L'influence du "gaming" à la littérature

Google console

accueil2

accueil2

17/03/2020

J.R.R. Tolkien, Les Enfants de Hurin, éditions Pocket

Christopher Tolkien a passé sa vie à décortiquer le travail de son père. A partir des nombreux brouillons, des textes inachevés et des versions différentes, il a voulu mettre en lumière certains temps forts du Premier Age. Ce sont tous ces destins ébauchés dans les Contes Perdus qu'il a repris un par un afin de les faire publier de manière individuelle et sous un nouvel angle. 

Je vous ai déjà parlé sur le blog de Beren et Luthien et de La Chute de Gondolin, je reviens aujourd'hui avec un texte édité antérieurement, Les Enfants de Hurin.  Je remercie d'ailleurs ma bonne amie Mathilde qui connaît mon goût prononcé pour la fantasy et les œuvres du maître incontestable du genre, J.R.R. Tolkien et m'a donc offert ce présent livre. 

Les Enfants de Hurin est le plus long conte écrit par J.R.R. Tolkien. Il y relate essentiellement le sombre destin de Turin, fils de Hurin qui est victime de la malédiction de Morgoth condamnant sa lignée à l'errance. Dès son plus jeune âge, Turin est contraint de quitter Dor-lomin et sa mère suite à l'invasion des Orientaux pour trouver refuge au Doriath. Là-bas, il est adopté par le roi Thingol. Mais jalousé par Saeros, le plus proche conseiller royal, qui ne cherche qu'à le conduire à sa perte jusqu'à ce que sa funeste entreprise le tue lui-même. Seulement, craignant le jugement de Thingol, Turin choisit de reprendre la route et se joint à une bande de hors la loi. Après moult péripéties, il rejoint le Nargothrond, un autre royaume elfique. C'est là-bas qu'il rencontre pour la première fois le dragon Glaurung et sera d'ailleurs victime de son ensorcellement lui faisant oublier l'existence des siens. Après être retourné au Dor-lomin et avoir découvert sa maison familiale saccagée et vidée de ses occupantes, il arrive au Brethil où il s'installe parmi les forestiers. Il y retrouve sa sœur Nienor sans la reconnaître. Tous deux victimes du sort d'oubli du dragon, ils tombent éperdument amoureux l'un de l'autre et se marient. Mais la paix ne dure pas et les orques accompagnés de Glaurung sont à nouveau aux portes du royaume. Turin y voit l'occasion de tendre un piège au dragon et de s'en débarrasser une bonne fois pour toutes. Au vu des terribles coups du sorts que la vie lui a réservés jusque-là, on se demande bien comment cela va tourner pour lui ? 

Grâce au travail minutieux de Christopher Tolkien, on fait une nouvelle escale au Premier Age de la Terre du Milieu. Il a donné une grande cohérence à ce texte en cherchant à partir des différentes versions à fournir la plus complète possible. A travers les pérégrinations de Turin, J.R.R. Tolkien met en lumière les agissements de Morgoth et de ses troupes infernales qui redessinent les royaumes des hommes et des elfes. La guerre rythme la vie de ces habitants qui subissent régulièrement les assauts des orques. Et Turin est au cœur même de ces nombreux conflits et participe à quelques batailles mémorables. 

Turin est un personnage sombre et tortueux. Il est fier et coléreux, ce qui lui vaut quelques déconfitures. J.R.R. Tolkien n'est pas tendre avec ce héros, et ne lui épargne aucune blessure. Ainsi, sa vie est parsemée de drames. Cela fait de lui un être dur mais il n'en reste pas moins un guerrier émérite qui affiche fièrement le Heaume du Hador, au moment opportun, des affrontements auxquels il a participé. Il rappelle ainsi son appartenance à cette prestigieuse lignée et à sa filiation avec le grand héros que fut son père Hurin. 

A travers ses récits, J.R.R. Tolkien aime brosser le portrait de héros étonnants, courageux, à la destinée remarquable. Aussi, Turin lui permet d'explorer le côté sombre d'un homme de bien qui subit une malédiction le contraignant à emprunter des chemins tortueux et à faire de mauvais choix. Finalement, cette destinée exceptionnelle apporte tout le palpitant à ce récit. 

Il y a des temps forts dans ce conte qui dynamisent la lecture. Ainsi, les passages mettant en scène le dragon Glaurung sont particulièrement réussis. Tous les dragons dépeints par J.R.R. Tolkien sont d'abjectes créatures. Rusées et malines, elles n'agissent que dans leur intérêt. A l'image de Smaug, Glaurung apprécie aussi de s'emparer des richesses d'autrui. Doués d'intelligence et de paroles, ils font preuve d'esprit et de cruauté donnant du fil à retordre à ceux qui les affrontent. 

Leur présence en plus de la féerie qui se dégage des royaumes elfiques décrits donnent à ces récits leur caractère merveilleux que l'on recherche tant en fantasy


En rééditant ces textes fondateurs, Christopher Tolkien démontre combien l'oeuvre de son père est si colossale qu'elle ne nous a pas encore tout révélé. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog les avis sur Beren et Luthien et La Chute de Gondolin

J.R.R. Tolkien
Les Enfants de Hurin
Editions Pocket

13/03/2020

Emmanuel Chastellière, Célestopol, éditions Libretto

Parmi les auteurs de l'imaginaire français dont il faut avoir lu au moins un livre, il y a Emmanuel Chastellière. Après avoir découvert L'Empire du Léopard dans le cadre du "Mois de" en partenariat avec Book en Stock, je reviens avec Célestopol, un autre de ses titres.

Pour mémoire sa sortie en librairie avait bénéficié de quelques belles retombées, notamment un lancement chez Babelio qui n'était pas passé inaperçu dans le milieu. 

Célestopol est un recueil de nouvelles dont l'action se passe justement à Célestopol, une magnifique cité construite sur la lune. 

N'ayant pas d'affinité particulière pour les thématiques qui traitent d'exploration de l'espace ou de colonisation des autres planètes de notre système solaire, je suis agréablement surprise d'avoir d'emblée apprécié ce livre. Il faut croire que la qualité de conteur d'Emmanuel Chastellière est exceptionnelle. En tout cas, je le remercie de m'avoir offert l'opportunité de lire ce service de presse. 

XXème siècle. Dans la course pour la conquête de l'espace, l'empire de Russie a remporté la première manche. En effet, les Russes ont réussi le tour de force d'annexer la lune en y édifiant une majestueuse cité abritée sous un dôme, pourvu en oxygène permettant ainsi aux habitants d'y vivre comme s'ils étaient sur la terre. Cette folie des grandeurs, on la doit au duc Nikolaï, un homme un poil mégalomane, qui s'est retrouvé exilé ici par la Tsarine.  Pour lui, c'est surtout une opportunité pour asseoir sa soif de domination et marquer l'Histoire. 

Célestopol, c'est quinze nouvelles qui se lisent comme des instantanés, c'est à dire autant de moments marquants dans la vie des nombreux personnages qu'Emmanuel Chastellière met en scène ici. Alors que certains ne sont que de passage, d'autres s'installent durablement entre ces lignes. En effet, dans cet ouvrage, l'auteur multiplie les crossover. Ainsi, on retrouve certains protagonistes à plusieurs reprises comme Tuppence Abberline qui ouvre ce recueil avec "Face cachée", proposant ici une enquête étonnante. A Tuppence de comprendre comment le Neptune, le navire spatial ducal, peut essuyer défaite sur défaite face à l'Asmodée du Kaiser. Nous sommes dans une régate spatiale qui oppose toutes les puissances du nouveau monde. Un autre duo fait régulièrement des incursions dans Célestopol. Il s'agit de Arnrun, accompagné de l'ours Wojtek, deux mercenaires souvent dépêchés pour régler d'épineux problèmes. Voici deux enquêteurs surprenants mais non moins efficaces. Pour preuve, ils ont la confiance du duc Nikolaï. C'est d'ailleurs lui qui les engage dans "Le chant de la lune" pour découvrir les raisons de la mystérieuse disparition de certains convois censés ramener l'eau pour alimenter la ville. Même si au final, ils se retrouvent pris à partie par une secte d'illuminés affirmant entendre la lune leur parler. 

En fait, beaucoup de héros que l'on rencontre au fil des pages gravitent autour du duc Nikolaï, ce qui fait de lui l'élément fédérateur de ces textes. Une aura de mystère plane autour de ce personnage. Figure d'autorité, un brin coléreux, beaucoup de gens le craignent. Certains le disent immortel mais personne ne connaît vraiment les sombres secrets qui habitent cet être torturé, à moins de lire "Tempus fugit" qui pourrait ne pas être avare en révélations. 

Finalement, derrière le duc Nikolaï, c'est aussi et surtout Célestopol qui est mis en avant. L'auteur a presque érigé cette ville lunaire au rang de personnage. Omniprésente dans chaque nouvelle, on cherche surtout à percer ses mystères. Elle éveille notre curiosité et réalise nos fantasmes d'explorateurs. Elle est une utopie que beaucoup ont rêvé depuis le premier pas de l'homme sur la lune. Elle est à la fois un personnage et l'univers même dans lequel ces nouvelles évoluent, en leur donnant un cadre rétro-futuriste où le steampunk s'épanouit par l'intermédiaire, par exemple, de tous ces automates que l'on rencontre ici ou là. Des automates qui ont su évoluer et cherchent même à s'émanciper de l'homme comme dans "Les lumières de la ville". 

Ce livre est à la confluence des genres. La présence du steampunk est indéniable mais d'autres notes viennent colorer ces récits. Ainsi, "Une note d'espoir" rend hommage au conte traditionnel russe à travers la figure de Baba-Yaga. Le romantisme slave trouve aussi sa place dans Célestopol lui ajoutant beaucoup de charme et suscitant pas mal d'émotions. Un recueil qui recèle finalement pas mal de magie et laisse exprimer allègrement la fantasy de cet auteur. Pensez à la présence de cet humain devenu un ours. Voilà quelque chose qui n'est pas banal !

Avec Célestopol, Emmanuel Chastellière nous met littéralement en orbite. La pluralité de ses histoires nous envoûtent tant que l'on n'a même pas envie de redescendre sur terre et de refermer ce livre. 

Fantasy à la Carte

Informations

Les avis ne manquent pas sur la blogosphère comme La Bibliothèque d'Aelinel, La Geekosophe, Just a Word, Au Pays des Cave Trolls

Emmanuel Chastellière
Célestopol
Editions Libretto

10/03/2020

Floriane Soulas, Rouille, éditions Scrineo

A peine sorti en librairie, Rouille s'est illustré en raflant quelques belles récompenses : le prix ActuSF de l'uchronie en 2018, le prix Imaginales des lycéens et le prix Chrysalis - European Science-Fiction Society en 2019. Voilà de quoi mettre en appétit tout bon lecteur d'Imaginaire, sans parler de la superbe couverture d'Aurélien Police qui nous tape dans l’œil de par sa beauté et sa sobriété. 

Rouille est un récit uchronique qui nous immerge dans un Paris steampunk

1897. Violante est la courtisane la plus connue du tout Paris. Elle est autant fantasmée par les hommes de la haute et basse société que jalousée par les femmes, mais elle s'en moque. Elle a bien d'autres soucis à gérer. Amnésique, elle ne se rappelle rien de son passé. Sa vie semble avoir débuté lorsque le proxénète Léon l'a trouvée à moitié morte dans une ruelle et l'a placée dans la célèbre maison close des Jardins Mécaniques. Alors qu'elle cherche à découvrir ses origines, sa meilleure amie Satine disparaît. Prostituée et toxicomane, le pire est à craindre pour elle, d'autant plus que d'inquiétantes disparitions se multiplient dans les bas quartiers de la ville. Que se passe-t-il ? Quel sordide criminel est à l'oeuvre ? Est-ce qu'un nouveau Jack L’Éventreur cherche à attirer l'attention ? 

Rouille cumule les points forts pour emporter l'adhésion du public.

Déjà, ce livre dépeint l'univers fascinant d'un Paris impérial revisité à la sauce steampunk. L'autrice a choisi de fracturer la capitale en deux parties distinctes avec, d'un côté les beaux quartiers protégés par un dôme, et de l'autre côté les quartiers populaires et miteux où les pauvres sont abandonnés à leur sort. Ce dôme concentre toutes les innovations devenues possibles grâce au modernisme. Ainsi, les transports bénéficient des dernières avancées techniques : des dirigeables envahissent le ciel et des fiacres mécanisés parcourent les rues parisiennes. C'est un Paris qui est à la fois enchanteur et effrayant. En effet, Floriane Soulas nous rappelle à travers ce récit que la Belle Epoque ne se résume pas seulement au froufrou des belles robes et au progrès. Elle délaisse bien volontiers les mondanités au profit de la vie industrieuse des gens de plus modestes conditions. Ainsi, on côtoie plutôt les prostitués, les caïds et la misère. 

En choisissant d'écrire une uchronie et de rester cohérente, elle a dû respecter les mœurs de l'époque et notamment les rapports entre les hommes et les femmes. La femme étant considérée comme le sexe faible, Violante se doit d'être respectueuse envers l'homme qui lui est supérieur. Quoi que son héroïne ne manque pas d'esprit d'indépendance. Avec beaucoup de finesse, elle arrive à faire entendre sa voix dans son entourage très masculin. Violante est un personnage intrigant à plus d'un titre. En alternant ses deux identités, elle est à la fois Duchesse, une courtisane cultivée qui charme par sa simple présence et Violante, une jeune femme courageuse, téméraire et tenace. Floriane Soulas envoie dans son roman un message résolument féministe, grâce à cette héroïne au caractère bien trempé.  

L'intrigue quant à elle est à la fois sombre et haletante. Toutes ces disparitions et ce sillage de cadavres mutilés éveillent notre curiosité de lecteur. 

Happés par le récit, on en oublierait presque de respirer. Clin d’œil volontaire ou non à l'oeuvre de Mary Shelly, je retrouve un peu de son esthétisme dans cette folie qui s'est emparée de la ville où ses habitants deviennent les cobayes d'un génie fou à lier.

Étiqueté Young Adult, Rouille plaira également aux plus grands. Avec ce livre, Floriane Soulas nous ouvre en grand les portes de son imaginaire et on ne demande seulement qu'à y retourner. 

Fantasy à la Carte

Découvrez les avis du blog Au Pays des Cave Trolls et La Bibliothèque d'Aelinel

Floriane Soulas
Rouille
Editions Scrineo

06/03/2020

Orson Scott Card, Le Septième Fils, tome 1, Les Chroniques d'Alvin le Faiseur, éditions L'Atalante

Orson Scott Card, Le Septième Fils, tome 1, 
Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur
éditions L'Atalante

Qui n'a jamais entendu parler d'Orson Scott Card ?
Quand on est amateur d'Imaginaire, il est impossible de passer à côté de ce prolifique auteur de science-fiction qui s'est également beaucoup illustré en fantasy. Son cycle des Chroniques d'Alvin le Faiseur est considéré comme un grand classique du genre.

Une oeuvre incontournable que les éditions L'Atalante ont décidé de réactualiser en la rééditant dans une nouvelle version. Ainsi, Le Septième Fils vient juste de reparaître. Je remercie d'ailleurs Emma de m'en avoir proposer la lecture. 

Un premier tome qui nous plonge dans le quotidien d'une famille de colons cherchant à s'établir en Amérique. L'histoire débute par leur traversée mouvementée d'une rivière qui entraîne la perte du fils aîné et met en péril la naissance du septième. Or, justement, ce septième fils né d'un septième fils, prénommé comme son père, Alvin, n'est pas un enfant comme les autres, naissance exceptionnelle oblige ! Après tout, même la nature s'est opposée à sa venue. Il semble donc prédestiné à faire de grandes choses. Doté de pouvoirs, il saura sans aucun doute les maîtriser avec le temps. Ainsi, des forces sont à l'oeuvre autour de lui. Il suscite bien des attentions et pas toujours de personnes très recommandables. Finalement, tout le monde s'interroge sur son existence et nul ne sait encore si le bien ou le malin l'habite. Pour le savoir, il faudra donc lire tous les tomes de ce cycle. 

Les Chroniques d'Alvin le Faiseur est un récit uchronique qui se déroule au temps de l'émergence des Etats-Unis d'Amérique. Orson Scott Card a pris un grand soin dans les descriptions de la vie des colons de l'époque et notamment dans leur cohabitation avec les Indiens et les autres populations immigrées. Ainsi, Hollandais, Anglais, Scandinaves ou encore Allemands se côtoient dans une entente relative. La vie de ces familles est modeste et se résume souvent à la simple survie. Des communautés s'organisent autour du commerce et des lieux de culte. L'auteur met bien en exergue ici cette économie du troc qui assure la subsistance des populations nouvellement installées, ainsi que l'importance de construire des églises pour la prière et la communion. Il donne ainsi à son texte une grande pertinence faisant revivre une période importante dans l'Histoire des Etats-Unis. 

Pour apporter la touche de merveilleux, il s'est tout simplement appuyé sur la magie traditionnelle pratiquée par les pionniers américains. Nourrie par les superstitions et les diverses croyances, la magie prend des visages bien différents dans ce premier volet. Ange et démon se disputent souvent la vedette de ce livre. 

Au-delà de la théologie et de la spiritualité qui tiennent à cœur l'auteur, il aime aussi donner la primeur à de jeunes héros. Cela lui permet de se tourner vers le roman d'initiation qui mise beaucoup sur la quête d'apprentissage, inhérente au passage de l'enfance à l'âge adulte. Ainsi, on imagine sans mal tous les prodiges que le jeune Alvin va réaliser au fur et à mesure du récit. 

La fantasy d'Orson Scott Card prend forme par petites touches, déposées ici ou là, au gré de ses envies. Elle génère au même titre que son personnage principal beaucoup de fascination.

J'ai été conquise dès les premières lignes, ce roman est passionnant et plein d'émotions. Il évoque la condition de ces pionniers en quête d'eldorado mais aussi et surtout donne la parole à une famille rude et aimante. Grâce à la traduction de Patrick Couton qui a su trouver le bon patois donnant à ce cycle une ambiance très particulière, on prend un réel plaisir à s'y immerger et on le quitte à regret. 

Fantasy à la Carte

 A lire aussi sur le blog mes avis sur Le Prophète Rouge, L'Apprenti et Le Compagnon

Informations

Orson Scott Card
Le Septième Fils
Tome 1 
Les Chroniques d'Alvin le Faiseur
9791036000379
288 pages
Editions L'Atalante