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23/12/2022

Ophélie Duchemin, Rose Eternelle, éditions Plume Blanche

Ophélie Duchemin, Rose Eternelle, éditions Plume Blanche

Pour une amoureuse des livres comme Ophélie Duchemin, quoi de plus naturel que de la voir prendre la plume à son tour pour nous immerger dans de merveilleuses histoires. 

Après une première trilogie, La Lumière d'Ayvana, publiée aux éditions Sharon Skena entre 2017 et 2019, elle nous régale en 2020 d'une très belle réécriture du conte de La Belle et la Bête, publié chez Plume Blanche. 

Délicatement déposé au creux de mes souliers par le Père Noël l'an dernier, je viens enfin de me plonger dans cet envoûtant roman. 

Résumé :

Fille d'un modeste armateur, Méliane est très investie dans l'entreprise familiale même si elle préfère surtout se plonger dans les livres. Un jour, elle découvre une anomalie sur une cargaison d'un de leurs navires et décide d'investiguer, en dépit de la mise en garde de son père de ne pas s'en mêler. Or, elle va découvrir que ce trafic cache un complot ourdit par le royaume de Viduyt qui va la mettre en danger de mort, ainsi que sa famille, obligeant même la jeune femme à fuir pour tenter d'alerter les souverains. Seulement, la rumeur raconte que le roi et la reine sont décédés et que le prince héritier est porté disparu. Alors dans ces conditions, comment se fera-t-elle entendre ? Et surtout, y a-t-il réellement une bête qui rôde là-bas ? Coincée de toutes parts, Méliane n'a pas d'autre choix que d'affronter son destin ? 

Mon avis :

Pour écrire Rose Eternelle, Ophélie Duchemin s'est appuyée sur la version Disney du conte de La Belle et la Bête dont on retrouve, d'ailleurs, de nombreux clins d'œil à travers certaines scènes mythiques. Mais cette adaptation animée lui a surtout inspiré l'univers onirique de son roman. On y découvre le royaume d'Elnead, accablé par une malédiction qui pèse sur l'héritier de la couronne, laissant le champ libre à des ducs ambitieux et cupides ne rêvant que de pouvoir au détriment du peuple. Toute la féérie du texte réside dans ce domaine royal dissimulé par une forêt enchantée qui semble être capable d'empêcher la moindre intrusion. Derrière cette magie se cachent les gardiens, des êtres protéiformes pouvant autant endosser une apparence humaine qu'animale. Ainsi, ils maintiennent une barrière protectrice autour du palais royal dont la stabilité est intimement liée au châtiment qui pèse sur le prince. En effet, il est soumis à un compte à rebours au terme duquel s'il n'a trouvé personne à aimer et à se faire aimer en retour, il se verra condamné à conserver sa bestialité à jamais. 

Sans surprise, on retrouve les trois figures principales du conte, la Belle, la Bête et Gaston même si Ophélie Duchemin a beaucoup travaillé les personnages en leur donnant notamment de la profondeur à travers un passé très étoffé. 

Dans le portrait de Méliane que nous brosse l'autrice, on va retrouver les caractéristiques de la Belle puisqu'elle est une jeune femme atypique préférant la compagnie des livres à la mesquinerie des humains. Cela lui vaut la réputation d'être une personne à part qui ne rentre donc pas dans le moule social, au contraire de sa cadette qui illumine la société de sa beauté et œuvre d'arrache pied pour se trouver un bon parti à épouser. En outre, Méliane fait preuve d'un même sens du sacrifice pour le bien des siens ou d'autrui. Elle est ce genre de femme qui n'hésite pas à affronter les colères de la bête, quitte à les provoquer parfois. Ophélie Duchemin n'a pas hésité à en faire une héroïne frondeuse, indépendante et forte qui rebondit en dépit des situations critiques. Enfin, elle lui a ajouté une dose d'humour faisant d'elle un personnage piquant. Face à elle, la Bête prend les traits de l'irascible Adrian qui s'est approprié sans mal son mauvais caractère. Emporté, bougon et solitaire, on n'est pas dépaysé en renouant avec ce protagoniste. Et pourtant, l'autrice expérimente de l'inédit avec lui en distillant au compte-goutte des révélations explosives sur ses jeunes années qui nous imposent de porter sur lui un regard bienveillant. On est littéralement touché en plein cœur par son histoire, ce qui rend d'ailleurs le lien qui l'unit à Méliane encore plus précieux. Ophélie Duchemin confronte ses personnages à de vraies problématiques familiales entrainant des troubles et des traumatismes psychologiques qu'elle aborde d'ailleurs longuement ici. Quant au détestable Gaston, l'autrice en a fait quelque chose d'intéressant puisqu'elle a disséminé un peu de son odieux caractère dans deux de ses personnages. Sans rentrer plus précisément dans les détails et respecter ainsi le plaisir de la découverte, je ne dirais rien sur leur identité, seulement que l'ignoble peut s'installer dans plus d'un cœur et pousser les âmes aux pires forfaitures. 

Plus qu'une très belle romance, Ophélie Duchemin a donné à sa réécriture de conte un angle palpitant qui s'exprime par les nombreux complots gravitant autour des deux personnages principaux. La trahison est le fil d'Ariane de ce récit promettant aux lecteurs de nombreux retournements de situation jusque dans les dernières pages du roman. 

Ophélie Duchemin explore bien entendu la puissance de l'amour qu'il soit filial ou sentimental mais soulève également entre ces lignes des questions fondamentales qui touchent à l'emprise familiale, la toxicité relationnelle ou encore l'autodestruction comme mécanisme de défense. Elle est clairement implacable avec ses protagonistes en les plaçant dans des situations volontairement déstabilisantes psychiquement pour mieux les voir surmonter leur détresse. Elle nous parle également de deuil, d'espoir et de courage donnant ainsi à son récit une vraie profondeur et procurant aussi moult émotions chez les lecteurs. 

Plus qu'un simple récit, Ophélie Duchemin a l'ambition avec Rose Eternelle d'avoir posé la première pierre d'un univers foisonnant où les contes tiennent le premier rôle. Aussi, elle n'hésite pas à introduire la référence à un autre conte qu'elle nous promet d'ores et déjà d'approfondir à l'occasion d'une prochaine incursion. 

En conclusion :

Finalement, Rose Eternelle nous fait craquer pour bien des raisons. Déjà, la plume d'Ophélie Duchemin y est envoûtante. Ensuite, l'univers est comme une madeleine de Proust avec une saveur d'inédit. Enfin, le texte dégage une telle émotion qu'il est impossible de rester insensible. Alors, qu'attendez vous pour le lire ? Une chose est sûre, je lirai prochainement son roman, Murmures de l'océan et vous ? 

Fantasy à la Carte

D'autres avis sur la blogosphère : Les pages qui tournent, Dévoreuse de livres et L'antre d'une rêveuse

Informations

Ophélie Duchemin
Rose Eternelle
9791094786673
515 pages
Editions Plume Blanche

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