L'influence du "gaming" à la littérature

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05/05/2020

Andrzej Sapkowski, Le Sorceleur, Intégrale 1, éditions France Loisirs

Traduite en 27 langues, la saga du Sorceleur doit son succès à son adaptation en jeu vidéo. En effet, depuis 2007, les ventes se sont envolées : 400 000 exemplaires vendus chez Bragelonne. Avec l'annonce de la sortie d'une série éponyme, les éditions France Loisirs ont décidé de publier à leur tour ce cycle. Depuis lors, quatre intégrales sont sorties en boutiques, composé chacun de deux livres. Le premier correspond à une préquelle qui nous permet sous la forme de nouvelles de faire connaissance avec Geralt de Riv. 

Livre I : Les Dernier Vœu

On y suit les expéditions de Geralt, un sorceleur qui vend ses services au plus offrant. Quiconque ayant des problèmes avec la présence de créatures fantastiques peut l'engager. Strige, basilic, loup-garou... aucune ne lui résiste. Chemin faisant, il se voit confier des missions parfois délicates comme dans "Le Sorceleur" où un roi le charge d'annuler le sortilège qui a transformé sa fille en strige. Autant dire qu'affronter une créature aveugle et sanguinaire va lui promettre quelques sueurs froides. Tantôt seul, tantôt accompagné de son ami Jaskier, le danger ne l’effraie pas. Pondéré et intègre, Geralt ne se laisse jamais corrompre et ne tue qu'en dernier recours. Dans "Le Dernier Vœu", il prouve sa bravoure à plusieurs reprises. Ainsi, lorsqu'il doit sauver la vie de son ami poète, il est prêt à tous les sacrifices, même confier son destin à une puissante magicienne. Les hauts faits de cet homme à la peau d'albâtre et à la chevelure immaculée sont connus dans tout le royaume. Mais sa destinée ne fait que commencer...

Livre II : L’Épée de la Providence

L’Épée de la Providence est véritablement le premier tome qui ouvre le cycle d'Andrzej Sapkowski. Alors qu'il n'était qu'un magicien errant, sa rencontre avec une petite fille va changer sa vie à tout jamais. Finis les services accomplis en échange d'un repas ou d'une bourse bien remplie pour Geralt de Riv. Le temps est venu pour lui de marquer l'Histoire en aidant une élue à accomplir sa destinée. Même s'il ignore encore les termes de celle-ci, il pressent déjà qu'il a trouvé sa place. C'est le début d'une nouvelle aventure où les compétences d'un sorceleur vont prendre tout leur sens. 

Andrzej Sapkowski a construit son récit autour de royaumes imaginaires dans lesquels les humains et les créatures surnaturelles se côtoient. L'entente n'est pas toujours au beau fixe. Le monde change et ces changements ne sont pas au goût des anciens peuples. Son intrigue se nourrit du bestiaire merveilleux. Ainsi, les pérégrinations du sorceleur sont un bon prétexte pour nous faire rencontrer ces êtres tantôt féeriques tantôt effrayants. Geralt nous emmène dans des endroits secrets, interdits aux humains où l'on s'émerveille devant la beauté des lieux et des créatures qui y vivent. Ainsi, on se laisse subjuguer par la magnificence des dryades ou envoûter par le chant des sirènes. Le monde imaginé par l'auteur n'est ni noir ni blanc. Les hommes ne sont pas meilleurs que les espèces magiques et vice-versa. Dès lors, Geralt de Riv n'extermine ces créatures que s'il y a un réel danger. Ainsi, le basilic périra par sa lame, mais pas la dryade dont il protégera les secrets. 

Il incarne la figure archétypal du héros solitaire d'heroic fantasy. Il n'a ni foyer ni famille mais juste son épée et ses pouvoirs pour seuls compagnons d'armes. L’existence des sorceleurs est auréolé de mystères ; leurs pouvoirs et le processus pour en devenir un demeurent secrets. Ce savoir se transmet de sorceleur en sorceleur. Il semblerait que la providence soit la seule option pour aider ce dernier à trouver son héritier. L'amour, le bonheur et le partage lui sont étrangers. Mercenaire errant, il n'est que de passage et ne semble voué qu'à la réalisation d'exploits héroïques. Il subit la défiance de tous, y compris des autres magiciens. On peut comprendre que cela renforce son sentiment de solitude et d'isolement. 

La force de ce cycle repose beaucoup sur le personnage du sorceleur. Charismatique et secret, il suscite bien des curiosités chez les lecteurs. Il est sans doute la clé du succès de cette série. 

Fortement plébiscité par le public, il était temps que je me mette à la lecture de ce classique d'heroic fantasy. Ce premier intégrale m'a immergée dans un univers fantastique, et m'a attachée à un héros dont la quête ne fait que commencer...

Fantasy à la Carte

Andrzej Sapkowski
Le Sorceleur
Intégrale I
Editions France Loisirs

01/05/2020

Carnival Row : impitoyable, féerique, originale !


On constate depuis quelques années maintenant que l’Imaginaire inspire le cinéma et la télévision. En effet, de plus en plus de livres sont adaptés. Confirmé par le succès interplanétaire de Game of Thrones, les producteurs et les scénaristes travaillant sur grand ou petit écran se laissent peu à peu charmer par ces univers oniriques qui plaisent à de plus en plus de monde. En attendant, des créations télévisuelles comme Le Seigneur des Anneaux, Dune ou encore La Roue du Temps, certains se sont pris au jeu d’écrire leur propre synopsis sans aucune influence littéraire.

C’est le cas avec la série américaine Carnival Row, créée par René Echevarria et Travis Beacham, et exclusivement diffusée sur Prime Video. La concurrence fait rage entre les chaînes qui rivalisent pour fournir aux téléspectateurs toujours plus de nouveautés. 

Production originale, Carnival Row nous plonge dans le quotidien d’un policier du nom de Rycroft Philostrate et d'une fée, Vignette Stonemoss. Suite à la guerre, de nombreuses créatures féeriques ont fui leur terre pour se réfugier au Burgue, dans le quartier de Carnival Row, une sorte de "Whitechapel" fantastique. C’est dans cette ville à l’étrange ressemblance avec le Londres victorien, que Philo s’est établi. Depuis quelques temps, une série d’odieux crimes visant des créatures surnaturelles est perpétrée. Alors que sa hiérarchie se moque bien de démasquer le ou les coupables, Philo, lui, refuse de fermer les yeux. Ancien soldat, il a servi aux côté des fées dans la guerre contre le Pacte : il est donc lié à ce monde et ne peut laisser ces meurtres impunis. Au cours de ses investigations, il va retrouver Vignette, son ancien amour. Ensemble ils vont combattre les forces obscures qui sont à l’œuvre. Mais dans une société de plus en plus intolérante, pourront-ils réellement se retrouver ?

L’ambiance de Carnival Row est volontairement sombre et violente. On retrouve l’esthétisme victorien dans cette fantasy où la bonne société côtoie le monde d’en bas, peuplé de créatures merveilleuses et déchues. Les êtres féeriques, en exil, se retrouvent les esclaves des mondains. Certains sont des domestiques, à l’image de Vignette lorsqu’elle débarque au Burgue, d’autres se prostituent comme la meilleure amie de cette dernière, Tourmaline. Peu ont réussi à s’élever socialement si ce n’est Agreus Astrayon qui brave les mentalités en venant s’installer dans les beaux quartiers. Autant dire que cet emménagement ne sera pas au goût de tous. Un bel univers empreint de féerie à travers la présence de tous ces êtres surnaturels mais aussi de noirceur. La série est obscure aussi bien visuellement que du point de vue de l’intrigue. Le meurtre et la violence sont les maîtres-mots de cette production. Les costumes et les maquillages sont une réussite et nous offrent une immersion plus vraie que nature dans ce bestiaire merveilleux. Les créatures y sont légion. Ainsi, on côtoie aussi bien des fées sombres et dangereuses, des centaures, des kobolds à l’allure d’elfes de maison que d’effrayants loups garous.

Au casting, on retrouve l’acteur Orlando Bloom. Fidèle du cinéma fantastique, on ne s’étonne donc pas de le découvrir à l’affiche de cette série. Après Le Seigneur des Anneaux, Le Hobbit ou Pirate des Caraïbes, il a déjà démontré son attachement au genre. Plus mature, il incarne ici un héros fatigué qui a bien bourlingué. Dans un monde perverti par le vice et l’argent, il est un homme intègre. Il n’a pas perdu ses valeurs et son honneur de soldat, et les met au service des victimes qu’il cherche à honorer en traquant les coupables.  Bien loin du fringuant guerrier de sa jeunesse, incarner Philo lui donne l’occasion de démontrer ses talents dans un rôle de composition. Parallèlement à la mission de défenseur qu’il s’est lui-même attribuée, il est en quête de ses origines. De fait, il aura encore beaucoup à nous dire au cours de cette première saison. C’est le mannequin Cara Delevingne qui joue sa partenaire et maîtresse à l’écran. Pour ma part, je la découvre pour la première fois en tant qu’actrice. C’est une bonne surprise. Elle incarne une figure de liberté pour son peuple. Pleine de colère et de rancœur, elle est une héroïne aussi forte que fragile. Elle forme avec Orlando Bloom un duo dynamique. Les amours contrariés qui se nouent entre ces deux êtres apportent la touche de douceur à cette série finalement très sombre. 

Les seconds rôles ne manquent pas dans cette production. Mais, je retiens surtout l’écervelée Imogen Spumrose interprétée par la pétillante Tamzin Merchant qui forme avec Agreus Astrayon, (David Gyasi) un couple improbable mais non moins intéressant. Diamétralement opposé de par leurs origines, l’évolution de leur relation promet d’être intéressante dans l’avenir.
Plus qu’un univers immersif, le succès de Carnival Row repose sur le climat angoissant qu’il y règne. La peur monte crescendo. Le meurtrier sème des cadavres dépecés tel le petit Poucet. Le résultat est juste effrayant et sinistre, tout en poussant les téléspectateurs à toutes les interrogations possibles. L’autre thématique explorée ici est celle du colonialisme et ses conséquences sur les peuples. Cette exploitation des populations et des terres est un thème récurrent en fantasy qui permet l'épanouissement de tout un panel de sentiments et d’émotions. Intolérance et défiance gouvernent ce monde. 

Entre une intrigue prenante, des personnages attachants et du merveilleux, on apprécie cette nouvelle série qui met la fantasy à l’honneur.

Fantasy à la Carte

Carnival Row
Disponible sur Prime Video

28/04/2020

Gail Carriger, Sans honte, tome 3, Le protectorat de l'ombrelle, Le Livre de Poche

Sans forme s'est conclu sur un tel cliffhanger qu'il m'a été impossible de ne pas enchaîner avec le troisième volet du Protectorat de l'ombrelle. L'envie de connaître la suite était trop forte pour tergiverser plus longtemps. 

Après l'épisode malencontreux de l'Ecosse, Alexia a dû retourner précipitamment vivre chez sa mère. Alors que sa réputation en prend un sérieux coup, la voilà qui court encore un grave danger car les vampires en ont après elle. Pendant que son mari préfère se saouler au formol à longueur de journée laissant le professeur Lyall se dépatouiller dans la gestion de la meute, Alexia, elle, s'embarque dans un voyage pour l'Italie. Elle espère semer ses poursuivants et trouver des réponses quant à sa condition de paranaturelle et d'autres choses encore. Bien entendu, rien ne va se passer comme elle l'entend, mais cela,vous vous en doutez ! 

Sans honte se met au diapason des deux tomes précédents. Toujours aussi rythmée, la plume de Gail Carriger nous emporte, virevoltant, d'un lieu à l'autre sans nous laisser le temps de reprendre notre souffle, pas plus qu'à son héroïne, d'ailleurs. 

Après l'Ecosse, direction l'Italie en faisant escale en France. Comme dans les tomes précédents, Alexia continue d'emprunter des moyens de transport avant-gardistes. Ainsi après le dirigeable, c'est à bord d'un ornithoptère qu'elle fait une partie du voyage. Gail Carriger se plait à habiller son récit d'un cadre rétro-futuriste très réussi. 

Sans honte apparaît comme un tome charnière à son cycle. Il est notamment riche en révélations concernant la nature d'Alexia. On en apprend donc plus sur l'ingrédient que l'autrice a ajouté à son univers bit-lit. En introduisant des paranaturels dont la simple présence annule les pouvoirs des créatures surnaturelles, Gail Carriger donne de la singularité à un genre très prisé. Ici les investigations d'Alexia la conduisent à faire remonter l'existence de ses semblables au temps de l'Egypte antique. A travers les découvertes de son héroïne, Gail Carriger distille des éléments majeurs sur ces créatures d'un tout autre genre de celles que l'on a l'habitude de côtoyer. 

Par le biais des pérégrinations d'Alexia, Gail Carriger nous immerge dans un univers bien construit où l'action est menée tambour battant. En outre,  elle fait planer sur son intrigue une bonne dose de romantisme très austenien. 


Avec Sans honte, l'autrice démontre qu'elle est une plume bien addictive.


Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mes avis sur Sans âme et Sans forme

Gail Carriger
Sans honte
Tome 3
Le protectorat de l'ombrelle
Le livre de Poche 

24/04/2020

Gail Carriger, Sans forme, tome 2, Le protectorat de l'ombrelle, éditions Le Livre de Poche

Il est difficile de résister à la délicieuse plume de Gail Carriger lorsque l'on met le nez dans ses livres. 

Ayant dévoré le premier tome de son cycle Le protectorat de l'ombrelle, c'est tout naturellement que le second volet m'est donc tombé entre les mains. 

Dans Sans forme, on retrouve une Alexia Tarabotti, dûment mariée à Lord Maccon et plus aventurière que jamais ! Alors que l'intégralité de la meute de Woolsey prend ses quartiers au domaine, lord Maccon s'éclipse en Ecosse pour régler une affaire familiale. Comme si cette disparition inopinée ne suffisait pas à contrarier notre lady Maccon, voilà qu'un étrange exorcisme à longue portée s'abat sur un quartier de Londres privant ainsi les surnaturels de leurs pouvoirs et renvoyant les fantômes au néant de manière définitive. Même si ce phénomène fut ponctuel, il n'en a pas moins eu de terribles répercussions mettant en émoi la communauté des surnaturels. C'est le branle-bas de combat au cabinet fantôme de la reine Victoria qui charge Alexia de démasquer les responsables. 

Avec Sans forme, Gail Carriger signe une nouvelle aventure de fantasy victorienne agrémentée d'une touche steampunk très marquée. En effet, Alexia baigne dans une société progressiste. Elle côtoie bon nombre d'inventeurs à l'image de cette madame Lefoux qui lui fabrique d'ailleurs une ombrelle dotée de nombreux gadgets, digne des inventions de Q, le célèbre personnage de Ian Fleming. Au cours de ce récit, elle emprunte même un dirigeable pour rejoindre son mari en Ecosse. Il faut dire que ce petit bijou de technologie est un moyen de transport long courrier très prisé par la haute société. 

Sous sa plume, la bit-lit et le steampunk font bon ménage. 

On explore également de l'intérieur le quotidien mouvementé des êtres surnaturels. Alexia fait ses premiers pas dans cette communauté en tant que femme alpha. Car même si elle n'est pas un loup-garou, elle n'en demeure pas moins une femelle dominante et en digne épouse du chef de meute, elle doit savoir se faire entendre par les autres membres poilus. 

Tous ces éléments enrichissent ce bel univers fantastique qu'il nous plaît de retrouver. 

Sans forme nous propose une intrigue bien construite qui réserve son lot de révélations quant au passé de ce cher lord Maccon. Un tome intéressant qui se conclut sur un final explosif au suspense tout simplement insoutenable. 

Ce tome 2 m'a bien titillée tout du long et confirme le talent incontestable de cette autrice.

Fantasy à la Carte
A lire aussi mon avis sur Sans âme

Gail Carriger
Sans forme
Tome 2
Le protectorat de l'ombrelle
Le Livre de Poche

17/04/2020

Lionel Davoust, l'Imaginaire français sans frontière


Né en 1978, Lionel Davoust est un touche-à-tout. Traducteur, nouvelliste, romancier, il s’épanouit dans l’univers des lettres et du livre.

Il débute sa carrière en traduisant des textes pour les éditions L’Atalante et s’attaque ainsi à la traduction des romans de Terry Pratchett ou de Sean Russell, par exemple. Parallèlement, il devient le directeur littéraire de la revue de fantasy, Asphodale publiée aux éditions Imaginaires Sans Frontières.

C’est dans le fanzine rennais « Est-ce F ? » et la revue Galaxies, qu’il publie ses premières nouvelles. C’est le début d’une nouvelle aventure pour lui. Il tient le rythme, à partir de 2004, de deux à trois nouvelles par an, éditées dans différents supports. Son premier succès, il va le rencontrer avec « L’IleClose », parue en France dans l’anthologie De Brocéliande à Avalon aux éditions Terre de Brume, et traduit en américain pour l’anthologie Interfictions 2. Cette nouvelle obtiendra d’ailleurs le prix Imaginales en 2009.

En 2010, il publie son premier roman aux éditions Critic, La Volonté du Dragon qui est immédiatement sélectionné par les prix Futuriales, Imaginales et Elbakin.net. Un roman qui se lit comme une partie d’échecs et dont l’enjeu n’est pas moins  que le destin d’un royaume et des hommes qui le peuplent. Lorsque le généralissime d’Eolus Vastech arrive avec son armada aux portes de Qhmarr, il pense à une reddition immédiate mais c’est sans compter l’étrange résistance du jeune souverain.

Cette même année sort son recueil de nouvelles, L’importance de ton regard qui contient notamment sa fameuse nouvelle primée « L’île Close ».

Lionel Davoust est également l’auteur d’une trilogie de thrillers initiatiques, Léviathan, dont le premier volet, La Chute sort en 2011, suivi de La Nuit en 2012 et Le Pouvoir, en 2013. Au cours de cette même année, il rejoint un collectif de musiciens et d’auteurs de l’imaginaire qui propose des lectures de textes en live avec accompagnement musical. Une autre approche pour mettre ces littératures à l’honneur.

2014 est une année charnière pour lui car il reprend son univers d’Evanégyre qu’il a décidé de développer. Ainsi sort La Routede la Conquête aux éditions Critic. Une série de six novellas qui permet de comprendre les grandes étapes par lesquelles est passé le Saint Empire d’Asrethia pour conquérir Evanégyre. 


En 2015, il écrit Port d’Âmes qui relate la vie mouvementée de Rhuys ap Kaledan. De retour à Aniagrad après 8 ans de servitude dans la Marine, il espère prendre sa revanche en récupérant son titre de baron et en faisant revivre son domaine. Mais réussir dans cette ville ne sera pas chose aisée, les chausse-trappes ne vont pas manquer de border sa route.

Depuis 2017, il s’est attelé à l’écriture de sa pentalogie des DieuxSauvages qui nous emmène à La Rhovelle. Depuis la chute de l'Empire d'Asrethia, le monde est distordu, parcouru d'anomalies qui ont donné naissance à des zones instables, dangereuses et inhabitables. C'est dans cet univers que la jeune trappeuse Mériane est choisie par le dieu Wer pour devenir son Héraut, sa voix, son bras armé : elle aura pour mission de fédérer les peuples et d'organiser la défense du royaume face aux forces du Mal qui ne vont pas tarder à déferler. Cinq tomes qui vont nous relater par le menu comment un monde va sombrer dans la folie juste pour répondre à la soif de conquête de certains.

Néanmoins, en parallèle de la rédaction des Dieux Sauvages, Lionel Davoust continue de publier des nouvelles. Les dernières en date sont parues en 2019 dans un recueil titré Contes Hybrides chez Les Editions Mille Cent Quinze. Il y explore autant les futurs fantasmés de l'humanité qu'il part en quête de merveilleux.

Mais revenons à son cycle des Dieux Sauvages  qui constitue donc l’œuvre la plus aboutie de l’univers d’Evanégyre. Elle mêle tous les éléments forts du genre : espaces cartographiés, mythologie et personnages héroïques. C’est la combinaison de tous ces ingrédients qui va donner une grande légitimité à cette œuvre.

Ainsi, Lionel Davoust insère son épopée dans une géographie précise, cartographiée par Roxane Millard. Les lecteurs peuvent se reporter à cette carte, insérée au début de chaque livre afin de mieux suivre la progression de ses héros. La Rhovelle est bordée à l’est par le golfe des Longues Houles, à l’ouest par Les Mortes Couronnes (d’où part l’armée d’Aska), au nord, par La Magnecie et au sud, par La Grande Vassière. L’intérieur même de La Rhovelle est délimitée par le fleuve Aÿs qui coupe le royaume en deux avec au nord la Linacie et au sud, La Belnacie. Voilà pour la description des grandes lignes de cet univers qui sert de terrain de jeu à l’auteur.

Comme souvent en littérature fantasy, il y a une grande spiritualité qui se dégage de ces textes. C’est finalement la croyance en l’existence d’un panthéon de divinités qui motive cette aventure. C’est très perceptible dans Les Dieux Sauvages puisque les affrontements sont conduits par deux entités divines, deux dieux, deux frères qui cherchent par la ferveur des croyants à dominer le monde. Comme nous suivons cette histoire essentiellement du point de vue de Mériane qui porte la parole de Wer, on n’est donc plus volontairement enclin à soutenir le parti de ce dernier qui incarne ici la vie et donc par extension le Bien, alors qu’Aska qui mène des êtres difformes et  profondément modifiés à la bataille représente, de fait, le Mal. Seulement, à y regarder de plus près, les choses ne sont pas si simples. Car après tout, l’armée d’Aska, ce n’est ni plus ni moins, des hommes et des femmes qui ont été abandonnés par la lumière de Wer. Tous ces laissés-pour-compte des Mortes Couronnes vont servir à la vengeance du dieu aveugle qui en profite pour distiller dans leur cœur, haine et rancœur qui vont servir de moteur pour la reconquête du royaume. Seulement, comme souvent en fantasy, la frontière entre le Bien et le Mal est floue et les personnages ne sont ni noirs ni blancs. De fait, on peut considérer les Askalites comme des victimes collatérales de la soif de pouvoir des dieux. Peu importe le camp, ils sont tous des jouets entre les mains de ces puissances supérieures. Toute la force de ce récit réside dans cette lutte dont on ne sait finalement pas où placer la frontière.

Que serait un bon récit sans personnages forts et charismatiques pour mener l’aventure ? Lionel Davoust a bien intégré cet élément à sa saga en introduisant une belle communauté de héros aux personnalités variées. Seulement, pour écrire son cycle, l’auteur a fait preuve d’une grande rigueur. En effet, même s’il tourne sur un petit nombre de protagonistes, il ne s’éparpille pas pour autant et ne nous égare donc pas. Pour appréhender l’histoire, on passe d’un point de vue à l’autre. Chaque paragraphe étant signalé ici par le nom du protagoniste. Ce qui permet un meilleur ancrage dans le récit tout en assurant notre attachement aux héros.

Parmi les grandes figures de ce cycle, arrive en tête Mériane, la Messagère du Ciel, le Héraut de cette grande épopée. Très jeune, elle se voit chargée d’un fardeau souvent trop lourd pour ses frêles épaules. Dans une société machiste qui voue un mépris, voire une haine du genre féminin, se faire entendre promet d’être difficile. Mériane est un choix surprenant car elle ne colle pas forcément à l’archétype du héros de fantasy. Du fait de son jeune âge, notamment. Elle n’a pas la carrure ni l’envie d’endosser ce rôle. Elle est amère, et n’a, à la base, aucune conviction religieuse. C’est plutôt une marginale, une paria. On l’imagine donc mal haranguer les foules pour sauver Evanégyre. Et pourtant, c’est ce qu’elle va faire et avec beaucoup de charme, de surcroît. Elle apporte un vrai trait d’humour. Son sale caractère et la mauvaise grâce qu’elle y met offrent des échanges avec Wer parfois explosifs. A la fois forte et fragile, drôle et combative, elle est une héroïne que l’on n’oublie pas. Léopol, son compagnon des premiers instants est un personnage ambivalent. Il est perpétuellement torturé entre sa fidélité pour Mériane et ses devoirs envers le werisme. Fortement endoctriné depuis l’enfance, difficile pour lui d’assumer ses choix de soutenir la Messagère du Ciel face aux autres croisés. Lorsque l’on a passé une grande partie de sa vie à entendre le même discours, accepter de voir les choses autrement n’est pas un chemin facile à prendre. Pourtant, c’est celui qu’il a décidé d’emprunter. Les obstacles sont pour lui autant d’épreuves envoyées par Dieu. A lui de les surmonter pour être accueilli parmi les justes. Il se dégage une grande spiritualité de ce personnage très sérieux, qui contraste avec la juvénilité de Mériane. Mais Lionel Davoust ne s’est pas contenté d’explorer la figure du guerrier dans ses romans. On y rencontre aussi des personnages rusés comme ce Guil Redel qui n’agit que pour son intérêt et change de camps s’il le juge nécessaire. Détestable, il l’est à souhait, mais il est un pion important dans cette grande partie d’échecs que mènent Wer et Aska. Tous ne sont pas des combattants hors-pair mais occupent tout de même une position stratégique comme Erwel de Rhovelle, le prince héritier, à qui le trône doit revenir. Beaucoup veulent se servir de lui ; il est un atout pour certains et un otage pour d’autres. Erwel est un idéaliste qui va voir ses illusions s’envoler. Avec l’invasion des Askalites, il va devoir vite mûrir et apprendre de ses erreurs pour se forger le destin qui lui tend les bras. Avec sa candeur, il est sans doute l’un des héros les plus attachants de Lionel Davoust. Du chaos, certains ambitieux pensent en profiter. Maragal Dwelen, le fameux chronète de Mériane en est un parfait exemple. Il espère marquer l’Histoire et voir le vent tourner en sa faveur, en racontant les hauts faits du Héraut de Wer. Il n’est pas mauvais en soi, mais il reste un calculateur qui n’agit surtout qu’en fonction de ce qui va le servir. Bien entendu, l’auteur n’a pas omis d’introduire des personnages profondément sombres comme le ténébreux Ganner. Commandant des armées askalites, élu d’Aska il est le pendant de Mériane. Froid, monstrueux, réfléchi, il est un redoutable adversaire car à la différence de la jeune femme, il ne ressent rien. Massacrer ses troupes ne le dérange pas, bien au contraire ! L’important est d’arriver à ses fins, à savoir conquérir La Rhovelle et étendre l’Eternel Crépuscule afin qu’Aska domine le monde. Il semble toujours avoir un coup d’avance sur ses ennemis. Rien n’est laissé au hasard avec lui et c’est bien ce qui est le plus inquiétant. Comment vaincre un ennemi sans failles ? Entouré de Spectres Armurés, de Santoriaux, d’Effrais, autant d’humains modifiés, il semble bien invincible.
Dans son cycle des Dieux Sauvages, Lionel Davoust donne la parole à une multitude de personnages qui sont à la fois témoins et acteurs de ce qui ébranle Evanégyre. Entre coups d’éclats et coups d’estocs, l’auteur a su s’attacher ses lecteurs au fur et à mesure des tomes. Et ses héros aux multiples facettes y sont clairement pour quelque chose.

L’autre force de ce cycle fleuve s’exprime dans la construction d’un univers mêlant magie et technologie. Evanégyre a connu un cataclysme d’une telle ampleur qu’elle renaît profondément modifiée. Pour le meilleur et pour le pire, les peuples ont survécu et se sont adaptés aux anomalies qui déforment maintenant le paysage. La magie a échappé à tout contrôle, elle est corrompue et corrompt à son tour ce qu’elle touche. Les préceptes de Wer véhiculent la crainte de cette magie, et tient ainsi la population dans un obscurantisme total. Ce qui fera d’ailleurs la force d’Aska qui va la reprendre à son compte et la déchaîner sur un peuple désarmé. Car de simples armes humaines ne peuvent rien contre la puissance magique.

L’auteur nous dépeint un monde nourri de noirceur et de mensonges. Chaque roman révèle sa part de secrets et nous donne au fur et à mesure une conscience aiguë de l’étendue de la supercherie.

Les codes de la fantasy sont bien là, l’épopée et l’héroïsme aussi. Les Dieux Sauvages, c’est le bon dosage de ce que l’on aime de la fantasy avec l’ingrédient en plus qui rend accro, l’humour.

Ce sont tous ces éléments qui inscrivent ce cycle de fantasy et à travers lui, l’auteur lui-même, dans le panthéon des œuvres à lire et des écrivains français à suivre. 

Lionel Davoust maîtrise finalement tous les formats et s’épanouit dans tous les genres de l’Imaginaire. Que l’on apprécie les grandes sagas ou les courts récits, il est impossible d’échapper à cette plume qui a su, au fil des années, s’imposer dans nos bibliothèques.   

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