Après nous avoir ensorcelé avec sa Trilogie des Elfes, et nous avoir envoûté avec son chef d'oeuvre Le Pas de Merlin, Jean-Louis Fetjaine a repris la plume pour écrire à nouveau une grande fresque de fantasy historique.
Il y avait longtemps que ce maître de fantasy française ne nous avait pas fait rêver.
Avec Djinn, La Maudite on quitte la mythique Brocéliande pour les terres d'Orient. Jean-Louis Fetjaine a décidé de nous faire revivre le temps des croisades. Il nous fait côtoyer les figures marquantes de l'époque. L'histoire débute en 1130, soit trente ans après la première croisade qui fut une victoire pour les chrétiens qui avaient réussi à y instaurer quatre états. La Terre Sainte apparaît comme un véritable pays de Cocagne dans lequel les croisés Francs se taillent des royaumes. Mais c'est là aussi où va commencer à se jouer les plus sanglants affrontements avec les Turcs qui poussent également leur hégémonie sur ce territoire.
Tout commence lorsque la princesse Alix, souveraine d'Antioche donne naissance, dans le plus grand secret, à un enfant illégitime issu de son union avec Renaud Mazoir, seigneur de Margat. Pour la jeune femme, cette grossesse non désirée est synonyme de disgrâce. Il lui faut donc à tout prix en faire disparaître les traces. De son côté Renaud Mazoir a eu vent de la situation et du désir d'infanticide d'Alix. En bon chrétien, il ne peut la laisser agir à sa guise et décide de sauver la vie de l'enfant en l'emportant avec lui. Seulement avant que l'un ou l'autre puisse opérer, la sage-femme marque le nourrisson du sceau du Djinn et maudit la mère. Après cela, Alix l'a fait exécuter sur le champs mais tous deux ont le temps de voir à travers ses yeux le mal qui l'habitait. Un instant tétanisé par cette scène, Renaud Mazoir obtient finalement l'autorisation de faire bénir l'enfant avant qu'il soit assassiné. C'est donc dans sa forteresse qu'il l’emmène avec la ferme intention de l'élever avec son premier-né, seulement âgé de quelques semaines de plus. Après cet épisode, la vie reprend son cours et Alix qui a été maudite se laisse de plus en plus gagner par sa soif de pouvoir. Elle manœuvre en secret pour conserver sa gouvernance sur Antioche, quitte à s'allier aux Turcs. Son père Baudoin qui a eu vent de ses manigances, décide d'y mettre un terme en lui enlevant la régence. Dès lors, elle n'aura de cesse de tout faire pour retrouver sa place, son statut et assouvir complètement sa mégalomanie.
C'est essentiellement à travers le regard de cette princesse ambitieuse et celui de Renaud Mazoir que l'on s'immerge en Terre Sainte. Une terre qui se gagne au prix du sang et de la violence.
Djinn, c'est un prétexte pour l'auteur d'aborder les différentes croyances religieuses et les incompréhensions mutuelles qui en découlent. C'est une période où l'Occident découvre l'Orient pour le meilleur et pour le pire. On côtoie aussi bien la magnificence de cette nouvelle civilisation que la pire des barbaries dont peuvent faire preuve les hommes. Finalement ce récit révèle le désir de l'auteur de faire un pendant avec notre actualité. Malgré les siècles écoulés, l'Histoire s'écrit toujours de la même manière, avec brutalité.
C'est une belle fresque historique que nous dépeint l'auteur qu'il n'a d'ailleurs pas manqué de ponctuer de magie. Comme annoncé par le titre du roman, l'esprit des Djinns s'entremêle aux destins croisés de ces héros. Là où en fantasy ces créatures relèvent du bestiaire merveilleux, en Orient elles sont considérées comme des êtres réels qui poussent les hommes à faire le Mal. Au-delà de l'enjeu d'une terre pour laquelle des hommes sont prêts à mourir, Djinn scelle le destin d'un enfant qui est appelé à devenir sans doute quelqu'un d’exceptionnel. En tout cas, c'est autour de ce mystère que va se construire ce nouveau cycle de Jean-Louis Fetjaine. Très vite, on comprend qu'il est la pièce-maîtresse autour de laquelle l'auteur a construit son oeuvre. Beaucoup de zones d'ombre, beaucoup de questionnements subsistent autour de cette naissance. Qui est-il en réalité? un ange? un démon? Lui qui a été touché si jeune par la marque du diable. De plus c'est au sein même de la Guilde des Assassins qu'il grandira. Ce qui ajoute encore plus de ténèbres sur sa destinée. Ce livre apparaît comme un premier pavé jeté dans la mare, à voir maintenant ce que l'auteur va en faire?
Ici Jean-Louis Fetjaine se réapproprie avec une grande facilité des faits historiques pour nous livrer un récit personnel et passionnant où la fantasy y est subtile.
En découvrant que cet écrivain concourt pour le nouveau prix Imaginales des Bibliothécaires avec un récit inédit, je me suis d'emblée frottée les mains. Familière de sa plume, j'étais pressée de découvrir ce roman qui ne m'a, pas le moins du monde, déçu. Je remercie Outrefleuve pour ce service de presse. En lisant Djinn, La Maudite, je me dis que pour ce prix, la barre est haute tant la qualité des récits mis en concurrence est grande.
Fantasy à la carte
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