L'influence du "gaming" à la littérature

Google console

accueil2

accueil2

23/06/2023

Pascaline Nolot, Rouge, Pocket Imaginaire

Pascaline Nolot, Rouge, éditions Pocket Imaginaire 

De la nouvelle au roman, de la littérature jeunesse à l'Imaginaire Adulte, Pascaline Nolot est indubitablement un nom à retenir. 

Récompensée par le prestigieux prix Imaginales des lycéens en 2021, son roman Rouge vient d'être réédité au format poche chez Pocket Imaginaire.  

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Malombre, petite bourgade perdue sur le mont Gris et bordée par l'inquiétant Bois-Sombre. C'est là que vit Rouge, une jeune fille persécutée depuis son enfance par presque tous les villageois pour la disgrâce écarlate qui enlaidit ses traits. Tous y voient là la marque du malin surtout depuis que sa mère a fauté avec Satan, maudissant à jamais le village. En effet, celui-ci est sous le joug d'une malédiction le condamnant à devoir envoyer toutes les jeunes filles après leur premier sang à la sorcière ermite surnommée, Grand-Mère qui vit au cœur des bois. Nul ne sait ce qu'il est advenu de chacune d'elles car aucune n'est jamais revenue. Or, c'est maintenant au tour de Rouge de se conformer à cette abjecte obligation. Alors que le village est en liesse de se débarrasser de la jeune fille, elle s'inquiète quant au funeste destin qui l'attend, même si elle a le pressentiment que les questions qu'elle se pose à son sujet et sur sa naissance se trouvent justement là-bas. Néanmoins, qui peut présager de l'avenir qui l'attend ? 

Mon avis :

Avec Rouge, Pascaline Nolot nous propose une réécriture du Petit Chaperon Rouge. Aussi, on va y retrouver des éléments factuels du conte à travers la figure de la grand-mère, du loup, du chasseur et de la jeune fille encapuchonnée. Nous voici projeté à Malombre, un bourg dévot et superstitieux où plane l'ombre maléfique d'une sorcière qui a condamné les villageois à lui payer un lourd tribut sous la forme de jeunes filles en échange d'une relative protection contre toutes sortes de cataclysmes. Ainsi, chaque fois qu'une jeune fille a ses premières règles, un groupe de loups ensorcelés vient la chercher pour la conduire dans le repaire de l'ensorceleuse située au sein de la forêt. Nul ne peut s'y soustraire sans connaître une fin tragique. Quant au reste des habitants du village, ils ont interdiction d'en franchir les frontières sous peine d'en perdre également la vie. Frustrés et apeurés par cette ignoble situation, les villageois tiennent l'une des leurs pour responsable depuis qu'elle a viré folle, soupçonnée d'avoir copulé avec le diable pour avoir un enfant. Puis, après sa disparition, ils ont rejeté la faute sur sa fille née avec une marque écarlate lui défigurant le visage. Nul doute que pour eux, c'est bien la preuve qu'elle est un rejeton de Satan. Aussi, son enfance est marquée par les brimades, le rejet et la défiance. 

Rouge est un conte sombre et cruel qui met à jour la monstruosité des humains. Celle-ci s'épanouit dans la peur déshabillant les hommes et les femmes de leur humanité pour laisser libre cours à leur bestialité. Le monstre n'est pas forcément ce qu'il paraît et se tapit bien volontiers dans les cœurs que l'on croyait pourtant honorables. Aussi, celle que l'on taxe si facilement de monstre par ignorance et méchanceté n'est qu'une victime d'un machiavel insoupçonné. 

Rouge, c'est surtout la quête d'une gamine qui se sait condamnée à une mort certaine mais qui ne perd pas espoir de connaître le secret sur ses origines et les raisons de la folie de sa mère avant de trépasser. On va donc la suivre dans ses péripéties à affronter d'abord l'opprobre et la haine des villageois, puis les dangers de la forêt et enfin une funeste sorcellerie. 

C'est un récit mené tambour battant qui distille une ambiance horrifique oppressante comme ont pu l'être les contes dans leur version originelle. A travers son roman, Pascaline Nolot nous dresse un portrait anthropologique sans concession des comportements psycho-sociaux d'une petite communauté. Elle y met en exergue les dérives à travers la stratégie du bouc émissaire bien utile pour canaliser la vindicte populaire. En effet, focaliser les rancœurs sur un même être est un procédé utilisé depuis la nuit des temps pour calmer les ardeurs populaires et faire détourner le regard des vraies causes du mal. 

C'est un récit qui déchire le cœur et fouaille les entrailles car il traite de manière crue des sujets très graves comme l'agression et l'abus sexuel, le féminicide, les traumatismes psychologiques, la persécution des minorités et le sectarisme. On ne peut ressortir indemne après la lecture de ce roman tant il nous met face à un questionnement qui dérange la bien-pensance de nos sociétés car oui les humains sont hargneux, misérables et malveillants. Par conformisme ou obscurantisme, le pire peut être perpétré comme nous le rappelle Pascaline Nolot au fil des pages de son implacable récit. Pourtant au cœur des ténèbres s'allume parfois une flamme vacillante qui réveille un espoir ténu, une foi que tout n'est pas complètement perdu, qu'il suffit d'une dose de courage pour ranimer la croyance en l'humanité. 

Derrière un merveilleux ténébreux, Pascaline Nolot se fait l'autrice d'un texte intense où toutes les émotions se bousculent pour nous chambouler au plus profond de nous-mêmes. 

Elle s'appuie sur une petite communauté de personnages pour porter son histoire. En premier lieu, on fait la connaissance de Rouge, une gamine esseulée, abandonnée par tous qui n'a qu'un seul ami, prénommé Liénor. En dépit des tombereaux d'insultes qu'elle subit chaque jour et du rejet de tous qui la considère comme une pestiférée, Rouge tient bon coûte que coûte. Des insultes et de la violence, elle en a fait une force. Elle s'est construite dans l'indifférence générale et est devenue une jeune femme téméraire, prête à affronter moult dangers. Bien loin de la docilité habituelle des filles qui ont été à sa place, elle compte bien défendre chèrement sa peau face à la sorcière. C'est vraiment une héroïne attachante qui s'écrit un destin étonnant pour laquelle on ressent une vraie proximité. Liénor, quant à lui, incarne l'indéfectible ami qui fait fi des convenances pour s'afficher sans honte aux côtés de Rouge. C'est un personnage solaire qui attire l'attention par sa beauté et sa bonté. Pour autant, il manque encore clairement de maturité pour s'interposer dans la destinée funèbre que les villageois ont réservé à son amie. Rongé par le remord, il n'aura de cesse de chercher à se faire pardonner auprès de celle qui compte le plus pour lui et avec qui, il n'a pas été tout à fait honnête. Enfin, le père François est un être secret. Derrière l'image paternaliste qu'il se donne vis à vis de ses ouailles et particulièrement de Rouge, se dissimule un cœur empli de contradictions nourrissant de sinistres desseins.   

En conclusion :

Avec beaucoup d'habileté, Pascaline Nolot a détourné le conte du Petit Chaperon Rouge pour nous en livrer une nouvelle version très moderne que l'on n'est pas prêt d'oublier. Avec Rouge, j'ai donc découvert une plume toute en sensibilité, notamment douée pour lire l'âme humaine, alors je ne peux que vous en recommander la lecture. N'hésitez plus, foncez !

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère les avis de : Light and Smell, Les Dream-Dream d'une bouquineuse, La Bibliothèque d'Aelinel et Ogrimoire

Informations

Pascaline Nolot
Rouge
9782266325691
334 pages
Editions Pocket Imaginaire

Lien vers le site

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire