L'influence du "gaming" à la littérature

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28/08/2024

Fabien Cerutti, Kosigan, un printemps de sang, éditions Mnémos

Fabien Cerutti, Kosigan, un printemps de sang, éditions Mnémos 

La publication de Kosigan, un printemps de sang signe le retour du célèbre bâtard de Kosigan qui s'est fort bien illustré dans la première tétralogie (composée de L'Ombre du pouvoir, Le Fou prend le Roi, Le Marteau des Sorcières et Le Testament d'involution) de Fabien Cerutti. 

Ainsi, pour notre plus grand plaisir, l'auteur n'en a pas encore fini avec son impertinent Pierre Cordwain et lui a concocté une reprise de service des plus explosifs.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Après avoir cédé le commandement de sa compagnie à son second Gérard de Ray, Pierre Cordwain a repris le chemin de sa Bourgogne natale. Officiellement, il veut arracher la vérité sur ses origines à son oncle, Borogar de Kosigan avant qu'il ne trépasse car on le dit très malade, officieusement il souhaite être dans le coin si d'aventure il arrivait malheur aux suivants de la lignée lui laissant le champ libre pour prendre la tête du comté. Bien que disposant d'un sauf-conduit signé par le responsable de la Garde, on ne lui fait pas pour autant un bon accueil et se retrouve enrôlé à devoir jouer les espions dans le comté voisin d'Albret pour prouver sa bonne foi. Chargé d'approcher en toute discrétion son cousin Wenceslas qui est le suivant sur la liste des héritiers pour l'empêcher de faire une mésalliance qui le mettrait en danger. Sur place les imprévus se succèdent obligeant Pierre Cordwain à louvoyer entre les intrigues des puissants pour une fois encore sauver sa tête. La chance sera-t-elle de son côté ? 

Mon avis :

Kosigan, un printemps de sang est une fantasy historique où l'univers est pensé comme une variante de l'Histoire imprégnée de magie. Fabien Cerutti nous propulse cette fois-ci en 1365 dans le puissant duché de Bourgogne contrôlé par Philippe le Hardi depuis qu'il l'a reçu en donation des mains de son père, le roi Jean II le Bon. Sous son ère, les bases de l'Etat bourguignon sont jetées qui à son apogée se dresse même en rival du royaume de France. Or, Fabien Cerutti se sert de ces rivalités où le comté de Bourgogne est une épine dans le pied du roi de France, Charles V qui se retrouve pris en tenaille entre l'hégémonie anglaise et cette puissante principauté bourguignonne. C'est pourquoi le souverain français s'est adjoint le soutien des peuples anciens à travers un certain abbé Nirdrym afin d'étendre son influence et de mettre enfin un terme à la menace anglaise. Aussi entre ces lignes les comtés d'Albret et de Kosigan appartenant jusque-là à des bannerets de Philippe le Hardi deviennent le théâtre d'affrontements sanglants, d'assassinats et de complots politiques car disputées par les deux puissances en présence. Sous la houlette de cet abbé Nirdrym présenté comme le frère de Merlin, orcs, elfes noirs, ogres et même un dragon marchent sous ses ordres dans l'espoir de restaurer le monde ancien sur le dieu crucifié de Rome. Derrière ce double du légendaire mage, l'auteur explore la figure sombre pleine de ruses  et de tromperies endossée parfois par l'enchanteur. Ici, Nirdrym est un être inquiétant et redoutable qui ne recule devant aucun sacrifice pour mener à bien sa quête. 

Ainsi, personnalités historiques et créatures merveilleuses voient leurs destins se mêler à des intrigues politiques parfaitement bien ficelées. 

L'imaginaire de Fabien Cerutti est tout bonnement fabuleux. Il a trouvé l'accord parfait pour créer l'alchimie entre son monde et les lecteurs. 

La magie s'exprime par l'intermédiaire de la Source avec laquelle les détenteurs de pouvoir interagissent. Ceux-ci disposent d'ailleurs d'un sang-noir faisant d'eux des êtres à part. Mais celui-ci est loin d'avoir révéler tous ses secrets et son potentiel puisque Pierre Cordwain cherche encore à en connaître ses limites. 

A l'instar de ses précédents romans, l'auteur nous a concocté une nouvelle intrigue extrêmement bien rythmée qui alterne les points de vue de Pierre Cordwain et Dùnevia Illavaëlle. Les chapitres sont courts et incisifs pour maintenir le lecteur dans un suspense palpitant. Le récit est très immersif et donne l'impression de l'avoir quitté la veille tellement on s'attache avec facilité à ses protagonistes hauts en couleurs. Le cynisme et l'humour de Pierre Cordwain en font un personnage irrésistible. Ici, il a abandonné l'identité de mercenaire pour celui d'un homme cherchant à retrouver les bonnes grâces de la famille qui l'a rejeté. Il est à la fois touchant et machiavélique car on ne refait pas sa nature, n'est ce pas ! On va le suivre dans la quête de ses origines qui va l'amener une nouvelle fois sur les chemins tortueux du pouvoir. Son charisme lui vaut autant d'allégeances que de traitrises. Parmi ses fidèles, il y a Dùnevia Illavaëlle qui est une changesang. Dans cette nouvelle partition, elle va jouer son éclaireuse pour l'avertir de ce qui se trame chez le voisin. Elle est clairement un atout dans les manigances de Pierre Cordwain pour mener à bien ses petites affaires.

Pour conclure :

Kosigan, un printemps de sang mêle une intrigue efficace à un monde onirique qui recèle encore tant de merveilles à découvrir. C'est l'un des romans de la rentrée que j'attendais le plus et le coup de cœur est au rendez-vous. Que demandez de plus !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur L'Ombre du pouvoir, Le Fou prend le Roi, Le Marteau des Sorcières et Le Testament d'involution

Informations

Fabien Cerutti
Kosigan, un printemps de sang
9782382671504
432 pages
Editions Mnémos

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23/08/2024

Nghi Vo, Les Beaux et les Élus, éditions L'Atalante

Nghi Vo, Les Beaux et les Élus, éditions L'Atalante 

Après quelques incursions au sein des Archives des Collines-Chantantes où Nghi Vo nous a régalé de ses novellas infusées aux mythologies asiatiques, elle change littéralement de cap et signe un nouveau roman tout aussi envoûtant.

Place aux années folles dans Les Beaux et les Élus qui donnent à sa signature un parfum capiteux inédit.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Originaire du Tonkin, Jordan a été adoptée par la famille Baker. Depuis lors, elle évolue dans un milieu aisé, fréquente les lieux branchés et enchaîne les somptueuses réceptions. Cet été 1922, elle le passe en compagnie de Daisy Fay, devenue Buchanan et fait la connaissance de son charmant cousin, Nick Carraway, ainsi que de Jay Gatsby, l'énigmatique voisin d'en face des Buchanan dont la seule présence suffit à mettre en pâmoison bien des cœurs. Dans ce New York écrasant qui échauffe les corps autant que les esprits, quelle sera l'étincelle qui mettra le feu à la situation ?

Mon avis :

Les Beaux et les Élus est une réécriture très onirique du mythique roman de Francis Scott Fitzgerald, Gatsby le Magnifique. Pour bâtir son univers, Nghi Vo emprunte ce New York enfiévré né sous la plume de Francis Scott Fitzgerald où quartiers fictifs et réels se côtoient. Ainsi, les villes de West et East Egg situées dans l'Etat de New York, sans oublier les fameux speakeasies renaissent de leurs cendres pour nous emporter dans un tourbillon festif où la bonne société aime s'enivrer et s'encanailler. Mais pour parfaire sa réappropriation, l'autrice y a ajouté sa touche personnelle afin de rendre les lieux diaboliquement fascinants. 

On ne s'étonne donc pas d'y trouver un train reliant Manhattan aux enfers, d'être invité à boire de la liqueur démoniaque ou de pouvoir monnayer son âme en échange de richesses infinies. La décadence et la démesure de l'époque se prêtent à toutes les interprétations. 

La magie qui enflamme ces pages donne littéralement vie à des silhouettes de papier offrant ainsi des doubles aux protagonistes de cette histoire leur permettant de rejouer leurs scènes à volonté. 

L'immortalité transcende donc ce texte aussi bien sur le fond que sur la forme. Déjà l'œuvre est intemporelle, notamment à travers ses personnages qui peuvent rejouer leur partition à l'infini maintenant que le roman est tombé dans le domaine public. Ensuite, cette notion d'éternité est complètement intrinsèque à ce récit avec ce personnage majeur qui a échangé son âme contre la jeunesse, le succès et la fortune. En tout cas, c'est ainsi que l'autrice explique la gloire fulgurante de Jay Gatsby. Un choix des plus habiles car après tout n'est-ce pas frayer avec des forces maléfiques que de commercer avec l'illégalité. Au regard de la moralité de l'époque et notamment des lois de prohibition, l'exégèse paraît adéquat. 

Dans Les Beaux et les Élus, Nghi Vo revisite ce grand classique de la littérature en changeant de point de vue. En effet, ici ce n'est plus Nick Carraway le narrateur mais Jordan Baker, l'amie de Daisy. Résolument féminin, ce point de vue donne de nouvelles perspectives à ce récit car ce on n'est plus enfermé dans une admiration étouffante de la figure de Jay Gatsby. Jordan, elle, garde un certain contrôle sur les évènements et ses réactions. Elle ne se laisse pas submerger par ses émotions même si elle reconnaît bien volontiers le pouvoir d'attraction de Gatsby. A travers Les Beaux et les Élus, Nghi Vo cherche à moderniser l'œuvre de F.S. Fitzgerald en donnant la primeur à un personnage féminin racisé attaché à sa liberté et à son indépendance. 

En outre, au-delà de nous parler de l'incontournable lutte des classes, à travers ce désir des couches populaires de se hisser dans les rangs supérieurs et ce mépris des castes aisées vis-à-vis de ceux qu'ils estiment inférieurs, Nghi Vo s'est surtout attachée à mettre en lumière l'amour pluriel. 

En effet, dans son livre, il n'y a pas qu'une seule manière d'aimer. Ce sentiment se pare donc de nombreuses couleurs. Etourdissant, tempéré ou toxique, l'autrice explore les nombreux sentiments qui habitent l'âme humaine et exalte ce texte jusqu'à son paroxysme tragique. Bisexualité et homosexualité sont au cœur de ces fêtes où il est bon de paraître. L'autrice nous livre donc une version bien actualisée de cette fable et libérée de toute inhibition. 

En sus de cette histoire de mœurs, Nghi Vo met en exergue la quête d'identité de ce personnage secondaire qui ne souhaite plus simplement se fondre dans le décor mais cherche à prendre le contrôle sur son destin en comprenant ses origines. Séduisante et discrète, Nghi Vo donne à Jordan Baker un certain magnétisme. Ainsi, si tous cherchent à complaire à Jay Gatsby, lui, désire par-dessus tout s'attirer les bonnes grâces de Jordan pour atteindre son but auprès de Daisy. Elle est l'observatrice idéale de ces nantis qui voient en elle une simple confidente. Il est vrai qu'elle partage leur monde sans complètement en faire partie. Par son adoption, elle n'est qu'une pièce rapportée. Electron libre toléré par respect pour son nom de famille, elle endosse au fil des pages bien des identités jusqu'à trouve la bonne combinaison. Charismatique, elle est l'atout de Nghi Vo pour faire revivre les fantômes de cette folle époque de l'entre-deux-guerres. 

Pour conclure :

Roman iconique, Gatsby le Magnifique renaît tel un phénix sous la plume ensorcelante d'une poétesse d'aujourd'hui. Bien mal celui qui croyait connaître la chanson car Nghi Vo nous en propose une variante pleine d'audace qui ne manquera pas de vous conquérir, vous verrez ! Disponible en librairie depuis le 22 août. 

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur L'Impératrice du Sel et de la Fortune, Quand la tigresse descendit de la montagne, Entre les méandres et Des mammouths à la porte.

Informations

Nghi Vo
Les Beaux et les Elus
9791036001932
316 pages
Editions L'Atalante

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20/08/2024

Pierre Grimbert, Le Lanternier, Pax Elfica, éditions Mnémos

Pierre Grimbert, Le Lanternier
Pax Elfica
éditions Mnémos 

En partenariat avec les XII Singes et dans le cadre de leur label Ludika, les éditions Mnémos ont chargé l'un de leur auteur phare, Pierre Grimbert, d'écrire un roman directement inspiré du jeu de rôle Pax Elfica

Celui-ci est sorti en avril dernier sous la forme d'un très beau livre relié arborant un jaspage sur la tranche. 

Bien que je ne sois pas une adepte de jeu de rôle, j'avais tout de même très envie de lire ce livre car j'aime énormément la plume de Pierre Grimbert et j'étais donc curieuse de lire son petit dernier.

Résumé :

Depuis 7 ans, la cité de Brenhaven vit sous le contrôle des elfes après que ces derniers aient chassé le Nécromant et sa horde de morts-vivants qui y faisaient régner la terreur. Seulement, au lieu de partir après leur victoire, ils se sont installés prenant comme prétexte l'apparition soudaine de la Sylve en plein cœur de la ville. Depuis lors, les habitants ont dû se conformer à leurs lois et à un règlement strict car la moindre infraction peut entraîner de graves sanctions. 

C'est ici que vit le nain Tolan avec son épouse Galaë. Lui est lanternier et elle, charcutière. Leur quotidien va basculer le jour où ils rencontrent un jeune humain prénommé Veric qui semble sortir de nulle part. Alors Tolan n'a pas d'autre choix que de l'accueillir chez lui pour le soustraire momentanément à la méfiance elfique car le garçon est hagard et émotionnellement instable. Mais son accès de générosité pourrait bien le mettre en difficulté, voir en danger, qui sait !

Mon avis :

Le Lanternier est un récit de fantasy qui nous immerge dans l'univers de Pax Elfica et plus particulièrement en Arlande, dans la région de Valseptente, à Brenhaven. C'est une cité médiévale peuplée d'humains, de nains, d'orcs, d'halfelins et d'élfes. Véritable enjeu de pouvoir, d'abord pour le Nécromant qui en avait fait son quartier général, puis pour les efles qui ont fait le choix de s'y installer en imposant leur discipline. A Brenhaven, la magie est proscrite. Les seuls détenteurs autorisés à en faire usage sont donc les elfes. Aussi, ceux qui disposent d'un petit pouvoir comme les nains que l'on appelle ici "sorcelet" voient leur don s'amoindrir si ce n'est disparaître par manque d'utilisation. Dans ce monde, il n'est donc pas bon de déplaire aux elfes qui se réservent le droit "d'enfayter", autrement dit de réduire tous les contestataires à de simples esprits. Au sein de leurs rangs, il y a les arindeäls qui sont de puissants sorciers capables d'ensorceler les animaux pour les transformer en espions. Leur présence instaure un climat de crainte et de suspicion. Ainsi, dans cet univers la notion de paix elfique se pare d'une amertume aigre. 

Avec son habileté coutumière, Pierre Grimbert nous précipite dans cet univers cher au cœur de certains rôlistes, qu'il s'est habilement réapproprié  et où le merveilleux et l'effroi se côtoient pour mieux nous retenir captifs. En quelques pages le décor est posé et le ton de l'aventure est donné. 

Derrière une apparence classique, l'intrigue emprunte en réalité un schéma narratif plus complexe puisque les héros d'hier deviennent les tyrans d'aujourd'hui. En effet, alors que dans la lutte contre le Nécromant, la population de Brenhaven se pensait sauvée avec l'intervention des elfes, il n'en ai rien puisqu'ils vont quitter des chaînes pour en reprendre d'autres. Ainsi, l'univers joue sur la déstabilisation du joueur ou du lecteur en nous brossant un portrait beaucoup plus inquiétant de ce peuple elfique que ce que la culture populaire a véhiculé jusque-là. 

Cela donne l'occasion à l'auteur de s'intéresser aux thématiques inhérentes à la notion de guerre et les conséquences désastreuses de l'occupation sur la population locale à travers les traumatismes, les exactions, les massacres et les rébellions. 

Entre ces lignes, on parle beaucoup de liberté et du prix à payer pour la conquérir ou la reconquérir. C'est un roman politique qui met en lumière les régimes tyranniques et les leviers à disposition pour les renverser. 

Dans Le Lanternier, Pierre Grimbert remet la lutte du bien et du mal au cœur de son récit en explorant notamment les parts d'ombre de ses protagonistes afin de démontrer que la frontière entre les deux est mince. Il joue pas mal sur les faux-semblants et les retournements de situation pour nourrir son texte. 

Alors que l'on pourrait s'attendre à voir le héros archétypal débarqué pour sauver la situation, il n'en est rien car l'auteur table plutôt sur une communauté de personnages que rien ne prédestinait à s'illustrer. 

Tolan incarne le monsieur tout le monde qui souhaite simplement vivre et travailler en toute quiétude. Il n'a pas l'étoffe d'un guerrier et pourtant c'est à lui que Pierre Grimbert confie les rênes de l'aventure. 

Des héros improbables, des situations inversées donnent à ce récit un souffle épique insolite. Des choix qui sont pour le moins divertissants. 

Outre ce nain bougon débarqué ici presque par hasard, il y a son épouse Galaë qui elle, ne manque pas de courage ni d'aplomb. Elle prend vite les choses en mains pour tenter de se sortir des difficultés sans y laisser trop de plumes. Dynamique et frondeuse, sa vivacité de caractère sera clairement un atout pour son mari dans les pires moments de doute. 

Enfin, Veric est un adolescent complètement perdu. Désorienté, confus et semblant amnésique, le jeune homme paraît dissimuler de nombreux secrets. Or, en déterrant ses souvenirs, il pourrait bien réveiller un passé sinistre et mortifère. Son ambivalence en fait un personnage fort intrigant. 

En publiant Le Lanternier, les éditions Mnémos affichent leur ambition de proposer des contenus toujours plus transmédias. Même si ce roman peut tout à fait se lire indépendamment puisque chaque support se suffit à lui-même, si d'aventure, certains souhaitent poursuivre l'expérience afin d'en apprendre davantage, ils auront ainsi le choix des ressources.

Pour conclure :

Avec Le Lanternier, Pierre Grimbert nous offre une nouvelle approche du jeu de rôle et lui donne ainsi des couleurs inédites.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog mes avis sur Le Sang des Parangons, L'Âme des Parangons, Six Héritiers, Le Serment Orphelin, L'Ombre des Anciens  et Le Doyen Eternel

Informations

D'autres avis sont à lire sur la blogosphère : Le Bibliocosme

Pierre Grimbert
Le Lanternier
Pax Elfica
9782382671283
317 pages
Editions Mnémos

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16/08/2024

Jeanne Mariem Corrèze, Le Chant des Cavalières, éditions Les Moutons électriques

Jeanne Mariem Corrèze, Le Chant des Cavalières
éditions Les Moutons électriques 

Alors que son nouveau roman, Nous serions l'incendie, vient juste de rejoindre, ce 14 août, les rayonnages des librairies, je me suis dit qu'il était plus que temps d'exhumer de ma PAL, le premier livre de Jeanne Mariem Corrèze, Le Chant des Cavalières.

Comme les deux récits partagent le même univers, autant faire les choses bien en les lisant dans l'ordre. 

Résumé :

La jeune Sophie se rêve écuyère mais pour le devenir, elle doit attendre le premier sang car c'est la condition pour être liée à un dragon. Pendant ce temps, les évènements se précipitent au sein de l'ordre des Cavalières, une nouvelle Matriarche est nommée. Et c'est elle qui va devenir la maîtresse de Sophie. Seulement occupée à ses petites affaires, elle n'a que peu de temps à accorder à la jeune fille qui va pourtant devoir embrasser son destin et bien choisir ses alliés. Alors quel chemin empruntera-t-elle ? 

Mon avis :

Avec Le Chant des Cavalières, Jeanne Mariem Corrèze nous propose un texte de fantasy très soigné. Elle y a bâti un univers solide et envoûtant en empruntant notamment à la mythologie arthurienne. Elle se l'est d'ailleurs réappropriée avec beaucoup d'habileté en l'abordant sous un angle féministe car ici l'héritage des Pendragon échoue aux femmes. De même que l'on croise entre ces lignes le célèbre Myrddyn sous le masque d'un mage puissant et rusé. Il incarne les légendes oubliées et une magie ancestrale qui renaît sous la plume de Jeanne Mariem Corrèze. Celle-ci embrase les pages de ce livre et se mêle à la nature pour mieux la magnifier. Mais, l'onirisme se manifeste de bien des manières au sein de ce roman. Aussi, il peut intervenir à travers les rêves qui habitent les nuits de certains protagonistes cherchant à leur montrer le chemin même si celui-ci paraît obscur. Enfin, il y a également l'omniprésence des dragons, fabuleuses créatures issues du bestiaire merveilleux que la littérature fantasy adopte bien volontiers et que l'autrice a choisi ici d'en faire de fidèles montures à ses cavalières. 

Dans Le Chant des Cavalières, on parcourt donc le royaume de Sarda, essentiellement à dos de dragons. Depuis la Grande Guerre, la défaite de la reine Maude et la réédition du royaume à Sabès, celui-ci vit dans une paix relative. Le pouvoir est entre les mains d'un prince et d'un condottiere. L'Ordre des Cavalières est réparti au sein des quatre citadelles : Nordeau, Estari, Ousterre et Soufeu. Mais, ces guerrières d'antan ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes, davantage rompues aux intrigues de cour qu'aux véritables combats. Seulement une effervescence semble agiter les couloirs du pouvoir. Tandis que certains s'accrochent aux paroles d'une prophétie annonçant le retour des Reines, d'autres ont des velléités d'indépendance ou rêvent d'une autre gouvernance. 

L'autrice donne donc vie à un univers magistral qu'elle a pris le temps d'explorer dans ce premier roman afin d'offrir à son récit un très bel écrin qu'elle pourra au demeurant réutiliser ultérieurement.

Mais c'est aussi le décor idéal pour tisser les nombreuses intrigues politiques qui tapissent les pages de ce livre car Le Chant des Cavalières est avant tout un roman politique. L'action relève davantage de manipulations et de trahisons que de véritables combats en dépit que l'on parle beaucoup de guerre au fil des chapitres. En effet, on découvre les évènements loin du champ de bataille, à l'abri des salons et des cours où circulent les mensonges, les secrets, le fiel et l'amertume. Ils sont propices pour donner à cette intrigue tout son suspense. 

Certains verront sans doute dans l'absence de batailles, un manque de rythme, pour autant cette histoire demeure agréable à lire. Il est vrai que la présence des dragons enflamme notre imaginaire d'affrontements épiques et flamboyants, il n'en est rien ici mais cela ne veut pas dire que cela n'adviendra pas plus tard car au regard de ce livre, Jeanne Mariem Corrèze n'en a clairement pas encore fini avec son univers. 

Dans Le Chant des Cavalières, l'autrice reprend le motif de la quête initiatique, à travers une héroïne qui refuse de n'être que le pièce maîtresse d'une prophétie pilotée par d'autres. En la rencontrant très jeune, on va la suivre dans sa quête d'identité, dans sa compréhension de ses origines et dans ses choix de vie. Bien que ce soit un schéma narratif classique, l'autrice arrive à surprendre en lui faisant emprunter des chemins inattendus. 

Le Chant des Cavalières dégage une grande sororité. L'autrice a articulé son histoire autour de femmes de pouvoir qui cherchent à reprendre pleinement leur indépendance et leur liberté. pour cela, elles vont beaucoup intriguer, chacune derrière le dos de l'autre. Chacune dispose de sa propre puissance sans pour autant faire tout exploser sur son passage. Jeanne Mariem Corrèze nous dépeint des protagonistes féminins forts, sensibles et auxquelles il est facile de s'identifier. Elles sont toutes différentes et apportent sa singularité au texte. Entre Sophie qui va apprendre de son inexpérience pour se tracer le chemin qu'elle aura elle-même choisi, Frêne, l'aïeule herboriste qui n'hésite pas à prendre sous son aile les jeunes pousses afin de leur transmettre force et savoirs et enfin Eliane qui affiche une dureté implacable pour mieux dissimuler le dessein qu'elle vise. 

Pour conclure :

Bien que Le Chant des Cavalières reprenne les motifs habituels de la fantasy à travers la quête et la lutte pour le pouvoir, Jeanne Mariem Corrèze donne à sa geste une puissante singularité. Sa plume très travaillée et pleine de poésie se révèle être un véritable atout pour porter le destin de ses personnages qui n'a pas fini d'être conté. Affaire à suivre !

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, les avis de : Le Bibliocosme et Just A Word

Informations

Jeanne Mariem Corrèze
Le Chant des Cavalières
9782361836412
320 pages
Editions Les Moutons électriques

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13/08/2024

Pierre Pevel & Etienne Willem, Les Artilleuses, éditions Drakoo

Pierre Pevel & Etienne Willem, Les Artilleuses, éditions Drakoo

Avant d'adapter en bande dessinée la saga du Paris des Merveilles, Pierre Pevel et Etienne Willem avaient déjà collaboré ensemble à une autre série en 3 volumes, intitulée Les Artilleuses

Il s'agit ici d'une intrigue inédite qui prend également cadre dans ce fameux Paris des Merveilles, "un Paris qui n'est ni tout à fait le nôtre, ni tout à fait un autre". 

Je ne l'ai pas lu à sa sortie mais j'ai fini par craquer pour son coffret en édition limitée vendu avec trois superbes ex-libris. Il était donc temps que je m'attelle à la lecture. 

Résumé :

Lady Remington, Miss Winchester et Mam'zelle Gatling forment un trio de monte-en-l'air fort explosif. Elles viennent d'accepter une dernière mission avant de raccrocher défectivement et espèrent bien terminer sur un coup de maître. Il s'agit du casse d'une banque afin d'y dérober une précieuse relique, la Sigillaire. Seulement à peine le hold-up accompli, elles se retrouvent avec les Brigades du Tigre et les services secrets du Kaiser aux fesses, sans parler des nombreuses tentatives d'assassinat auxquelles elles tentent d'échapper. Elles ont bien conscience que ce vol risque de leur coûter cher, si elles ne découvrent pas vite le commanditaire. Les voici donc propulsées dans une course contre-la-montre à l'issue incertaine en espérant échapper au sort funeste qui les guette. 

Mon avis :

Avec Les Artilleuses, on retrouve l'univers enchanteur du Paris des Merveilles où l'Outremonde exerce une grande influence sur notre monde. Ainsi, les rencontres oniriques sont devenues monnaie courante, les dragonnets ont envahi le ciel, les elfes tiennent commerces, les gargouilles prennent vie et les faunes sont même à la tête de trafics. C'est dans ce monde cher aux inconditionnels de Pierre Pevel que ce dernier a inséré son histoire de cambriolage mêlé à des affaires d'Etat. L'intrigue s'insère dans le contexte politique houleux de l'époque à travers les relations difficiles entre la France et la Prusse et l'essor d'un réseau d'espionnage sur tout le territoire. 

Entre intrigues politiques, investigations et tirs nourris, le scénario est tout feu, tout flamme. C'est rythmé, drôle et riche en carambolages. Pierre Pevel n'a pas fait dans la dentelle en mettant en scène un trio de donzelles à la gâchette sensible. En effet, il table sur trois héroïnes fort badasses pour porter son histoire. Trois femmes qui sont d'ailleurs bien représentatives de son univers avec notamment une magicienne et une fée dans leur rang. Collé à leurs basques, on n'est pas déçu du voyage car elles nous en font voir de toutes les couleurs. Elles mènent leurs affaires tambour battant et ont plus d'un tour dans leur sac pour se sortir des pires ornières. Très différentes les uns des autres, l'auteur joue sur leurs différences pour pimenter son histoire. Ainsi, Audrey Remington est le cerveau de la bande. Aristocrate, cette magicienne mène son monde à la baguette. Elle sait ce qu'elle veut et ne se laisse pas facilement impressionnée. Sous ses airs de grande dame se cache une puissante magicienne qui n'hésite pas à user de ses pouvoirs lorsque la situation l'exige. Kathryn Winchester, elle, est américaine. Tireuse hors pair, elle joue autant des coups que de son charme. C'est une belle femme qui connaît ses atouts et sait s'en servir en temps utile. Enfin, Louison Gatling est une fée qui ne s'épanouit qu'à Paris. Son péché mignon, les explosifs. Ils lui sont nécessaires pour régler bien des problèmes. Avec son allure de mécanicienne, on la prendrait facilement pour un garçon manqué mais il ne faut pas s'y fier car ce petit bout de fille en a sous le capot pour se sortir des mauvais pas. Ensemble elles font bien souvent tout péter et donnent ainsi à cette série tout son sel. 

Pour mettre en images Les Artilleuses, on retrouve le très talentueux Etienne Willem aux mannettes. Comme à son habitude, il donne vie à ce merveilleux Paris avec beaucoup d'élégance, l'habillant de féérie et de touches steampunk très modernes. Je reste admirative de la qualité du graphisme. Les dessins sont si réussis. Les créatures féériques sont fort bien réalisées. Il a su s'approprier l'univers pour nous livrer un Paris extraordinaire plein de mystères et de raffinement. Le trait est délicat et les couleurs sont chatoyantes. Ca a été un réel plaisir que de se plonger dans cette bande dessinée à l'intrigue bien ficelée. Etienne Willem était un grand artiste. Il avait ce don pour donner à la fantasy toute sa noblesse. Sa disparition laisse un immense vide dans nos cœurs. 

Pour conclure :

Les Artilleuses, c'est une série pleine d'actions dans laquelle l'ennui n'est pas de mise, et à laquelle s'ajoute une petite touche d'humour bienvenu. Je vous la donc recommande chaudement.

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog, mes avis sur Le Paris des Merveilles, volume 1 et 2

Informations

Pierre Pevel 
Etienne Willem
Les Artilleuses
9782382330203
Editions Drakoo

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