L'influence du "gaming" à la littérature

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12/02/2023

Edouard H. Blaes, Le Silence des Carillons, collection Bad Wolf, éditions ActuSF

Edouard H. Blaes, Le Silence des Carillons, collection Bad Wolf, éditions ActuSF 

Après s'être essayé avec talent à la nouvelle en terminant notamment lauréat du prix Imaginales de la nouvelle 2022 pour "Ventraille" parue dans l'anthologie Férocité, Edouard H. Blaes a poursuivi l'aventure en tentant un format plus long. C'est ainsi qu'on le retrouve en ce mois de février publié, dans le cadre des pépites de l'Imaginaire, chez ActuSF

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

A Tinkleham, la vie s'écoule au rythme des carillons qui protègent la communauté des brumes. On y retrouve Ermeline Mainterre, fille d'un ingénieur automobile qui vit dans  le garage familial avec son père et son frère. Son rêve secret est d'intégrer le beffroi pour y devenir mage. Elle s'entraîne depuis des années et maîtrise déjà quelques tours. Or, justement elle vient de recevoir la lettre d'acceptation pour y être formée. Pour autant, son père acceptera-t-il de la laisser partir ? Et si oui, réalisera-t-elle ses rêves ? 

Mon avis :

Le Silence des Carillons nous immerge dans un univers de fantasy teinté de notes postapocalyptiques. En effet, le récit prend cadre dans la cité de Tinkleham dominée par un beffroi dont les carillons constituent une protection face à la menace de la brume. Celle-ci étant infestée de spectres, le son des carillons porté par le chant des mages, s'imprègne d'un pouvoir capable d'éloigner les ténèbres. Le beffroi incarne ici la puissance ésotérique qui sert à la fois de catalyseur et d'école pour former les futurs mages. C'est un lieu qui inspire autant le mystère que la crainte car nul ne sait réellement ce qu'il s'y passe. Beaucoup s'essayent en conjectures mais finalement seuls les élèves qui y séjournent peuvent en témoigner, à l'image d'Ermeline Mainterre. C'est d'ailleurs, à travers elle que l'on découvre cet endroit insolite dont l'intérieur se révèle être le fruit d'un empilement de créations d'univers  par les différents magistères œuvrant entre ces murs.  Baroque et déconcertant, voilà comment on peut qualifier ce beffroi. En outre, l'existence de cette brume d'où jaillissent des spectres ajoute une sensation d'oppression à l'ambiance.

Suite à une surexploitation de la terre par les précédentes générations, le soleil a disparu, éclipsé par ce brouillard permanent qui maintient les gens dans une forme de ténèbres. Edouard H. Blaes met en scène une humanité repliée sur elle-même et isolée car enfermée par une brume dont elle ignore la cause. Mais, les humains ne sont pas les seuls à peupler cette cité puisque l'auteur y a inclus des gigants et des miniards pour ajouter un peu de diversité à sa population. L'univers n'en est que plus foisonnant et questionnant. Dommage, qu'Edouard H. Blaes n'est pas creusé davantage certains éléments comme l'origine de ces spectres car il y a matière à explorer selon moi et cela ne sera pas sans susciter une certaine frustration chez ses lecteurs. 

07/02/2023

Victor Dixen, La Cour des Ouragans, tome 3, Vampyria, collection R, éditions Robert Laffont

Victor Dixen, La Cour des Ouragans, tome 3, Vampyria
collection R, éditions Robert Laffont

Sorti en mai 2022, La Cour des Ouragans conclut ce premier cycle de Vampyria. Après avoir enchaîné La Cour des Ténèbres et La Cour des Miracles, je me devais de plonger dans ce tome 3 qui me tendait les bras du haut de ma PAL. 

Résumé :

Dans La Cour des Ouragans, on embarque à bord de la Fiancée funèbre aux côtés de Jeanne devenue Diane de Gastefriche qui est mandatée par l'Immuable pour accomplir la délicate mission diplomatique d'épouser le mystérieux pirate Pâle Phoebus afin que celui-ci cesse de s'attaquer à la flotte royale et devienne plutôt un allié. Jeanne, elle, espère surtout le rallier à la cause de la fronde afin qu'une nouvelle force s'ajoute dans la lutte contre les Ténèbres. Mais a-t-elle seulement une chance d'y parvenir ? 

Mon avis :

La Cour des Ouragans nous immerge dans un tout autre décor que celui de la cour de Louis XIV. En effet, on quitte Versailles pour partir à l'aventure et se frotter aux pirates qui sévissent dans les Antilles. Pour Victor Dixen, cela a le double intérêt d'élargir l'horizon de son univers en enrichissant la magie qui imprègne ses romans et en ajoutant une dimension encore plus aventureuse à son intrigue. L'image des pirates arraisonnant les vaisseaux pour accroître leur trésor a largement nourri l'imaginaire populaire et inspiré la littérature et le cinéma. Il faut dire que le XVIIe siècle est marquée par de nombreux conflits en Europe. Les alliances se font et se défont entre les grandes puissances et les Antilles sont le théâtre de nombreux affrontements. Ce roman fait donc référence à cette époque où la France est affaiblie par les nombreuses guerres et que Louis XIV engage des corsaires pour renflouer les caisses de l'Etat en faisant main basse sur les navires marchands de ses rivaux. 

De même, qui dit colonie, dit esclavage. Or, Louis XIV a adopté un édit, connu sous le nom de Code Noir, qui visait à légiférer sur les conditions des esclaves et édictait un certain nombre de pratiques non respectées au fil des années. Ce Code Noir est un des symboles forts de la traite négrière reliant l'Europe, l'Afrique et l'Amérique. Ainsi, le ton de ce troisième opus est donné avec la piraterie et l'esclavage qui accompagnent en filigrane notre lecture. 

Quant au système de magie imaginé par l'auteur, il s'étoffe clairement dans ce tome, notamment à travers le pouvoir de Pâle Phoebus dont les humeurs mélancoliques transmises par l'intermédiaire de mélodies jouées sur un orgue sont capables de soulever de terribles tempêtes. Alors que certains lui prêtent de s'adonner à des rituels alchimiques, sa nature pourrait bien être une clé de compréhension quant au fonctionnement de la ténébrine, à l'origine de la transmutation de Louis XIV et de certains de ses sujets. C'est véritablement un roman charnière qui lève le voile sur certains mystères tout en dessinant de nouvelles pistes à explorer. 

03/02/2023

Ursula K. Le Gui, La Fille Feu Follet, collection Hélios, éditions ActuSF

Ursula K. Le Guin, La Fille Feu Follet,
 collection Hélios, éditions ActuSF 

Les éditions ActuSF inaugurent leur programme éditorial 2023 en remettant à l'honneur Ursula K. Le Guin à travers deux publications au format poche dans leur collection Hélios

Ainsi, ils nous proposent la réédition du recueil de nouvelles Unlocking The Air dont on a déjà parlé sur Fantasy à la Carte dans un précédent post et l'édition de sa novella La Fille Feu Follet qui précède d'ailleurs un contenu plus large. 

Or, c'est bien de cet ouvrage dont il va être question aujourd'hui. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent pour l'envoi de ce service de presse. 

Ce livre a beau être petit, il n'en possède pas moins un riche contenu car l'éditeur ne sait pas contenté de publier simplement cette novella d'Ursula K. Le Guin. En effet, on y retrouve également quelques-uns de ses poèmes, une longue interview de l'autrice, un extrait biographique ou encore une analyse de certaines de ses œuvres. Au vu de cette richesse, on peut clairement parler de guide ici puisqu'il permet d'apprécier l'ensemble du travail d'Ursula K. Le Guin et même de tracer des pistes de lectures.

Résumé :

Mais revenons à sa novella, La Fille Feu Follet qui nous conte le destin de deux sœurs. Capturées lors d'un raid et rebaptisées Modh et Mal par leurs ravisseurs, les deux sœurs sont contraintes de vivre dans la Cité. Devenues esclaves, elles grandissent dans ce monde qu'elles ne comprennent pas car trop éloigné des traditions de leur tribu nomade. Enlevées pour leur beauté, elles sont destinées à devenir les épouses des hommes de la Couronne. Si Modh a su s'adapter à la situation, Mal, elle, l'exècre. Alors maintenant que son tour est venu d'épouser l'un de ces hommes, que va-t-elle faire ?

Mon avis :

La féérie de ce court texte s'inscrit dans la grâce et l'évanescence de ces femmes-poussière qui subjuguent les hommes de la Cité, voyant en elles l'incarnation de véritables fées. Néanmoins, ce recours au merveilleux permet à Ursula K. Le Guin de mettre en exergue la condition féminine simplement reléguée au rang d'objets de désir ou de monnaie d'échange. C'est aussi une manière pour l'autrice de parler d'esclavage, de trafic d'êtres humains ou de traite des blanches. Sans compter qu'avec un père anthropologue, elle a une conscience aiguë des ravages que la conquête de l'Ouest a fait sur la population autochtone. Or, l'image de ces hommes de la Couronne qui n'hésitent pas à bafouer un autre peuple, en le volant, en tuant ces hommes et en s'appropriant ces femmes et ces enfants lui sert de prisme pour évoquer les exactions perpétrées par un peuple lorsqu'il est en conquête. 

La Fille Feu Follet est véritablement un texte bouleversant qui ne laisse aucunement indifférent. La plume d'Ursula K. Le Guin y est habile pour mettre des mots sur les maux qui rongent les civilisations depuis des temps anciens. 

31/01/2023

Raven Kennedy, Gild, tome 1, La Saga d'Auren, tome 1, éditions Hugo Roman

Raven Kennedy, Gild, tome 1, La Saga d'Auren, éditions Hugo Roman

Autrice américaine, Raven Kennedy compte déjà six sagas d'imaginaire à son palmarès. Son crédo, c'est la romance qu'elle mêle habilement à la fantasy et ainsi dessiner de fabuleux univers dans lesquels elle plonge ses lecteurs.

Avec 1 million d'exemplaires vendus, on peut considérer que La Saga d'Auren est un best-seller dont les droits ont déjà été achetés par douze pays. En France, ce sont les éditions Hugo qui se sont emparées du phénomène outre-Atlantique pour la première fois. Après avoir foulé les terres d'une réécriture du mythe d'Hadès et Perséphone de Scarlett St. Clair (A touch of darkness, A touch of ruin et A touch of malice), c'est maintenant autour de celui du roi Midas de se voir revisiter. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Hugo, je remercie Myriam pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

A Highbell, capitale du 6e royaume, Auren vit littéralement dans une cage dorée. Favorite du roi Midas, elle est gardée sous cloche ne pouvant même pas se déplacer librement dans le palais. Une position qui lui vaut autant l'animosité de l'épouse royale que des autres femmes du harem. Auren a la particularité d'être recouverte de la tête aux pieds par une couche d'or faisant d'elle une curiosité que certains admirent pendant que d'autres jalousent. Objet de nombreuses convoitises, Auren est-elle si en sécurité sous la coupe de Midas ? D'ailleurs, malgré la décennie écoulée, le connait-elle vraiment ? Et si tout n'était qu'un jeu de dupes ? 

Mon avis :

Dans Gild, Raven Kennedy nous ouvre les portes du monde chimérique d'Orea, constitué par sept royaumes rivaux où une paix relative est instaurée depuis quelques temps. Néanmoins, dans ce premier volet, on découvre surtout le 6e royaume gouverné par le roi Midas et particulièrement Highbell, son palais fait d'or. C'est donc l'occasion pour l'autrice de se réapproprier ici le mythe grec du roi Midas qui, pour avoir accueilli Silène, se voit accordé un vœu par Dionysos et choisit la faculté de transformer en or tout ce qu'il touche. Mais dans la légende, ce don va vite devenir un fardeau l'empêchant de manger et boire et le coupant même de ses proches car tous transformés en statues d'or au moindre de ses contacts. 

Or, Raven Kennedy joue beaucoup avec cette capacité dans sa série puisqu'elle lui inspire son personnage principal. En effet, Auren a été partiellement transformée en statue dans le sens où elle est recouverte d'or mais a conservé sa mobilité humaine, faisant d'elle un être unique. De même, elle semble disposer de certains des pouvoirs de Midas sans que l'on en prenne pleinement la mesure dans ce tome 1. Entre ces lignes, la magie du roi demeure entourée d'une aura de mystères que l'on aura le loisir d'explorer au fil des tomes. D'autant que l'univers imaginé par l'autrice semble assez grandiose car elle n'a pas hésité à introduire de nombreuses chimères de son crû, à l'image de ces Griffes de feu, autrement dit les effrayantes créatures servant de bêtes de somme pour tirer les fameux navires pirates. De même que les faes sont intimement liés à la genèse du monde doré d'Orea et mieux encore, ils en sont sa principale menace. Gild pose donc les bases d'un univers fantasmagorique fouillé. Mais derrière la merveille se cache un jeu politique serré car la cour du roi Midas demeure un nid de vipères qui cherche à piéger en permanence Auren et les relations diplomatiques liant les royaumes entre eux se construisent sur bien des trahisons. Ainsi, la vision enchanteresse du mythe est vite éclipsée par le machiavélisme des protagonistes et l'implacabilité de l'environnement. 

Clairement, l'ambiance de cette saga est âpre et cruelle surtout envers la gente féminine qui y est traitée comme du bétail. Considérées comme des objets sexuels, les femmes mises en scène dans Gild sont maltraitées, déconsidérées et même violentées. Cela donne l'occasion à l'autrice d'orienter son propos autour de la toxicité d'une relation, notamment lorsqu'elle est sous emprise et du syndrome de Stockholm à travers Auren qui se sent redevable à son bourreau qui l'a sorti du ruisseau. Elle nous dépeint donc une société archaïque dominée par un patriarcat étouffant. 

27/01/2023

Aurélie Wellenstein, Le Désert des Couleurs, éditions Pocket Imaginaire

Aurélie Wellenstein, Le Désert des Couleurs, éditions Pocket Imaginaire

Autrice à l'imagination fertile et prolifique, Aurélie Wellenstein publie chaque année au moins un récit inédit et voit même l'un de ses romans être édité au format poche. 

2023 n'échappe pas au rituel avec la sortie du Désert des Couleurs chez Pocket Imaginaire. Après une année blanche en 2020, elle a pu se remettre le pied à l'étrier grâce à une résidence d'écriture et nous proposer ce texte prenant mais non dénué d'une certaine lumière. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Eos, dernier îlot d'humanité au milieu d'étendues désertiques toujours plus invasives menaçant même la sécurité de ce refuge. Or, une légende raconte l'existence de la mythique cité d'Alnaïr, mirage ou réalité, nul ne le sait car aucun explorateur n'est revenu pour le confirmer. C'est au tour de Kabalraï, un fils du désert et de sa demi-sœur, Irae de prendre la route. Mais, attention le désert recèle bien des dangers, le pire de tous étant qu'il ravit la mémoire des imprudents qui le traversent. A Kabalraï, en tant que créature du désert, de restituer les souvenirs à Irae chaque soir sans quoi il la verra se dissoudre. Arriveront-ils à surmonter tous les obstacles et surtout trouveront-ils cette cité au bout du chemin ? 

Mon avis :

Dans le Désert des Couleurs, Aurélie Wellenstein nous immerge dans un univers postapocalyptique où l'humanité ne forme plus qu'une colonie réfugiée au cœur d'un volcan. Pour autant, elle a insufflé à son texte une ambiance des mille et une nuits où la vie de cette poignée d'humains est régit par les mythes et les légendes qui se transmettent de conteur en conteur. L'autrice emprunte au merveilleux oriental comme en témoigne, par exemple, l'évocation du marchand de sable faisant figure ici de djinn. Il est une créature insaisissable dont on ne sait que peu de choses si ce n'est que lorsque le moment est venu, il vient s'unir à l'élue du village afin de donner naissance à un mimorian. Or, celui-ci en grandissant aura pour mission d'accompagner l'un des villageois à travers le désert afin de trouver Alnaïr. Son existence même relève du prodige alors il est vénéré par presque tout le monde. En effet, pour tous, il incarne le salut. Sa nature est intimement liée au désert. Or, sous la plume d'Aurélie Wellenstein, celui-ci se pare d'atours très particuliers puisque chaque grain qui le constitue s'avère être en réalité le souvenir d'un disparu. Ainsi, ces étendues arides endossent un camaïeu de couleurs rendant les lieux enchanteurs et fascinants. Elles recèlent un secret qu'il nous tarde de découvrir au fil de notre lecture.

Aurélie Wellenstein a l'art et la manière d'introduire de la magie là où on ne l'attend, y compris dans ses mots qui dégagent une puissante poésie.