Chez Critic, Jean Krug a passé le flambeau à André David qui débarque ce mois-ci dans leur catalogue avec un premier roman de science-fiction. Une fois n'est pas coutume, avec Les Naufragés de l'Institut Fermi, on ne va pas parler de fantasy même s'il n'en demeure pas moins un livre porteur d'un propos passionnant.
Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Critic, je remercie, une nouvelle fois, Eric Marcellin pour l'envoi de ce service de presse.
Île de Brehat, 2392, Louis Maine est un dériveur, chargé par l'institut Fermi de retourner au XIXe siècle pour y modifier l'Histoire et ainsi tenter de sauver l'humanité. Un voyage rendu possible grâce au patrimoine génétique qu'il partage avec ses ancêtres. Aussi, c'est sa conscience qui fait un bond dans le passé et non son corps. A contrario, ceux que l'on appelle les voyageurs qui viennent d'encore plus loin dans le futur dont Gwen fait partie, se déplacent réellement dans le temps grâce à une technologie avancée. Leur but à eux, c'est de mettre des bâtons dans les roues des dériveurs car ils sont la conséquence néfaste de leurs agissements et souhaitent à tout prix les en empêcher. Seulement, au détour d'une rencontre fortuite, Louis et Gwen pourraient bien voir leurs certitudes ébranlées. Et s'ils se trompaient depuis le début ?
L'intrigue des Naufragés de l'Institut Fermi repose sur le paradoxe de Fermi qui interroge les raisons sur la non manifestation d'une vie extraterrestre. Cela s'explique soit, parce que les civilisations ont un temps de vie très court et s'autodétruisent avant d'avoir pu mettre au point un système leur permettant de rentrer en contact, soit au contraire, poussées par cette volonté de conquête de la galaxie, ces civilisations maîtrisent le voyage interstellaire mais ont plutôt choisi d'autres planètes que la nôtre. Or, c'est cette théorie du paradoxe que va exploiter André David dans son livre. Même s'il ne s'agira pas ici d'emprunter le voyage interstellaire pour partir à la rencontre d'autres civilisations mais plutôt pour remonter le temps par bonds successifs afin de sauver l'humanité de son autodestruction.
Derrière ce roman de science-fiction qui repose sur un principe mathématique tout en mettant en scène une technologie avancée, transformant l'homme en clone, entouré d'automates pilotés par l'intelligence artificielle, l'auteur aborde également la notion de collapsologie. En effet, à force d'influencer le passé, les dériveurs ont profondément modifié le futur au point d'entraîner l'effondrement de la biodiversité. La terre est totalement dévastée, devenue hostile et dénuée de toute vie où finalement seule subsiste une civilisation de pâles copies d'humains qui ne rêvent que de retrouver ce que les générations d'avant leur ont volé.
En confrontant deux camps, André David confère à son récit un peu de l'ambiance du roman d'espionnage à travers l'intervention des voyageurs dans les missions d'infiltration des dériveurs pour les empêcher de réussir. Ici, les dériveurs nous apparaissent comme des agents sous couverture lorsqu'ils prennent possession de leur double pour mener à bien leurs tâches d'altération de l'Histoire. Cela donne du rythme au récit car très vite les personnages d'André David s'engagent dans un contre la montre pour devancer l'autre et parvenir à sauver l'humanité. Entre chapitres relativement courts et alternances de points de vue, André David se fait l'auteur d'un récit haletant.
L'autre facette de ce roman est qu'il aborde son propos sous l'angle uchronique nous immergeant dans des épisodes décisifs de l'Histoire, tels le siège de Sébastopol qui a marqué la guerre de Crimée durant neuf mois et fut des plus meurtrier, ou encore la bataille de Camerone opposant une compagnie de la légion étrangère aux troupes mexicaines en 1863. On perçoit ces événements à travers le regard de Louis Maine lorsqu'il incarne le militaire français Louis Philippe Maine. L'auteur a poussé le soucis du détail en glissant en annexes de son livre les états de service de ce caporal, ainsi que la copie d'une lettre signée de sa main. Voici autant d'éléments qui contribuent à légitimer son récit.
Les Naufragés de l'Institut Fermi est un roman choral qui s'appuie sur une galerie de personnages pas toujours humains. Un choix qui ouvre, d'ailleurs, des pistes intéressantes à explorer pour l'auteur car elles lui permettent d'aborder la question des sentiments que peuvent ressentir les clones, ainsi que les désirs et les regrets qu'ils peuvent avoir sur leur humanité perdue. Ici, l'auteur se veut philosophique en brossant le portrait d'une société évoluée qui s'est dégradée à force d'abus. Au milieu de tous ces protagonistes, deux sortent du lot en incarnant à eux seuls chacun des deux camps.
Il y a le dériveur Louis Maine qui va suivre une belle évolution au fur et à mesure de l'aventure en prenant de plus en plus conscience de certaines choses. Par son questionnement intérieur sur la légitimité de ses actes, il nous dévoile le grand projet mené par l'institut Fermi. A travers son regard, on découvre une expérience scientifique aussi fascinante que dérangeante. En sa compagnie, on va côtoyer des valeurs essentielles comme l’amitié, la solidarité et la loyauté. Quant à Gwen qui nous apparaît, dans un premier temps, comme sa Némésis, est un personnage énergique qui refuse d'être considéré comme un simple numéro, propre à sa condition de clone. Alors elle va tout mettre en oeuvre pour se démarquer des autres et empêcher que le pire advienne. A travers elle, André David alerte sur la standardisation de nos sociétés modernes qui pousse vers une identité uniformisée où chacun se calque sur l'autre. Porté par des héros aux personnalités mordantes, Les Naufragés de l'Institut Fermi nous entraîne dans un futur décadent où l'espoir se résume à une étincelle vacillante.
Passé toute la théorie mathématique autour du paradoxe de Fermi qui reste abscons pour la néophyte que je suis, il n'en demeure pas moins que Les Naufragés de l'Institut Fermi est un roman foisonnant qui aborde moult thématiques intéressantes sur l'évolution de l'humanité.
Et vous, qu'accepteriez-vous de faire pour sauver l'humanité ? Je vous laisse réfléchir à la question et vous donne rendez-vous le 17 mars en librairie.
Fantasy à la Carte
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