L'influence du "gaming" à la littérature

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02/02/2021

Régis Goddyn, Le Sang des 7 Rois, tome 5, éditions L'Atalante

Régis Goddyn, Le Sang des 7 Rois, tome 5, éditions L'Atalante

Avec l'arrivée du tome 5 à la maison, j'ai pu reprendre ma lecture de cette incroyable saga du Sang des 7 Rois de Régis Goddyn. Tous mes remerciements à Emma et aux éditions L'Atalante pour ce nouveau partenariat. 

Après avoir délivré Aldemond des griffes d'Evid, Orville et lui dérivent dans une barque sur une mer intérieure, dénuée du moindre souffle de vent. Alors que tous deux semblent condamnés à une mort certaine, Armine, elle, se découvre être enceinte d'Aldemond. De plus, les réfugiés continuent d'affluer sur l'île du Goulet. Les sept royaumes sont vidés de leur population, les hommes de Lothar ne laissent finalement derrière eux que quelques vieillards et une terre appauvrie. Aléide de Hauterre, devenue une maîtresse en poisons, a pris la route pour retrouver ses fils égarés. Enfin, Lothar a mené son projet à son terme, la forteresse qu'il a fait ériger à Hauterre semble imprenable. Elle aura coûté un lourd tribut alors espérons qu'elle sera à la hauteur de ses espérances ?

Dans ce nouveau volet du Sang des 7 Rois, on retrouve un monde exsangue, marqué par la folie d'un homme. De royaume en royaume, on croise une population rare et vieillissante, affamée et malade. Lothar a redessiné un monde empreint de désolation car beaucoup ont péri. Sa forteresse s'est construite sur un véritable charnier. Pour contrebalancer cette domination, des actions sont menées ici ou là par quelques personnages. Ils constituent la lueur d'espoir pour mettre un terme définitif aux agissements de ce fou. Nul ne comprend les raisons de cette folie mais tous souhaitent que cela cesse. 

Jusque-là, Régis Goddyn nous a donné que peu d'indices sur les raisons de tels actes. Il nous a surtout décrit Lothar comme un personnage mégalomane qui souhaite s'entourer d'une armée au sang bleu pour dominer le monde et reprendre le pouvoir.

Cela nous amène à nous interroger sur la nature de la menace. On l'imagine grande au vu des moyens et des nombreux sacrifices qu'il n'a pas hésité à faire pour construire son fort. Mais de quoi veut-il se protéger ?

Or, l'auteur nous suggère, par quelques éléments disséminés ici et là que celle-ci viendrait d'ailleurs. Cela lui permet d'enrichir son univers d'une autre dimension. Ainsi, Régis Goddyn donne à la magie d'autres racines.

Avec ce cinquième tome, on découvre une fantasy plus complexe, mâtinée de science-fiction car le futur vient interférer dans ce Moyen Âge revisité. 

Régis Goddyn nous ouvre la porte d'un jardin secret où l'intelligence artificielle a un rôle à jouer. En intégrant cet élément, il bouleverse totalement les codes et inscrit son récit dans un autre registre.

Avec le cycle du Sang des 7 Rois, on va de surprise en surprise qui nous laissent étonnés et curieux de découvrir ce que le prochain chapitre nous réserve. 

Voilà une saga de fantasy étonnante qui emprunte des chemins de traverse pour nous faire explorer un univers inattendu et captivant.

Fantasy à la Carte

A lire aussi mes avis sur les tomes 1, 2, 3 et 4 du cycle du Sang des 7 Rois

Régis Goddyn 
Le Sang des 7 Rois
Tome 5
Editions L'Atalante

29/01/2021

Tolkien, le biopic d'un créateur de génie

Tolkien de Dome Karukoski

En 2019 est sorti le biopic Tolkien réalisé par Dome Karukoski. Les avis dessus sont très partagés. Personnellement, je n'avais pas encore eu l'occasion de le regarder, c'est chose faite aujourd'hui, alors j'ai eu envie de vous faire part de mes impressions sur ce film qui était très attendu à sa sortie. 

Après le décès de son père, puis de sa mère, John et son frère sont placés par leur tuteur dans une pension de famille où vit également une autre pensionnaire orpheline du nom d'Edith Bratt dont il s'amourache immédiatement. Parallèlement, il entre à l'école King Edward's où il se lie d'amitié avec trois autres garçons. Plus tard, il réussit à entrer à Oxford mais son tuteur l'oblige à arrêter de voir Edith, qui finit par se fiancer avec un autre homme. Mais juste avant de partir à la guerre, ils se revoient et se promettent de se retrouver après le conflit. De la bataille de la Somme, il revient blessé et a perdu deux de ses amis d'enfance. Il épouse Edith et a avec elle, quatre enfants. Sous ses encouragements, il prend la plume et commence à rédiger les premiers mots du Hobbit

Comme le synopsis l'indique, les scénaristes, David Gleeson et Stephen Beresford se sont concentrés sur les jeunes années de J.R.R. Tolkien qui ont influencé la création de sa Terre du Milieu. Ils ont choisi la Bataille de la Somme comme fil directeur du film en faisant de nombreux retours en arrière dans le passé. En effet, pour tenir moralement dans l'enfer des tranchées, Tolkien se plonge ici dans ses souvenirs et notamment dans les moments heureux ou marquants de sa jeunesse. Ainsi, on commence par le voir jouer dans la verdoyante campagne anglaise, puis il s'installe en ville où très vite, il perd sa mère et est placé avec son frère dans une pension. C'est là qu'il commence à inventer des histoires et une langue imaginaire. La présence bienfaisante d'Edith est sans doute stimulante. Ensuite, il se rappelle les moments passés avec son trio d'amis, ainsi que ses débuts difficiles à Oxford. Au vu de ses éléments, on peut trouver ce biopic très réducteur de la vie de cet homme. En outre, cela inscrit ce film dans un registre assez dramatique en mettant plutôt l'accent sur la perte de ses parents, puis de deux de ses proches amis, sans parler de la guerre qui sert de toile de fond au film. Il en ressort un film poignant qui tire bien volontiers les larmes aux spectateurs. Il est vrai que les scénaristes auraient pu pousser plus loin en mettant également en scène ses belles années d'enseignant à Oxford, ainsi que son travail d'écriture, ses échanges avec son éditeur et la consécration de la publication des ses œuvres de son vivant avec notamment, le succès qu'il a remporté, à l'époque. Pour ma part, j'ai trouvé le film très émouvant. L'ambiance y est tantôt feutrée et intimiste, tantôt brutale et rude. Le point fort est qu'il a réussi à donner vie à des détails de la Terre du Milieu, notamment sur le champs de bataille où J.R.R. Tolkien associe, par exemple, les lance-flammes ennemis aux souffles des dragons. De même, lorsqu'il se retrouve allongé, emmitouflé dans un manteau lors d'une scène terrible dans une tranchée, baignant dans le sang de ses compatriotes, j'y vois clairement un clin d’œil à Frodon, poignardé par un cavalier noir sur le Mont Venteux. Rappelons qu'avec ce film, l'idée était de revenir sur la genèse de sa création, et en cela, c'est une réussite. 

En outre, en mettant en exergue les liens qu'il a noués dans sa jeunesse, on comprend mieux toutes les valeurs que l'on retrouve dans ses livres comme l'amitié, l'amour et la fraternité. Ainsi, la création de la communauté de l'Anneau prend ainsi tout son sens. 

Côté acteurs, je trouve que le duo formé par Nicholas Hoult et Lily Collins pour incarner J.R.R. Tolkien et Edith Bratt est bien choisi. Ils sont particulièrement attachants. Après avoir incarné Anthony Stonem dans la série Skins, et s'être fait remarqué aux côtés de Colin Firth en 2009 dans A Single Man, il enchaîne les apparitions dans les grosses productions : Le Choc des Titans (2010), X-Men : Le Commencement (2011), Warm Bodies (2013), Jack le chasseur de géants (2013) et Mad Max (2015). Figure montante du cinéma, pour ma part, je le remarque surtout aujourd'hui à travers cette interprétation de J.R.R. Tolkien. J'ai trouvé son jeu d'acteur juste et touchant. Il nourrit son personnage de toute la délicatesse, la retenue et la dignité que l'on s'attendait à trouver ici. C'est de toute évidence un choix judicieux pour un tel rôle. Quant à la douce Lily Collins que l'on retrouve aux côtés de Nicholas Hoult. Fille du chanteur Phil Collins, elle a notamment joué dans Identité Secrète (2011), Blanche-Neige (2012), ou encore The Mortal Instruments :  La Cité des Ténèbres (2014). Elle a laissé un peu de côté l'action des films fantastiques dans lesquels elle a joué auparavant pour incarner ici une jeune fille solaire et bienveillante. Véritable muse pour J.R.R. Tolkien, elle lui a inspiré certains des nobles sentiments qui viennent nourrir ses récits. Aérienne et délicate, c'est un plaisir de la voir évoluer à l'écran aux côtés de son partenaire. Ensemble, ils donnent naissance à une très belle et très touchante histoire d'amour. Or, en mettant l'accent sur les balbutiements de leur passion, les scénaristes apportent une douceur bienvenue à ce film plutôt sombre. 

N'ayant pas eu d'attente particulière sur cette production, je ne peux pas dire qu'il m'a déçu comme ce fut le cas pour certains. En revanche, j'aurais apprécié en voir plus sur les années de sa vie au cours desquelles il a écrit ses premières œuvres car le film ne l'aborde que dans ses dernières minutes et cela nous laisse un sentiment d'inachevé. 

En conclusion, il en ressort un film bouleversant qui nous donne un petit aperçu des jeunes années de cet inventeur qui a sublimé la fantasy

Fantasy à la Carte

Tolkien
De Dome Karukoski
Avec Nicholas Hoult & Lily Collins

26/01/2021

Raphaël Bardas, Aux traîtres indomptables, Capharnaüm, L'Héritage des Dragons

Raphaël Bardas, Aux traîtres indomptables, Capharnaüm, L'Héritage des Dragons

La plume de Raphaël Bardas, c'est la belle découverte de l'année 2020. Pépite de l'Imaginaire des éditions Mnémos, son roman Les Chevaliers du Tintamarre, m'a offert un intermède d'une lecture rafraîchissante et cocasse. Mais avec Aux traîtres indomptables, je découvre que Raphaël Bardas n'est pas qu'un simple écrivain de talent car il est aussi un scénariste de jeux de rôle parmi lesquels on en retrouve de célèbres comme Abyme, Agone, Venzia ou encore RetroFutur

C'est d'ailleurs son jeu de rôle Capharnaüm qui lui a inspiré ce premier roman. Je le remercie au passage pour l'envoi de ce livre qui me donne l'opportunité de découvrir une autre de ses facettes.

A Jergath-la-Grande, Makkan Ibn Aziz est un voleur un peu trop fanfaron et au coup de poing facile, ce qui lui vaut d'être exclu de son propre clan. Abandonné à lui-même en plein cœur du désert, il se voit déjà condamné à une mort certaine mais c'est un autre destin qui l'attend. De rencontre en rencontre, Makkan finira par être rattrapé par son étrange héritage. Mais saura-t-il surmonter ses propres démons pour vaincre l'adversité ? 

Aux traîtres indomptables est un court roman composé de trois parties marquant les temps forts de l'action. Raphaël Bardas puise dans l'imaginaire féerique de l'Orient médiéval et s'inspire des péplums de la Rome antique pour donner un cadre à ce récit. 

Si au début du livre, on quitte le désert brûlant pour retrouver l'ambiance douillette et cosy d'un palais des Mille et Une Nuits, par la suite, l'auteur nous fait goûter la poussière des arènes, théâtres des célèbres courses de chars qui ont marqué l'Antiquité. 

Djinns et Shaytan habillent donc ses pages. Makkan sera même le jouet de l'un d'eux. En effet, alors qu'il espérait libérer deux sœurs de l'emprise d'une terrible malédiction, il ne va réussir qu'à s'attirer les foudres de l'entité maléfique. La rencontre avec ses créatures magiques qui le persécutent d'un bout à l'autre de l'aventure colore ce récit de notes épicées d'une fantasy exotique. A l'image de Capharnaüm, l'auteur insère son texte dans un environnement très détaillé, reflet des paysages et du bâti que l'on est en droit de s'attendre dans un tel contexte. 

Maintenant que l'univers est planté, intéressons-nous à son héros à la langue bien pendue. Avec le personnage de Makkan, je retrouve un peu de l'excentricité des fameux chevaliers du Tintamarre. Bagarreur, rusé et imbu de lui-même, Makkan est un héros qui attire l'attention. Haut en couleur, il a la verve facile et ne se démontre d'aucune situation même lorsqu'il se retrouve nu comme un vers. Drôle, il nous entraîne dans une succession de situations parfois abracadabrantes desquelles il espère toujours se sortir. Entre rire et larmes, Makkan sait finalement s'attacher les gens car il est difficile de lui résister. 

En sa compagnie, on ne voit donc pas le temps passer et il nous offre une pause bienvenue entre deux lectures au long cours. 

Action, humour et sensualité sont les maîtres-mots de cette captivante aventure qui offre une plaisante incursion dans ce jeu de rôle qu'il nous soit familier ou non. 

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog mon avis sur le truculent, Les Chevaliers du Tintamarre, éditions Mnémos. 

Raphaël Bardas
Aux traîtres indomptables
Capharnaüm
L'héritage des Dragons

22/01/2021

Estelle Faye, Un Reflet de lune, éditions ActuSF

Estelle Faye, Un Reflet de lune, éditions ActuSF

Sept ans après la sortie d'Un Éclat de givre aux éditions Les Moutons électriques, Estelle Faye fait remonter sur scène son célèbre chanteur jazzy, Chet dans un nouveau roman intitulé Un Reflet de lune. C'est aux éditions ActuSF que celui-ci paraît, dans leur superbe collection, Perle d'Epices. On ne pouvait espérer plus bel écrin pour accueillir ce tout nouveau texte qui prend place dans le même univers que son premier succès. 

Pour avoir eu un vrai coup de cœur pour Un Éclat de givre, je ne vous cache pas que cette sortie m'enchante. D'ailleurs, je remercie Jérôme Vincent et les éditions ActuSF pour ce premier partenariat de l'année. 

Un an après la Grande Canicule, créée artificiellement par une bande de fanatiques, Chet se remet doucement du nouvel abandon de sa meilleure amie, Tess, partie à bord d'un train pour explorer les Terres vides. Il remonte depuis peu sur scène sous les traits de l’irrésistible Thaïs et enchaîne les concerts avec son pianiste et amant occasionnel, Damien. Tout pourrait être normal si ce n'est cette pluie diluvienne qui ne cesse de s'abattre sur Paris depuis quelque temps, mettant tout le monde à cran. Plus étrange encore, des clones de Chet ont été vus aux quatre coins de la ville comme si on voulait l'impliquer dans une affaire criminelle de grande envergure. Alors que Chet court après ses sosies, il se retrouve malgré lui dans une situation épineuse impliquant une nouvelle secte d’hurluberlus qui se sont mis en tête de purifier la ville. Alors, est-ce que Chet réussira encore à se sortir de ce marasme nauséabond qui menace autant la ville que sa vie ? 

Comme dans Un Éclat de givre, ce nouveau récit d'Estelle Faye est centré sur le duo que forment Chet et Paris. Leur vie et leur destin semblent intimement liés. Il est vrai que Chet est très attaché à sa ville et fait même preuve d'une certaine possessivité. Il aime parcourir ses lieux et en connait chaque recoin. A travers son regard, on découvre un Paris divisé en une multitude de quartiers différents qui dégagent autant d'ambiances variées. Chet aime se promener dans ses rues et se nourrir de ses diversités. 

Estelle Faye nous offre donc un univers dépaysant dans lequel la capitale revêt bien des visages. Ici, la Tour Eiffel baigne dans l'eau d'un lagon, bordé de maisons sur pilotis. Quant à Notre-Dame, elle est le quartier général d'une puissante communauté de gens du voyage. Ainsi, chaque zone de la ville est occupée par un clan différent qui a su s'adapter et développer de nouveaux modes de vie. Même si les humains d'avant l'apocalypse ont fortement pollué les lieux, à l'image de l'eau de la Seine devenue hautement toxique pour quiconque y plongerait un orteil, comme en fera l'expérience Chet au début de l'aventure, de nouveaux écosystèmes ont tout de même vu le jour. La végétation n'a jamais été aussi exubérante. Il faut dire qu'elle est le résultat de manipulations génétiques qui ont échappé à tout contrôle. Aussi, il faut se méfier de certains gazons cannibales ou des saules "étrangleurs". Néanmoins, cette nature tapageuse fait de Paris, un antre exotique et fascinant. A travers ses livres, Estelle Faye rend donc hommage à la ville lumière en la hissant au rang de personnage. Dans l'imaginaire de cette autrice, elle est un cœur qui bat à l'unisson de cette vie foisonnante qu'elle accueille en son sein. Mais avec Chet, on sent la relation particulière qui les lie. Âme sœur de cet être complexe, elle pourrait même être l'une de ses maîtresses car Chet est un séducteur. Tantôt homme, tantôt femme, nul ne lui résiste. Avec sa voix suave, cet artiste plaît et aime plaire, souvent plus que de raison, au point de créer de nombreux mécontentements parmi ses ex éconduit.e.s. Chet est un esprit libre qui assume pleinement toutes les facettes de sa personnalité. C'est un personnage charismatique qui porte l'aventure à lui seul. Ni fort, ni faible, il mène ses convictions jusqu'au bout et nous entraîne à perdre haleine dans ce labyrinthe que forme la capitale. A travers lui, c'est toute une musicalité qui se dégage, les moments où il chante, procurent des respirations dans notre lecture de ce livre et nous permet d'apprécier toute la poésie de ce texte. 

Un Reflet de lune est un récit fluide où l'action est menée tambour battant. Estelle Faye a ici emprunté au thriller pour colorer son post-apo où l'on retrouve un Chet au cœur d'une machination impliquant la sécurité de Paris. C'est donc dans une course contre la montre qu'il s'engage pour démasquer ceux qui en ont après lui et surtout comprendre le but d'avoir fait des clones de sa personne, tout en mettant à jour les agissements de cette organisation secrète qui semble vouloir racheter une pureté à la ville.

De fait, Estelle Faye laisse s'installer une atmosphère de suspicion et de défiance qui monte crescendo jusqu'à atteindre son point de rupture. On peut sans doute y voir là un effet miroir de ce que l'on vit actuellement. Elle nous rappelle qu'une situation sur laquelle on n'a pas prise peut vite dégénérer à en faire perdre la raison. 

Avec Un Reflet de lune, c'est un pari réussi pour Estelle Faye qui nous propose à nouveau un roman captivant. On plonge avec délectation dans ce Paris futuriste et merveilleux qui nous immerge dans une réalité parallèle très crédible.

Nouveau coup de cœur pour un univers époustouflant et une plume toute en délicatesse. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mon avis sur Un Éclat de givre, ainsi que sur Les Seigneurs de Bohen et Les Révoltés de Bohen

Informations

Estelle Faye
Un Reflet de lune
321 pages
978-2-37686-332-8
Editions ActuSF

19/01/2021

Vincent Tassy, Diamants, éditions Mnémos

Vincent Tassy, Diamants, éditions Mnémos

Figure des éditions du Chat Noir, Vincent Tassy est un amateur de vampirisme et d'univers fantastiques. Il est déjà l'auteur de plusieurs romans qui s'inscrivent, d'ailleurs, dans ce courant littéraire à l'image d'Apostasie, d'Effroyable Porcelaine ou encore de Comment le dire à la nuit

Avec Diamants, il change de registre et propose un texte de fantasy qu'il a tout spécialement écrit pour les éditions Mnémos. Une formule sur mesure qui vaut à son roman d'être édité en tant que Pépite de l'Imaginaire, à paraître en février prochain. 

N'ayant encore jamais lu la prose de cet auteur, malgré tous les bons retours que j'ai entendus dessus, je suis très curieuse de la découvrir avec Diamants. Je remercie donc Estelle Hamelin et les éditions Mnémos pour ce nouveau partenariat. 

Dans ce roman Vincent Tassy nous emmène à la cour d'Oestrange. On y rencontre la reine Alamasonthe et ses deux filles, Daphnéa et Savannah. Depuis l’Évanescence, la magie  s'est étiolée dans le royaume. L'arrivée d'un ange va bouleverser les choses. C'est une venue qui avait été prédite par le Livre sacré Diadema, même si pour beaucoup, cela relevait surtout du mythe. Certains y voient le signe de grandes richesses et d'autres, d'un désastre à venir. Quoi qu'il en soit, c'est l'effervescence à Oestrange qui voit là une occasion de briller à nouveau. Une cérémonie en l'honneur de cet Or Ailé ne tarde pas à venir, ce sera le moment de désigner le Laquais qui le servira. Pour Mauront, il y voit l'opportunité d'élever sa condition sociale. Pour être élu, il est même prêt à dévoiler son don particulier avec les fleurs. Mais cela pourrait être une folie que de s'exposer ainsi ? Tandis que Mauront espère un nouveau départ, des intrigues se forment dans les coulisses du pouvoir et pourraient bien faire vaciller la royauté et la paix. 

Diamants, c'est déjà un univers onirique qui nous éblouit par son éclat. L'auteur insère son récit dans un cadre d'action vaste qui nous emmène à la découverte de lieux mystérieux et éblouissants. Ainsi, on passe d'un incroyable palais, digne de la Renaissance au royaume secret de Ronces, après avoir préalablement traversé une forêt sombre et dangereuse. Il y est également question des cités cachées des Brumes. Ici, Vincent Tassy se fait l'inventeur d'un univers enchanteur en empruntant autant aux contes qu'aux mythes. De fait, Ronces pourrait être la métaphore du château enchanté, et les Brumes pourraient, quant à elles, incarner soit l'Atlantide, soit l'Enfer. Dans tous les cas, on se sent irrésistiblement attirés par ces lieux qui nous plongent dans une douce rêverie et font naître en notre cœur une certaine indolence. 

Or, cette langueur imprègne les trois-quarts du livre car Vincent Tassy joue souvent ici la carte de la retenue. En effet, il ne fait montre d'aucune précipitation dans le déroulement de son histoire, pourtant les péripéties ne manquent pas. Alors ne croyez pas que ce texte soit tout en longueurs car il n'en est rien. L'auteur y enchaîne les événements à point nommé et nous laisse le temps d'apprécier chaque passage. 

Ainsi, si au début du livre, on se trouve dans une certaine contemplation béate, l'ambiance évolue assez vite au fil des pages pour nous faire vivre des moments critiques et même douloureux. 

Dans Diamants, l'auteur joue avec nos émotions et nos sensations. Il alterne douceur et violence, et se fait tantôt caressant en laissant libre court à une certaine sensualité, tantôt cruel en malmenant ses personnages qu'il plonge dans de terribles tourments. 

Diamants est un roman choral qui donne la parole à une poignée de héros. A travers eux, Vincent Tassy explore les contradictions humaines. Il y a, par exemple, Alamasonthe, une monarque au caractère froid qui est rattrapée par son passé, notamment par la douleur de l'abandon. Marqué par le départ de son mari, elle a fermé son cœur à ses deux filles et est devenue une femme glaciale. Elle est à l'image de son royaume et incarne le déclin en se laissant doucement glisser dans la folie. Son aînée, Daphnéa est l'antithèse d'une dauphine, future souveraine. Pour preuve, elle préfère s'enfoncer peu à peu dans l'invisibilité pour se faire oublier. Savannah, quant à elle, dispose d'une personnalité plus rayonnante. Cette cadette serait donc un meilleur choix à la succession. Dolbreuse est le mancien de Vaivre et il occupe également le rôle de chambellan de la reine. Avec sa floromancie déclinante, ses prédictions manquent de clarté. Cela fait de lui un piètre magicien, alors on s'interroge sur sa réelle utilité à la couronne. A contrario, Marmont s'avère être un mage puissant qui dispose d'un grand pouvoir, fruit d'un héritage mystérieux. Enfin, l'Or Ailé autour duquel tout tourne est le personnage le plus énigmatique de cette histoire. Il incarne à la fois l'aurore et le crépuscule autant pour Vaivre que pour le reste du monde. L'existence des anges demeure un secret bien gardé qui suscite moult interrogations et fascinations. Vincent Tassy s'appuie sur des héros étonnants pour faire vivre son histoire afin de surprendre et d'amener le lecteur là où il ne s'attend pas.

Diamants est un récit enivrant et poétique qui nous entraîne au cœur d'une fantasy oscillant entre lumière et obscurité. Coup de cœur de ce début d'année, ce livre m'a même donné envie d'aller faire un petit tour du côté de ses autres textes. 

Fantasy à la Carte

Vincent Tassy
Diamants
Editions Mnémos