L'influence du "gaming" à la littérature

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01/06/2021

Floriane Impala, La Brigade du Surnaturel, collection Naos, éditions ActuSF

Floriane Imapala, La Brigade du Surnaturel, éditions ActuSF

Avec La Brigade du Surnaturel, Floriane Impala fait une entrée tonitruante au catalogue de Naos. Du haut de ses 600 pages, La Brigade du Surnaturel est le genre de roman que l'on n'a pas envie de lâcher et que l'on referme avec un gros pincement au cœur. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent pour l'envoi de ce service de presse. 

Inspectrice à la BMS (Brigade de la Magie et du Surnaturel), Claire Defontaine traque et élimine les humains contaminés par la magie. En effet, depuis trois ans sévit une pandémie qui infecte les humains d'une magie instable qui les consume faisant d'eux de véritables bombes humaines. Alors que sa dernière intervention connait un dénouement mortel, Claire est sommée de faire équipe avec un incube pour résoudre une enquête top secrète concernant la communauté des surnaturels. Louvoyer dans ce monde inconnu promet de lui compliquer la tâche sans compter les dangers encourus mais a-t-elle un autre choix ? 

La Brigade du Surnaturel cumule toutes les qualités d'un roman coup de cœur. C'est une oeuvre à tiroirs qui mêle harmonieusement l'enquête policière à la fantasy tout en revisitant les mythologies.

La Brigade du Surnaturel s'enorgueillit donc d'un univers fantasy très travaillé. En effet, Floriane Impala y interpose notre monde à celui des Limbes où se croisent démons, anges et dieux. Par le truchement de son enquête, Claire découvre ce monde parallèle dont elle soupçonnait déjà l'existence depuis le suicide de son père. Missionnée par le diable en personne, elle est chargée d'élucider un crime sanglant qui a entraîné la mort violente d'une puissante succube et de plusieurs de ses clients humains. Au fil des rencontres surnaturelles que fait Claire, l'autrice lève le voile sur les Limbes, royaume miroir au nôtre, très hiérarchisé où chaque divinité se dispute le pouvoir. C'est dans ce nid de vipères que l'inspectrice met les pieds sans savoir que des jeux de pouvoir sont à l'oeuvre et tout y est faux-semblant. Ici, les mythologies se télescopent et on ne s'étonne donc pas de voir le panthéon nordique côtoyer, par exemple, celui de la Grèce antique. Floriane Impala s'est réappropriée avec beaucoup d'habileté ces mythologies pour nous immerger dans une intrigue dont les fils sont tirés par les déités les plus rusées. Ni blanc, ni noir, on foule un territoire inconnu où les résidents sont habités par les mêmes sentiments et passions que les humains. Tout y est juste plus exacerbé. Dans son roman, Floriane Impala joue finement avec ces mythes et les codes du polar pour nous dessiner un univers finalement très crédible auquel on adhère complètement. 

Adossé à cet univers solide, on apprécie le duo qu'elle met en scène car il donne à ce récit toute sa dynamique. En jouant d'emblée sur leurs antagonismes, l'autrice donne le ton à son texte en nous promettant de savoureux moments. Et pour cause, Claire Defontaine et Keziah sont, de prime abord, aux antipodes l'un de l'autre. Lui est un irrésistible immortel qui, par sa nature d'incube, dégage une puissante aura de séduction alors qu'elle est surtout obnubilée par son travail, fermée à toute forme de relation sérieuse ou non. Mais contrairement à ce que vous êtes en train d'imaginer, Floriane Impala n'a pas cédé à la facilité dans l’évolution potentiellement prévisible de leur relation. Contraints de collaborer, ils vont, bien entendu, apprendre à se connaître mais aussi et surtout se découvrir eux-même. Même si plane un parfum de "je t'aime, moi non plus" au-dessus d'eux, même s'il y a parfois une petite jalousie qui s'installe entre eux, leur relation va surtout emprunter des chemins inattendus. 

Si, au premier abord, on perçoit Claire surtout comme une femme froide, elle cache en réalité sous sa carapace une personnalité plus complexe que cela. Nourrie par des drames personnels, sa personnalité est surtout faite de force et de faiblesse qui s'affrontent en permanence. C'est une vraie héroïne badass qui dégaine son arme à tout bout de champ car elle est plutôt du genre à tirer avant de parler. Après tout, c'est aussi ce qui fait son charme. A ses côtés, Kesiah est un séducteur, sûr de ses atouts. Sa rencontre avec Claire va vite le décontenancer et pour cause, elle lui résiste. Énigme l'un pour l'autre, au fil de l'enquête, ils vont apprendre à se connaître et nous révéler, par la même occasion, des pans insoupçonnés de leur personnalité. Je dois reconnaître qu'on craque franchement pour ces deux héros qui nous offrent sur un plateau une aventure fort captivante. 

Le style de l'autrice y est aussi pour quelque chose. Il faut dire que ses premières lignes nous mettent directement dans le bain avec une inspectrice sur les nerfs qui tire sans sommation sur Kesiah alors même que la pièce dans laquelle les deux protagonistes se trouvent est plongée dans le noir.

Ainsi, on prend de suite, la mesure de l'aventure "rock'n'roll" que nous promet l'autrice.

Avec La Brigade du Surnaturel, j'ai découvert une nouvelle signature de l'Imaginaire et le moins que je puisse dire, c'est que l'alchimie a pris de suite car c'est un énorme coup de cœur !

C'est un roman si vivant, vibrant et captivant que j'espère juste y replonger bientôt. 

Fantasy à la Carte

Floriane Impala
La Brigade du Surnaturel
Collection Naos
978-2-37686-357-1
608 pages
Editions ActuSF

28/05/2021

Ellen Kushner, Thomas le Rimeur, éditions ActuSF


Ellen KushnerThomas le Rimeur, éditions ActuSF

En ce mois de mai, la très belle et délicate plume d'Ellen Kushner fait son grand retour au catalogue des éditions ActuSF avec la réédition de Thomas le Rimeur. Mais, point d'escrime entre ces lignes car Ellen Kushner a laissé son cher Richard Saint-Vière à ses combats (A la pointe de l'épée) pour laisser la place à une magie ensorcelante, portée par un irrésistible joueur de harpe.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions ActuSF, je remercie Jérôme Vincent pour l'envoi de ce service de presse qui confirme mon attachement à l'imaginaire foisonnant de cette autrice.

Ménestrel talentueux qui lui vaut le surnom de Rimeur, Thomas est également un très beau jeune homme qui plaît aux femmes et sait en profiter sans vergogne. Un soir d'hiver, il trouve refuge chez un couple d'éleveurs de moutons qu'il prend immédiatement en affection. Ils sont un peu comme les parents qu'il n'a jamais eus car Thomas est orphelin. Dès lors, dès que ses obligations le lui permettent, il n'hésite pas à leur rendre régulièrement visite. Or, un jour qu'il séjournait chez eux, il eut envie d'aller flâner seul dans la campagne. C'est ainsi qu'il rencontra la reine des Elfes qui le mit au défi de l'embrasser et cet indécrottable charmeur fut bien incapable de lui résister sans savoir que cela allait l'engager à la suivre au pays des Elfes pour la servir pendant sept années. Telle est l'incroyable histoire de Thomas le Rimeur, emporté au pays des fées pour vivre une grande aventure mais qui ne sera pas sans conséquences. N'en doutez pas !

Récompensé par le World Fantasy Award et le prix Mythopeic en 1991, la poésie et l'esthétique de ce texte ne sont, sans doute, pas étrangers à ces distinctions. 

Dans ce récit, Ellen Kushner nous conte la fabuleuse destinée d'un ménestrel. Bien que sa profession le conduise à fréquenter les plus belles cours royales et à rencontrer les esprits les plus éclairés, ce n'est pourtant pas cela qui est le plus remarquable dans la vie de ce joueur de harpe. Pour sûr, son nom fleurit sur de nombreuses lèvres, surtout féminines car il est vrai que son charme est ravageur tout comme ses talents de musicien. D'ailleurs, ses allers et venues sont toujours très attendues. Sa notoriété est si rayonnante qu'elle a même attiré l'attention de la reine des Elfes qui l'invite en son royaume. Ainsi, le destin exceptionnel de Thomas le Rimeur est marqué par son séjour en féerie qui le fait entrer dans la légende. A sa suite, on pénètre le jardin secret du monde invisible du petit peuple des fées. On s'émerveille devant cette nature chatoyante, on goûte aux banquets sans fin des créatures féeriques et on participe aux improbables chasses d'insaisissables chimères. A l'image des compagnons d'Arthur Pendragon, Thomas succombe à son tour aux douces promesses d'une enchanteresse. Ainsi, Ellen Kushner a nourri son récit du mythe arthurien en y empruntant les mêmes codes de narration. En lisant Thomas le Rimeur, j'y ai retrouvé autant de la geste arthurienne que de certains classiques fondateurs du genre comme La Fille du Roi des Elfes de Lord Dunsany. En effet, ce roman d'Ellen Kushner y partage cette même ambiance teintée d'un merveilleux originel propre à ces récits pionniers. 

Entre ces lignes, la magie prend et nous ensorcelle pour nous immerger dans une histoire fascinante, auréolée de séduction et de fascination. Amour courtois et passion charnelle s'entrecroisent entre ces pages pour nous livrer un récit passionnel et passionnant. 

En outre, en alternant les points de vue de ses quatre personnages principaux, l'autrice signe une oeuvre chorale bien rythmée. Les niveaux de langage utilisés selon qui narre l'histoire nous immerge pleinement dans ce Moyen-Âge revisité. Tantôt subjugué par les jeux de mots, tantôt envoûté par les vers, Thomas le Rimeur est un conte très plaisant à lire. Alors comment ne pas tomber également sous le charme de ce ménestrel ? 

Personnage solaire qui capte l'attention dès les premières lignes du livre, on le découvre d'abord à travers les yeux attendris de Meg et Gavin qui le voient comme un fils. Courageux, débrouillard et talentueux, il a l'art et la manière de se faire apprécier de son entourage. Et ce n'est pas la volcanique Elspeth qui viendra démentir ces propos car elle-même va finir par tomber dans ses filets. Mais, elle n'est point comme ses autres amantes écervelées, Elspeth l'a percé à jour depuis longtemps. En cela, elle est bien son âme sœur car c'est elle qui le comprend le mieux. L'autre personnage féminin de ce roman est la flamboyante reine des Elfes que l'on découvre à travers le regard subjugué de Thomas. Une femme puissante entourée de mystères qui joue beaucoup de ses charmes pour abuser et dominer le Rimeur. Thomas est donc bien la figure centrale de ce roman. D'un jeune godelureau, il devient donc un sage car tel est le prix à payer lorsque l'on passe par le pays des fées.  Ainsi, Thomas le Rimeur est aussi un récit d’apprentissage. 

Avec ce livre, Ellen Kushner m'a fait voyager dans cette fantasy chère à mon cœur qui renoue complètement avec le merveilleux celtique. C'est un pur enchantement ! 

Fantasy à la Carte

A lire aussi A la pointe de l'épée d'Ellen Kushner. 

Informations

Ellen Kushner
Thomas le Rimeur
350 pages
Editions ActuSF

26/05/2021

Daylon, Mécaniques Sauvages, édition Courant Alternatif

Daylon, Mécaniques Sauvages, éditions Courant Alternatif

Sous la houlette des Moutons électriques, leur nouveau label, Courant Alternatif, cherche à promouvoir des textes forts et engagés. Dans un paysage éditorial et littéraire de plus en plus marqué par cette démarche d'éveil des consciences, ce genre de récits arrivent à point nommé pour intéresser et toucher le lecteur d'aujourd'hui et de demain. 

Parmi les nouveautés parues au catalogue de cette nouvelle collection, il y a Mécaniques Sauvages de Daylon, un roman dont il faut absolument que je vous parle. 

Mais avant de commencer, je remercie Erwan et les éditions Les Moutons électriques pour ce nouveau partenariat. 

Dans Mécaniques Sauvages, on est propulsé dans un Paris devenu le centre de l'univers. Entourée de vastes étendues désertiques, la capitale parisienne semble le seul noyau de vies dans ce monde désolé. A sa tête, on trouve une certaine Alma Parisi, héritière directe de la lignée royale. Pourtant Paris n'est pas une monarchie mais bien une république. Même si certains membres de sa famille, tous parlementaires et loyalistes, ne rêvent que de renverser le système politique en place. Mais forte de sa mainmise sur les collecteurs d'eau, grand enjeu dans ce monde désertique où l'eau est devenue une denrée rare, Alma tient fermement pour le moment les rênes du pouvoirs. Parallèlement, on suit le couple formé par Jaz et Isobel, deux simples employés de multinationales qui vont découvrir bien malgré eux qu'une révolte se trame en coulisses. Dans un monde exsangue, en proie aux luttes pour le pouvoir et à la guerre d'influence, la révolution est en marche. 

Avec Mécaniques Sauvages, Daylon signe un univers féroce qui bouleverse les certitudes. En mélangeant les genres, il dessine les contours d'un monde fouillé et fouillis. Ainsi, entre ses lignes notre réalité côtoie l'inconnu et l'improbable. L'auteur nous emmène dans un Paris familier où l'on retrouve bien ses rues et ses quartiers bordés par ses faubourgs industrieux, à l'image de La Défense. Seulement, la vie s'arrête là car au-delà on ne trouve que du désert. Bouleversement climatique oblige, le désert a gagné l'espace en grignotant toute vie aux alentours. Devenue le centre de l'univers, Paris semble l'unique refuge pour cette humanité survivante et standardisée. Salariés de grandes multinationales, les derniers habitants de la terre ont finalement une vie réglée par des automatismes précis agissant selon une routine personnelle qui ne doit pas être bouleversée sous peine d'entraîner dérèglements et anomalies dans leur quotidien. A la différence des automates rencontrés ici comme Monomachine qui, grâce à une technologie avancée est capable d'autonomie et d'analyse. Ici, les machines vivent parmi les hommes et ils y ont une place dominante. Pire encore, ils menacent même de prendre le pouvoir. Ainsi, Daylon imprime à son récit des influences différentes en empruntant autant à la science-fiction d'anticipation que post-apocalyptique. Mais, il y a ajouté également une dimension mythologique qui complexifie un peu les choses en faisant référence, par exemple, à l'existence d'un dragon en plein réveil dans les entrailles de la terre ou encore au soleil désigné ici comme Amon, clin d’œil à l'une des principales divinités égyptiennes lorsqu'il est qualifié de dieu cosmique, maître de tout. Il en ressort un univers pluriel et ambitieux mais dont la complexité a parfois égaré ma pleine compréhension de l'histoire.

Mécaniques Sauvages, c'est un roman court très bien rythmé. Il faut dire que l'écriture y est nerveuse comme si l'auteur cherchait à rappeler à ses lecteurs l'urgence des enjeux mis en exergue dans son livre. Entraîné à la suite des personnages de Daylon, on prend vite conscience que quelque chose se prépare, que ses protagonistes sont assis sur une poudrière sur le point de faire basculer leur monde. 

Derrière Mécaniques Sauvages, l'auteur dissèque notre société en alertant quelque peu sur ses travers et ses dérives. Avec sa plume incisive, il est sans pitié pour nous décrire un monde en déliquescence corrompu par la politique, uniformisé socialement et dominé par l'intelligence artificielle. Mécaniques Sauvages nous emmène finalement dans un monde au bord du gouffre où la révolte gronde car c'est bien le fil directeur de ce roman. Entre ses pages, on apprécie de l'intérieur les mécanismes d'une révolution en marche jusqu'à son éclosion, même si, ici la liberté vient de là où on ne l'attend pas. 

Oeuvre étonnante, forte d'un message percutant, Mécaniques Sauvages questionne sans relâche sur les fondements de notre société. 

Les personnages de Daylon apparaissent comme autant de voix dissonantes dans ce milieu très normé. Que ce soient Isobel et Jaz d'un côté, qui s'interrogent sur des anomalies survenues dans leur travail les poussant à enquêter pour en comprendre les raisons ou Alma, de l'autre côté, qui, pour empêcher un putsch, prend l'initiative d'en orchestrer un elle-même au nom de la liberté. Les protagonistes de Daylon sont pour le moins aussi étonnants qu'anticonformistes, à l'image du récit qu'ils portent. 

Avec Mécaniques Sauvages, Daylon se fait l'auteur d'un texte à la mesure de nos attentes quant aux fictions que l'on souhaite découvrir au sein de ce nouveau label. 

Fantasy à la Carte

Informations

Daylon
Mécaniques Sauvages
978-2-36183-704-4
240 pages
Editions Courant Alternatif

24/05/2021

Claude Diologent, Les Chemins de L'Alchimiste, Les éditions L'Alchimiste

Claude Diologent, Les Chemins de L'Alchimiste, éditions L'Alchimiste

Les éditions L'Alchimiste s'y entendent pour faire connaître de nouvelles voix de l'Imaginaire. D'ailleurs, chaque nouveauté qui vient enrichir leur catalogue est souvent synonyme de belle découverte. Aujourd'hui ne fera pas exception à hier puisque je m'en viens vous parler de l'un de leurs nouveaux romans, Les Chemins de L'Alchimiste de Claude Diologent, paru récemment. 

Mais avant de rentrer dans les détails, il est temps de remercier Lionel Cruzille et les éditions L'Alchimiste pour ce nouveau partenariat. 

Rouen, 1560, Martin est apprenti chez un apothicaire réputé. Il y apprend les vertus des simples et leurs différents usages pour confectionner baumes, sirops, élixirs et autres remèdes censés soigner les maux du quotidien. Discipliné et de nature curieuse, le maître apothicaire voit en Martin des qualités pour faire de grandes choses. C'est pourquoi, il concède à l'initier aux bases de l'alchimie, un savoir secret et ancestral à ne pas mettre entre toutes les mains. Alors que des heurts entre catholiques et huguenots éclatent ici ou là à Rouen et ailleurs en France, Martin doit prendre la route pour accomplir son destin. Enfin, si l'Histoire lui permet, évidemment, car dans un monde au bord du gouffre, rien n'est moins sûr !

Avec Les Chemins de L'Alchimiste, Claude Diologent signe un roman mêlant ésotérisme, spiritualité et Histoire. Il insère son récit dans le cadre rude et violent des guerres de religion. Une période historique sombre qui a ouvert la porte à toutes les exactions en leur donnant une normalité. Ainsi, la menace de la vengeance huguenote d'un côté et les représailles catholiques de l'autre pèsent continuellement sur les pas de Martin. En fonction de quelle tutelle tombe la ville où il réside dépend finalement son salut. Or, son statut d'apothicaire ne le protège en rien car la suspicion règne et la délation s'infiltre partout. D'autant que l'existence des alchimistes est admise et il est de notoriété qu'une apothicairerie est un lieu idéal pour ce genre de pratiques. Ainsi, mêler quête ésotérique et conflits religieux contribuent fortement à donner à ce texte sa dimension cabalistique. Le récit est d'autant plus captivant, délayant ainsi ses mystères au compte goutte. 

En plus de ce passé historique chargé, l'auteur met également en exergue la quête spirituelle que mène le héros. Sur les chemins de l'alchimie, savoir et divin se croisent pour faire émerger le pouvoir suprême. Pour trouver sa voie, Martin se nourrit autant des conseils de ses maîtres que de ses lectures des savants et médecins renommés tels Ambroise Paré et Paracelse. Le but n'est pas des moindres puisqu'il s'agit d'atteindre la pierre philosophale et à travers elle, l'immortalité. Objet de toutes les convoitises qui le mettra en danger plus souvent qu'il ne l'aurait souhaité tout en donnant à sa vie un soupçon d'aventure et de frissons.

Même si l'auteur dissémine ici ou là quelques bonnes scènes d'action, l'ensemble de son récit dégage une vraie sérénité car la quête que Martin réalise avec son âme sœur tient davantage de la foi et de la connaissance. La rationalité se mêle à l'inexplicable pour nous plonger dans une aventure teintées d'un léger fantastique. 

Les Chemins de L'Alchimiste nous raconte aussi la destinée de deux êtres : Martin et Norine liés par un amour puissant qui va les conduire à l'impossible. Cette quête de l'immortalité n'est donc point solitaire et passe par la connaissance de l'autre et la fusion du masculin et du féminin. L'amour et l'amitié transcendent ce texte pour nous offrir également une histoire débordante de nobles sentiments et d'émotions. 

Ici, la douce Norine s'impose en personnage fort qui porte son mari en lui donnant la force nécessaire pour accomplir son destin. Point d'héroïne effacée entre ces lignes mais une femme charismatique au caractère affirmé. Quant à Martin, on le voit devenir un homme au fil des pages. A travers la mission qu'il s'est fixée, il s'affirme et prend de la maturité au fur et à mesure des chapitres. Entre doute et assurance, Martin est un personnage crédible et attachant que l'on apprécie de suivre dans ses pérégrinations.

Les Chemins de L'Alchimiste nous conduisent sur les chemins dérobés d'une magie secrète, transmise d'initié en initié.

Avec une belle fluidité, Claude Diologent nous relate finalement une histoire pavée de nombreux mystères. 

Fantasy à la Carte

Informations

Claude Diologent
Les Chemins de L'Alchimiste
978-2-37966-091-7
310 pages
Editions L'Alchimiste

21/05/2021

Adrien Tomas, Notre Dame Des Loups, éditions Mnémos

Adrien Tomas, Notre Dames Des Loups, éditions Mnémos

En attendant la sortie de la suite de Vaisseau d'Arcane ou de replonger, peut-être, dans un nouveau roman partageant l'univers d’Engrenages et Sortilèges, les éditions Mnémos viennent de rééditer Notre Dame des Loups. Avec ce livre, Adrien Tomas nous offre une toute autre ambiance pleine de poudre et de fureur. 

Lu dans le cadre d'un partenariat, je remercie Estelle Hamelin et les éditions Mnémos pour l'envoi de ce service de presse bien addictif.

1868, au cœur de l'Ouest américain, Adrien Tomas nous colle aux basques de sept veneurs qui traquent, dans le plus grand secret, les meutes de loups-garous infestant les lieux. Or, au vu de leur nombre croissant à chaque attaque, les membres de cette étonnante bande sentent bien qu'ils se rapprochent enfin du but. Celle que l'on appelle Notre Dame des Loups, la mère de toutes ces créatures infernales n'est sans doute plus très loin car elle a battu le rappel de ses enfants pour la protéger de la menace. Sur le qui-vive, qui de ces hommes et de ces femmes seront encore là pour affronter le regard de la bête et tâter de ses crocs acérés ? 

En quelques mots, Adrien Tomas a posé le décor de son intrigue. Notre Dame des Loups emprunte au western mettant en scène des chasseurs de prime en remplaçant les criminels à ramener devant la justice par des créatures à crocs que les personnages d'Adrien Tomas doivent abattre coûte que coûte. 

Avec ce court roman, l'auteur revisite donc le mythe de la lycanthropie, cher aux amateurs de fantasy urbaine même s'il est abordé ici dans sa définition originelle en mettant l'accent sur leur sauvagerie et leur dangerosité. C'est pour cela qu'un Ordre des Veneurs a été fondé afin de les traquer et de les éliminer. C'est en tout cas la mission de ces sept veneurs dont on fait intimement connaissance dans le chapitre qui leur est tour à tour consacré. En effet, Adrien Tomas a choisi de nous relater cette histoire en alternant les points de vue de ses personnages. Dès la lecture du premier chapitre, on réalise que toute la tension narrative réside justement dans la manière dont ce récit est construit. De plus, en terminant chacun de ses chapitres par un cliffhanger, Adrien Tomas s'assure ainsi l'attention de ses lecteurs tout en jouant parallèlement sur leurs nerfs en faisant monter la pression crescendo. 

En outre, pour parfaire l’efficacité de son intrigue, il s'appuie également sur une série de héros charismatiques et peu recommandables. Et je dois avouer que l'alchimie prend immédiatement car on s'y attache de suite. D'ailleurs, pour se conformer à cette ambiance western, on retrouve dans chacun d'eux un peu du Bon, de la Brute et du Truand. Allez savoir si ce n'est pas cela qui les rend si irrésistibles ! Mais, que l'on ne s'y trompe pas, ces canailles ne sont pas des enfants de cœur mais bien d’impitoyables assassins. Qu'ils accomplissent leur sanglante mission par conviction, devoir ou vengeance, aucun n'est là par hasard. Sans tous vous les détailler, je peux tout de même vous parler, par exemple, de ce freluquet de Billy Winters. Charmeur et adroit au tir, sa vanité pourrait tout de même avoir raison de lui en l'entraînant sur une pente glissante, qui sait ! Et la taciturne Evangeline. Certains la pensent un peu sorcière, pratiquant le vaudou en douce. Son silence n'arrange rien. Elle est plus proche de ses chiens que des autres membres de l'équipe. Et pour cause, en proie à ses démons intérieurs, qui peut deviner quels sombres desseins se cachent derrière son regard perçant. C'est sans doute ce que se demande souvent Jack, le maître de la chasse. Un homme autoritaire et froid qui fait régner la discipline dans ses rangs. Certains le sous-estiment et le regrettent très vite car Jack est un vicieux et un dangereux qui est complètement obnubilé par la Dame aux Loups. Il faut dire qu'il est là par vengeance et ne rêve que de prendre sa revanche sur celle qui lui a enlevé les siens, sa belle-sœur puis son frère. Il partage, d'ailleurs, cette même soif avec la dernière recrue, Waukahee Oowesha, une Native qui a vu sa tribu se faire décimer par les hordes de la Dame aux Loups. Derrière ces têtes brûlées, ces durs à cuir se cachent des histoires ternies par des drames et marquées par le sceau du chagrin. Voici une belle brochette de héros dont la fin incertaine nous tient bien en haleine. 

Tout au long de ce livre plane la menace de ces créatures chimériques dont l'existence trouve ici ses origines à l'Antiquité et même dans la légende de la fondation de Rome. Finalement, au contact de ce mythe fondateur, la légende de Notre Dame des Loups prend ici une certaine authenticité qui nous fait pleinement adhérer à l'histoire. 

Entre morts suspectes et traque sanglante, cette fantasy à poudre se pare d'une bonne dose de suspicion pour nous offrir un récit puissant, impossible à lâcher jusqu'à la fin. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mes avis sur Les Hurleuses (tome 1 de Vaisseau d'Arcane), L'Empire des Abysses (tome 2 de Vaisseau d'ArcaneEngrenages et Sortilèges, Dragons et Mécanismes et Les Six Royaumes

Informations

Adrien Tomas
Notre Dame Des Loups
978-2-35408-905-4
208 pages
Editions Mnémos



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