L'influence du "gaming" à la littérature

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02/03/2021

Christophe Misraki, La Prophétie de L'Arbre, tome 1, La trilogie du PanDaemon, Outrefleuve éditions

Christophe Misraki, La Prophétie de L'Arbre, tome 1, 
La trilogie du PanDaemon, Outrefleuve éditions

Avec la sortie de La Prophétie de L'Arbre, les éditions Outrefleuve ont endossé leur casquette de dénicheur de talents. Christophe Misraki est une nouvelle plume de fantasy française qui signe avec ce premier roman, un récit aussi ambitieux que prometteur. 

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je remercie Laure Peduzzi et Outrefleuve pour avoir rendu possible ce partenariat. 

Il y a 1400 ans, les Forces du Bien l'ont emporté sur les Malévolents en les renvoyant dans les limbes. Depuis la paix est revenue même si le monde a éclaté éparpillant les peuples un peu partout. Dans le Comté d'Erceph, le Comte Portor s'apprête à transmettre le pouvoir à sa fille aînée, Sarah. Cette transmission surviendra lorsque l'Entité qu'il porte en son cœur le quittera pour se loger dans celui de sa fille. Seulement des forces maléfiques semblent à l'oeuvre pour empêcher cette transmission. Qu'une femme accède au pouvoir est fortement contestée. Trahi par son entourage, Eden Portor ne sait plus à qui se fier et voit des ennemis partout. Pour Kern, le fiancé de Sarah et Elmyn, son cousin, il faut remettre la main sur ce qui a été dérobé à cette dernière afin qu'elle retrouve son intégrité. Par la même l'occasion, cela leur permettra de comprendre les raisons de cet acte ignoble. C'est ainsi, qu'ils s'embarquent dans une folle quête, quitte à braver la haute autorité.

Dans La Prophétie de L'Arbre, on pénètre dans un univers fabuleux, élaboré avec une grande minutie. En effet, Christophe Misraki a inséré son récit dans un monde imaginaire qu'il a appelé Porminide. Il est né suite au Conflit originel qui a renvoyé les Malévolents dans le PanDaemon. Dans cet univers, on retrouve de nombreuses peuplades aux caractéristiques et aux modes de vie différents. Ainsi, certaines vivent sous l'océan, alors que d'autres occupent le désert ou la forêt. Parmi ces peuples, il y a des humains qui se sont regroupés en Sept Provinces, gouvernées par un Suzerain qui détient en son cœur l'Entité, un puissant artefact lui conférant de nombreux pouvoirs et assurant à l'ensemble une protection pour faire face à toute menace extérieure. Or, contrairement à ce que pensent, depuis 1400 ans, les Forces du Bien, les Malévolents n'ont pas été éradiqués mais se sont simplement réfugiés dans le PanDaemon où ils œuvrent à créer une société constituée des Hordes, réunissant divers serviteurs comme les Diables, les daraïs, les nermacks ou encore les yeenars. Leur but est de préparer la reconquête du pouvoir. Au fil des pages, on prend la mesure du travail colossal que l'auteur a réalisé pour créer un monde aussi cohérent et détaillé. Je dois dire que le résultat est assez bluffant. 

Porté par une multitude de personnages, Christophe Misraki nous propose un récit choral dans lequel on découvre un monde avec ses enjeux et ses menaces, autant du point de vue des Humains, des Tuins, des Toua-Elar que des Diables. Ainsi, l'auteur nous fait virevolter d'un camp à l'autre pour nous permettre de mieux comprendre l'ampleur de ce qui est en jeu ici. En mettant en scène une pléiade de protagonistes, il s'assure aussi l'attachement de ses lecteurs au moins sur certains d'entre eux. 

Parmi les figures importantes de ce premier roman, il y a Kern Devaraïn qui prend la tête d'une expédition pour venger sa fiancée et comprendre les motifs qui se cachent derrière son assassinat. Bien qu'effacé au début de cette quête, Kern va s'imposer comme l'une des clés de ce récit. Or, c'est grâce à Massili Og'Turuk qu'il prend conscience du rôle important qu'il devra jouer. Ainsi, Massili ne fait pas seulement partie du décorum. Elle n'est donc pas la simple paysanne provinciale que l'on pourrait penser au premier abord. Elle sait tirer partie des situations et voit dans sa rencontre avec Kern, l'occasion de s'élever à son tour. D'ailleurs, elle n'est pas le seul personnage féminin qui endosse ce rôle de déclencheur. Maona, l'épouse du Comte Portor sait également tirer quelques ficelles dans l'ombre de son mari pour influencer certaines situations. Dans cette trilogie, les femmes ne manquent pas et leur pouvoir est au cœur même de l'enjeu de ce récit puisque l'existence de Sarah Portor comme héritière de l'Entité du Comté d'Erceph en dérangeait plus d'un et a nécessité l'usage de moyens radicaux pour régler le problème. Autre voix féminine qui se fait entendre est celle de Sorann, une puissante utilisatrice qui gravite autour du Comte Portor. Âme bienveillante, elle veille notamment au bon déroulement de la quête de Kern, quitte à se mettre en danger en attirant l'attention de l'ennemi. Quant à Eden Portor, il apparaît comme la figure emblématique de ce premier tome. C'est un homme fier et têtu mais dont l'ignorance pourrait bien conduire sa province à sa perte.

Spectateurs de ces multiples destins, on découvre à travers eux, un monde déchiré, propice aux complots et à la trahison. En effet, l'auteur insère dans son texte de nombreuses intrigues où le mensonge et la manipulation occupent une place de choix.

La Prophétie de L'Arbre est une oeuvre foisonnante autant du point de vue de la construction de l'univers qui sert de cadre à l'histoire que dans la foultitude des héros que l'auteur met en scène. 

Comme souvent en littérature fantasy, la magie est un éléments fondamental du récit. D'ailleurs, ici on ne parle pas de magiciens mais plutôt d'utilisateurs. Elle y est davantage introspective, nécessitant chez le détenteur de pouvoirs de faire preuve d'une capacité méditative pour entrer en contact avec ce qu'ils souhaitent toucher. 

Autre élément fort de ce texte est la prophétie. Comme le titre du roman l'indique, elle occupe ici une place centrale car toutes les interprétations des prophéties, édictées par Arkharon orientent les actions des protagonistes de Christophe Misraki. Elles servent les obédiences, les clans et autres confréries qui agissent dans l'ombre du pouvoir afin de favoriser leurs propres intérêts. Ainsi, l'auteur ponctue chacun de ses chapitres par l'une de ces prophéties qui sert à éclairer le lecteur sur ce qu'il va d'ailleurs trouver dans ledit chapitre. A travers ce procédé, il a repris un motif important du genre tout en faisant preuve d'un grand souci du détail donnant une vraie crédibilité à son univers. 

Avec La Prophétie de L'Arbre, Christophe Misraki se fait l'auteur d'une oeuvre très riche qu'il faut se laisser le temps d'apprivoiser. C'est un premier texte puissant qui renoue avec les racines du genre. Ce premier roman se lit comme un coup de cœur autant pour la pluralité des histoires contées que pour la richesse de l'univers construit. 

Fantasy à la Carte

Informations

Christophe Misraki
La Prophétie de L'Arbre
Tome 1
La Trilogie du PanDaemon
978-2-265-15522-0
600 pages
Outrefleuve éditions

26/02/2021

Agostinho Moreira, Le Sceptre de Râ, tome 1, L'Ombre de Ravana, éditions Kelach

Agostinho Moreira, Le Sceptre de Râ, tome 2, 
L'Ombre de Ravana, éditions Kelach

Il y a quelques semaines, j'ai été contactée par les éditions Kelach qui m'ont proposé de faire connaissance avec leurs différentes collections par l'intermédiaire de partenariats. 

Après avoir longuement étudié leurs parutions, mon choix s'est d'abord arrêté sur Le Sceptre de Râ d'Agostinho Moreira. C'est le premier roman de cet auteur et je dois dire que la quatrième de couverture m'a sérieusement donné envie de le lire. 

Je remercie, d'ailleurs, l'éditeur pour l'envoi de ce service de presse.

Dans Le Sceptre de Râ, on suit les aventures improbables de Franz Meyer, un érudit qui se retrouve chargé d'une bien étrange mission. En effet, après avoir reçu de la part d'un inconnu, un vase égyptien étonnamment bien conservé et avoir décrypté le message gravé dessus, Franz n'a pas d'autres choix que de s'envoler pour le Caire afin de trouver une relique sacrée, le sceptre de Râ. C'est d'ailleurs le dieu à tête de faucon lui-même qui l’exhorte d'agir le plus vite possible car les sbires du démon Ravana sont également sur la piste de l'artefact. Or, si par malheur celui-ci tombait entre ses mains, c'est toute l'humanité qui s'en trouverait menacée. Aidé dans sa quête par son neveu, Franz réussira-t-il à déjouer les plans maléfiques de cet être démoniaque et à sauver l’humanité du funeste destin qui la guette ? 

Avec Le Sceptre de Râ, Agostinho Moreira signe un roman d'aventure teinté de fantastique. Construit sur le même schéma que les films Indiana Jones de Steven Spielberg, l'auteur explore cette fameuse thématique de la quête de trésors archéologiques tout en confrontant ses héros aux mythes et aux croyances locales. Ici, il nous entraîne en Egypte et revisite sa mythologie, à travers la présence du dieu du soleil, Râ. Il s'agit pour les héros d'Agostinho Moreira de trouver son sceptre afin de le mettre en sécurité ou de le détruire si nécessaire car c'est un puissant artefact, capable de redonner la vie aux défunts. Or, un esprit maléfique espère s'en emparer pour ressusciter et dominer le monde. En outre, l'auteur introduit dans son récit d'autres figures de l'Egypte avec la présence de Djoser ou tout du moins de son esprit qui accompagne et guide les protagonistes dans leurs recherches. Djoser n'est autre que Djéser, le premier roi de la IIIe dynastie, également considéré comme le fondateur de l'ancien empire. Deux figures de l'Egypte antique qui donne l'occasion à l'auteur d'inscrire son récit dans du fantastique. Bénéfiques ou maléfiques, ces êtres surnaturels interviennent dans la vie de leur élu pour les aider à accomplir leur mission respective. Ainsi, l'auteur ponctue son texte d'objets ensorcelés et de portails s'ouvrant sur des réalités parallèles. Cela donne au livre son caractère surnaturel et colore l'aventure d'un soupçon de danger. Pour ma part, j'apprécie beaucoup l'idée de cette chasse au trésor traquée par des poursuivants dangereux. Je trouve l'idée excellente, d'autant qu'elle nous fait voyager jusqu'au Caire. 

D'autre part, le fait de mettre en scène que peu de personnages est un choix judicieux car cela facilite grandement l'immersion des lecteurs. Malheureusement pour moi, je n'ai pas réussi à m'attacher réellement aux personnages. Je les aurais sans doute voulu plus fouillés. Et je dois avouer que le neveu m'a souvent un tantinet agacé, ce qui n'a rien arrangé. C'est le petit bémol de cette lecture.

Néanmoins, l'histoire se tient et pour les amoureux de mythologie égyptienne, cette petite escapade sur les terres des pharaons nous fait passer un moment de lecture riche en aventures. 

Avec ce premier livre, Agostinho Moreira nous ouvre la porte sur un imaginaire qui nous réserve sans doute encore son lot de surprises pour les prochains tomes. 

Fantasy à la Carte

Informations

Agostinho Moreira
Le Sceptre de Râ
Tome 1
L'Ombre de Ravana
978-2-490647-37-8
362 pages
Editions Kelach

23/02/2021

Adrien Tomas, Dragons et Mécanismes, éditions Rageot

Adrien Tomas, Dragons et Mécanismes, éditions Rageot

Avec Dragons et Mécanismes, Adrien Tomas signe un nouveau roman jeunesse qui partage le même univers qu'Engrenages et Sortilèges. Néanmoins, écrit de manière indépendante, il n'est pas nécessaire d'avoir lu ce premier roman pour comprendre et apprécier cette nouvelle histoire. 

Lu en avant première dans le cadre d'un partenariat, je remercie toute l'équipe de Babelio, ainsi que les éditions Rageot pour l'envoi de ce service de presse. 

De quoi parle Dragons et Mécanismes ?

Dans ce livre, on fait d'abord la connaissance de Dague, un adolescent qui vit dans le quartier populaire des Gorgones à Asogadre. Orphelin et voleur, il survit grâce à des rapines et aux informations qu'il peut monnayer au chef de la pègre locale. Puis, on rencontre Dragomira qui vient d'accoster à Asogadre dans l'espoir de trouver des alliés pour l'aider à récupérer son trône. En effet, suite à un coup d'état fomenté par le clan Arlov, au cours duquel ses parents ont été assassinés, la jeune Mira a pu s'enfuir in extremis et se soustraire à une union forcée avec Vlacen, l'héritier des Arlov. Mais, suivi de près par ce fou furieux, aura-t-elle seulement le temps d'agir pour échapper à ce sombre avenir ? Quant à Dague, regrettera-t-il d'avoir croisé le chemin de Mira, au vu de ce que cela va finalement impliquer pour lui ? 

Dans Dragons et Mécanismes, Adrien Tomas poursuit l'exploration de son univers. Cette fois-ci, il nous emmène en Xamorée. Un royaume qui commerce beaucoup avec les Cités Franches, à l'image d'Asthénocle, dont Mira est originaire. Les relations qu'ils entretiennent assurent à tous une stabilité politico-économique et la paix entre les peuples. Ces Cités Franches ont un rapport un peu différent à la magie. En effet, alors que dans la république de Mycée, on distingue les technologistes des mages, là-bas, les mages sont également des mécaniciens qui incorporent des sortilèges à leurs inventions. Il y a donc clairement des différences dans la manière d'enseigner et d'utiliser la magie d'un pays à l'autre. De même que l'auteur a attribué un système de gouvernance propre à chaque pays. Ainsi, chaque Cité Franche est, par exemple, dirigée par un archiduc ou une archiduchesse dont la position est garantie par une découverte scientifique majeure. C'est par cet unique procédé que les personnes peuvent donc gouverner. 

Néanmoins, Xamorée reste sous la menace constante des dragons qui ont trouvé refuge dans la jungle limitrophe de Msitwa Joka. Or, normalement chacune de ses Cités Etats est censée être protégée par des pavois, autrement dit une sorte de barrière électrifiée par l'arcanium. Mais depuis quelques temps, il y a des problèmes d'alimentation qui créent régulièrement des brèches dans les protections permettant aux dragons de semer la panique là où ils passent et, en particulier à Asogadre. 

Pour chacun de ses romans, Adrien Tomas a donc imaginé des espaces géographiques détaillés. Empire, édilat, république, chaque lieu a son propre système politique, édictant des lois différentes. Ainsi, au Grimmark, on trouve un édilat, à Mycée, on parle d'empire et en Tolkvie, il s'agit d'une République. De même, qu'il leur attribué une Histoire personnelle, riche en mythes et en légendes. En lisant les romans de cet auteur les uns après les autres, on voit se dessiner un univers vaste et complexe et on établit des connexions entre ses histoires, facilitées par la présence de personnages dans plusieurs livres qui aident clairement à faire des liens. 

Le dynamisme de ce récit repose beaucoup sur ses deux personnages principaux. L'auteur aime alterner leur point de vue d'un chapitre à l'autre. Son écriture y apparaît d'autant plus rythmée. Il met donc en scène deux adolescents très attachants. Loin des clichés auxquels on pourrait s'attendre au premier abord, au fur et à mesure de la lecture, leurs actions et réactions arrivent à nous surprendre. 

On a, d'un côté, le jeune Dague qui vole par nécessité. Mais il n'est pas le vaurien auquel on pourrait s'attendre car il sait faire preuve d'une grande solidarité et est même prêt, si nécessaire, à défendre des inconnus en danger. Et de l'autre côté, il y a Mira qui, du fait de sa position sociale, pourrait n'être qu'une simple fille hautaine et froide. Mais la réalité est toute autre car c'est surtout une âme solitaire passionnée par les sciences. Cette mécanomagicienne chevronnée espère juste faire honneur à ses parents en prenant leur suite avec justesse et équitéVoici deux destins que l'on prend plaisir à suivre.

Outre, cette magie mécanique, le merveilleux s'exprime également dans ce roman par la présence des dragons. Les Xamoréens entretiennent une défiance vis à vis de ces créatures ailées. Ils ne les comprennent pas et ne voient en eux que des ennemis qu'il faut abattre ou tenir éloignés derrière des pavois. Mais dans l'imaginaire d'Adrien Tomas, le dragon est ici un être supérieur, doué de paroles dont l'existence est intimement liée au passé oublié de Xamorée. Ils seront donc la clé dont nos jeunes héros auront besoin pour empêcher le mal de triompher. 

Dans Dragons et Mécanismes, l'auteur mène ambitieusement plusieurs intrigues de front, ménageant ainsi à ses lecteurs suspense et révélations tout au long de ce livre. Il a non seulement développé son univers mais propose une intrigue très travaillée qui commence à établir des liens avec ses autres textes. 

Avec ce nouveau roman, j'ai retrouvé une plume de l'Imaginaire français que j'apprécie énormément qui nous propose un nouveau récit destiné à la jeunesse mais qui saura également contenter un lectorat plus adulte. 

Ecrit dans la même veine que ses précédentes œuvres, Adrien Tomas a inséré tous les éléments, et bien plus encore, qui font la force de ses livres. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog, mes avis sur Engrenages et Sortilèges ainsi que sur Les Hurleuses et L'Empire des Abysses (tome 1 et 2 de Vaisseau d'Arcane). 

Informations

Sur la blogosphère, l'avis d'Au Pays des Cave Trolls

Adrien Tomas
Dragons et Mécanismes
978-2-7002-7547-6
626 pages
Editions Rageot

A retrouver à la librairie L'Antre-Temps pour bénéficier d'une réduction de 5% avec le code promo FANTASYCARTE5. 

19/02/2021

Guy Gavriel Kay, Le Seigneur des Empereurs, tome 2, La Mosaïque Sarantine, éditions L'Atalante

Guy Gavriel Kay, Le Seigneur des Empereurs, tome 2, 
La Mosaïque Sarantine, éditions L'Atalante

Le Seigneur des Empereurs est le roman qui prend la suite de Voile vers Sarance de Guy Gavriel Kay. Comme tous les lecteurs de La Mosaïque Sarantine, j'avais hâte de me replonger dans cet univers dense et très immersif. 

Mais avant de commencer à vous parler plus en détails de ce second volet, je tiens à remercier Emma et les éditions L'Atalante pour l'envoi de ce service de presse. 

Dans Le Seigneur des Empereurs, on retourne auprès de Caius Crispin, le mosaïste mandaté par l'empereur Valérius II pour réaliser les décors de sa basilique. Alors que son oeuvre commence à prendre forme, il est entraîné, malgré lui, dans un tourbillon d'événements qui vont vite le dépasser. Seulement fréquenter le pouvoir de trop près n'est pas sans risque pour qui n'y fait pas attention. Ce n'est pas Rustem de Kerakek qui dira le contraire. En sauvant la vie du roi des rois, il a vu la sienne prendre un tournant inattendu. En effet, le voici en route pour Sarance, chargé d'une mission délicate. Mais pourra-t-il seulement la mener à bien et violer ainsi son serment d’Hippocrate. Deux hommes du peuple que rien ne destinait à se rencontrer mais qui vont jouer, sans le savoir, un rôle capital dans l'avenir de l'empire. 

Avec Le Seigneur des Empereurs, on retourne à Sarance. Cadre principal de l'action de ce cycle, Sarance incarne autant un personnage propre qu'un univers à part entière. En effet, la cité prend une telle importance sous la plume de l'auteur qu'il la place finalement au même niveau que ses personnages. Elle arbore bien des visages : secrète, chatoyante ou vibrante. Dangereuse pour certains et bienveillante pour les autres, nul ne peut prédire comment il y sera accueilli. On l'a très vite compris, Sarance est la métaphore de la mythique Byzance. Elle partage cette même passion pour les courses de chars. Ainsi, la vie des Sarantins semble s'articuler autour de l'hippodrome. On y retrouve d'ailleurs les quatre fameuses factions rivales : les Verts associés aux Rouges et les Bleus associés aux Blancs. Constituées des supporteurs et des organisateurs des courses de chars, ces factions sont vite devenues des oppositions politiques et religieuses qui n'hésitaient pas à créer des émeutes, notamment pour montrer leur mécontentement devant la préférence de l'empereur en place pour l'une d'elles. Dans ce cycle, Guy Gavriel Kay nous immerge dans l'ambiance survoltée de ces événements sportifs où les paris vont bon train et où, la victoire ou la défaite peut vite faire perdre la tête. 

Pour renforcer l'énervement ambiant, l'auteur a ajouté à son texte de nombreux chassés-croisés amoureux et autres passions passagères qui consument autant les cœurs que les corps. Ainsi, Sarance se veut tumultueuse, elle est comme un cœur qui bat. Enivrante ou inquiétante, ses rues ne sont pas toujours très sûres. La nuit, le feu sarantin peut même, sans crier gare, consumer les âmes égarées. Une sombre magie semble à l'œuvre car sinon comment expliquer le phénomène de ces étranges combustions spontanées. 

Dans Le Seigneur des Empereurs, Guy Gavriel Kay a donc choisi deux narrateurs pour nous conter la suite des événements. Crispin qui reste égal à lui-même, il est toujours aussi noble cœur, un tantinet soupe au lait et assurément une tête de mule. Il reste fidèle aux causes qui lui semblent justes, quitte à se mettre en danger. L'autre personnage masculin que l'on découvre dans ce second volet est l'étonnant médecin Rustem. Pondéré et sagace, c'est un excellent observateur qui sait se jouer des situations pour arriver à ses fins. Il trace son chemin dans la cité et nous étonne par ses choix. Qui sait ce que l'avenir lui réserve. 

Même s'il est vrai que Guy Gavriel Kay a choisi deux hommes pour être les rapporteurs de cette fabuleuse intrigue, il n'en demeure pas moins qu'ils sont surtout là pour mettre en exergue un quatuor de femmes. Outre l'impératrice Alixana et la reine Gisèle qui se disputent le pouvoir sur le devant de la scène, dans les coulisses, deux autres femmes sont également à l'œuvre. Il y a déjà Shirin qui, du fait de son statut de danseuse, nous rappelle par bien des manières la fière impératrice dont elle est finalement très proche. Maîtresse de nombreux hommes, la favorite des Verts a su s'imposer dans la cité et même influer sur la politique menée. Elle sera une alliée de choix pour Crispin en l'aidant, notamment, à évoluer parmi les vipères qui gravitent autour de l'empereur. Enfin, il y a l'intrigante et secrète Styliane Daleina. Belle, autoritaire, inaccessible, Crispin tombe sous le charme de cette femme. Mais Styliane est tel un serpent qui hypnotise sa proie pour arriver à ses fins. A ce titre, elle est sans doute la plus dangereuse des quatre. 

La Mosaïque Sarantine est une ode à la féminité et à l'ingéniosité dont peuvent faire preuve les femmes pour obtenir ce qu'elles souhaitent. L'auteur nous brosse un portrait flatteur de femmes aussi magnétiques qu'éblouissantes. Contrairement aux apparences, elles ne sont, en aucune façon, l'ombre de leurs hommes car ce sont elles qui détiennent le vrai pouvoir dans ce récit. 

Avec Le Seigneur des Empereurs, l'auteur nous offre une œuvre foisonnante, riche de folles passions, d'amitiés indéfectibles et d'intrigues de cour captivantes. 

Malgré la densité du récit, j'ai dévoré avec plaisir chaque chapitre et apprécié chacune de ses lignes. Je vous le recommande ! 

Avec La Mosaïque Sarantine, Guy Gavriel Kay signe donc une fantasy orientale étourdissante. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mon avis sur le tome 1,  Voile Vers Sarance

Informations

Guy Gavriel Kay
Le Seigneur des Empereurs
Tome 2
La Mosaïque Sarantine
608 pages
9791036000584
Editions L'Atalante

12/02/2021

Ronald Malfi, Blanc d'Os, éditions du Seuil

Ronald Malfi, Blanc d'os, éditions du Seuil

Ronald Malfi est un romancier américain qui s'épanouit dans l'écriture de thrillers ou de fictions d'horreur. Blanc d'os est son premier roman qui est édité en France. Je remercie les éditions du Seuil pour l'envoi surprise de ce service de presse. J'avoue avoir été troublée par la lecture de la quatrième de couverture. 

Cela fait un an que son frère n'a plus donné signe de vie, depuis Paul Gallo est hanté. Son dernier message lui a été envoyé depuis une bourgade perdue d'Alaska. Là-bas, nul n'a su dire aux autorités ce qu'il était advenu de lui. Après tout, chaque année, on dénombre pas moins de 2000 disparitions en Alaska. Or, cette petite ville de Dread's Hand refait parler d'elle car un charnier vient d'y être découvert. Huit corps ont été déterrés. Et si son frère faisait partie des victimes ? Paul n'a qu'une certitude, se rendre sur place et peut-être afin connaître la vérité.

Avec Blanc d'os, Ronald Malfi se fait l'auteur d'un récit prenant au suspense glaçant.

Le premier point fort que l'on peut relever concerne l'ambiance que les lieux décrits dégagent. Le bourg de Dread's Hand est oppressant, les habitants y sont même inquiétants. Leur froideur, leur indifférence vous glacent jusqu'à l'os. Fraîchement débarqué, Paul va se heurter à leur silence. Ils sont fuyants, distants, voire agressifs. Ils lui font très vite comprendre qu'il n'est pas le bienvenu. Et puis, des rumeurs circulent sur l'histoire de la ville. Il y a eu d'autres morts violentes : crimes ou malheureux accidents. Les gens sont superstitieux, ils croient à l'existence du diable. C'est la seule explication qui peut justifier l'innommable. 

Or, Ronald Malfi nous balade d'un bout à l'autre de son roman avec la même interrogation : est ce qu'une créature maléfique agit dans l'ombre ou est-ce simplement la solitude des lieux qui a fait sombrer de pauvres pécheurs dans la folie ? 

Avec Blanc d'os, l'auteur agit sur nos nerfs, l'ambiance est bien immersive, le glauque y est juste authentique. La forêt qui entoure Dread's Hand est sombre et hostile. Elle fait remonter toutes nos peurs enfantines et nous laisse penser que le croquemitaine s'y cache peut-être. 

L'autre point fort repose bien évidemment sur les personnages charismatiques de ce livre. Je pense, notamment, à son héros principal dont l'ombre de son frère plane continuellement sur lui. Ronald Malfi met en avant ici la singularité de la gémellité. Il insiste sur les connexions qui relient les deux frères. Cela pourrait s'apparenter à de la télépathie sans vraiment en être. Paul est hanté par des souvenirs, il voit des choses qu'il ne comprend pas et qu'il n'a pas vécu. C'est cela qui le pousse à partir sur les traces de son frère. Même séparé, il a l'impression de le sentir ou de l'apercevoir. Ainsi, le lien qui unit les deux frères relève presque d'un pouvoir mystique. 

Tout cela confère à ce texte un caractère surnaturel. Des choses sont à l'œuvre. A Paul de découvrir la vérité. Mais peut-on réellement croire à l'impensable ? 

Avec Blanc d'os, je découvre une plume sombre et implacable. Ce livre m'a très vite fait perdre pied. A vous, maintenant, de venir vous frotter au diable quelque soit le visage qu'il prend. 

Fantasy à la Carte
Lisez l'avis de L'épaule d'Orion sur la blogosphère. 

Informations

Ronald Malfi
Blanc d'os
368 pages
978-2-021420739
Editions du Seuil