L'influence du "gaming" à la littérature

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29/03/2024

Michel Pagel, Le Roi d'août, éditions Les Moutons électriques

Michel Pagel, Le Roi d'août, éditions Les Moutons électriques 

Ecrivain français, Michel Pagel a déjà signé de nombreux titres. Parmi lesquels, on peut en citer en science-fiction avec L'Equilibre des paradoxes, récompensé par les prestigieux prix Rosny aîné et Julia-Verlanger, en fantasy avec Les Flammes de la nuit et en fantastique avec son copieux cycle de La Comédie inhumaine

Primé en 2003 par le grand prix de l'Imaginaire, son roman Le Roi d'août vient d'être réédité chez Les Moutons électriques.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse qui m'a donné l'occasion de goûter à cette pépite de fantasy

Résumé :

Sacré roi en 1180, Philippe II prend la suite de son père Louis VII. Son début de règne est marqué par un revirement d'influence puisque la maison maternelle de Blois-Champagne est mise sur la touche au profit de celle de Flandre. En outre, celui-ci est également émaillé de conflits perpétuels avec ses rivaux Plantagenêt, de victoires et de défaites militaires, sans oublier d'unions tumultueuses. Une vie fort mouvementée pour celui qui fut considéré comme le premier roi de France.

Mon avis :

Le Roi d'août est un récit de fantasy historique dans lequel Michel Pagel s'est replongé dans la destinée exceptionnelle de Philippe II et à travers lui, celle de la France. Il faut dire que son règne réunit tous les éléments faisant écho aux codes du genre. 

On peut déjà citer les intrigues politiques et les jeux d'influence. En effet, dès son couronnement Philippe II privilégie la maison de Flandre pour réduire le pouvoir de sa mère Adèle de Champagne et du clan champenois. En outre, il épouse Isabelle de Hainaut, la nièce de son parrain, Philippe d'Alsace, le comte de Flandre. Véritable premier acte politique qui lui vaut l'inimitié de sa mère. S'ensuit la signature du traité de Gisors avec Henri II d'Angleterre qui renforce sa position de jeune roi face aux maisons de Flandre et de Champagne. Pour autant, des rivalités demeurent au sein du royaume. Ainsi, en 1881 une brouille entre Philippe II et son parrain ranime le conflit avec les barons que le roi entérinera par le traité de Boves lui confirmant sa mainmise sur le Vermandois, l'Artois et l'Amiénois. Mais sa plus grande préoccupation demeure le conflit qui l'opposa longtemps aux Plantagenêt. Or, en grand stratège, il s'est d'abord lié d'amitié avec les fils pour jouer sur les antagonismes que ces derniers entretenaient avec leur père jusqu'à ce que chacun à leur tour prenne les armes contre lui pour lui reprendre les terres acquises par la guerre ou le mariage. 

Ce qui nous amène à un autre élément cher à la littérature fantasy, à savoir la conquête qui vient donner le caractère épique au récit. On est en plein dedans ici, à travers les manœuvres de Philippe Auguste pour agrandir son territoire. 

Ainsi, Michel Pagel joue pleinement sur les manipulations et les traitrises qui ont eu cours à l'époque pour nourrir son roman et par conséquent, captiver son lectorat.

Mais il ne peut être question de fantasy sans magie. Alors quid de celle-ci entre ces lignes ? Pour le coup, l'auteur se montre très ingénieux en utilisant les mystères qui ont émaillé le règne de Philippe II comme des fenêtres sur l'onirisme. Ainsi, ces miracles que l'on a attribués au roi, notamment au début de sa prise de pouvoir, comme une manifestation divine sont réinterprétés par Michel Pagel comme un héritage surnaturel qui coulerait sommairement dans ses veines. En outre, il procède de la même manière avec Isambour de Danemark que Philippe II a répudiée dès le lendemain de leur noce sans explication valable. L'auteur, lui, y voit là une nouvelle manifestation ésotérique que le monarque ne peut souffrir d'où son rejet. Cette introduction des créatures surnaturelles qui mêlent leurs destins à des dynasties familiales tombe bien à-propos pour envoûter le lecteur en l'emmenant sur des terres que l'Histoire n'a pas encore explorées. 

Même si Le Roi d'août nous conte la vie de Philippe II, l'auteur laisse une grande place aux femmes qui l'ont entouré, en particulier Isambour de Danemark qui mêle ici sa voix à celle du roi pour nous conter ces épisodes historiques. En les mettant en lumière, il souhaite rappeler l'influence qu'elles ont exercé, à l'image d'Aliénor d'Aquitaine ou le courage dont elles ne manquèrent pas comme Isambour qui a subi 20 ans d'emprisonnement avant d'accéder à sa place légitime de reine. Dans une société patriarcale où la femme n'avait pour vocation que d'assurer une descendance ou d'apporter une dote, c'est clairement intéressant de les voir peser sur la scène politique. Elles apportent un regard neuf et incisif sur les événements, d'autant que Michel Pagel a poussé la facétie de faire d'Isambour, une espionne par amour pour la France et son roi. Véritables actrices de leurs destins, les femmes, sous la plume de Michel Pagel, prennent donc réellement le pouvoir. 

En plus de cette pointe féministe, Le Roi d'août est un récit riche en émotions. Il y est d'ailleurs beaucoup question d'amours tourmentés et d'amitiés trahies, ce qui ne manque pas de toucher. Le texte est tumultueux et intense. Il se veut le parfait miroir de cette époque troublée. 

L'auteur l'a agrémenté de thématiques fortes comme le viol sur mineur et les conséquences psychologiques dévastatrices que cela engendre, y compris à l'âge adulte. Bien que courts, des passages sombres et malaisants s'invitent donc entre ces pages. A bon entendeur !

Dans son livre, Michel Pagel nous attache donc aux pas de ce Capétien qui a fait basculer le destin de la France. Il nous apparaît comme un esprit rusé qui n'hésite pas à manipuler et à tromper pour servir sa cause. Pour autant, il reste un preux, soucieux d'un certain code d'honneur, au moins sur le champ de bataille où il accompagne toujours ses hommes pour les galvaniser. On lui découvre aussi une certaine fragilité car il a été beaucoup éprouvé par les drames et les échecs qui lui ont façonné une personnalité très charismatique le rendant clairement fascinant. Quant à Isambour de Danemark, sa pugnacité interpelle. Ballotée de couvents en forteresses, elle a un destin pour le moins atypique. Choisie pour être reine, elle a payé pendant 20 ans le déplaisir d'un roi. Pour autant, elle a tenu bon jusqu'à obtenir gain de cause et ainsi être rétablie dans ses fonctions suprêmes. Sa volonté infaillible et son courage forcent le respect. Elle n'a jamais cédé aux exigences de ce puissant qui a tout fait pour la renvoyer dans sa famille. Les brimades et les privations n'ont donc pas eu prise sur ce caractère bien trempé. Elle incarne la femme forte d'autant que sous la plume de Michel Pagel, elle s'émancipe pour devenir un atout dans la manche de ce monarque ingrat. Ainsi, l'auteur en a clairement fait une héroïne puissante. 

Pour conclure :

Le Roi d'août est une vraie réussite qui nous plonge avec délice dans ce passé haut en couleurs. Personnellement, j'ai savouré ma lecture comme une madeleine de Proust me rappelant mes années universitaires. Je ne peux donc que vous recommander ce roman pour que vous aussi, vous passiez un moment suspendu, hors du temps. En vous souhaitant une excellente évasion livresque!

Fantasy à la Carte

Informations

Michel Pagel
Le Roi d'août
9782361838911
496 pages
Editions Les Moutons électriques

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