L'influence du "gaming" à la littérature

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09/08/2019

Rozenn Illiano, Le Phare au Corbeau, éditions Critic

Le Phare au Corbeau n'est pas le premier roman de Rozenn Illiano, mais c'est le premier que je lis d'elle. Autrice, créatrice, artiste, elle se sert de nombreux supports pour exprimer sa fascination envers les univers imaginaires. 

Comme tous les romans publiés par les éditions Critic, celui-là n'échappe pas à la règle et offre un univers aussi grandiose que fascinant. 

Tout dans ce roman est attirant. A commencer par la couverture, signée Xavier Collette, qui exerce sur nous une véritable attraction. Il s'en dégage une telle aura de mystère qu'on n'y résiste pas. C'est une fenêtre sur une Bretagne fière, secrète et sauvage. 

Le Phare au Corbeau nous propose une intrigue peuplée de fantômes et de secrets. Porté par un duo de héros, amis d'enfance et chasseurs de fantômes de profession, il met en scène Isaïah et Agathe, qui nous entraînent dans leur quotidien peu conventionnel. Ils ont monté un business d'exorcisme et vendent leurs services aux personnes confrontées à un esprit en colère qui hante leurs maisons afin de les en débarrasser. Né dans une famille de sorciers, Isaïah ne possède pas de dons mais pratique le Hoodoo. Ce qui lui permet de rentrer en contact avec les morts par le biais de textes bibliques et l'utilisation d'herbes, d'huiles et de cristaux.  A contrario, Agathe possède un don de double-vue incomplet qui lui permet juste de voir les défunts afin de les renvoyer loin des vivants (sans pour autant réussir à rentrer en contact avec eux pour connaître les raisons de leur présence persistante). Voici les deux héros de Rozenn Illiano qui nous emmènent en terre bretonne pour tenter de nettoyer une vieille demeure hantée. Perchée sur une falaise, Ker ar Bran, avec son phare, tient en respect le visiteur. On la déclare hantée. Les habitants du petit village de Landrez y croient. Certains auraient été témoins de phénomènes paranormaux. Tous se tiennent à l'écart des lieux, surtout du phare que l'on dit maudit. Tous, sauf Léna et Thomas qui ont décidé de rénover la propriété pour en faire des chambres d'hôtes. Seulement, lorsque leur petite fille, Ambre manque de tomber de la falaise, après avoir suivi un fantôme, ils sont bien obligés de faire appel à des professionnels pour exorciser les lieux. A peine arrivée, Agathe ressent un lien particulier avec le domaine comme si elle était déjà venue. Elle sent également la présence des ténèbres. Une noirceur ancienne s'est abattue ici. Et il n'est pas dit qu'elle réussisse, même avec l'aide d'Isaïah, à faire face aux forces du Mal qui sont à l'oeuvre ? 

Le Phare au Corbeau est le genre de roman qui nous fait retenir notre souffle. Captivée par les premières lignes, je n'ai, pour ainsi dire, presque pas pu m'en détacher jusqu'à la fin. L'intrigue nous met la chair de poule. En bonne bretonne, Rozenn Illiano fait honneur à ses racines. Légendes et superstitions hantent son récit. Des éléments qui contribuent à donner une ambiance ésotérique et ténébreuse au roman. On est à la fois effrayé et intrigué. L'autrice joue sur nos émotions, et particulièrement sur la peur. Elle fait monter la tension crescendo au point de nous faire sursauter au moindre claquement de porte. 

J'ai tout aimé dans ce livre, autant bien les personnages hauts en couleurs, que l'histoire prenante, ou les lieux, chargés d'ombre et de lumière. L'autrice y retranscrit bien la vie dans les petites communautés avec son lot de médisance et d'ignorance. Je remercie la maison d'édition pour cette lecture en avant première. C'est véritablement un coup de cœur, et j'espère qu'il en sera de même pour vous, chers lecteurs ! 

Avec Le Phare au Corbeau, Rozenn Illiano signe un roman puissant qui pourrait bien réveiller nos angoisses nocturnes et nos peurs d'enfant. 

Ce roman va indéniablement secouer la rentrée fantasy des éditions Critic. Il vous promet une lecture qui ébranlera toutes vos certitudes de cartésien, croyez-moi !

Fantasy à la carte

Rozenn Illiano
Le Phare au Corbeau
Editions Critic

Découvrez l'univers de Rozenn Illiano : https://www.onirography.com/

06/08/2019

H. Roy, Rien qu'on puisse regretter, Les Els, tome 1, éditions France Loisirs

Très active sur la toile, H. Roy a su faire la promotion de son premier roman. En tant que blogueuse, j'avais été d'emblée attirée par sa parution. 

Mais, ayant régulièrement une PAL très fournie, je n'avais pas eu l'occasion de lire Les Els lors de sa parution aux éditions J'ai Lu. Etant membre du club France Loisirs, j'ai pu me le procurer dès qu'il a figuré à leur catalogue. Autant vous dire que je n'ai pas hésité à l'acheter. 

Me voilà donc aujourd'hui, le livre entre les mains, à venir vous en parler. 

La première chose à dire sur ce roman est que c'est du Young Adult. Il nous plonge dans la vie d'une lycéenne américaine. On peut dire que Connor mène une vie ordinaire. Elle va au lycée, passe du temps avec ses copines et sait s'amuser quand il le faut. Tout serait parfait si son meilleur ami n'avait pas subitement coupé les ponts avec elle et si elle n'était pas assaillie chaque nuit par de suffocants cauchemars. Lorsque sa tante débarque, suivie de sa grand-mère qu'elle connait très peu, elle se doute que quelque chose se trame. Surtout quand "M", son fameux ex-meilleur ami, devenu accessoirement un mec super canon, fait son grand retour lui aussi. Là, elle sent que de terribles choses lui ont été cachées. Et les nouvelles dont ils sont porteurs risquent bien de chambouler sa vie de manière irrémédiable. Changement et transformation sont à prévoir pour cette jeune fille finalement pas si ordinaire.

Pour son premier roman, H. Roy a choisi la littérature initiatique avec une héroïne qui arrive à la croisée des chemins. C'est le moment où elle doit tourner le dos à son enfance pour devenir adulte. C'est un passage important où la quête d'identité prend toute sa place. C'est la fin de l'insouciance qui laisse place à une prise de conscience totale de la réalité. Période de transition et d'évolution pour ces adultes en devenir. Le moment est arrivé pour Connor de prendre la mesure de son héritage. 

Dans son récit, H. Roy nous tiraille entre la gravité des événements, les dangers qu'encourt Connor depuis qu'elle est devenue une cible, et la légèreté d'une vie d'adolescente qui semble davantage préoccupée par ses premiers émois amoureux. L'autrice a délibérément choisi ici de faire se télescoper un monde ordinaire à un autre plus fantastique. A l'image de son héroïne, on appréhende l'univers de H. Roy. Il y est question de créatures fantastiques qui partagent une certaine similitude avec les vampires sans pour autant en être. Les Els se présentent un peu comme des humains augmentés que l'on pourrait qualifier de super-héros puisqu'ils ont l'apparence des hommes mais détiennent des pouvoirs. Quant aux prédateurs qui les traquent, ce sont des Els déchus qui ont goûté au sang et sont devenus des assassins. Ils sont un danger pour l'espèce des Els et nécessitent le sacrifice de certains pour servir et protéger le plus grand nombre. H. Roy en fera d'ailleurs le cœur de son intrigue à travers Connor qui, en tant que jeune Els, devra leur échapper, tout en apprivoisant ses nouveaux dons. 

H. Roy met en scène une communauté de personnages relativement importante. Mais, je dois dire que j'ai un petit faible pour le trio que forment Connor, "M" et son gardien. Ils ouvrent des perspectives intéressantes quant à l'évolution de l'intrigue. Je ne demande qu'à voir la suite qu'elle va donner aux événements. 

Comme beaucoup de livres du genre, celui de H. Roy présente un caractère addictif indéniable. On apprécie autant l'univers proposé que les personnages qui l'animent. En somme, c'est une lecture qui vide bien la tête.

Fantasy à la carte

H. Roy
Les Els
Tome 1
Editions France Loisirs

30/07/2019

Claire Krust, Les Secrets d'Eole, collection Bad Wolf, éditions ActuSF

Les Secrets d'Eole achève le diptyque de Claire Krust, dont la première partie est sortie, en 2018, à l'occasion de la rentrée des Indés de l'Imaginaire

C'est avec grand intérêt que Fantasy à la carte ré-embarque dans le sublime univers de cette autrice. On y retrouve Céléno qui a accompli sa vengeance. Le Raniarque, responsable du génocide de son peuple, est mort. C'est à son petit-fils qu'incombe maintenant sa charge. Or, de par sa nature métisse, les enfants d'Hélias survivants espèrent qu'il sera un meilleur souverain, plus tolérant. En tout cas, l'Etre de l'eau Sujin y croit. Il s'est attaché à cet enfant. Par amitié pour son père, il a souhaité devenir son précepteur afin de lui inculquer d'autres valeurs. Il y voit aussi l'occasion de permettre aux Enges de reconquérir leurs droits et de vivre, enfin, libres. Mais est-ce qu'un adolescent sera capable de faire le poids face à la pression de son entourage ? Les nobles risquent de s'agiter en coulisse et de s'opposer ouvertement à ses décisions. Après tout, remettre à plat un système n'est pas tâche facile et promet quelques belles turbulences dans la péninsule de Rania. 

Un second volet qui, comme on s'y attendait, est riche en révélations. Des secrets sont mis au jour, notamment concernant l'origine du cataclysme. En prendre connaissance, aujourd'hui, pourrait changer bien des choses ou au contraire les répéter. Une chose est certaine, à la lecture du roman, on sent que le danger que courent les enfants d'Hélias, atteint son paroxysme. Menacés d'extinction définitive, sauront-ils enfin trouver les voies de la communication et de l'union pour survivre et renaître ? 

La plume de Claire Krust est très fluide. Son récit est intimiste, davantage centré sur ses personnages et leurs histoires personnelles. Elle n'est pas l'autrice d'une fantasy héroïque dans laquelle les protagonistes mènent des chevauchées épiques. Bien loin de là, l'autrice a choisi d'entremêler ses intrigues autour de créatures fantastiques qui s'ébattent dans un monde humain où la magie est rejetée. Elle met en lumière ce qui déchire le monde depuis des temps immémoriaux : la xénophobie, l'intolérance et l'esprit de conquête. 

Avec ce diptyque, elle signe un roman profondément humaniste tout en jouant avec toutes les tonalités que la fantasy peut offrir. 

Fantasy à la carte

Claire Krust
Les Secrets d'Eole
Collection Bad Wolf
480 pages
978-2-36629-980-9
Editions ActuSF

A lire aussi, L'envolée des Enges de Claire Krust, collection Bad Wolf, éditions ActuSF. 

23/07/2019

Lionel Davoust, La Messagère du Ciel, Les Dieux Sauvages, tome 1, éditions Critic

La Messagère du Ciel entame l'ambitieux cycle des Dieux Sauvages de Lionel Davoust. Cinq tomes sont prévus, aux éditions Critic, et trois sont déjà parus.

Récompensé par le prix Elbakin.net 2017, ce premier volet ne pourra que susciter l'intérêt des amateurs du genre. 

On y suit les aventures périlleuses qui s'abattent sur les différents protagonistes de l'auteur, chacun  d'eux poursuivant sa propre quête. La Rhovelle est sur le point de connaître une guerre sans précédent, de sombrer dans la folie. Depuis la chute de l'Empire d'Asrethia, le monde est distordu, parcouru d'anomalies qui ont donné naissance à des zones instables, dangereuses et inhabitables. C'est dans cet univers que la jeune trappeuse Mériane est choisie par le dieu Wer pour devenir son Héraut, sa voix, son bras armé : elle aura pour mission de fédérer les peuples et d'organiser la défense du royaume face aux forces du Mal qui ne vont pas tarder à déferler. Choix étonnant, quand on pense à la société féodale - archaïque et misogyne - qui régente ce monde ! Mais ne dit-on pas que les voies du Seigneur sont impénétrables ? 

Un monde déchiré, deux Dieux frères ennemis, une poignée de héros qui nous paraissent bien démunis pour affronter les dangers à venir, telles sont donc les prémices des Dieux Sauvages de Lionel Davoust.

L'auteur nous plonge dans une fantasy mâtinée de post-apo. Les Dieux y sont omniscients. Ils confèrent de grands pouvoirs à ceux qu'ils jugent dignes de pareille élection. Le monde de Lionel Davoust est corrompu. Tout ce que touche cette souillure est profondément modifié. Ainsi, des humains sont changés : augmentés pour certains, dénaturés pour d'autres. Tandis que les premiers fusionnent avec la matière et deviennent des êtres mi-hommes, mi-machines, les seconds, eux, sont transformés en morts-vivants. Les Mortes-Couronnes abandonnées par Wer ont permis à Aska d'étendre sa sombre influence, et, de ce peuple, Aska fera son armée, qu'il lancera, tels des chiens de l'Enfer, sur La Rhovelle afin de prendre sa revanche sur Wer. 

Combat des Dieux, combat des peuples : la lutte entre le Bien et le Mal est bien mise en exergue dans cette saga.

Amorcé dans des textes antérieurs, le projet fou de Lionel Davoust continue donc d'évoluer avec Les Dieux Sauvages. Nourri de nombreuses influences, l'incroyable univers d'Evanégyre se dévoile à travers différents récits (romans et nouvelle) dans lesquels l'auteur fait vivre pléthore de héros, dont certains se révèlent archétypaux. Ainsi dans La Messagère du Ciel, on va retrouver la figure de la pucelle Jeanne d'Arc, incarnée par Mériane. Une femme solitaire qui se retrouve, bien malgré elle, obligée d'haranguer les foules. Traquée par des fanatiques religieux, hués par des hommes misogynes, la jeune Mériane devra lutter autant contre cette population rétrograde que contre les ennemis de Wer. Sa mission sera non seulement de sauver La Rhovelle, mais aussi et surtout de faire évoluer les mentalités. A la lecture d'un tel portrait, on sent notre âme d'insurgé se réveiller. D'autres, tout aussi complexes, voire mystérieux, viendront lui prêter main forte. Je pense notamment à ce moine weriste qui deviendra son compagnon d'armes. 

Ni blanc, ni noir, les héros de Lionel Davoust dissimulent des secrets, des rêves, des ambitions qui leur donnent de la profondeur et de l'intérêt. Hormis Jeanne D'Arc, d'autres grandes figures de l'Histoire ont dû inspirer l'auteur, comme Jules César, que l'on retrouve un peu dans le Duc de Magnécie, par exemple... Mais je ne vais pas vous brosser le portrait de chacun d'eux, je préfère vous laisser le plaisir de vous faire votre propre opinion. Sachez seulement qu'ils forment une surprenante compagnie de héros qui s'apprêtent à écrire une page marquante de leur histoire. 

Ce premier roman s'apprécie dans la durée. On feuillette lentement cette histoire racontée à plusieurs voix. Lionel Davoust prend son temps dans l'exposition de son intrigue afin de nous laisser tout le loisir de nous l'approprier. 

Aux dernières lignes du roman, la frustration est là. On est déjà dans les starting-blocks pour lire la suite ! 

Les héros, la magie, les secrets se croisent entre ces lignes et nous font déjà aimer cette épopée de fantasy.


Fantasy à la carte

A lire aussi Port d'Âmes et Les Questions Dangereuses du même auteur.

Lionel Davoust
La Messagère du Ciel
Tome 1
Les Dieux Sauvages

09/07/2019

Jean-Laurent Del Socorro, Royaume de Vent et de Colères, éditions ActuSF

En 2015, Jean-Laurent Del Socorro faisait une entrée remarquée dans le paysage des littératures de l'Imaginaire. 

Pour un auteur qui se plaît davantage à écrire des nouvelles de science-fiction, s'atteler à un plus grand format, qui plus est, dans un autre genre, lui réussit tout aussi bien.

1596, Marseille est gouvernée par le consul Charles de Casaulx. Cette indépendance autoproclamée nargue depuis trop longtemps le roi Henri IV. Ce dernier estime que le temps est venu de se lancer, avec ses troupes dans la reconquête de l'intégralité de son royaume, afin de devenir pleinement le roi de France. Les agissements des ligueurs catholiques de Provence n'ont que trop duré. Alors que dans les coulisses de l'Histoire, un siège se prépare, l'auberge de La Roue de la Fortune est le théâtre d'événements importants qui vont influencer le destin du royaume de France. Des personnages vont s'y croiser et chacun aura un rôle à jouer même s'ils n'en ont pas tous consciences. Que ce soit cette ancienne capitaine mercenaire, ce chevalier retraité, cette vieille intrigante à l'allure inoffensif ou encore ces deux jeunes hommes qui semblent vivre un sevrage difficile, tous sont des pièces maîtresses de l'auteur pour nous dévoiler l'envers du décor d'un moment fort de l'Histoire. 

Royaume de Vent et de Colères enchaîne des chapitres courts qui correspondent à chaque fois à un point de vue de l'un des protagonistes de cette histoire. Dès le départ, cela donne un bon rythme à l'action. Jean-Laurent Del Socorro a pris le parti de partager son livre en trois parties. Une première qui permet de faire connaissance avec chacun de ses héros qui arrivent à l'auberge, une seconde qui met en lumière des moments-clé de leur passé et éclaire sur les raisons de leur présence à ce moment critique de l'action et une troisième qui apporte le dénouement de l'histoire. 

La magie de ce roman s'exprime par l'intermédiaire de l'Artbon. C'est une sorcellerie dangereuse. Elle consume celui qui la pratique. Elle est comme une drogue qui finit par avoir raison du magicien. Elle pourrait servir à soigner mais est uniquement utiliser comme une arme de destruction massive bien utile pour un roi en conquête.

Royaume de Vent et de Colères est une histoire prenante portée par une communauté de héros très attachants. Ce ne sont que des gueules cassées que Jean-Laurent Del Socorro a choisi de mettre en scène. C'est cette petite touche qui rend son roman si passionnant. Il donne une nouvelle réalité à une période troublée et méconnue de l'Histoire de la cité phocéenne. 

Avec Royaume de Vent et de Colères, Jean-Laurent Del Socorro se fait l'auteur d'une fantasy historique digne des plus grandes plumes du genre. 


Fantasy à la carte


Jean-Laurent Del Socorro
Royaume de Vent et de Colères
304 pages
978-2-36629-889-5
Editions ActuSF