De la nouvelle au roman, de la littérature jeunesse à l'Imaginaire Adulte, Pascaline Nolot est indubitablement un nom à retenir.
Récompensée par le prestigieux prix Imaginales des lycéens en 2021, son roman Rouge vient d'être réédité au format poche chez Pocket Imaginaire.
Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse.
Résumé :
Malombre, petite bourgade perdue sur le mont Gris et bordée par l'inquiétant Bois-Sombre. C'est là que vit Rouge, une jeune fille persécutée depuis son enfance par presque tous les villageois pour la disgrâce écarlate qui enlaidit ses traits. Tous y voient là la marque du malin surtout depuis que sa mère a fauté avec Satan, maudissant à jamais le village. En effet, celui-ci est sous le joug d'une malédiction le condamnant à devoir envoyer toutes les jeunes filles après leur premier sang à la sorcière ermite surnommée, Grand-Mère qui vit au cœur des bois. Nul ne sait ce qu'il est advenu de chacune d'elles car aucune n'est jamais revenue. Or, c'est maintenant au tour de Rouge de se conformer à cette abjecte obligation. Alors que le village est en liesse de se débarrasser de la jeune fille, elle s'inquiète quant au funeste destin qui l'attend, même si elle a le pressentiment que les questions qu'elle se pose à son sujet et sur sa naissance se trouvent justement là-bas. Néanmoins, qui peut présager de l'avenir qui l'attend ?
Mon avis :
Avec Rouge, Pascaline Nolot nous propose une réécriture du Petit Chaperon Rouge. Aussi, on va y retrouver des éléments factuels du conte à travers la figure de la grand-mère, du loup, du chasseur et de la jeune fille encapuchonnée. Nous voici projeté à Malombre, un bourg dévot et superstitieux où plane l'ombre maléfique d'une sorcière qui a condamné les villageois à lui payer un lourd tribut sous la forme de jeunes filles en échange d'une relative protection contre toutes sortes de cataclysmes. Ainsi, chaque fois qu'une jeune fille a ses premières règles, un groupe de loups ensorcelés vient la chercher pour la conduire dans le repaire de l'ensorceleuse située au sein de la forêt. Nul ne peut s'y soustraire sans connaître une fin tragique. Quant au reste des habitants du village, ils ont interdiction d'en franchir les frontières sous peine d'en perdre également la vie. Frustrés et apeurés par cette ignoble situation, les villageois tiennent l'une des leurs pour responsable depuis qu'elle a viré folle, soupçonnée d'avoir copulé avec le diable pour avoir un enfant. Puis, après sa disparition, ils ont rejeté la faute sur sa fille née avec une marque écarlate lui défigurant le visage. Nul doute que pour eux, c'est bien la preuve qu'elle est un rejeton de Satan. Aussi, son enfance est marquée par les brimades, le rejet et la défiance.
Rouge est un conte sombre et cruel qui met à jour la monstruosité des humains. Celle-ci s'épanouit dans la peur déshabillant les hommes et les femmes de leur humanité pour laisser libre cours à leur bestialité. Le monstre n'est pas forcément ce qu'il paraît et se tapit bien volontiers dans les cœurs que l'on croyait pourtant honorables. Aussi, celle que l'on taxe si facilement de monstre par ignorance et méchanceté n'est qu'une victime d'un machiavel insoupçonné.
Rouge, c'est surtout la quête d'une gamine qui se sait condamnée à une mort certaine mais qui ne perd pas espoir de connaître le secret sur ses origines et les raisons de la folie de sa mère avant de trépasser. On va donc la suivre dans ses péripéties à affronter d'abord l'opprobre et la haine des villageois, puis les dangers de la forêt et enfin une funeste sorcellerie.
C'est un récit mené tambour battant qui distille une ambiance horrifique oppressante comme ont pu l'être les contes dans leur version originelle. A travers son roman, Pascaline Nolot nous dresse un portrait anthropologique sans concession des comportements psycho-sociaux d'une petite communauté. Elle y met en exergue les dérives à travers la stratégie du bouc émissaire bien utile pour canaliser la vindicte populaire. En effet, focaliser les rancœurs sur un même être est un procédé utilisé depuis la nuit des temps pour calmer les ardeurs populaires et faire détourner le regard des vraies causes du mal.