L'influence du "gaming" à la littérature

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05/04/2018

Isabelle Bauthian, Anasterry, Les Rhéteurs, tome 1, éditions ActuSF

Isabelle Bauthian, Anasterry, tome 1, 
Les Rhéteurs, éditions ActuSF

Après une première édition en grand format qui a rencontré un franc succès, Anasterry est ressorti en version poche chez Hélios en février dernier. L'occasion pour les amateurs de fantasy qui ne l'auraient pas encore fait de découvrir la stupéfiante plume de cette autrice. 

Anasterry est le premier volet de sa saga des Rhéteurs. Chaque roman explore la monarchie fédérale Civilisation qui se compose de quatre baronnies indépendantes et d'une capitale. 

Isabelle Bauthian commence donc avec Anasterry, une baronnie où la science et les arts se sont taillés une grande place depuis la fin de la guerre contre les mi-hommes venant d'Outre-Civilisation. 

Dans ce premier tome, on suit les tribulations de Renaldo, le cadet du baron de Montès et de son ami Thélban Acremont, l'héritier de la puissante guilde des épiciers. Ils se rendent à Anasterry sous le prétexte officiel de renégocier un contrat d'échanges auprès de Cal d'Anasterry, mais dont le but réel est d'enquêter sur la magie régnant là-bas. Arrivés sur place, ils sont emportés par les événements et tout particulièrement par leur rivalité amicale pour séduire une femme en s'affrontant à travers le pari de découvrir la faille de cette baronnie. De ce défi idiot, des révélations vont découler mettant à mal les relations diplomatiques entre Anasterry et Montès. Pire encore, c'est même la vie des deux amis qui risque d'être mise en danger. Au milieu de ce panier de crabes, ils devront donc la jouer finement pour survivre. 

Un premier roman aguicheur qui séduit le lecteur de bien des façons.

L'intrigue est portée par l'amitié de deux hommes au caractère et à la position sociale diamétralement opposés. Bien que l'un soit de noble naissance et l'autre, un roturier, ils ont su faire de leurs différences une force qui les lie par une solide relation. Au-delà de la mise à jour de complots et de secrets politiques, ce sont les liens que ces deux protagonistes entretiennent qui constituent le fil conducteur de ce récit. L'exploration de cette amitié naissante au fur et à mesure des chapitres favorisent l'attachement du lecteur envers ces deux héros. L'intrigue prend, ainsi, de suite une dimension passionnante. 

La magie des lieux, cette baronnie d'Anasterry située en plein cœur des marais exerce également une irrésistible attraction sur nous. C'est un endroit propice au mystère où finalement le nœud de l'action va se jouer. 

La diplomatie est un thème qui tient à cœur l'autrice qui en a fait son cheval de bataille dans ce roman. Ici les héros marchent perpétuellement sur des œufs. Plus ils iront loin dans la mise à jour des secrets, plus des décisions devront être prises quant à ce qu'ils feront de ces révélations. Une aventure qui est là pour permettre à ces deux jeunes gens, en passe de devenir des hommes d'influence, d'aiguiser leurs qualités de bons orateurs et de fins stratèges. 

Un livre qui donne le ton à l'ensemble de cette saga mettant à l'honneur un univers qui se veut progressiste et avant-gardiste. Bien que la réflexion et la pondération soient ici de mises, des faiblesses et des archaïsmes demeurent encore. 

Isabelle Bauthian fait partie de ces nouveaux auteurs de fantasy qui vont marquer profondément le genre. Son point fort est indéniablement sa capacité de renouveler son style à chaque roman et ainsi de surprendre ses lecteurs. Pour preuve de la qualité de cette nouvelle plume est que ce roman a même été nominé pour le prestigieux prix Imaginales des lycéens. Alors à quand la récompense ? 

Fantasy à la carte
A lire sur le blog mon avis sur Grish-Mère

Isabelle Bauthian
Anasterry
Tome 1
Les Rhéteurs
978-2-36629-819-2
496 pages
éditions ActuSF


01/04/2018

Paul Beorn, Calame, Les Deux Visages, tome 1

Après avoir triomphé avec Le septième Guerrier-Mage, récompensé par le prix Imaginales des lycéens en 2016, Paul Beorn revient avec un nouveau roman, Calame qui fera partie d'un cycle (Les Deux Visages) de deux tomes. 

Pour rappel, Paul Beorn est un jeune auteur français qui fait les honneurs des éditions Bragelonne. Pour un éditeur qui affiche à son catalogue davantage de traductions que la publication de jeunes plumes françaises, c'est dire le sensationnel de ces parutions. Confirmé par le grand stratéguerre lui-même, Stéphane Marsan, Calame est un excellent récit de fantasy. Auteur incontournable de fantasy française, Paul Beorn est à l'honneur en ce mois d'avril sur Book en Stock. En partenariat avec eux, Fantasy à la carte va donc vous donner son avis sur ce dernier. 

Calame nous relate la naissance de la légende d'un héros. Celle de Darran Dahl, l'homme qui a mené pendant une année la rébellion contre le "Roi Lumière" pour libérer les femmes du joug de ce despote misogyne. 
Paul Beorn nous emmène ici en Westalie où le pouvoir est détenu d'un côté par le roi qui est Gottaran, c'est-à-dire touché par Dieu lui conférant une puissante magie et d'un autre côté, l'Eglise qui, elle, met tout en oeuvre pour limiter celui du roi. Missionné par le roi lui-même, le légendier Jean de D'Arterac doit écrire l'histoire de Darran Dalh en mettant en exergue les failles de cet homme afin que tous cessent de le voir comme un héros. En effet, même si le roi a écrasé la rébellion dans le sang et tué Darran, même si beaucoup de ses alliés sont emprisonnés ou morts, les partisans de ce révolté sont encore trop nombreux dans le royaume. C'est pourquoi, il a grandement besoin de redorer son blason en ternissant celui de son ennemi. Et quoi de plus efficace que de faire passer le message par le plus grand ménestrel du royaume reconnu pour son impartialité sans faille. 
C'est ainsi que commence cette extraordinaire épopée que D'Arterac va reconstituer petit à petit en interrogeant différents témoins parmi les survivants de cette révolte. Le plus important d'entre eux est celui de la jeune Maura qui fut la lieutenante de l'insoumis Darran Dahl. Elle y voit là, l'occasion de gagner du temps pour orchestrer son évasion et ainsi poursuivre la lutte. 

En abordant son récit en pointillé, en ne délivrant que des fragments de cette histoire, Paul Beorn a trouvé là, un moyen efficace de ménager le suspense. 

A la lecture de ce nouveau livre, on peut clairement dire que cet auteur excelle dans le genre. Bien que son histoire relève d'une fantasy traditionnelle, mettant en jeu l'indétrônable quête de liberté menée par un groupe de héros, sa manière d'amener l'intrigue est tout simplement bluffante. En focalisant notre attention autour d'un personnage que l'on ne rencontre pas réellement mais qui prend une si grande place, Paul Beorn acquiert tout notre intérêt. On prend quand même connaissance des détails de sa vie par les quelques personnes qui ont partagé son quotidien. Voilà qui ne manque pas d'originalité. Ainsi, chacun y va de ses petites anecdotes et de ses opinions que D'Arterac, et à travers lui, nous lecteurs, allons devoir décortiquer et analyser afin de se faire sa propre idée sur l'homme qu'il était. C'est un biais pour le moins singulier pour relater le destin d'un héros considéré comme indestructible, mais aussi un héros taciturne et secret que même la lecture de ces témoignages ne va pas lever complètement le voile sur les nombreuses zones d'ombre qui entourent sa légende. Même si notre attention est braquée sur ce fameux surhomme que fut Darran Dalh, au fur et à mesure des témoignages entendus, des personnalités sortent du lot et on voit se profiler d'autres héros à l'horizon. Il n'est donc pas le seul personnage intéressant à suivre, c'est la vie de tout un groupe que l'on apprend à connaitre et à apprécier ou au contraire à détester ici. Des micro-histoires se mêlent à la quête donnant l'occasion à l'auteur d'explorer la psychologie humaine. 

D'ailleurs, le fait de transmettre ces éléments essentiellement par la jeune Maura, cela donne une dimension émouvante au roman. Elle y est tellement attachante que cela renforce notre intérêt pour Darran et son incroyable destin. 

Pour ancrer son histoire dans un contexte de fantasy, l'auteur permet à la magie de se manifester à travers certains personnages qui la maîtrisent. C'est le cas de Darran Dahl et de Maura par exemple. Ils sont Mindaran et à ce titre, ils peuvent agir sur certains éléments, à l'image de la jeune fille qui est capable de se connecter à l'esprit des animaux pour leur faire faire ce qu'elle souhaite. Face à ce pouvoir s'oppose celui que les rois se transmettent. On les appelle les Gottarans et ils sont bien plus puissants, plus imprévisibles et plus dangereux que les autres. Deux magies qui se mêlent et s'opposent tout en promettant un fabuleux spectacle. 

On est transcendé par la fantasy de cet écrivain. Le récit est si puissant, les personnages sont si déroutants qu'il nous est difficile de nous détacher de cette intrigue implacable. C'est un roman qui va jusqu'à perturber notre sommeil tant on se refuse de le lâcher même lorsque l'heure du coucher a sonné. Plus qu'une simple lutte entre le Bien et le Mal symbolisé respectivement par le peuple et le roi, Paul Beorn donne une complexité à son intrigue dans laquelle tous les enjeux ne sont pas toujours visibles. Bien des ennemis sont tapis dans l'ombre et ce sera aux vrais héros de déterminer le chemin à suivre. En fin stratège, il nous réserve quelques beaux retournements qui nous promettent déjà de prochaines nuits blanches.

Fantasy à la carte

25/03/2018

Isabelle Bauthian, Grish-Mère, tome 2, Les Rhéteurs, collection Bad Wolf, éditions ActuSF

Isabelle Bauthian, Grish-Mère, tome 2, 
Les Rhéteurs, éditions ActuSF

Cette année les pépites de fantasy vont un brin surprendre de par leur style, leurs héros atypiques ou encore leur histoire déconcertante. 

Les éditions ActuSf s'illustrent avec un nouveau récit d'Isabelle Bauthian. On avait découvert l'univers de cette autrice au style impétueux avec son premier roman Anasterry. Ayant été fortement plébiscitée par son public, elle a repris la plume pour nous emmener cette fois-ci à Grish-Mère. Une baronnie gouvernée par les femmes et érigée contre la domination masculine. C'est là-bas où doit se rendre le jeune factotum Sylve afin de remettre la main sur une précieuse relique qui a été dérobée à son seigneur et maître par sa faute. En se laissant abuser par un ménestrel peu scrupuleux, Sylve se doit de laver son honneur. Lui qui a été formé à la très sélecte école des Factotums à Landor, se faire avoir comme un bleu est une chose inacceptable. En effet, quand on incarne le parfait serviteur aussi bien pour accomplir de banales tâches domestiques ou en tant que guerrier accompli, on ne peut tolérer de voir sa réputation et celle de ses pairs entachées d'opprobre. En tout cas le naïf Sylve, lui, ne le peut pas. C'est donc dans un périlleux voyage qu'il va s'embarquer où il devra mobiliser toutes ses compétences pour en sortir victorieux. Seulement est-ce que son érudition et ses capacités de combattant émérite suffiront à lui sauver la tête ? 

Isabelle Bauthian est une autrice qui ne s’embarrasse pas de détails superflus, elle nous plonge bille en tête au cœur de son aventure. 

Elle joue beaucoup sur le décalage entre le côté policé de son héros dû à sa fonction et sur ses réflexions intérieures insolentes qui viennent commenter les scènes. L'ensemble donne une dynamique à son récit bourré d'humour. Un bon moyen pour elle d'établir une vraie connivence avec son lecteur. 

On avait découvert certains de ses héros dans Anasterry, Grish-Mère va nous dévoiler d'autres facettes de leurs étonnantes personnalités. Pour ce roman, elle change de style et donne à sa plume une bonne dose de dérision qui ne manque pas de nous donner le sourire. 

Grish-Mère est un livre qui secoue nos habitudes de lecteurs de fantasy. Porté par un héros fort et gauche à la fois, cet incroyable récit arrive à nous déstabiliser. On part d'une quête quelconque, ici celle de réparer une injustice pour arriver à une complète remise en question des plus grandes certitudes du héros. 

Les blasés verront leur intérêt renouvelé. Quant aux inconditionnels de fantasy, ils en sortiront encore plus émerveillés car c'est une autrice qui met un point d'honneur à dépoussiérer le genre en proposant un récit intimiste et différent. 

Chaque roman correspond à l'exploration des baronnies qui constituent Civilisation, l'univers imaginé par Isabelle Bauthian. Gardons à l'esprit ici que Grish-Mère est la seule baronnie gouvernée par des femmes. Un endroit qui sert de refuge aussi bien à ces dernières qu'aux autres minorités rejetées telles les mi-hommes ou les magiciens. Ce qui confère au lieu une atmosphère particulière où la sororité s'épanouit franchement. Il y a une vraie solidarité entre les femmes qui mènent la vie dure aux hommes qui y sont minoritaires. Ce roman permet aussi à l'autrice de mener une démarche introspective en mettant à nu les dysfonctionnements de la société en présence. Ici, à Grish-Mère, bien que ce soient les femmes qui soient au pouvoir, cela ne les exempte donc pas de faire preuve de la même cruauté que les hommes. Elles leur font d'ailleurs subir les mêmes discriminations. 

Le point fort d'Isabelle Bauthian est de laisser ses lecteurs libres de lire un seul ou au contraire tous les romans constituant sa saga des Rhéteurs. Indépendant ou couplé, à vous de choisir vers lesquels vous succomberez...

Fantasy à la carte

Informations

Isabelle Bauthian
Grish-Mère
Tome 2
Les Rhéteurs
Collection Bad Wolf
528 pages
978-2-36629-861-1
Editions ActuSF

18/03/2018

Estelle Faye, Les Seigneurs de Bohen

Les Seigneurs de Bohen n'est pas le premier coup d'essai d'Estelle Faye. Bien au contraire, elle est une autrice bien connue des familiers de la fantasy française. Déjà moult fois remarquée par des récits hauts en couleurs, elle revient ici avec un texte pressenti pour le nouveau prix Imaginales des bibliothécaires, ainsi que pour le prix Imaginales des lycéens. 

Alors que Jean-Louis Fetjaine et Jean-Laurent Del Socorro nous ont respectivement brossé des fresques historiques à travers leur roman, Estelle Faye, elle, demeure sur les sentiers balisés d'une fantasy plus traditionnelle. 

Ce roman nous conte les dernières heures de l'Empire de Bohen. A travers les souvenirs compilés de Ioulia La Perdrix, agent de renseignement de la famille impériale, on comprend comment l'Empire a été renversé. Enfin ce sont plutôt les histoires croisées des différents acteurs de cette chute qui nous sont contées ici. 

Parmi les figures phares de ce récit, il y a Maëve, une morguenne des Havres qui vient à la capitale pour chercher une solution auprès de l'impératrice afin d'éloigner définitivement la menace des vaisseaux noirs qui ne cessent de piller les côtes. Ensuite, vient le bretteur Sainte-Etoile qui en recherchant le neveu disparu d'un nobliau, va se retrouver à combattre dans les rangs des mercenaires menés par Sorenz Ab Abahain. Enfin, il y a le naïf clerc de notaire Wens qui se retrouve condamné aux mines pour trahison politique alors qu'il entretenait une liaison avec la fille de l'empereur. 

Trois héros, trois destins, un seul but.

Voici des personnages qui ne sont pas forcément voués à se rencontrer mais dont la vie est intrinsèquement liée à l'avenir de Bohen. 

Estelle Faye nous fait donc accoster sur les rivages de son univers chatoyant qui fait crépiter la magie dans un envoûtant maelstrom d'aventures. Elle y apparaît même, telle une morguenne, capable avec ses mots de nous tenir captifs de sa plume tout au long de la narration. 

Les Seigneurs de Bohen, c'est avant tout un récit vivant et coloré animé par la révolte des minorités opprimées qu'elles soient douées de magie ou non. Ici, elle traduit bien le malaise ambiant lorsque le monde est gouverné par des tyrans. De cet état ne peut naître qu'une révolution exécutée dans le sang et la douleur. Ce livre en est d'ailleurs un très beau témoignage.

Ce nouveau roman d'Estelle Faye vient s'ajouter au palmarès de ses œuvres. Si vous aviez besoin d'une preuve pour vous convaincre de la qualité de sa plume, ce bouquin en est clairement une. 

La notoriété des récompenses délivrées à l'occasion des Imaginales n'est plus à prouver. La sélection des œuvres en lice y est minutieuse et réfléchie. Pour preuve avec Les Seigneurs de Bohen et les autres. Pour ma part, je serais bien en peine de privilégier tel ou tel livre tant ils ont tous été un coup de cœur. 

Fantasy à la carte

Estelle Faye
Les Seigneurs de Bohen
Editions Critic

11/03/2018

Patrick Moran, La Crécerelle, éditions Mnémos

Le mois de février est, pour les Indés de l'Imaginaire, signe de découvertes de nouveaux auteurs. Sous le label "les pépites de l'Imaginaire", les trois éditeurs du collectif s'associent pour mettre à l'honneur les talents de demain. Ainsi les éditions Mnemos nous font découvrir en avant première la plume implacable de Patrick Moran. Jeune auteur, il débarque dans l'univers des littératures de l'Imaginaire avec un récit unique : La Crécerelle

Pour son premier roman, Patrick Moran colle aux basques de son héroïne, connue sous le nom de Crécerelle. Native des terres du Sud, sa réputation de magicienne tueuse n'est pas passée inaperçue dans le Nord. Passant de cités en cités, elle laisse un sillage sanglant derrière elle. Ayant conclu, il y a très longtemps, un pacte avec une entité de l'outre-monde, Crécerelle n'a pas d'autres choix que de tuer pour elle sous peine d'en pâtir affreusement. Bien que le fait d'assassiner ne lui pose pas outre-mesure de problème, elle souhaite tout de même retrouver sa liberté d'agir comme bon lui semble. Et d'ailleurs, elle a un plan pour s'en libérer. Seulement ses agissements égoïstes pourraient bien mettre en danger l'équilibre du monde. Mais en aura-t-elle quelque-chose à faire ?  

A peine entamé, on pressent tout de suite que ce roman s'est affranchi des codes habituels de la fantasy pour apporter du renouveau au genre. 

Patrick Moran est un auteur qui va faire sensation avec son personnage de la Crécerelle. En dressant le portrait de cette héroïne à des années lumières de l’archétype du héros traditionnel, il attire d'emblée l'attention. Difficile de trouver les mots pour qualifier cette héroïne d'un nouveau genre. A mi-chemin entre la mercenaire et la tueuse sanguinaire, la Crécerelle est surtout une magicienne liée par un pacte qui la contraint à tuer même si elle n'y prend aucun plaisir. Personnage étonnant qui ne se sacrifierait pour rien au monde pour une cause ou pour autrui, elle fait preuve d'un grand égoïsme en privilégiant sa personne avant tout. Bien que l'auteur fasse graviter un petit groupe de personnages, c'est surtout la Crécerelle et l'entité qui constituent le noyau dur de ce récit. C'est un véritable duel entre ces deux-là qui va nourrir les pages de ce livre et nous tenir en haleine d'un bout à l'autre. 

En fait, on peut dire que ce roman est un OVNI pour le genre. C'est une fantasy qui remet perpétuellement les choses en cause, une fantasy qui déroute et qui fait réfléchir sur les probabilités qu'entraînerait telle ou telle action. Sous l'angle magique, Patrick Moran aborde la notion d'effet papillon. Le pouvoir apparaît ici comme un moyen d'altérer, voire de réinitialiser le monde. 

Un seul roman suffit à cet écrivain pour se faire une place parmi ses homologues.  

Avec un esprit analytique et une écriture incisive, il nous entraîne toujours plus loin dans l'horreur. Il n'hésite pas à mettre en exergue la violence des crimes perpétrés dans ce récit. Non pas que l'on n'est pas habitués à ce genre de scènes sanglantes, mais la lecture n'en demeure pas moins insoutenable. On a bien souvent le cœur au bord des lèvres. 

En proposant une telle pépite les éditions Mnemos tapent fort pour marquer les esprits. Ce livre est une fantasy mordante pour ne pas dire une fantasy choc qui ne va pas manquer de susciter des réactions. 

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