L'influence du "gaming" à la littérature

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24/09/2021

Estelle Faye, Widjigo, éditions Albin Michel Imaginaire

Estelle Faye, Widjigo, éditions Albin Michel Imaginaire

Le 29 septembre prochain, Estelle Faye intègre le catalogue des éditions Albin Michel Imaginaire avec un nouveau roman qui s'intitule Widjigo.

Actrice, scénariste, réalisatrice, romancière, Estelle Faye cumule les casquettes. Sa plume talentueuse n'est pas passée inaperçue si l'on en croit les nombreuses distinctions déjà reçues pour récompenser certains de ses romans. Aussi, Porcelaine, légende du tigre et de la tisseuse reçoit le prix Elbakin en 2013, puis pour Thya (tome 1 de La Voie  des Oracles), ce sera les prix Elbakin et Imaginales en 2015 et enfin, Les Nuages de Magellan reçoit, quant à lui, les prix Bob Morane et Rosny aîné en 2019. 

Personnellement, j'ai un faible pour cette plume de l'Imaginaire francophone car depuis ma découverte des Seigneurs de Bohen, je n'ai pas cessé de lire ses autres livres, en continuant avec Les Révoltés de Bohen, Un Éclat de Givre ou encore Un Reflet de Lune

C'est donc avec un plaisir indéniable que je me suis plongée dans ce roman inédit.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse.  

1793, côtes de la Basse Bretagne,

Le jeune lieutenant de la République, Jean Verdier est chargé avec son régiment de ramener le noble Justinien de Salers, réfugié dans une forteresse, afin qu'il soit jugé par le tribunal révolutionnaire. Sur place, le vieux noble promet à Jean de le suivre sans faire de problèmes à la seule condition qu'il accepte d'écouter son histoire. Pour Jean, c'est le début d'une nuit étrange qui l'envoie sur la terre sauvage de Terre-Neuve, quarante ans plus tôt. 

Dans Widjigo, Estelle Faye confronte deux périodes historiques car on est tantôt en France sous la Terreur, tantôt à Terre-Neuve en 1753. Cela a le double intérêt narratif de dynamiser la lecture tout en nourrissant cette même ambiance diffuse d'angoisse.

L'intrigue principale prend donc cadre à Terre-Neuve, une île inhospitalière où plane l'ombre des croyances amérindiennes. Or, parmi leurs mythes demeurent, de manière prégnante, la légende du Wendigo, aussi nommé Widjigo chez les Algonquins. Il désigne un être surnaturel possédant une grande force spirituelle qui vit de préférence dans la forêt. Le Widjigo est également toujours associé à l'hiver, au froid et à la famine. On appréhende d'autant mieux son omniprésence entre ces lignes puisque Justinien de Salers se retrouve avec une poignée de compagnons, échoués sur l'île de Terre-Neuve après le naufrage de leur bateau. Très vite le froid, la faim et la peur vont se faire ressentir d'autant que la mort rôde et va frapper. Quand les survivants commencent à tomber, la suspicion s'installe. Pour Justinien de Salers, le criminel se cache peut-être parmi eux, à moins que ce soit l'oeuvre d'un autochtone ou d'un animal ? Toutes les hypothèses sont possibles et la folie gagne vite du terrain. 

Widjigo est un récit psychologique qui mêle du fantastique horrifique à quelques notes de thriller. Estelle Faye joue ici sur plusieurs tableaux et brouille bien volontiers les pistes. 

Elle s'appuie sur des personnages torturés qui cachent bien des secrets que l'on découvre petit à petit. Le héros lui-même, narrateur de cette histoire, ne nous dévoile son histoire que de manière diffuse. Il est si tourmenté que l'on en arrive parfois à s'interroger sur sa culpabilité. Quant aux autres personnages, ils ont tous une part d'étrangeté. Que ce soit le botaniste Clément Veneur qui avoue de suite à Justinien avoir été le seul survivant d'un massacre comme le jeune Gabriel faisant d'eux des êtres suspects aux yeux des autres. L’énigmatique métisse Marie, indienne de par sa mère, qui paraît toujours si froide et si détachée de tout et semble en savoir plus sur tout le monde. Le pasteur Ephraïm, aveuglé par sa foi et rongé par le remord, est inflexible avec sa fille Pénitence, quitte à la pousser à la névrose. 

La tragédie des histoires personnelles de chacun de ses personnages s'harmonise parfaitement avec l'ambiance lugubre que l'autrice a construit dans son livre.

Widjigo est un roman palpitant qui donne la chair de poule dès les premières lignes et dont il est impossible de se détacher avant d'arriver au terme de notre lecture. 

Les lieux décrits cadrent parfaitement bien avec les émotions que l'autrice cherche à susciter chez ses lecteurs : le trouble, le frisson, l'effroi et l'horreur.

Widjigo est un court roman incisif où l'affolement se dispute à la fascination. Tout y est pour ravir son public : le suspense, le meurtre, le secret et le mythe. La réalité et la légende se confondent, la frontière se trouble pour nous faire douter en permanence sur le contenu de ce que l'intrigue nous réserve.

Pari réussi pour Estelle Faye qui change complètement de registre en proposant avec Widjigo, un excellent roman d'épouvante.

Fantasy à la Carte

Sur la blogosphère, vous pouvez aussi lire l'avis de Just A Word.

Informations

Sur le blog, d'autres avis sont disponibles sur Les Seigneurs de Bohen, Les Révoltés de Bohen, Un Éclat de Givre et Un Reflet de Lune

Estelle Faye
Widjigo
978-2-226-45743-1
256 pages
Editions Albin Michel Imaginaire 

21/09/2021

Nicolas Texier, Les Ménades, éditions Les Moutons électriques

Nicolas Texier, Les Ménades, éditions Les Moutons électriques

Le 10 septembre dernier, Nicolas Texier a fait son grand retour au catalogue des éditions Les Moutons électriques avec un nouveau roman, intitulé Les Ménades

Après son cycle Monts et Merveilles, une uchronie mêlant magie et espionnage, il change de registre en proposant ici une fantasy teintée de mythologie grecque

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Erwan pour l'envoi de ce service de presse. 

Dans Les Ménades, on marche dans les pas de Lyra, Enyô et Agamê, trois adolescentes qui entretiennent une belle amitié, en marge de leur communauté. Après la venue d'un mystérieux naufragé du nom de Lysio, toutes trois décident, un soir, d'aller célébrer Dionysos au cœur de la forêt. A leur retour, nos apprentie ménades sont effarées de découvrir leur village pillé et incendié. Les anciens ont été sauvagement assassinés, quant au reste de la population, elle a simplement disparu. Mais la stupeur laisse très rapidement la place à la colère, alors nos trois adolescentes décident de prendre la mer à leur tour afin de prendre en chasse les ravisseurs et délivrer les leurs. 

Les Ménades nous immerge dans la Grèce antique, dix ans après la célèbre guerre de Troie qui opposa Ménélas, le roi de Sparte au prince Troyen, Pâris après que ce dernier lui ait enlevé sa femme, Hélène. Ce conflit légendaire faisait partie d'un vaste cycle épique, dit le "cycle troyen" dont les œuvres sont aujourd'hui perdues, à l'exception de L'Iliade et L'Odyssée, attribués à Homère. Or, ces deux épopées, textes fondateurs de la culture grecque, puis romaine, constituent encore aujourd'hui une grande source d’inspiration pour les artistes et les écrivains. 

C'est clairement le cas de Nicolas Texier qui nous relate le destin tumultueux de ses trois héroïnes à la manière des épopées homériques. En s'embarquant dans cette aventure, Lyra, Agamê et Enyô empruntent certains mêmes chemins qu'Ulysse lors de son long périple de retour de Troie. Aussi, elles débarquent également sur l'île des cyclopes et rencontrent le fameux Polyphème, devenu aveugle suite à une ruse du roi d'Ithaque. Toujours très en colère, le cyclope accepte néanmoins d'aider les jeunes femmes dans leur quête, moyennant la fourniture d'une nourriture abondante. Plus tard, ce sont les terribles Lestrygons qu'elles doivent affronter car c'est auprès de ce peuple mythique de géants féroces et anthropophages que sont retenus les derniers membres de leur village. Enfin, tout comme Ulysse en son temps, elles pénètrent dans le royaume secret des Néréides et y croisent Thétis, la mère d'Achille. 

Pour bâtir son univers, Nicolas Texier s'est largement inspiré de la mythologie grecque en empruntant certains épisodes phares de L'Iliade et L'Odyssée ou en introduisant quelques divinités de l'Olympe. En choisissant d'insérer son intrigue dans une fantasy mythologique, l'auteur offre à ses lecteurs un cadre d'action enchanteur et fascinant. Finalement, cette mythologie reste peu utilisée par les auteurs du genre, c'est donc une agréable surprise que de lire ce texte qui ne manque pas d'originalité et de fraîcheur. 

En outre, avec Les Ménades, Nicolas Texier se fait l'auteur d'une intrigue passionnante, portée par trois jeunes héroïnes bouleversantes et attachantes. En effet, tenues à l'écart par les autres villageois, elles ont fait de leur différence une vraie force. Enyô est une orpheline qui a été trouvé bébé par l'un des villageois mais marqué par la guerre, c'est un homme brutal et violent qu'elle ne cesse de fuir depuis sa plus tendre enfance. Quant à Agamê, elle n'est pas plus intégrée à la communauté car sa carrure effraie et lui vaut la défiance de tous. Enfin, Lyra est la seule à avoir encore ses parents et pourtant elle ne sent pas plus à sa place. Voici trois êtres courageux qui s'engagent corps et âmes dans cette quête insensée afin de prouver à tous et à elles-mêmes leur valeur. 

Dans ce livre, on est donc complètement dans un roman d'initiation dans lequel les jeunes héroïnes vont vivre une multitude d'aventures qui vont les faire mûrir et passer à l'âge adulte. 

D'autre part, derrière Les Ménades, Nicolas Texier s'intéresse à des thèmes fondamentaux comme l'amitié, la ségrégation, la solidarité ou encore la tolérance. Il en résulte un roman assez foisonnant qui passionne autant par les questions qu'il pose que par l'univers imaginé. 

En conclusion, on se laisse complètement happer par la plume de Nicolas Texier car elle nous entraîne à perdre haleine dans un tourbillon de péripéties au sein d'un univers fabuleux qui continue de fasciner les nouvelles générations. Bien entendu, c'est un roman que je vous recommande !

Fantasy à la Carte

Informations
Nicolas Texier
Les Ménades
Éditions Les Moutons électriques

Lien vers le site 

19/09/2021

Embarquez pour le festival Méditerranéen Polar et Aventure


Pour la cinquième fois, Le Lydia jette l'ancre au Barcarès afin d'accueillir une nouvelle édition du Festival Méditerranéen Polar et Aventure qui met autant à l'honneur la littérature policière que les littératures de l'Imaginaire. 

Fort d'un programme riche et varié, les animations vont se succéder tout au long de ces trois jours du 24 au 26 septembre prochain. 

Aussi quelques très intéressantes tables-rondes vous seront proposées autour desquelles viendront débattre les auteurs invités. Dès le vendredi à 15h, il sera question de réfléchir sur l'engouement pour ces "mauvais genres" avec une première intitulée "Polar et littératures de l'imaginaire : des mauvais genres à succès ". Réservez votre samedi car dès 11h, il sera question de réfléchir à "la géopolitique explorée par la littérature de l'imaginaire" et à 15h, ce sera davantage une réflexion autour du métier d'écrivain avec "Devenir écrivain : Polar et littérature fantastique : même combat ?". Pour finir, le dimanche 26 septembre, la dernière table-ronde portera sur "Le polar nous fait voyager dans d'autres mondes". 

Mais que serait un festival sans distinction à remettre pour récompenser tel ou tel livre. Alors le Festival Méditerranéen Polar et Aventure propose également son prix Méditerranéen Polar. Juste avant la remise du prix 2021, les lauréats de 2020 ainsi que de 2021, respectivement Fabrice Papillon et Fabio Mitchelli, animeront une conférence qui portera sur "l’inspiration pour un polar : s'attacher au quotidien des faits divers ou puiser son inspiration dans l'imaginaire ?" 

En outre, réservez également vos soirées car le vendredi 24 septembre à partir de 20h30, vous pourrez participer à une enquête, "Clap de fin", à bord du Lydia (sur réservation) et pour les amateurs de Jazz, ne manquez pas le concert de Gramophone Stomp, prévu le samedi 25 septembre dès 20h30. 

Bien entendu une trentaine d'auteurs de littérature policière ou d'Imaginaire seront là pour dédicacer leurs romans. Alors n'hésitez pas à aller les rencontrer. Côté SFFF, il y a notamment Lionel Davoust (auteur de l'excellent cycle Les Dieux Sauvages), Franck Ferric (La Loi du Désert), Paul Beorn (Calame, Le Septième Guerrier-Mage, 14-14... ect), Benjamin Lupu (Les Mystères de Kioshe et Le Grand Jeu), Nicolas Texier (le cycle Monts et Merveilles et plus récemment Les Ménades), ou encore Florian Paret (Le Maître Horloger et L'Obsession). 

Voici une nouvelle édition qui se promet déjà passionnante dans un lieu remarquable et insolite. Bon embarquement !

Fantasy à la Carte

Informations

Festival Méditerranéen Polar et Aventure
Paquebot Lydia (sortie 13)
24,25 et 26 septembre 2021
Entrée libre
Horaires : vendredi de 14h à 20h30
samedi et dimanche de 10h à 12h30 et 13h30 à 19h30

17/09/2021

Ellen Klages, Passing Strange, collection Hélios, éditions ActuSF

Ellen Klages, Passing Strange, collection Hélios, éditions ActuSF

Connue pour ses romans historiques, Ellen Klages est également l'autrice de nombreuses novellas fantastiques. Passing Strange est l'une d'entre elles. Après avoir été finaliste du prix Nebula, elle est récompensée, en 2018, par les World et British Fantasy Award, ainsi que par le Gaylactic Spectrum Award

Pour les inconditionnels du poche, il vient de paraître en petit format chez Hélios dans une édition auréolée d'une couverture très graphique, signée Zariel.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent pour l'envoi de ce nouveau service de presse. 

Dans le San Francisco de 1940, on croise Helen, Babs, Emily, Franny ou encore Haskel. Toutes sont des esprits libres et indépendants qui tentent de se faire une place au milieu de ce monde dirigé par des hommes et de trouver le bonheur. 

Amoureuse de San Francisco, Ellen Klages s'y installe en 1976. Passing Strange est l'une de ses novellas qui lui est dédié car l'autrice aime ici nous perdre dans le dédale de ses rues et ses ruelles dérobées. Cité très cosmopolite, on la découvre en passant d'un quartier à l'autre. Cités dans la cité, San Francisco incarne le parfait brassage culturel et cultuel. Ellen Klages nous immerge dans ses ambiances variées et nous grise par ses sons, ses couleurs et ses odeurs différents selon les endroits. A la suite de ses héroïnes, l'autrice nous ouvre la porte d'un San Francisco secret et prohibé. Aussi, on pénètre dans l'un des plus célèbres club sulfureux de la ville où les femmes n'hésitaient qu'à peine, à afficher leur homosexualité. Lieu de spectacle, de danse et de jazz, Chez Mona fut le premier bar lesbien ouvert aux Etats-Unis. Une institution qui lui vaut très vite l'intérêt des touristes et l'a beaucoup protégée des descentes de police, fréquentes à cette époque : l'homosexualité étant sanctionnée par la loi. Changement d'ambiance lorsque les pas des héroïnes d'Ellen Klages nous conduisent sur l'île artificielle de Treasure Island qui fut spécialement construite pour la foire internationale de 1939. Cette île incarne les ultimes moments d'insouciance où les gens étaient invités à s'émerveiller devant les dernières découvertes scientifiques et à s'amuser de manière générale. Or, le démantèlement de la Foire à la fin de l'année 1940 pour laisser la place à une base militaire, servant d'avant poste à l'armée américaine, lors de la seconde Guerre Mondiale a mis brutalement fin à cette douce indolence. 

Voici un cadre d'action bien à-propos qui épouse parfaitement la tonalité du récit passant du grain de folie à la gravité. Ce San Francisco uchronique nous fait non seulement fouler des lieux mythiques de la ville mais nous offre quelques belles rencontres, notamment, artistiques comme celle de Diego Rivera ou la mention de sa non moins célèbre épouse Frida Khalo. Bien documentée, Ellen Klages profite de son texte pour donner vie avec beaucoup de sensibilité au San Francisco de l'époque. C'est réussi car on s'y croirait !  

Plus que de prendre plaisir à se promener dans cette ville, érigée ici au rang de personnage à part entière, on apprécie également les héroïnes d'Ellen Klages qui nous étourdissent de leurs histoires. Bien qu'elles soient six, dans Passing Strange, on s'attache surtout à Emily Netterfield et Lorreta Haskel car c'est l'histoire de leur rencontre et de leur amour naissant qui nous est contée ici. L'une est une artiste qui vit de ses couvertures réalisées pour des pulps, l'autre est une chanteuse grimée sous l'identité d'un homme. Deux âmes opposées qui se sont trouvées pour briller ensemble, telles deux étoiles, dans ce monde hostile à l'égard des femmes. Alors qu'au premier abord, on aurait tendance à percevoir Loretta Haskel comme un simple bloc de glace. La vérité est que sous cette carapace qu'elle arbore telle une armure, se cache une très belle femme pleine de fêlures. Rejetée par sa mère, elle s'est construite auprès de rencontres artistiques qui l'ont façonnée en une toute autre personne. Clairement sa rencontre avec Emily va la bouleverser à jamais. Quant à cette dernière, elle n'est finalement pas l'oiseau fragile que son apparence laisse supposer. Renvoyée de l'école pour avoir été prise sur le fait d'aimer une autre fille, elle est reniée par les siens et envoyée au loin. Mais refusant le destin qui lui était réservé, elle a préféré s'en choisir un tout autre en débarquant à San Francisco. 

Ellen Klages nous brosse le portrait de deux êtres courageux qui ne vont pas hésiter de braver les interdits pour trouver le bonheur. 

En filigrane de cet amour, il est aussi question ici d'amitié et de sororité entre ces six femmes qui vont devoir se serrer les coudes pour affronter les dangers qui s'annoncent. 

Passing Strange est un récit plein de poésie. Plus qu'une balade amoureuse, c'est aussi une histoire de mœurs. Ellen Klages aborde avec beaucoup de délicatesse l'homosexualité, la xénophobie, ainsi que les discriminations qu'il en découle dans cette Amérique puritaine de l'Avant Guerre. Cette novella, à la fois tendre et terrible, nous prend au cœur et nous fait complètement perdre pied. 

Élégante et délicate, la plume d'Ellen Klages nous emporte donc sans mal avec elle et nous fait même passer par tout un éventail d'émotions tant la lecture est intense. 

Entre ses lignes, la magie prend corps subtilement par petites allusions ici ou là. Dans ce livre, des sorcières auraient par l'intermédiaire de l'Ori-kami, l'art ancestral du pliage, la capacité de créer des raccourcis spatio-temporels. Un don bien utile pour échapper à la vigilance des uns et des autres. 

Avec Passing Strange, Ellen Klages se fait l'autrice d'un récit bouleversant. Les pages défilent trop vite car on aimerait bien rester un peu plus longtemps en compagnie de ces femmes charmantes. Mais, c'est tout l'enjeu du format court de la novella, cela crée obligatoirement des frustrations. Heureusement elle a écrit d'autres textes partageant ce même univers, alors ce n'est peut-être qu'un simple au revoir. Qui sait !

Fantasy à la Carte

Sur la blogosphère, vous pouvez lire les avis du Bibliocosme, Au Pays des Cave Trolls et La Bibliothèque d'Aelinel.  

Informations
Ellen Klages
Passing Strange
Collection Hélios
978-2-37686-385-4
288 pages
Editions ActuSF

14/09/2021

Thomas C. Durand, Les Quatre Vérités, tome 2, Les Énigmes de L'Aube, éditions ActuSF

Thomas C. Durand, Les Quatre Vérités, tome 2, 
Les Énigmes de L'Aube, éditions ActuSF

Sur Fantasy à la Carte, on continue de parler de la rentrée de la fantasy française en s'intéressant à celle des éditions ActuSF qui propose, à nouveau, un roman de Thomas C. Durand.  

Il s'agit du tome 2 de son cycle, Les Énigmes de L'Aube, intitulé Les Quatre Vérités. Je dois vous avouer que c'est une sortie que j'attendais car j'avais bien apprécié le premier volet. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent pour l'envoi de ce service de presse. 

Les Quatre Vérités marque le début d'une nouvelle année d'apprentissage pour Anyelle. Maintenant qu'elle a intégré la très prestigieuse école d'Ithir, elle a tout intérêt à faire ses preuves. D'autant qu'elle est toujours la seule fille scolarisée, en dépit de l'animosité de certains professeurs et du mépris de quelques élèves. A elle de leur prouver qu'elle a toute sa place parmi eux. Or, comme chaque année, une énigme à résoudre est proposée aux élèves afin qu'ils brillent et se démarquent. Si d'aventure Anyelle était capable de trouver la solution, cela légitimerait, à coup sûr, son passage en deuxième année. Voilà de quoi bien l'occuper pendant cette nouvelle année scolaire, sans compter la rumeur de l'existence d'une certaine Meliandra d'Azur qui aurait été scolarisée avant elle. Un mystère que tout le monde tait et qui, bien évidemment, ne fait qu'attiser sa curiosité. 

Dans Les Énigmes de L'Aube, Thomas C. Durand nous immerge dans l'univers des Troyaumes où l'on trouve la Wirmariche à l'Ouest, le Kaithorn au Sud et l'Effeldie à l'Est. Après des guerres magiques qui ont ravagé une partie du monde, la paix est revenue. La plupart des habitants possèdent un don qu'ils apprennent à maîtriser dans l'une des quatre écoles qui enseignent la magie. Or, justement c'est par le prisme de ces écoles et particulièrement celle d'Ithir qu'intègre Anyelle dans ce tome-ci, que l'on en apprend plus sur l'histoire des Troyaumes. En effet, l'auteur a truffé son récit de notes de bas de page qui éclairent sur l'histoire d'Ithir, sur les différentes sources de pouvoir ou encore sur l'émergence des Troyaumes. Ces annotations constituent une mine d'informations précieuses pour mieux appréhender cet univers minutieusement élaboré. Les dons sont très variés, cela va de l'invisibilité à la capacité de se métamorphoser en passant par le pouvoir de faire dire la vérité. Le but des écoles est non seulement d'apprendre à les maîtriser mais aussi d'enseigner les bases de la magie à travers différentes matières pour que chaque élève dispose d'un socle solide de connaissances, nécessaires à leur vie d'adulte. L'école leur offre l'opportunité de se spécialiser dans tel ou tel domaine. Pour Anyelle, il s'agit, d'ailleurs, de l'Harmancie, autrement dit la maîtrise de la magie par la musique. Même si au départ, elle a choisi cette spécialité pour se rapprocher d'un garçon qui lui plaît beaucoup, il s'avère qu'elle a quelques bonnes prédispositions pour exceller dans ce domaine. 

A travers le regard d'Anyelle, on découvre un monde ensorcelant où l'on s'extasie très facilement du moindre phénomène onirique. On assiste aussi bien à des duels magiques où les duellistes s'affrontent munis de leur baguette, qu'à d'époustouflants matchs des Metamorciens qui rivalisent d’ingéniosité dans leurs transformations végétales ou animales pour marquer des points et emporter la victoire. Sous la plume de Thomas C. Durand naît un monde fascinant et immersif. L'établissement d'Ithir est également un lieu étonnant. Niché dans la montagne, il constitue un vaste terrain de jeu pour Anyelle et ses camarades à travers ses couloirs secrets, ses portes dérobées et ses lieux interdits. Ithir n'a donc rien à envier à Poudlard car ces institutions exercent finalement sur ses résidents et les lecteurs, en général, la même fascination. 

Dans Les Énigmes de L'Aube, Thomas C. Durand agrémente son récit d'une dimension "policière" dans le sens que ses héros mènent toujours des investigations pour résoudre des mystères ou des énigmes. Anyelle et ses amis endossent ici le rôle d'enquêteurs qui traquent les indices nécessaires à la résolution des problèmes posés. Les intrigues nous apparaissent d'autant plus captivantes

En outre, derrière les aventures trépidantes que vit Anyelle, l'auteur aborde également des thématiques intéressantes. Si dans Le Premier Souffle, on a beaucoup parlé de misogynie, on peut ajouter ici les premiers émois  amoureux et son lot de désillusion, mais aussi l'intolérance et le droit à la différence. En mettant en scène des personnages très jeunes et scolarisés, Thomas C. Durand traite avec beaucoup de finesse ces problématiques et les terribles conséquences qu'elles engendrent quand l'enfant ou l'adolescent en est la victime. 

Les Quatre Vérités est un roman très dense aussi bien du point de vue de l'exploration de cet univers que de la richesse des thèmes abordés. 

Si pour ma part, je l'ai trouvé légèrement moins drôle que le précédent, néanmoins, les jeux de mots ne manquent pas et ils sont toujours très bien trouvés. Quant à l'intrigue, elle nous tient en haleine d'un bout à l'autre du livre et rend notre lecture passionnante. J'ai littéralement dévoré ce tome 2 et je dirais même qu'il a ma préférence car j'ai grandement apprécié de me balader dans cet univers fantastique, d'y côtoyer des personnages hauts en couleurs et de me frotter aux questionnements de la jeune Anyelle, déjà bien mature pour son âge. 

Au terme de ma lecture, je n'espère qu'une chose que Thomas C. Durand écrive une suite car il serait dommage que l'aventure s'arrête déjà. La question est donc posée !

Fantasy à la Carte

Sur le blog, vous pouvez aussi trouver mon avis sur Le Premier Souffle. 

Informations

Thomas C. Durand
Les Quatre Vérités
Tome 2
Les Énigmes de L'Aube
978-2-37686-376-2
456 pages
Editions ActuSF

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