L'influence du "gaming" à la littérature

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18/03/2018

Estelle Faye, Les Seigneurs de Bohen

Les Seigneurs de Bohen n'est pas le premier coup d'essai d'Estelle Faye. Bien au contraire, elle est une autrice bien connue des familiers de la fantasy française. Déjà moult fois remarquée par des récits hauts en couleurs, elle revient ici avec un texte pressenti pour le nouveau prix Imaginales des bibliothécaires, ainsi que pour le prix Imaginales des lycéens. 

Alors que Jean-Louis Fetjaine et Jean-Laurent Del Socorro nous ont respectivement brossé des fresques historiques à travers leur roman, Estelle Faye, elle, demeure sur les sentiers balisés d'une fantasy plus traditionnelle. 

Ce roman nous conte les dernières heures de l'Empire de Bohen. A travers les souvenirs compilés de Ioulia La Perdrix, agent de renseignement de la famille impériale, on comprend comment l'Empire a été renversé. Enfin ce sont plutôt les histoires croisées des différents acteurs de cette chute qui nous sont contées ici. 

Parmi les figures phares de ce récit, il y a Maëve, une morguenne des Havres qui vient à la capitale pour chercher une solution auprès de l'impératrice afin d'éloigner définitivement la menace des vaisseaux noirs qui ne cessent de piller les côtes. Ensuite, vient le bretteur Sainte-Etoile qui en recherchant le neveu disparu d'un nobliau, va se retrouver à combattre dans les rangs des mercenaires menés par Sorenz Ab Abahain. Enfin, il y a le naïf clerc de notaire Wens qui se retrouve condamné aux mines pour trahison politique alors qu'il entretenait une liaison avec la fille de l'empereur. 

Trois héros, trois destins, un seul but.

Voici des personnages qui ne sont pas forcément voués à se rencontrer mais dont la vie est intrinsèquement liée à l'avenir de Bohen. 

Estelle Faye nous fait donc accoster sur les rivages de son univers chatoyant qui fait crépiter la magie dans un envoûtant maelstrom d'aventures. Elle y apparaît même, telle une morguenne, capable avec ses mots de nous tenir captifs de sa plume tout au long de la narration. 

Les Seigneurs de Bohen, c'est avant tout un récit vivant et coloré animé par la révolte des minorités opprimées qu'elles soient douées de magie ou non. Ici, elle traduit bien le malaise ambiant lorsque le monde est gouverné par des tyrans. De cet état ne peut naître qu'une révolution exécutée dans le sang et la douleur. Ce livre en est d'ailleurs un très beau témoignage.

Ce nouveau roman d'Estelle Faye vient s'ajouter au palmarès de ses œuvres. Si vous aviez besoin d'une preuve pour vous convaincre de la qualité de sa plume, ce bouquin en est clairement une. 

La notoriété des récompenses délivrées à l'occasion des Imaginales n'est plus à prouver. La sélection des œuvres en lice y est minutieuse et réfléchie. Pour preuve avec Les Seigneurs de Bohen et les autres. Pour ma part, je serais bien en peine de privilégier tel ou tel livre tant ils ont tous été un coup de cœur. 

Fantasy à la carte

Estelle Faye
Les Seigneurs de Bohen
Editions Critic

11/03/2018

Patrick Moran, La Crécerelle, éditions Mnémos

Le mois de février est, pour les Indés de l'Imaginaire, signe de découvertes de nouveaux auteurs. Sous le label "les pépites de l'Imaginaire", les trois éditeurs du collectif s'associent pour mettre à l'honneur les talents de demain. Ainsi les éditions Mnemos nous font découvrir en avant première la plume implacable de Patrick Moran. Jeune auteur, il débarque dans l'univers des littératures de l'Imaginaire avec un récit unique : La Crécerelle

Pour son premier roman, Patrick Moran colle aux basques de son héroïne, connue sous le nom de Crécerelle. Native des terres du Sud, sa réputation de magicienne tueuse n'est pas passée inaperçue dans le Nord. Passant de cités en cités, elle laisse un sillage sanglant derrière elle. Ayant conclu, il y a très longtemps, un pacte avec une entité de l'outre-monde, Crécerelle n'a pas d'autres choix que de tuer pour elle sous peine d'en pâtir affreusement. Bien que le fait d'assassiner ne lui pose pas outre-mesure de problème, elle souhaite tout de même retrouver sa liberté d'agir comme bon lui semble. Et d'ailleurs, elle a un plan pour s'en libérer. Seulement ses agissements égoïstes pourraient bien mettre en danger l'équilibre du monde. Mais en aura-t-elle quelque-chose à faire ?  

A peine entamé, on pressent tout de suite que ce roman s'est affranchi des codes habituels de la fantasy pour apporter du renouveau au genre. 

Patrick Moran est un auteur qui va faire sensation avec son personnage de la Crécerelle. En dressant le portrait de cette héroïne à des années lumières de l’archétype du héros traditionnel, il attire d'emblée l'attention. Difficile de trouver les mots pour qualifier cette héroïne d'un nouveau genre. A mi-chemin entre la mercenaire et la tueuse sanguinaire, la Crécerelle est surtout une magicienne liée par un pacte qui la contraint à tuer même si elle n'y prend aucun plaisir. Personnage étonnant qui ne se sacrifierait pour rien au monde pour une cause ou pour autrui, elle fait preuve d'un grand égoïsme en privilégiant sa personne avant tout. Bien que l'auteur fasse graviter un petit groupe de personnages, c'est surtout la Crécerelle et l'entité qui constituent le noyau dur de ce récit. C'est un véritable duel entre ces deux-là qui va nourrir les pages de ce livre et nous tenir en haleine d'un bout à l'autre. 

En fait, on peut dire que ce roman est un OVNI pour le genre. C'est une fantasy qui remet perpétuellement les choses en cause, une fantasy qui déroute et qui fait réfléchir sur les probabilités qu'entraînerait telle ou telle action. Sous l'angle magique, Patrick Moran aborde la notion d'effet papillon. Le pouvoir apparaît ici comme un moyen d'altérer, voire de réinitialiser le monde. 

Un seul roman suffit à cet écrivain pour se faire une place parmi ses homologues.  

Avec un esprit analytique et une écriture incisive, il nous entraîne toujours plus loin dans l'horreur. Il n'hésite pas à mettre en exergue la violence des crimes perpétrés dans ce récit. Non pas que l'on n'est pas habitués à ce genre de scènes sanglantes, mais la lecture n'en demeure pas moins insoutenable. On a bien souvent le cœur au bord des lèvres. 

En proposant une telle pépite les éditions Mnemos tapent fort pour marquer les esprits. Ce livre est une fantasy mordante pour ne pas dire une fantasy choc qui ne va pas manquer de susciter des réactions. 

Fantasy à la carte

04/03/2018

Jean-Laurent Del Socorro, Boudicca, collection Bad Wolf, éditions ActuSF

Avant de lire Boudicca, je ne connaissais pas la plume de Jean-Laurent Del Socorro. C'est pourtant un auteur qui a fait une entrée remarquée dans le paysage des littératures de l'Imaginaire. En effet, son premier roman, Royaume de vent et de colères s'est vu récompensé en 2015 par le prix Elbakin.net du meilleur roman de fantasy française. Une distinction qui met en valeur la qualité de sa plume. Et je dois vous confier que j'ai un petit faible pour cet auteur que je découvre grâce à ActuSF dans le cadre du Prix Imaginales des bibliothécaires. 

Jean-Laurent Del Socorro a choisi pour cadre la période troublée de la colonisation de la Bretagne par les Romains et pour héroïne Boudicca, la figure de la liberté de l'époque. En s'appuyant sur les quelques écrits que l'on a sur elle, notamment ceux de Tacite et de Dion Cassius, l'auteur nous retrace toute sa vie. Ce portrait qu'il nous dresse d'elle est quelque peu teinté d'ésotérisme, lui donnant ainsi un côté mystique et sacré. A la lecture de cette biographie, on la percevrait bien volontiers comme une prêtresse maniant la magie que lui ont insufflée les dieux afin de mener les hommes au combat. 

Née en 28 ap J.-C, Boudicca est la fille d'Antedios et d'Andraste, les souverains du clan des Icènes. Elle commence à forger sa légende dès sa naissance puisqu'on la dit fille de deux Andraste faisant référence à sa mère morte en la mettant au monde et à la déesse éponyme qui lui a accordé malgré tout la vie. Elle grandit sans l'amour de son père qui la rend responsable du décès de sa femme. Cette absence fera d'elle la guerrière acharnée que l'on connait car toute son enfance et son adolescence, elle va les passer à apprendre à se battre. Formée à la guerre d'un côté et au bon maniement des mots grâce aux enseignements du druide Prydain de l'autre, Boudicca incarne parfaitement la figure de l'insoumission et de la liberté. Épouse de Prasutagos, elle n'en demeure pas moins libre de son corps qu'elle n'hésite pas à donner à sa confidente Jousse. Indépendante, elle consacrera sa vie à combattre l'oppresseur et à réaffirmer sa liberté et celle de son peuple. 

La Boudicca de Jean-Laurent Del Socorro est une grande fresque historique qui met en exergue les anciens cultes et la puissance des combats du passé. Ici les signes qu'attendent les Icènes sont perçus comme des manifestations magiques prodiguées par les Dieux et interprétées par les Druides qui apparaissent comme leurs messagers. Pourtant dans son récit l'auteur dissémine une magie qui n'est pas ostentatoire. Elle y est discrète mais agit sans mal sur nous pour nous enchanter. Il est tout simplement difficile de ne pas être subjugué par le destin de cette femme meneuse d'hommes. Elle incarne un tel courage qu'elle est un symbole à elle seule. A la lecture de ce récit on comprend le parti pris que l'auteur a pris de nous raconter la vie de cette femme qui est digne des héroïnes des plus grands cycles de fantasy. 

De plus, en redonnant vie à cette guerrière, l'auteur réaffirme le pouvoir que les femmes détenaient dans certaines civilisations. Ainsi pour les Celtes, elle est l'égal de l'homme. Or pour une civilisation considérée par l'Empire romain comme sauvage, on pourrait davantage la qualifier d'éclairée ou tout du moins d'ouverte d'esprit. 

La force de Jean-Laurent Del Socorro est d'arriver à captiver son lectorat sur tout un pan d'Histoire. Alors que beaucoup se targuent d'y être réfractaires, avec lui point d'ennui tant il rend les faits passionnants. 

Tout sérieux qu'il est, ce récit nous transporte avec délice au temps jadis. Plus que d'y faire couleur le sang, il est également un message à toutes les personnes qui souhaitent conquérir leur liberté. 

Fantasy à la carte

A lire aussi sur mon blogs mes avis sur Royaume de Vent et de Colères et La Guerre des Trois Rois du même auteur. 

Informations

Jean-Laurent Del Socorro
Boudicca
Collection Bad Wolf
280 pages
978-2-36629-837-6
Editions ActuSF

25/02/2018

Tiffany Schneuwly et Sarah Bertagna, L'Imaginarium, Dévore-moi, tome 1

Maddy est une adolescente tout ce qu'il y a de plus normal. Enfin presque car elle n'a pas été épargnée par la vie. Victime d'un beau-père abusif, elle s'est renfermée sur elle-même et est devenue plus solitaire. C'est avec sa mère et sa petite sœur Thaïs qu'elle vit dans la petite bourgade de Bourg'Joly. La vie est devenue paisible, à peine chamboulée par la rentrée scolaire au collège. Pourtant ce retour à l'école ne l'effraie pas le moins du monde, puisqu'elle va retrouver sa meilleure amie Scarlett, l'élève la plus populaire du collège. Une rentrée qui s'annonce des plus banales si ce n'est qu'elle est marquée par l'arrivée d'un nouveau venu, Caleb qui lui affiche une froide hostilité. Faisant fi de cette incompréhensible défiance, Maddy poursuit sa scolarité normalement jusqu'à cette étrange nuit au cours de laquelle un individu s'est introduit chez elle pour s'en prendre à sa jeune sœur. Passées la stupeur et l'incompréhension, l'urgence est de conduire une Thaïs hystérique à l'hôpital. Là-bas, on lui diagnostique un autisme. C'est un coup dur pour cette famille déjà bien ébranlée. Malgré tout Maddy fait preuve d'une grande maturité pour soutenir sa mère dans cette épreuve. Comme si sa vie n'était pas suffisamment ébranlée qu'il lui faut en plus supporter l'hostilité de Caleb. Pire encore, il semble se trouver toujours sur son chemin comme s'il la suivait en permanence. Et lorsqu'il intervient pour la sortir d'un mauvais pas alors qu'elle est aux prises avec un assaillant, il lui apparaît comme dans un état second, le visage défiguré. Qui est-il? Que lui veut-il? Ses révélations pourraient bien bouleverser sa vie et la conduire à vivre une aventure à haut risque. 

Le premier volet de Dévore-moi est le fruit du travail d'un duo féminin. C'est la fusion de deux talents qui a permis à ce roman de voir le jour avec à la plume, Tiffany Schneuwly et au crayon, Sarah Bertagna. 

L'Imaginarium est le premier livre d'un cycle de quatre tomes qui se classe en jeunesse. Ainsi, les amateurs de la célèbre saga Tara Duncan de Sophie Audouin-Mamikonian apprécieront sans mal de retrouver une histoire de la même trempe. 

Tiffany Schneuwly prend son temps pour poser les bases de son univers. Elle s'attarde tout abord à dresser minutieusement le portrait de ses personnages. Elle laisse donc le temps à ses lecteurs de s'imprégner des lieux et des gens. Il n'y a aucune précipitation dans son écriture. Tout est calculé pour amener les choses au bon moment. Ainsi, elle nous dévoile que par parcimonie le monde magique que Maddy va découvrir. Même si on sent que l'Imaginarium sera le cœur de cette histoire, on n'en apprend pas beaucoup plus. Tout ce que l'on sait est que ce monde a été crée grâce aux rêves des humains et qu'il reste dissimulé à leurs yeux. Ce sont les songes qui fournissent suffisamment d'énergie à ce monde pour exister. On peut y rencontrer des fées, des leprechauns, des sirènes qui y ont trouvé refuge, et la magie y est omniprésente.  

Un premier roman qui n'est finalement là que pour ferrer ses lecteurs. Ses derniers chapitres en témoignent car au lieu de lever le voile sur tous les mystères, ils ne font que nous plonger dedans jusqu'au cou, et apparaissent comme une invitation à lire la suite. 

Comme c'est souvent le cas pour les livres destinés à un jeune public, le premier tome est illustré. Ici c'est la talentueuse Sarah Bertagna qui a donné vie aux héros de Tiffany Schneuwly. Que ce soient pour illustrer les personnages forts de cette histoire ou les scènes-clés du roman, ces illustrations permettent au récit d'être aéré et assurer des pauses bienvenues dans la lecture. L'ensemble forme un livre agréable à lire même pour l'adulte que je suis.

Je dois dire que j'ai pris un certain plaisir à lire ce livre que mon partenariat avec Livr's éditions, m'a fait découvrir. D'ores et déjà, je sais que l'aventure ne s'arrêtera pas là puisque le tome 2 vient de rejoindre ma PAL. 

Fantasy à la carte

18/02/2018

Sigride Lucas, Amalia

Auteure de bit-lit, Sigride Lucas signe un nouveau roman, Amalia. Plus que le titre de son livre, Amalia, c'est aussi le prénom de sa nouvelle héroïne. Dès lors, on sait que l'on va s'attacher aux pas de cette dernière. 

Jeune mariée Amalia part en voyage de noces avec son époux en Roumanie. On est en 1950. La jeune femme resplendit de bonheur. De plus, c'est la grande aventure que de rejoindre ce pays par l'Orient-Express. Un pays peuplé de légendes où ils ne manquent pas d'ailleurs de visiter le célèbre château de Dracula. Tout va pour le mieux jusqu'à cette fameuse soirée d'anniversaire d'Amalia. En effet, alors qu'ils rentraient du restaurant, Marc et Amalia sont attaqués par quelqu'un ou quelque chose. Marc est tué sur le coup. Quant à Amalia, elle essaye désespérément d'échapper à son agresseur lorsqu'un homme sort de l'ombre pour la sauver. Mais pas le temps de s'interroger sur sa présence, ni de pleurer l'assassinat de son mari, il lui faut fuir pour sauver sa vie... ainsi commence le surprenant destin de cette femme. 

Amalia, c'est un récit convenu de bit-lit qui fait une belle place aux vampires. Que l'on soit lecteur ou spectateur, on est tous familiers de cette créature de la nuit. En effet, qui aujourd'hui peut se targuer d'avoir échapper au phénomène? Entre la télévision, le cinéma et la littérature, le vampire s'étale à toutes les sauces. Comme toute bonne autrice de bit-lit, Sigride Lucas a, elle aussi, succombé au charme du vampire. Dans son récit, elle prend le parti de le dépeindre dans toute sa vérité. Un prédateur. Mais ne vous y trompez pas, vous ne retrouverez pas le côté "hémoglobine" et "très crû" de True Blood.  Même si son roman ne manque pas de noirceur et de violence, elle épargne le lecteur sur les détails sanguinolents de leurs tueries. Au-delà de mettre en scène des vampires, cette autrice fait un bel hommage aux femmes. En choisissant des femmes fortes comme héroïnes, elle affirme son féminisme. Ses héroïnes sont donc maîtresses de leur destin et clament leur indépendance. C'est le cas d'Amalia qui malgré les drames qui jalonnent sa vie, se relève toujours plus forte. Dans son roman, Sigride Lucas montre son soucis de nourrir ses personnages, de leur donner de l'épaisseur. La preuve avec son personnage principal qui nous dévoile toute une facette de sentiments et d'émotions. Ainsi, plus le temps passe, plus elle prend de l'assurance et de la maturité. Ce qui la rend d'autant plus intéressante à suivre. Sigride Lucas pourrait même explorer un peu plus la psychologie de ses autres personnages. Son récit est également l'occasion de mettre l'accent sur une thématique très forte en littérature fantasy, la vengeance. C'est un moyen pour cette autrice de faire monter la tension et d'apporter une note de suspense à son histoire.  

La bit-lit est un genre qui plaît et retrouver cet univers est donc un vrai plaisir. Amalia c'est un roman qui se lit bien, mais sans doute trop court pour les addicts que nous sommes. L'univers crée par Sigride Lucas nécessiterait même, selon moi, un plus grand développement. Qu'on se le dise, à la fin du livre l'envie de s'y immerger davantage se fait bien sentir. 

Fantasy à la carte