L'influence du "gaming" à la littérature

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11/02/2020

Nnedi Okorafor, Kabu Kabu, éditions ActuSF

Janvier aura été dédié à Nnedi Okorafor chez ActuSF. Après Qui a peur de la mort ? c'est au tour de Kabu Kabu d'être mis en lumière. Je remercie d'ailleurs les éditions ActuSF pour ce second partenariat sur cette autrice. 

C'est une oeuvre dense réunissant 21 nouvelles qui, par le prisme de l'Imaginaire, explore les nombreux visages de l'Afrique.

Américaine, d'origine Nigériane, Nnedi Okorafor rend hommage à la terre de ses ancêtres et à sa propre histoire à travers la multitude de récits qui viennent nourrir ce recueil. 

Il démarre sur les chapeaux de roue en nous embarquant dans un Kabu Kabu, autrement dit un taxi clandestin qui conduit Ngozi dans un étrange périple. Alors que la jeune femme espère juste attraper son vol pour arriver à temps au mariage de sa sœur au Nigéria, elle ne se doute pas des étranges rencontres qui l'attendent. Un voyage au cœur des légendes africaines qui ne sera pas exempt de turbulences. Avec cette première nouvelle, on réalise combien Nnedi Okorafor se plaît à explorer les coutumes et les croyances de ce continent qui s'avèrent propices à tricoter des récits baignés de touches fantastiques. 

La magie imprègne autant ses histoires que la culture africaine. Elle aime par exemple doter ses héros et ses héroïnes de capacités hors-normes. Revient, d'ailleurs, souvent celle de voler comme dans "Comment Inyang obtint ses ailes" dans laquelle la jeune Inyang se découvre un destin de coureuse de vent qui lui vaut l'opprobre de son village et finit par l'obliger à fuir. Un don partagé par d'autres personnages comme Asuquo dans "Les vents de l'harmattan" qui vole en secret avec l'espoir caché au fond de son cœur de trouver son chi, son âme-sœur.

Mais Nnedi Okorafor n'oublie pas de nous parler également des grandes blessures de l'Afrique. C'est le cas avec "Biafra" qui, comme ce titre l'indique, va évoquer cette terrible guerre civile qui a ravagé le Nigéria. Ainsi, on survole le pays en compagnie de Arro-yo. Elle retrouve avec effroi et impuissance sa terre natale détruite par une guerre de territoire : inévitable lorsqu'on s'octroie le droit de voler la terre de ses voisins. Une indépendance qui se gagne au prix du sang de milliers d’innocents. Quant à la nouvelle "Popular Mechanic", elle met l'accent sur la surexploitation des terres et des peuples, ainsi que sur le pillage des richesses pour le profit des plus riches, au détriment des locaux. 

Finalement, l'autrice s'épanouit dans tous les genres et imagine aussi bien des textes mâtinés de fantastique que de science-fiction. Ainsi, dans "L'artiste araignée", il est question de zombies surveillant les pipelines de pétrole mais qui s'avèrent être en réalité des robots développés par l'intelligence artificielle, capables de rentrer en communication avec l'humain tout en développant une vraie sensibilité artistique. 

A la lecture de ce recueil, on prend conscience que beaucoup de ses nouvelles donnent la parole à des héroïnes fortes et combatives. Dans une société aux mentalités encore archaïques, Nnedi Okorafor fait entendre ici son féminisme pour redonner aux femmes la place qu'elles méritent. 

Kabu Kabu, c'est un patchwork de récits puissants qui rend à l'Afrique toute sa beauté sauvage tout en dénonçant la sauvagerie et la cruauté de ce que la tyrannie capitaliste peut engendrer. 

Avec ce livre, Nnedi Okorafor démontre avec force toutes ses qualités de conteuse. On se glisse dans la peau de chacune de ses héroïnes et de chacun de ses héros avec une grande fluidité. Elle signe des textes qui dégagent une grande sensibilité et réussit à nous tirer bien des larmes.

Fantasy à la Carte
Sur la blogosphère, découvrez l'avis du Monde d'Elhyandra

Nnedi Okorafor
Kabu Kabu
400 pages
978-2-37686-229-1
Editions ActuSF
A lire aussi sur le blog mon avis sur Qui a peur de la mort ? 


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