L'influence du "gaming" à la littérature

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07/09/2021

Jean-Claude Dunyach, L'enfer du Troll, éditions L'Atalante

Jean-Claude Dunyach, L'Enfer du Troll, éditions L'Atalante

Ne vous fiez pas à la mine rébarbative du Troll sur cette couverture, signée Gilles Francescano car le Troll de Jean-Claude Dunyach peut se montrer, quand il le veut, très urbain. Il faut juste savoir bien le prendre, or avec un verre d'eau ferrugineuse, cela devrait faire l'affaire. 

Vous l'avez compris, aujourd'hui, on continue l'excellente série de Jean-Claude Dunyach, en plongeant dans le tome 2, intitulé, L'Enfer du Troll et paru en 2017, aux éditions L'Atalante

Après avoir claqué la porte de la mine, le Troll a décidé de se consacrer exclusivement à sa dulcinée en l'aidant à améliorer son salon de coiffure. Mais quand son ancien patron vient toquer à sa porte pour lui confier une mission, il n'a aucune envie d'accepter, mais c'est sans compter sa très persuasive trollesse. C'est comme ça que, sans crier gare, il embarque sur un paquebot en compagnie de Cédric, de Sheldon, de Brisène et de toute une flopée de chevaliers pour mener une quête dont il n'appréhende pas encore bien la finalité. 

Dans ce deuxième volet, on retrouve les héros de la première heure qui s'apprêtent à vivre de nouvelles aventures. C'est ainsi que le Troll et sa trollesse accompagnent Brisène et Sheldon dans leur voyage de noces. Cela donne l'occasion à Jean-Claude Dunyach d'explorer les aléas de la vie de couple avec un Sheldon soumis, complètement sous la coupe de sa femme. Avec son regard désabusé et sa plume caustique, l'auteur nous promet ici quelques moments choisis de scènes d'amour, parfois vache mais toujours sincère.

Derrière ces relations hautes en couleurs qui nous tirent quelques rires entendus, Jean-Claude Dunyach nous plonge également dans une nouvelle quête car tel est le but de tout héros d'épopée qui se respecte. Bien que toujours louable, la mise en œuvre de celles-ci ne manque jamais de rocambolesque et d'absurdité. C'est la grande qualité des récits de Jean-Claude Dunyach qui se montrent toujours d'une grande finesse et d'une belle perspicacité. Aussi, il revisite les éléments traditionnels du genre fantasy en les interrogeant. Par exemple, il s'intéresse ici à la figure du héros en questionnant sa fonction et son rôle. Pour cela, il utilise celle très usitée du chevalier en soulevant leurs difficultés, notamment celle de trouver le Graal. Raison pour laquelle, Arthur les a inscrit à une formation professionnelle afin qu'ils développent des stratégies à mettre en œuvre pour enfin atteindre leur objectif. Féru de nouvelles technologies, Sheldon a même été plus loin en développant une application GPS capable de détecter la sainte relique, si d'aventure cette dernière se trouvait dans les parages.  

Par le truchement de ces scènes décalées et drôles, on reconnaît, bien entendu, une métaphore de la vie d'entreprise, à travers son carcan protocolaire et ses obligations imposées aux salariés. L'Enfer du Troll cache en réalité une satire de la vie professionnelle dans ce qu'elle peut avoir d'absurde et de pesant. 

Entre un humour grinçant et une vision acérée de notre société, Jean-Claude Dunyach sait toujours trouver les mots pour nous divertir avec la juste dose de dérision. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog, mes avis sur L'Instinct du Troll et L'Empire du Troll

Informations
Jean-Claude Dunyach
L'Enfer du Troll
9782841727605
208 pages
    Éditions L'Atalante

03/09/2021

Franck Ferric, La Loi du Désert, Intégrale, éditions Critic

Franck Ferric, La Loi du Désert, Intégrale, éditions Critic

Avec 5 romans et une quarantaine de nouvelles à son actif, Franck Ferric fait partie des nouvelles voix de l'Imaginaire français. Régulièrement sélectionnés pour les distinctions les plus prestigieuses, ses textes, qu'il s'agisse de science-fiction ou de fantasy, se font toujours remarquer. 

Pour marquer cette rentrée, les éditions Critic ont décidé de rééditer La Loi du Désert et Retour à Silence sous la forme d'un intégrale. En effet, comme ces deux récits partagent le même univers, l'idée de les réunir en un seul livre est juste excellente. Cela nous donne l'opportunité de découvrir ou redécouvrir une plume qui a été finaliste du prix Rosny Aîné et du prix Futuribles en 2010 pour La Loi du Désert

Reçu en service de presse, je remercie les éditions Critic pour ce nouveau partenariat. 

Un livre, deux histoires et un univers. 

La Loi du Désert

Mathian est soldat, Raul travaille dans une fonderie. Ils sont frères. Du monde d'avant, il ne reste qu'un vaste désert où subsistent ici ou là quelques villes, tenues sous le joug des plus puissants. Raul supporte de moins en moins ces inégalités alors quand on lui propose de participer à une action censée donner une bonne leçon au pouvoir, il ne se défile pas. Seulement rien ne va se passer comme prévu et Raul est arrêté, pire il est condamné à l'exil. Or, au-delà des murs de Salina Cruz, il n'y a rien si ce n'est le désert et la mort. Mais, c'est sans compter l'intervention de Mathian qui n'hésite pas à déserter pour retrouver coûte que coûte son frère et tenter le tout pour le tout afin de le sauver, enfin s'il arrive à le retrouver à temps. 

Retour à Silence

Alej vit en reclus à Silence dans une cabane en tôle. Rongé par les souvenirs et les regrets, il se pensait à l'abri de son passé mais c'est méconnaître celui-ci qui revient le traquer. Le moment est venu de l'affronter et de régler définitivement ses comptes. 

Dans La Loi du Désert, suivi de Retour à Silence, Franck Ferric nous immerge dans un univers d'anticipation où la terre est réduite à une étendue désertique, peuplée par une poignée d'humains qui se sont réfugiés dans des Cites-Etats, disséminées ici ou là. 

A force de guerres et d'exploitation excessive, les hommes ont eu raison de la planète contraignant les survivants à une vie rude et perpétuellement menacée. 

Dans ses deux récits, l'auteur dessine les contours d'un monde âpre et violent. Malgré l'effondrement de la société, le nouveau monde n'a pas donné lieu à la mise en place d'un modèle juste et équitable. Bien au contraire, dans La Loi du Désert, l'auteur jette l'ancre à Salina Cruz, une république qui n'hésite pas à utiliser la coercition pour faire filer droit le peuple. La vie y est impitoyable pour les populations pauvres. Le pouvoir reste aux mains des plus fortunés. La parole y est muselée et l'information ne transite que par la presse locale qui joue à merveille son rôle d'outil de propagande. 

En plus d'instaurer un climat de défiance entre les gens, Franck Ferric introduit d'autres menaces venant du désert. La plus grande d'entre elles est celle des blafards. Des êtres humanoïdes dont on ne sait que peu de choses si ce n'est qu'ils constituent un danger pour les gens d'où l'instauration de frontières gardées par une armée de soldats. Mi hommes, mi êtres fantastiques,  les rumeurs, les plus folles, courent sur leur compte. La plus notable d'entre elles est qu'ils vivraient sous terre. L'auteur reste volontairement évasif à leur sujet, sans doute pour laisser planer une aura de mystères autour d'eux. Sont-ils de simples exilés des cités ? Ont-ils subi des mutations ? Viennent-ils d'ailleurs ? Toutes les hypothèses sont finalement plausibles. En tout cas, leur présence colore ces textes d'une pointe onirique, brouillant un peu plus les pistes. 

Voilà qui pose le décor d'un monde impitoyable et dur dans lequel évoluent les héros de Franck Ferric. Chacun d'eux mène sa propre croisade sanglante et mortelle. 

Dans les récits de Franck Ferric, il est question de vengeance, de survie et de rédemption. Sa plume est volontairement mordante pour nous entraîner dans les road trips menés par les différents personnages. Avec ses deux textes, l'auteur signe un post-apo incisif où ça tire tous azimuts pour nous en mettre plein la tête. J'avoue que c'est une lecture remuante. 

Pour se mettre au diapason de l'atmosphère sombre et inquiétant que dégage son univers, l'auteur nous brosse le portrait de héros tourmentés. Du côté de La Loi du Désert, on s'attache à ces deux frères que tout oppose mais dont le lien filial est plus fort que tout. Aussi, par amour fraternel et par loyauté familiale, Mathian choisit de déserter l'armée, quitte à risquer des poursuites pour sauver la vie de Raul. Quant à ce dernier, on suit sa descente aux enfers, victime d'une société injuste et sans pitié. Bouc émissaire d'une action commanditée par d'autres, il se retrouve chassé et envoyé à une mort certaine. Quant à Retour à Silence, on rencontre le très énigmatique Alej, un personnage plein de fureur qui règle ses litiges à coup de fusil. C'est un héros en demi-teinte, tantôt féroce et déterminé, tantôt meurtri et mélancolique. Façonné par une vie difficile, Alej est un personnage aussi mordant que poignant. 

Finalement, ça matche plutôt bien entre les lecteurs et les protagonistes de ces deux histoires car on les adopte sans aucune difficulté. On demeure même assez captivés par leur aventure respective. 

La sortie de cet intégrale m'a permis de découvrir un auteur que je ne connaissais pas encore mais dont la qualité de la plume est indéniable. Alors, il est fort probable que je m'intéresse à ses autres romans fantasy dans un avenir proche.

Fantasy à la Carte

Informations

Franck Ferric
La Loi du Désert
Intégrale
9782375792131
436 pages
Editions Critic

27/08/2021

Pierre Pevel, Le Roi, tome 3, Haut-Royaume, éditions Bragelonne

Pierre Pevel, Le Roi, tome 3, Haut-Royaume, éditions Bragelonne

Pour conclure cet été en beauté, j'ai décidé de retourner dans le Haut-Royaume de Pierre Pevel en lisant le tome 3 de la saga.

Le Roi s'ouvre sur la mort du Haut-Roi provoquant bien des remous autour de sa succession car si beaucoup espèrent en secret, nul ne sait vraiment lequel de ses fils lui succédera. Les alliances se forment, les rapprochements s'esquissent en attendant l'ouverture du testament royal. Pour Lorn, peu importe le frère qui portera la couronne, il sait déjà que ce début de règne sera marqué du sceau de la guerre. A voir maintenant, quel rôle, lui et sa garde d'Onyx joueront dans celle-ci.

A l'image de ses livres précédents, Pierre Pevel signe encore avec ce tome 3, un page turner qui ne souffre d'aucun essoufflement. Chaque conclusion de chapitre alterne rebondissements ou cliffhangers rendant la lecture toujours plus addictive. Les pages défilent sans que l'on en ait conscience, tant l'immersion est totale. 

Auteur d'expérience, Pierre Pevel sait depuis longtemps quels sont les éléments nécessaires pour agrémenter son récit et sur quelles ficelles tirées pour capter l'attention de ses lecteurs. 

A travers Haut-Royaume, il esquisse un univers visuellement simple mais redoutablement efficace. L'action se déroule essentiellement dans ce royaume puissant qui est, d'un côté, menacé par un autre État et de l'autre côté, est fragilisé par une guerre fratricide. Vaste territoire qui est, dans ce roman, le théâtre de luttes armées. 

En effet, ce troisième volet est écrit en deux temps avec d'abord, une succession d'événements se déroulant à la cour et plongeant le lecteur dans un tourbillon d'intrigues et de complots, puis en second temps, vient le moment de prendre les armes pour aller guerroyer sur le champ de bataille et voir lequel des frères sera le vainqueur de ce conflit. 

Voilà qui donne le ton à ce récit mêlant l'héroïque à l'intriguant pour mieux nous tenir en haleine.  

Quand on se plonge dans ce cycle, on a vraiment l'impression d'être propulsé dans n'importe quelle cour royal où les courtisans intriguent allègrement pour satisfaire leurs ambitions. C'est toute la force de ce texte qui donne vie à une fiction authentique digne du règne de Louis XIV. 

Pour parfaire son décor, l'auteur y a ajouté des éléments oniriques inscrivant ainsi son récit dans une belle fresque de fantasy. Aussi, la magie imprègne donc bien ces lignes. Elle s'exprime notamment par l'Obscur, une magie noire, corrompue et corruptrice mais qui peut s'avérer une bonne alliée quand le besoin s'en fait ressentir pour Lorn Askariàn.

De même que les créatures fantastiques ne manquent pas. Il y a, par exemple, des wyvernes qui servent de montures ailées aux protagonistes de cette histoire. Quand on est familier de la plume de Pierre Pevel, on sait combien il est attaché à la figure du dragon. Alors il n'y a rien de surprenant à le retrouver dans bon nombre de ses textes sous l'une ou l'autre de ses formes. Ici, il est même un élément fondamental à l'intrigue mais qui s'entoure d'une aura de mystères à percer.

Dans cette saga, l'auteur a beaucoup joué sur l'ambiguïté de son personnage principal. Lorn Askarian est un homme secret et déroutant car on ne sait jamais sur quel pied danser avec lui. En effet, on ne sait, par exemple, jamais quelles décisions il va prendre et on en arrive même parfois à douter de sa sincérité. Personnage particulièrement charismatique qui demeure incontestablement l'atout qui nous fait tant aimer cette saga. Mais, l'auteur propose une importante galerie de personnages tout aussi intéressants quand on y regarde de plus près. C'est le cas d'Alan, l'ami d'enfance de Lorn et accessoirement l'un des héritiers du Haut-Roi. C'est un jeune homme orgueilleux et fier qui ne veut souffrir d'aucune concurrence. Or, sa jalousie pourrait bien finir par le consumer, et même avoir raison de sa belle amitié. Par opposition, son frère Yrdel est plus pondéré et réfléchi que son demi-frère. Il incarne l'homme d'honneur et de principe mais qui peut se montrer d'une inflexible intransigeance quand la situation l'exige. En outre, les relations que tous trois entretiennent sont la clé de voûte de ce récit. 

Avec Le Roi, Pierre Pevel n'a pas failli à ses promesses : la tension, le suspense et les péripéties sont bien au rendez-vous.

Conquise par cette saga, je ne peux que vous la recommander chaudement. Quant à moi, j'attends le prochain épisode avec une grande impatience. 

Fantasy à la Carte

Retrouvez mes avis sur Le Chevalier (tome 1) et L'Héritier (tome 2) de Haut-Royaume

Informations

Le Roi
Tome 3 
Haut-Royaume
979-10-281-0686-7
504 pages
Editions Bragelonne