retraçant son travail. 

Tombé entre mes mains, le livre est juste superbe. Traduit et édité par les éditions Milady en 2010, il retransmet bien l'essence du travail de l'artiste. Au fur et à mesure que l'on tourne les pages, ce beau-livre nous fait faire connaissance plus en profondeur avec le cheminement artistique de Keith Parkinson.

La première chose à louer dans cet artbook est l'introduction signée par Terry Goodkind, un grand nom du genre et aussi un proche ami de l'illustrateur. Quoi de plus prestigieux pour promouvoir un livre! Il y confie l'importance pour lui de collaborer avec Keith Parkinson. Partageant la même vision des choses, et particulièrement de l'art, ils ont formé le tandem idéal pour produire d'accrocheuses couvertures de fantasy. Il faut dire que Keith Parkinson a une vraie sensibilité avec une grande capacité pour traduire le cœur d'un roman à travers un seul tableau, sans pour autant le surcharger.

Les premières pages sont consacrées au processus de création de l'artiste. Il nous explique les différentes étapes qu'il suit en fonction de ce qu'on lui demande pour aboutir à tel ou tel tableau. Un chapitre qui nous fait tout simplement pénétrer dans son atelier. En fait, il commence par sélectionner le support sur lequel il va œuvrer, puis il passe à la sélection du dessin qui viendra trôner au centre de sa composition finale. Il commence toujours par peindre l'arrière-plan pour terminer par l'intégration de ce qui va venir occuper le devant de la scène. Un long travail minutieux qui demande du temps et de l'inspiration.

Un début de livre qui nous dévoile les esquisses qu'il a réalisées pour telle ou telle couverture. Chaque dessin est annoté de sa main pour aiguillonner le maquettiste lors de l'impression finale. Cela témoigne de l'ampleur de la besogne. Car être un illustrateur professionnel, ce n'est pas seulement se contenter de réaliser un dessin. Une commande, c'est bien souvent plusieurs essais pour plaire au commanditaire et lui donner du choix. C'est un travail exigeant et fort intéressant. 

Le reste de l'artbook fait un état des lieux de quelques-unes de ses œuvres. Tout n'y est pas car cela ne tiendrait pas dans un seul livre, mais cela donne une idée générale du style de l'artiste.

Keith Parkinson a pris soin de commenter chacune des illustrations choisies afin de partager ses souvenirs, des détails de réalisation. Il y fait quelques confidences sur les lieux ou les personnes qui l'ont inspirés par exemple. On réalise ainsi que c'est un amoureux de la nature. Ce qui ressort bien dans les couvertures de L’Épée de Vérité, par exemple. Les paysages y sont justes époustouflants. 

L'important ici n'est pas de vous faire un contre-rendu détaillé de chacune des œuvres présentées, ce serait trop fastidieux et sans intérêt pour vous. Autant vous laissez découvrir ces merveilles par vous-même, la délectation n'en sera que meilleure. Pour moi ce qui est incroyable dans ce livre est de constater que chaque création aussi bien une couverture de livre, de magazine, une jaquette de jeu vidéo qu'une carte à jouer, toutes sont en réalité de grands tableaux. Clairement c'est de l'Art qui nous raconte une histoire avec un grand H. Et ceux-ci ne sont pas figés. Bien au contraire, ils transfigurent du mouvement, de l'action. Ce qui est pour le moins prodigieux. 

Artiste dans l'âme, Keith Parkinson a profondément marqué son temps. Un beau-livre qui honore sa mémoire et que les amateurs des univers de fantasy ne peuvent que se réjouir de posséder dans leur bibliothèque. 

Fantasy à la carte

Keith Parkinson
L'Artbook
Editions Milady

02/10/2016

Keith Parkinson, l'illustrateur qui a donné vie aux plus grands héros de fantasy

Keith Parkinson est né en 1958 en Californie et nous a quittés précocement en 2005 des suites d’une leucémie. Cet article va donc être l’occasion de lui rendre hommage, de saluer le grand artiste fantasy qu’il était et de mettre à l’honneur la beauté de son travail.

Dans sa petite enfance, il est scolarisé à San Diego et plus tard obtient son baccalauréat dans le Michigan. Très jeune, Keith Parkinson s’intéresse à l’art et au dessin. Comme d’autres avant et après lui, il est fasciné par les œuvres de J.R.R. Tolkien, ce qui l’a conduit dès le lycée à peindre de vastes paysages peuplés ici ou là de créatures fantasmagoriques. En fait, Keith Parkinson se passionne par deux activités : le dessin et la musique puisqu’il sera aussi pendant quelques années batteur dans un groupe de rock.

Néanmoins, son rêve de devenir un musicien à succès s’envole et il se concentre plutôt sur son autre art en rentrant à la Kendall School of Design dont il ressort diplômé en 1980.

Pour son premier emploi, il intègre la société Advertising Posters qui est spécialisée dans la décoration des flippers et autres jeux d’arcade. Une première occasion pour lui de laisser son talent s’exprimer.

Il est également l’auteur des illustrations des pochettes d’albums de musique du groupe de métal Hyperion.

Ensuite, il travaille pendant cinq ans chez TSR, une célèbre société éditrice de jeu de rôle, notamment connue pour Donjons et Dragons. Là, il y illustre des magazines, des livres, des boîtes de jeux et même des calendriers. Il participe notamment à la mise en images des plus célèbres jeux qui ont marqué le début de l’industrie du jeu vidéo comme Dragonlance, Forgotten Realms, Gamma World et Amazing Stories. Des jeux dont on notera la forte influence avec les univers imaginaires fantasy et SF.

Après cette longue expérience, Keith Parkinson souhaite reprendre son indépendance afin de consacrer les sept années suivantes à la réalisation de couvertures pour de célèbres éditeurs de livres comme Random House, Bantman et Penguin Books. Et c’est même pour les plus grands noms de la fantasy qu’il va créer ses couvertures. Terry Goodking, David Eddings, Anne McCaffrey, Orson Scott Card, Margaret Weis, Tracy Hickman ou encore Terry Brooks sont autant de belles rencontres professionnelles pour Keith Parkinson qui vont lui permettre d’asseoir sa carrière. Il est clair que le fait de travailler pour des noms aussi prestigieux, cela  ne pouvait qu’être bénéfique pour lui. Période faste pour notre illustrateur qui sera récompensé par de nombreuses distinctions, dont le Chesley Awards pour la meilleure illustration de couvertures de livres en 1988 et 1989.

Parallèlement il cède les droits de ses œuvres pour des jeux vidéo, des puzzles ou encore des romans à l’étranger.

En 1995, il surfe sur la vague du succès des jeux de cartes à collectionner et créer Guardians financé et édité par FPG. Sa traduction en plusieurs langues : française, allemande, hollandaise et hongroise marque son indéniable réussite. Le but de ce jeu est un combat qui s’engage entre deux et plus "Vierkuns" ou Gardiens pour le contrôle de territoires. Pour gagner, il faut donc s’associer à des créatures afin de vaincre l’adversaire et/ou occuper toutes les terres d’un royaume. Le petit plus de ce jeu est la participation d’illustrateurs de renom qui vont dessiner les personnages inventés par Keith Parkinson. Ce qui vient renforcer la qualité du jeu et confirmer ainsi sa notoriété. 

Les dernières années de sa vie, il les a consacrées à la production d’illustrations pour des jeux en ligne tels EverQuest online ou Summoner.
Au vu de l’ensemble de son travail, il est évident que Keith Parkinson entretient une relation forte avec les univers merveilleux. Il nous propose des créations originales et réalistes. Prenons l’exemple des fameuses couvertures des romans de Terry Goodkind. Chacune d’entre elles retransmet bien l’essence des livres. Pour la plupart, on y retrouve de grandioses paysages avec tantôt des montagnes, tantôt des forêts en arrière-plan. Et souvent le couple de héros de Terry Goodkind, Richard Rahl et Kahlan Amnell sont  présents sur ces illustrations. Une manière pour Keith Parkinson de nous rappeler l'éternel combat de ce couple pour la survie de l'humanité contre les forces du Mal. Perdus dans cette immensité, on ressent bien le caractère épique sous-jacent propre aux grands récits fantasy

Comme certains de ses homologues, Keith Parkinson joue parfois dans ses dessins sur la clarté, et les contrastes. Il oriente ainsi la lumière pour éclairer tel ou tel détail. Son but ici est de mettre en valeur un élément fondamental au récit. Cela est très fort par exemple pour le sixième tome La Foi des Réprouvés qu'un puits de lumière vient mettre en valeur le couple de statuts taillées par Richard dans le roman. Il y a une telle puissance dans ce tableau qu'il a réussi à accéder à la demande de Terry Goodkind, à savoir faire transparaître le caractère héroïque de l'individu. Certains de ses dessins sont si réalistes que cela nous donnerait presque l’impression d’avoir à faire à un paysage existant. Keith Parkinson est un perfectionniste qui fait les choses à fond. Clairement il a lu chacun des romans avant de se mettre à la tâche. Cela est très flagrant notamment pour les romans où Richard est le plus malmené. Les couvertures y sont très évocatrices. Keith Parkinson a voulu y faire ressortir le réel danger que vivent les héros de Terry Goodkind. Pour illustrer ce propos, on peut citer L'Empire des Vaincus. On y retrouve d'abord Richard et Kahlan main dans la main pour signifier qu'ils font toujours front ensemble face au danger. Quoi d'autre sur cette couverture, une immense statue, enfin un ouvrage de pierre qui fut sans doute gigantesque par le passé mais qui semble à l'abandon à ce moment du récit, enraciné dans le sol. Un choix judicieux au vu du titre car cette statue représente un guerrier, épée à la main car prêt à pourfendre l'ennemi et à défendre l'empire mais le côté "délabré" prouve bien que cet empire a été vaincu. Or, Richard et sa compagne viennent s'y recueillir comme pour se rappeler le passé et y trouver la solution pour vaincre à nouveau. La brume couvrant la chaîne de montagnes derrière cet édifice fait penser au danger qu'ils vont devoir affronter. Les tableaux de Keith Parkinson demeurent très lumineux, très vivants. Le résultat y est juste bluffant. Par l'intermédiaire de ses illustrations, il a tout simplement cherché à faire ressortir l'essence même du roman. Rien qu'en y jetant un œil, si on est suffisamment attentif, on pressent déjà la grande aventure que l'on va trouver à l'intérieur. 

Même travail d'orfèvre pour certaines couvertures des romans de David Eddings comme pour celle de Ceux qui brillent, dans laquelle on se retrouve d'emblée projeté au cœur du combat. Le danger est réel puisque c'est une embuscade qui attend le héros sur cette illustration. La légende est d'ailleurs très éloquente Menace dans la brume. Un dessin qui n'est pas avare en détails à travers l'armure du chevalier, les tenues vestimentaires et les armes des Vikings sans parler de la nature environnante: les rochers, et une nature automnale.  

Avant de conclure ce court tour d'horizon des plus grandes réalisations de Keith Parkinson, il est sans doute important de parler de sa toute première couverture. Pour rappel, il a dessiné celle du premier tome des Royaumes oubliés de Douglas Niles, Le Coureur des Ténèbres. Petit aveu de l'illustrateur est de l'avoir réalisé dans ce qu'il qualifie de "période grise", et c'est bien l'impression que l'on a en admirant ce tableau. L'arrière-plan est gris et brumeux au point qu'on devine à peine la forteresse médiéval dans le fond du tableau. Un état d'esprit qui fut sans doute très utile à ce moment car il reflète bien le roman dont l'intitulé est très évocateur. Ce coureur sur son destrier blanc entouré par des créatures monstrueuses symbolise bien la lutte du Bien et du Mal typique des romans de fantasy

Face à de telles merveilles, il est clair que Keith Parkinson fut un grand artiste. En réalisant les couvertures de romans, il contribue au succès de ces derniers. Car au-delà de la lecture du résumé, ce qui favorise l'intérêt pour un livre, c’est aussi l'illustration qui orne la couverture. Il faut qu’elle attire l’œil car c’est la première chose qu’un lecteur remarque en se promenant entre les étals d’une librairie. Or, peu importe la couverture que l'on admire, elles sont toutes plus sublimes les unes que les autres. On y reconnaît parfaitement le graphisme particulier de la littérature fantasy. Celles-ci ne sont pas surchargées de détails magiques. Bien au contraire, Keith Parkinson y a fait les choses simplement mais parfaitement. Un travail qui n'est pas si aisé car comme il le dit lui même: "Le "vrai boulot" de l'illustrateur est de travailler de façon à faire vendre le produit, de satisfaire les acheteurs de ses dessins et de représenter le produit de façon fidèle, tout en réalisant une oeuvre d'art qu'il soit fier de signer" (propos extraits de l'Artbook qui lui est consacré publié aux éditions Milady en 2010). 

Malgré une disparition prématurée, Keith Parkinson laisse tout de même un héritage opulent. En effet, en travaillant sur de nombreux projets, il a largement démontré tout son talent en donnant une identité visuelle à sa fantasy reconnaissable entre mille. De nombreux tableaux qu'on aura jamais de cesse d'admirer; de véritables œuvres d'art qui invitent ou inviteront ceux qui ne connaissent pas encore à découvrir telle ou telle aventure vidéo ou littéraire où seule la fantasy sait nous emporter. 

Fantasy à la carte

17/07/2016

Alan Lee, l’instigateur des univers féériques illustrés

Alan Lee est un illustrateur anglais né en 1947 dans le Middlesex. Très jeune, il se passionne pour le dessin et se forme à l’Ealing School of Art. Il est un artiste dans l’âme à la fois dessinateur, peintre, écrivain, et concepteur visuel pour le cinéma. En fait, dès que lui tombe sous la main le moindre bout de papier, il ne peut s’empêcher de gribouiller dessus.

Néanmoins, malgré des études largement tournées vers l’illustration, sa carrière s’oriente dans un premier temps vers l’édition et l’art commercial. 

Ce n’est qu’à partir de 1978, qu’Alan Lee multiplie les illustrations d’œuvres classiques de fantasy. Les plus marquantes sont Faeries de Brian Froud en 1979, Castles de David Day en 1984, Merlin Dreams de Peter Dickinson en 1988, Lavondyss (tome 2 du cycle de La Forêt des Mythagos) de Robert Paul Holdstock en 1991, ou encore The Mabinogion en 1997.

Passionné par les œuvres de J.R.R. Tolkien, il se joint à John Howe pour lui aussi se mettre à crayonner ce riche univers. C’est d’ailleurs à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de l’écrivain qu’Alan Lee réalise les couvertures des rééditions du Seigneur des Anneaux et de Bilbo le Hobbit, ainsi que le calendrier Tolkien en 1993.

En 1993 également, il illustre L’Iliade, puis en 1995, L’Odyssée, deux grands classiques de la littérature.

Comme son homologue John Howe, il contribue à donner une identité visuelle à la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Il en sera même le directeur artistique de 2001 à 2003.
Mais avant de laisser sa marque dans l’adaptation cinématographique des célèbres romans de J.R.R. Tolkien, Alan Lee fut le directeur artistique de Legend de Ridley Scott en 1985, d’Erik le Viking de Terry Jones en 1989, et de Merlin de Steve Barron en 1998. Autant de films largement inspirés d’univers féeriques et légendaires car c’est vers eux qu’Alan Lee est attiré. En 2005, il collabore à nouveau avec Peter Jackson pour la réalisation de King-Kong, puis en 2008 avec Andrew Adamson pour le premier volet du Monde de Narnia. Enfin de 2012 à 2014, il est encore le directeur artistique des trois opus du Hobbit toujours de Peter Jackson.

La plupart de ses travaux se sont distingués à plusieurs reprises. Ainsi, pour Black Ships Before Troy : The Story of The Iliad de Rosemary Sutcliffe, il reçoit la médaille de Kate Greenaway, une prestigieuse récompense britannique pour célébrer le talent des illustrateurs. En 1998, il obtient le prix World Fantasy, un célèbre prix littéraire qui salue son travail. Et en 2004, un premier oscar lui est décerné, celui de la meilleure direction artistique pour le troisième volet du Seigneur des Anneaux. Autant de récompenses qui honorent cet artiste à la carrière remarquable.

En 2005, il édite un bel ouvrage sur l’univers tolkienien, le Cahier de croquis du Seigneur des Anneaux dans lequel il explique son processus de réalisation des nombreuses aquarelles de l’édition illustrée pour le centenaire de J.R.R. Tolkien. Ce sont d’ailleurs ces images qui ont façonné le visuel des trois films puisque les décors s’en inspirent largement. Enfin en 2007, Alan Lee est aussi chargé d’illustrer l’œuvre posthume de Tolkien, Les Enfants de Hurin, reconstitué par le fils de l’auteur, Christopher.

Plus qu’un simple illustrateur des œuvres du maître de la fantasy, Alan Lee est littéralement fasciné par ses écrits et par les films qui en ont découlé, au point qu’il participe à  quelques documentaires au début des années 2000. Ce sont des reportages qui viennent alimenter les bonus vidéo des coulisses des films de Peter Jackson. Ainsi, en 2001, Alan Lee contribue à l’emission National Geographic : Beyond the MovieThe Lord of the Rings, puis en 2002 au Making of The Lord of the Rings, et en 2004, il s’associe à John Howe pour réaliser un documentaire intitulé John Howe : There and Back Again dans lequel ils partagent leurs souvenirs professionnels sur leur contribution aux films.

Si on revient sur ses célèbres illustrations de l’édition du Centenaire, la première chose que l’on se dit en les regardant, c’est le souci du détail dont Alan Lee a fait preuve dans chacune d’entre elles. Ce ne sont pourtant que des aquarelles, or comme il le dit lui-même, elles sont un moyen pour créer une atmosphère sans vraiment être précises afin que ce soit l’œil du spectateur qui complète l’image au final en faisant travailler son propre imaginaire. Et pourtant lorsqu’on les regarde, on ne les voit pas floues. Bien au contraire, on a l’impression que c’est une image extraite du film, figée à un moment précis qui n’attend qu’une chose, qu’on appuie sur la touche lecture de notre lecteur dvd pour poursuivre le visionnage. 
Pour exemple, lorsqu’on jette un œil à son illustration des hobbits au milieu des trolls, on reste subjugués par le réalisme de la nature, le détail des feuilles tombées au sol, du vent soulevant les mottes d’herbes, de ces trolls qui semblent de pierre et qui épousent si bien la forme des arbres. Un paysage paisible semble tout enfin jusqu’à ce que notre œil s’attarde sur les crocs de l’un de ces géants trollesques qui nous rappellent le danger que courent nos héros à ce moment précis du récit. 

Autre illustration saisissante est son interprétation du Miroir de Galadriel. Elle est tout simplement luminescente grâce au contraste entre la forêt sombre en arrière-plan et Galadriel tout de blanc vêtue au premier plan dont la peau semble littéralement irradier. Une image fascinante pour le lecteur. Alan Lee joue beaucoup avec le contraste entre ombre et lumière dans ses œuvres.  La scène de la communauté de l’anneau arrivant devant la porte de la Moria témoigne très bien de ce magnifique jeu de lumières. L’illustration est sombre, cette noirceur nous rappelle le danger environnant. Et il y a comme un faisceau lumineux braqué sur les membres de la communauté comme pour nous rappeler qu’ils n’ont rien à faire là et que s’ils ne se dépêchent pas à ouvrir la porte, quelque chose de maléfique pourrait bien sortir du lac. Même si les personnages nous apparaissent lointains, un peu comme des ombres dans ce paysage désolé et inquiétant, les détails du lieu sont multiples comme cet arbre mort dont la souche est immergée dans l’eau. On sent bien le poids de la nuit dans ce dessin et les dangers inhérents. Alan Lee se sert donc des ombres pour nous faire ressentir la traditionnelle lutte du Bien et du Mal des récits de fantasy.

Pour Alan Lee, l’intérêt de son travail sur l’œuvre de Tolkien ne consistait pas à vouloir représenter à tous prix chaque personnage de manière détaillée, mais plutôt d’établir une atmosphère et de planter le décor. Finalement, ses illustrations sont très utiles pour comprendre la topographie de la Terre du Milieu. 

Même après toutes ces années passées à illustrer cet univers, la magie de Tolkien persiste à agir sur lui au point qu’il continue de fourmiller d’idées et reviendra sans doute d’ici quelques-temps à Tolkien. C’est la combinaison de certaines descriptions du récit associée à un souvenir propre qui vont d’ailleurs lui inspirer ses dessins. Un travail personnel qui s’est nourri de toutes ses lectures aussi bien des romans de J.R.R. Tolkien que de tous les livres féeriques et fantastiques qu’il a pu lire par le passé et qu’il lit encore aujourd’hui.

Grâce à des talents de renom de la trempe d’Alan Lee, les univers fantasy prennent formes et vie sous les yeux émerveillés des lecteurs. Plus que d’accompagner la lecture, ces illustrations donnent un véritable trait de noblesse à ces récits particuliers. Une magie qui opère au premier regard posé sur la couverture des livres car ce sont elles qui agissent comme un attrape-lecteur et à travers elles, c'est le génie de l’illustrateur qui est mis en avant pour donner l'envie de lire. 

Fantasy à la carte