L'influence du "gaming" à la littérature

Google console

accueil2

accueil2

15/12/2020

Alan Lee, Cahier de croquis du Hobbit, Christian Bourgois Éditeur

Alan Lee, Cahier de croquis du Hobbit, Christian Bourgois éditeur

Après vous avoir longuement parlé du travail de John Howe sur l'univers tolkienien, notamment à travers Un Voyageur en Terre du Milieu (Christian Bourgois Éditeur), Sur Les Terres de Tolkien (éditions L'Atalante) ou encore son Artbook (éditions Nestiveqnen), j'ai eu envie de revenir sur celui d'Alan Lee

Ayant reçu son Cahier de croquis du Hobbit à mon anniversaire et maintenant que je l'ai lu, j'ai eu à cœur de vous partager mes impressions dessus. 

A travers ce Cahier de croquis du Hobbit, Alan Lee nous remmène en Terre du Milieu et plus précisément sur les lieux de tournage du film éponyme. Au gré des pages richement illustrées, il nous confie quelques anecdotes tantôt savoureuses, tantôt instructives sur ses expériences et ses souvenirs. 

Divisé en sept parties, l'illustrateur suit finalement le même fil que l'adaptation cinématographique pour nous parler de ce qui l'a marqué au cours de cette incroyable aventure. 

C'est donc d'abord à Cul-de-Sac qu'il nous donne rendez-vous. Entre aquarelles et crayonnés, on découvre, par exemple, quelques-unes de ses nombreuses esquisses pour donner vie aux trous des Hobbits. Il nous confie d'ailleurs s'être largement inspiré de l'architecture des cottages du Devon pour les réaliser. Quant aux nombreux nains et autres personnages qu'il a dû dessiner, il avoue avoir eu souvent recours à ses proches qui lui ont carrément servi de modèles pour l'aider dans sa création de cette population foisonnante. 

Après avoir traversé les Terres Désolées, il nous fait faire une longue halte à Fendeval, un havre de paix elfique qu'Alan Lee a beaucoup aimé mettre en images. On y retrouve beaucoup l'esthétique visuelle de l'Art nouveau. La nature y est magnifiée. Les édifices s'enroulent et se confondent avec le végétal pour donner naissance à de véritables palais. 

Quelques pages plus loin, dans les Montagnes Brumeuses, on part à la rencontre des fantassins du mal et notamment des gobelins. Ce sont des créatures issues du folklore qu'Alan Lee se plait à dessiner depuis des années, alors en refaire pour le film ne lui a posé aucun problème. Mais, ici, il a surtout beaucoup travaillé sur les décors des grottes servant de cadre à cette partie de l'action car il fallait impérativement faire transparaître l'atmosphère de danger de ces lieux. Quant à sa représentation de Gollum, il revient sur un détail qui pour lui a eu son importance dans la scène "Énigmes dans le noir" : la conception de son bateau. En effet, il l'a imaginé fabriqué à partir de peaux et d'ossements d'orques. Ainsi, l'artiste démontre un vrai souci du détail afin  d'être le plus cohérent possible par rapport à l’histoire et aux personnages. 

Dans la Contrée Sauvage, on fait connaissance avec Beorn et son étrange demeure. Cette fois-ci, c'est une chaumière du Dartmoor qui lui a donné l'idée pour la conception de cette bâtisse. Reflet de la personnalité de cet énigmatique personnage, cette demeure recèle de nombreux trésors pour qui sait regarder. 

Parmi les nombreuses tâches qui lui ont été incombé, il y avait celle d'imaginer les lieux les plus inquiétants. Ainsi, il brosse un Dol Guldur tout en angles, en pierres taillées et métal rouillé, parcouru de plantes grimpantes et épineuses afin de susciter l'angoisse chez le spectateur. 

Régulièrement, il devait soumettre à Peter Jackson entre deux prises ses nombreuses propositions pour faciliter le tournage de telle ou telle scène comme ce fut le cas pour le célèbre passage dans la cave à vins où Bilbo a l'idée de fuir avec les nains dans des tonneaux vides. Encore aujourd'hui, il reconnait que lorsqu'il regarde à nouveau les films, il repense toujours aux autres options qui auraient pu être retenu. 

Pour Bourg-du-Lac, on retrouve le style des habitations de l'Europe de l'Est. De nombreux menuisiers ont d'ailleurs travaillé d'arrache pied pour un résultat saisissant qu'Alan Lee salue dans ce présent ouvrage. Mais Bourg-du-Lac lui a aussi donné l'occasion de faire partie du film. En effet, avec John Howe, ils ont joué les figurants pour venir grossir la fanfare qui accompagnait le départ de la compagnie. 

Enfin pour Erebor, il commence par nous partager des éléments techniques sur la construction des décors de cette forteresse, puis nous parle de Smaug et particulièrement de son goût pour les dragons et les légendes grecques, nordiques et galloises dans lesquelles on retrouve souvent ces sauriens. 

Grâce à une panoplie de techniques, les artistes comme Alan Lee ont pu donner des cadres grandioses et spectaculaires à ce film, au plus près de ce que J.R.R. Tolkien a imaginé. Mais comme l'illustrateur le dit lui-même, toutes leurs compétences ont quand même des limites car c'est bien grâce au jeu des acteurs que la magie a pu opérer. 

Le Cahier de croquis du Hobbit est un merveilleux beau-livre qui nous replonge dans l'ambiance du film. C'est un ravissement pour les yeux que d'admirer, encore et encore, les nombreux croquis, dessins, peintures de cet artiste qui a su capter comme son homologue John Howe l'essence même de la Terre du Milieu

Fantasy à la Carte

Alan Lee
Cahier de croquis du Hobbit
Christian Bourgois Éditeur 

11/12/2020

Lionel Davoust, L'Héritage de L'Empire, tome 4, Les Dieux Sauvages, éditions Critic

Lionel Davoust, L'Héritage de L'Empire, tome 4, 
Les Dieux Sauvages, éditions Critic

Avec Les Dieux Sauvages, Lionel Davoust signe une épopée de fantasy qui s'est imposé dans le cœur de ses lecteurs. En effet, chaque sortie est accueillie avec une certaine fébrilité pour ceux qui sont, comme moi, empressés de lire la suite. 

Clairement, ce quatrième tome n'a pas échappé à la règle. Je suis enchantée de me replonger dans ce cycle passionnant, et remercie, au passage, les éditions Critic pour l'envoi de ce service de presse. 

L'Héritage de L'Empire s'ouvre sur la fin du siège de Loered. Mis en échec par Mériane, Ganner est reparti sur les routes avec une partie de ses troupes. Il souhaite s'emparer de la capitale Ker Vasthrion afin de faire tomber La Rhovelle. Mais, Mériane compte bien lui couper la route avant, enfin dès que le prince Erwel sera couronné. Seulement aura-t-elle réellement le temps de réaliser les quatre prophéties dictées par Wer ? 

Avec L'Héritage de L'Empire, on sent que le final est proche. De fait, Lionel Davoust nous donne quelques clés de son univers. Ainsi, on commence à entrevoir les origines d'Evanégyre et les implications qui en découlent. 

Pour mémoire, Les Dieux Sauvages, c'est la rencontre du merveilleux et de la technologie. Or, au fil des romans, on s'est bien approprié cette société médiévale où la merveille s'exprime par le divin. Sous la bienveillance ou la malveillance des dieux, des élus sont dotés de pouvoirs leur permettant de réaliser des prodiges. Ainsi, une simple adolescente est capable de tenir tête à une armée démoniaque. Voici le fil directeur que nous fait suivre Lionel Davoust depuis le début. Seulement avec ce quatrième volet, il nous rappelle que l'on est également dans un monde post-apocalyptique. Or, c'est bien là que réside toute l'originalité de cet univers car on n'est absolument pas dans un Moyen-Âge idéalisé mais plutôt dans une société moderne retournée presque à l'âge de pierre, suite à un cataclysme. L'Héritage de L'Empire recadre donc complètement le regard que l'on pose sur certains protagonistes ou encore sur les moyens utilisés pour mener cette guerre. Les révélations se succèdent dans ce roman. Même si on en pressentait certaines, d'autres, au contraire, nous laissent sans voix. Avec Evanegyre, Lionel Davoust se fait l'auteur d'un multivers où la fantasy et la science-fiction ont su fusionner pour former un cadre ordonné et innovant. Par conséquent, Lionel Davoust incarne parfaitement l'Imaginaire français actuel qui s'est littéralement affranchi des frontières entre les genres. 

Bien que le cycle des Dieux Sauvages se cristallise autour de Ganner et Mériane, qui incarnent réciproquement Aska et Wer, les personnages secondaires de Lionel Davoust sont aussi importants. Ils ne sont pas là pour le décorum car chacun à leur manière est une pièce maîtresse de ce récit. Si on prend l'exemple de Chunsène, son arrivée auprès de la Messagère du Ciel n'est pas le fruit du hasard. Elle est une arme dont aura besoin Mériane lors de son affrontement avec Ganner. C'est  également le cas d'Erwel. Il n'est pas juste là pour que Mériane en fasse un roi car en tant que monarque, il devient un levier nécessaire à la stratégie de défense de cette dernière. Ainsi, chaque destin que l'auteur entremêle à celui de l'élue de Wer a été mûrement réfléchi pour venir nourrir une intrigue aux rebondissements tumultueux.

Avec ce quatrième tome, l'auteur maintient le même suspense latent. Bien sûr des secrets nous sont révélés ; cependant, notre curiosité est sans cesse titillée et jamais pleinement satisfaite. 

Fantasy à la Carte



Lionel Davoust
L'Héritage de L'Empire
Tome 4 
Les Dieux Sauvages
Editions Critic

01/12/2020

Chloé Garcia, Un grain de magie, Le Lys Bleu éditions

Chloé Garcia, Un grain de magie, Le Lys Bleu éditions

Chloé Garcia est une nouvelle plume française de l'Imaginaire. Avec la sortie de deux premiers recueils de nouvelles aux éditions du Lys Bleu, son choix s'est donc porté sur le format court pour se lancer dans l'écriture.

Tout abord, je tiens à la remercier de l'intérêt bienveillant qu'elle porte à Fantasy à la Carte, ainsi que pour l'envoi de ce service de presse. 

Poétesse fantasque, avec Un grain de magie, elle explore les littératures de l'Imaginaire. Ainsi, la fantasy, le fantastique et la science-fiction font bon ménage dans cet ouvrage. La magie est donc le fil directeur de ces quinze nouvelles mais elle résonne de manière bien différente d'un texte à l'autre. 

Parfois, Chloé Garcia se laisse guider par les enchantements de Brocéliande pour renouer avec les grandes figures du mythe arthurien. Ainsi, dans "Une nouvelle ère", Avalon perd peu à peu de son influence face à la montée du christianisme. Eoline qui a remplacé Viviane fait appel à la déesse Dana pour la conseiller en ces temps troublés. Un conseil doit être convoqué et la présence de Merlin, Viviane, Taliesin et Morgane est requise car l'heure est grave, une guerre se prépare. D'ailleurs, cette même Dana est également présente dans "Les enfants de Dana". Ici, l'autrice nous emmène au cœur des royaumes Sidhs qui sont en pleine ébullition à cause de la disparition du Petit Peuple. En effet, il ne vient plus leur rendre visite. L'inquiétude est à son comble pour les Grim'Oires qui souhaitent avoir l'autorisation de la déesse Dana pour mener l'enquête sur terre. Mais de fil en aiguille, les découvertes qu'ils font vont les ébranler au-delà de ce qu'ils imaginaient. 

Chloé Garcia se plaît donc à mettre en scène la féerie. D'ailleurs la fée demeure un personnage récurrent de certains de ses textes comme dans "Un monde par fée" où on fait connaissance avec les fées de la nuit qui sont les anges gardiens anonymes des humains. Ylsiirha protège donc un adolescent, prénommé Arthur sans que celui-ci soupçonne quoi que ce soit. Elle l'entoure d'ondes positives et bienfaisantes comme chaque fée doit le faire avec son protégé. Convoquée par le Conseil Fée-des-Rahl, ce qu'elle va y apprendre va la troubler et changer définitivement son regard mais saura-t-elle prendre les bonnes décisions ?

Facétieuse, Chloé Garcia délaisse parfois le merveilleux au profit du vampirisme qu'elle revisite sans vergogne comme dans "Suer sang et eau" qui nous transporte auprès de Talya qui a fait le choix de passer son été à travailler dans les vignes plutôt que de zoner comme beaucoup de ses camarades du lycée. La jeune fille qui fuit le soleil de manière presque maladive cache bien des secrets mais que se passerait-t-il s'ils étaient découverts ? L'autrice égrène ainsi quelques notes de fantastique qui sont autant de clins d’œil à certains romans populaires qui ont fait l'actualité littéraire d'il y a quelques années. 

Mais que serait une exploratrice de l'Imaginaire si elle ne nous emmenait pas visiter d'autres galaxies ? Alors dans "Deus ex machina", elle nous embarque en pleine en pleine guerre intergalactique digne d'un épisode de Star Wars, menée par des vaisseaux doués de conscience. Et pour cause, ils sont le fruit de manipulations technologiques qui ont fait fusionner l'homme et la machine pour en faire une armée invincible et un puissant instrument de conquête. Face à une nouvelle menace hégémonique du Fléau et de ses sbires, le général Matin-d'Argent mène l'assaut avec ses troupes célestes. Mais conscients de leur puissance, ces hommes-machines pourraient bien dominer l'humanité ?

D'une nouvelle à l'autre, Chloé Garcia nous ouvre les portes d'univers variés qui sont le fruit d'influences multiples. Certaines nouvelles mériteraient même d'être étoffées vers des récits plus longs car il est vrai que les fins ouvertes qu'elles proposent suggèrent l'écriture de suites. A suivre ! 

Fantasy à la Carte

Chloé Garcia
Un grain de magie
Le Lys Bleu éditions

27/11/2020

Pierre Bordage, Contes des Sages d'autres mondes et d'autres temps, éditions du Seuil

Pierre Bordage, Contes des Sages d'autres mondes et d'autres temps, éditions du Seuil

Pierre Bordage est un écrivain de science-fiction de renom. C'est d'ailleurs avec sa trilogie, Les Guerriers du Silence qu'il rencontre le succès. Auteur prolifique qui compte plus d'une quarantaine d'ouvrages et de nouvelles dans sa bibliographie, il est depuis longtemps considéré comme un nom incontournable pour les littératures de l'Imaginaire. 

Son dernier livre vient de paraître aux éditions du Seuil sous le titre de Contes des Sages d'autres mondes et d'autres temps.

J'ai eu la surprise de le recevoir en service de presse alors je commencerais cette chronique par remercier la maison d'édition pour ce nouveau partenariat. 

Contes des Sages est une collection littéraire des éditions du Seuil dont le but est de mettre en valeur l'imaginaire propre à chaque peuple et à chaque culture. Pour cette nouvelle édition, elle donne la parole à une figure du genre SFFF qui se plaît à explorer nos futurs.

Quatorze contes sont réunis dans ce recueil. Ils apparaissent comme autant de pistes de réflexions sur l'évolution de notre société. Pierre Bordage y questionne les problématiques environnementales, économiques et sociales ou encore technologiques. 

Parmi les thèmes récurrents qu'il se plaît à aborder, il y a le voyage spatial et l'exploration de nouvelles planètes que l'on retrouve, par exemple, dans "La belle endormie de l'espace" où les déplacements d'une planète à l'autre sont devenus très communs au point d'en être saturés. Ce qui débouche sur des aberrations comme de mettre l'une des passagères dans le placard d'un vaisseau spatial et de l'oublier complètement. Quant au conte "La chasse au balang jaune", les hommes ont étendu leur zone de chasse puisqu'il passe d'une planète à l'autre pour traquer les espèces rares, au moins, jusqu'à ce qu'ils tombent sur plus forts qu'eux. L'homme demeure donc un être cupide. 

Dans "Les duniers", l'auteur oriente son propos vers la thématique du réchauffement climatique. La hausse des températures et la destruction de la nature ont bouleversé le monde. Ainsi, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique sont devenus des continents désertiques. Les populations survivantes cherchent à s'exiler en Europe. Seulement les peuples locaux sont frileux à partager leur terre et abattent tous ceux qui s'approchent trop près des frontières. Soumis à une idéologie forte, le jeune Botrik saura-t-il se défaire de ses certitudes pour s'ouvrir aux autres et défier les siens ?

Après le climat, Pierre Bordage alerte sur les dangers de l'intelligence artificielle, notamment lorsque celle-ci souhaite dominer le monde en exterminant l'espèce humaine comme c'est le cas dans "Terenius le tyran". Seulement, la résistance des hommes n'est pas une donnée à négliger comme en fera les frais ce fameux Terenius.

Quant à "La fée génétique", il y est question de la gestation de fœtus dans des matrices artificielles qui sont le fruit de manipulations génétiques pour répondre au désir de l'enfant parfait de parents aisés. Voici un récit qui met en lumière les dérives d'une technologie faisant de l'enfant un simple bien de consommation, quitte à nier complètement son humanité. 

Dans ses courts récits, Pierre Bordage traite finalement de toutes les idées que la science-fiction aime questionner. Ainsi, dans "Les deux morts d'Euzeb", il n'oublie pas de nous dire un mot sur le clonage. On y rencontre un savant fou qui a été jusqu'à se cloner lui-même pour parer à toutes représailles de clients mécontents qui iraient jusqu'à l'éliminer. Un procédé qui assure donc la pérennité de son existence. 

Contes des Sages d'autres mondes et d'autres temps est un vrai brassage d'histoires courtes qui nous transportent dans un ailleurs fait de beauté et de cruauté. Il nous offre un vrai dépaysement qui pose l'Imaginaire en questionnement du réel. 

Pour conclure, un mot sur le livre en lui-même qui est vraiment un très bel objet. Ce petit format est généreusement illustré et possède une couverture rigide argenté. Il est la cadeau idéal à glisser sous le sapin pour tous les amateurs du genre.

Fantasy à la Carte

A lire aussi l'avis du blog Au Pays des Cave Trolls

Pierre Bordage
Contes des sages d'autres mondes et d'autres temps
éditions du Seuil

24/11/2020

Sabrina Calvo, La Nuit des Labyrinthes, éditions Mnémos

Sabrina Calvo, La Nuit des Labyrinthes, éditions Mnémos

Après avoir enchantée de sa plume volubile la rentrée de la fantasy française en 2019 avec Délius, une chanson d'été, Sabrina Calvo est de nouveau à l'honneur chez Mnémos. Avant toute chose, je souhaite remercier Estelle pour l'envoi de ce service de presse.

Avec La Nuit des Labyrinthes, l'autrice signe une nouvelle enquête menée par son improbable duo d'apprentis détectives. Huit ans après leur dernière investigation menée à Londres et même outre-Manche pour mettre la main sur un poète-tueur, Bertrand Lacejambe et son secrétaire Fenby reprennent donc du service. Dans ce nouvel opus, on les rencontre à Marseille où ils sont conviés à une soirée mondaine pour le réveillon de Noël. Peu amateur de ces réjouissances, le botaniste s'y rend de mauvaise grâce mais retrouve tout son intérêt quand on le charge d'élucider l'étrange disparition de la plus commune des fleurs. Voilà de quoi pimenter sa soirée qui s'annonçait de prime abord si assommante... 

Dans ce roman, on retrouve les personnages de Sabrina Calvo quelque peu changés. En effet, Bertrand Lacejambe est ressorti meurtri de sa dernière enquête. Il est, de fait, beaucoup moins fantasque et nettement plus sombre. La perte tragique de cet innocent l'a profondément transformé. Sa dépression et sa tristesse colorent donc ce nouveau récit d'une certaine morosité. Néanmoins, ce nouveau mystère lui donne le coup de fouet dont il avait tant besoin pour sortir de cette spirale infernale. Fenby est lui aussi bien différent. Il n'est plus vraiment humain depuis la dernière fois mais se rapproche davantage des êtres féeriques qu'il a rencontré lors de leur dernière aventure. Mais rassurez-vous, ils forment toujours une paire insolite de héros qui nous entraîne dans une succession d'événements aussi ahurissants que renversants. 

En effet, l'autrice utilise les mêmes éléments qui font le charme de ses récits. Ainsi l'absurde côtoie toujours la beauté, notamment celle de la nature et des fleurs car le merveilleux est floral chez Sabrina Calvo. Ce maelstrom de fleurs enivre et enchante autant ses personnages que ses lecteurs. 

Avec La Nuit des Labyrinthes, l'autrice mêle à sa fantasy de l'uchronie. Originaire de Marseille, elle a souhaité mettre la cité phocéenne au cœur de son intrigue. Elle multiplie donc les clins d’œil à des épisodes marquants de son Histoire comme la peste de 1720 qui a décimé la moitié de sa population ou encore la Commune de Marseille qui a été réprimée dans le sang dans la nuit du 4 au 5 avril 1871 par le général versaillais Henri Espivent de la Villesboisnet. Ainsi, au fil de ses recherches, le botaniste est lui-même hanté par son passé car de douloureux souvenirs remontent à la surface, notamment l'assassinat de ses parents lors de cette fameuse nuit sanglante d'avril et l'incarcération plus tard de son meilleur ami. Or, aussi insensé que cela puisse lui paraître, tout semble le ramener à son passé mais pourra-t-il vraiment en accepter toutes les conséquences ? 

La Nuit des Labyrinthes est un roman qui part finalement dans tous les sens. Tantôt on remonte le fil des souvenirs d'un homme marqué par le regret, tantôt on flirte avec les sociétés théosophique et franc-maçonnique qui œuvrent dans l'ombre des rues de Marseille ou dans l'intimité des salons mondains pour étendre leur joug sur toute la communauté. 

Sabrina Calvo a épicé son texte d'un soupçon de diablerie, d'occulte et de secrets pour nous dépeindre un merveilleux surprenant, mais non moins poétique.

Avec ce livre, l'autrice nous offre une lecture à la fois palpitante et poignante. Elle met en scène un duo attachant que l'on appréciera de retrouver dans un prochain volet.

Fantasy à la Carte

Un autre avis à lire sur la blogosphère : Maud Elyther

Sabrina Calvo
La Nuit des Labyrinthes
Editions Mnémos
A lire aussi mon avis sur Délius, une chanson d'été.