L'influence du "gaming" à la littérature

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13/08/2024

Pierre Pevel & Etienne Willem, Les Artilleuses, éditions Drakoo

Pierre Pevel & Etienne Willem, Les Artilleuses, éditions Drakoo

Avant d'adapter en bande dessinée la saga du Paris des Merveilles, Pierre Pevel et Etienne Willem avaient déjà collaboré ensemble à une autre série en 3 volumes, intitulée Les Artilleuses

Il s'agit ici d'une intrigue inédite qui prend également cadre dans ce fameux Paris des Merveilles, "un Paris qui n'est ni tout à fait le nôtre, ni tout à fait un autre". 

Je ne l'ai pas lu à sa sortie mais j'ai fini par craquer pour son coffret en édition limitée vendu avec trois superbes ex-libris. Il était donc temps que je m'attelle à la lecture. 

Résumé :

Lady Remington, Miss Winchester et Mam'zelle Gatling forment un trio de monte-en-l'air fort explosif. Elles viennent d'accepter une dernière mission avant de raccrocher défectivement et espèrent bien terminer sur un coup de maître. Il s'agit du casse d'une banque afin d'y dérober une précieuse relique, la Sigillaire. Seulement à peine le hold-up accompli, elles se retrouvent avec les Brigades du Tigre et les services secrets du Kaiser aux fesses, sans parler des nombreuses tentatives d'assassinat auxquelles elles tentent d'échapper. Elles ont bien conscience que ce vol risque de leur coûter cher, si elles ne découvrent pas vite le commanditaire. Les voici donc propulsées dans une course contre-la-montre à l'issue incertaine en espérant échapper au sort funeste qui les guette. 

Mon avis :

Avec Les Artilleuses, on retrouve l'univers enchanteur du Paris des Merveilles où l'Outremonde exerce une grande influence sur notre monde. Ainsi, les rencontres oniriques sont devenues monnaie courante, les dragonnets ont envahi le ciel, les elfes tiennent commerces, les gargouilles prennent vie et les faunes sont même à la tête de trafics. C'est dans ce monde cher aux inconditionnels de Pierre Pevel que ce dernier a inséré son histoire de cambriolage mêlé à des affaires d'Etat. L'intrigue s'insère dans le contexte politique houleux de l'époque à travers les relations difficiles entre la France et la Prusse et l'essor d'un réseau d'espionnage sur tout le territoire. 

Entre intrigues politiques, investigations et tirs nourris, le scénario est tout feu, tout flamme. C'est rythmé, drôle et riche en carambolages. Pierre Pevel n'a pas fait dans la dentelle en mettant en scène un trio de donzelles à la gâchette sensible. En effet, il table sur trois héroïnes fort badasses pour porter son histoire. Trois femmes qui sont d'ailleurs bien représentatives de son univers avec notamment une magicienne et une fée dans leur rang. Collé à leurs basques, on n'est pas déçu du voyage car elles nous en font voir de toutes les couleurs. Elles mènent leurs affaires tambour battant et ont plus d'un tour dans leur sac pour se sortir des pires ornières. Très différentes les uns des autres, l'auteur joue sur leurs différences pour pimenter son histoire. Ainsi, Audrey Remington est le cerveau de la bande. Aristocrate, cette magicienne mène son monde à la baguette. Elle sait ce qu'elle veut et ne se laisse pas facilement impressionnée. Sous ses airs de grande dame se cache une puissante magicienne qui n'hésite pas à user de ses pouvoirs lorsque la situation l'exige. Kathryn Winchester, elle, est américaine. Tireuse hors pair, elle joue autant des coups que de son charme. C'est une belle femme qui connaît ses atouts et sait s'en servir en temps utile. Enfin, Louison Gatling est une fée qui ne s'épanouit qu'à Paris. Son péché mignon, les explosifs. Ils lui sont nécessaires pour régler bien des problèmes. Avec son allure de mécanicienne, on la prendrait facilement pour un garçon manqué mais il ne faut pas s'y fier car ce petit bout de fille en a sous le capot pour se sortir des mauvais pas. Ensemble elles font bien souvent tout péter et donnent ainsi à cette série tout son sel. 

Pour mettre en images Les Artilleuses, on retrouve le très talentueux Etienne Willem aux mannettes. Comme à son habitude, il donne vie à ce merveilleux Paris avec beaucoup d'élégance, l'habillant de féérie et de touches steampunk très modernes. Je reste admirative de la qualité du graphisme. Les dessins sont si réussis. Les créatures féériques sont fort bien réalisées. Il a su s'approprier l'univers pour nous livrer un Paris extraordinaire plein de mystères et de raffinement. Le trait est délicat et les couleurs sont chatoyantes. Ca a été un réel plaisir que de se plonger dans cette bande dessinée à l'intrigue bien ficelée. Etienne Willem était un grand artiste. Il avait ce don pour donner à la fantasy toute sa noblesse. Sa disparition laisse un immense vide dans nos cœurs. 

Pour conclure :

Les Artilleuses, c'est une série pleine d'actions dans laquelle l'ennui n'est pas de mise, et à laquelle s'ajoute une petite touche d'humour bienvenu. Je vous la donc recommande chaudement.

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog, mes avis sur Le Paris des Merveilles, volume 1 et 2

Informations

Pierre Pevel 
Etienne Willem
Les Artilleuses
9782382330203
Editions Drakoo

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09/08/2024

Anthony Ryan, Le Paria, T.1, L'Alliance de Fer, éditions Bragelonne

Anthony Ryan, Le Paria, T.1, 
L'Alliance de Fer, éditions Bragelonne 

Anthony Ryan est un écrivain écossais de fantasy extrêmement prolifique. Il compte pas moins de six séries à son actif en cours d'écriture ou terminées, ainsi qu'un roman indépendant et quelques nouvelles. 

A ce titre, il s'est clairement imposé comme l'un des noms incontournables du genre de ces dernières années. Parmi ses influences, il revendique celle de David Gemmell

Or, cela tombe bien car cette lecture se fait en partenariat avec la librairie en ligne Dolpo qui m'a laissée carte blanche pour vous proposer un focus sur trois auteurs majeurs de fantasy. Aussi, après Anthony Ryan viendra le tour de David Gemmell et de Brandon Sanderson d'être mis en valeur par ici.

Pour Anthony Ryan, j'ai jeté mon dévolu sur sa dernière saga traduite en français, L'Alliance de Fer et je remercie Dolpo pour l'envoi du premier tome. 

Résumé :

Orphelin, Alwyn a été chassé très jeune du bordel où travaillait sa mère. Il est recueilli par une bande de hors-la-loi qui vit de rapines, de meurtres et d'autres coups fourrés. Tout bascule le jour où leur chef, le roi des brigands, le célèbre Deckin Scarl est trahi alors qu'il fomentait un renversement de pouvoir et que ses complices ont presque tous été éliminés, à l'exception d'Alwyn. Pour autant, sa position n'est pas des plus envieuses puisqu'il est envoyé dans les mines et c'est au cœur de cet enfer qu'il va préparer sa vengeance en prenant enfin conscience de bien des choses. 

Mon avis :

L'Alliance de Fer est une saga de fantasy qui nous attache aux pas d'un hors-la-loi qui va devenir scribe et soldat. Anthony Ryan nous emmène dans le royaume d'Albermaine qui est composé de nombreux duchés. Chacun d'entre eux est un enjeu et génère des tensions voir des coups d'état. Un roi est à sa tête mais celui-ci voit sa couronne menacée par un noble qui sous le pseudonyme de Prétendant lève une puissante armée pour tenter de s'emparer du trône. Ainsi, ce premier volet nous plonge en pleine guerre de pouvoir où chacun rivalise pour écraser l'autre. Les jeux d'influence vont bon train et les trahisons se multiplient. D'autant que la religion est puissante dans cette société féodale. Il s'agit de l'Alliance des Martyrs qui est célébrée par des Ascendants et des Suppliants. Elle a ses propres anges et démons qualifiés respectivement ici de Séraphiles et de Malécites. En son nom des croisades sont menées pour officiellement lutter contre le paganisme mais qui sert tout autant de prétexte pour étendre le territoire et accroître l'influence. Les autres croyances sont considérées comme impies et sont même assimilées à de la sorcellerie. C'est ainsi que la magie s'exprime entre ces lignes aussi discrètement que fortuitement pour sauver des vies. Mais celle-ci a un prix et peu sont prêts à le payer. 

Le scénario est classique mais efficace. On y retrouve les éléments habituels d'une fantasy guerrière : deux camps qui s'affrontent, des peuples persécutés et de la magie interdite. Pour autant, le charme opère car le récit est rempli de rebondissements, de retournements de situation, de chausse-trappes et de manipulations politiques. Le texte est très épique et Anthony Ryan a su nous attacher à son personnage en instaurant une complicité immédiate. Il faut dire que ce dernier n'a de cesse de nous interpeller tout au long de la lecture. Avec lui, l'auteur casse les codes du héros archétypal puisqu'il a choisi la figure du voyou qui cherche juste le moyen de survivre dans ce monde âpre. Il fait donc le choix de l'anti-héros et ainsi joue sur les nuances d'un personnage qui est loin d'être lisse. Ce parti pris est habile d'autant qu'il suscite un certain engouement parmi les amateurs du genre, surtout si l'on en croit l'envolée des ventes de ce type de sagas. 

Alwyn est réellement un protagoniste intéressant. Il est très intelligent et a une bonne intuition. Pour autant bien que réfléchi, il arrive à nous surprendre par certaines de ses décisions. Son impulsivité ne manque jamais une occasion de le mettre dans des situations délicates. On le rencontre très jeune alors on suit son évolution et ses quêtes, on goûte à sa témérité ou à sa lâcheté. On rit à ses réparties parfois savoureuses et on se moque gentiment de ses inconséquences. C'est clairement un personnage que l'on n'oublie pas et que l'on n'a pas envie de lâcher. Il habite littéralement ce roman et se révèle être un vrai atout, au demeurant, fort imprévisible. 

Pour conclure :

Dans ce premier tome, Anthony Ryan s'est attelé à poser le décor et à présenter les enjeux de son univers. Aussi, il faut un peu de temps pour être bien dans l'histoire mais quand c'est chose faite, c'est un vrai plaisir de lecture, croyez moi ! L'auteur y réunit tous les ingrédients du bon livre : vengeance, trahison et secrets que l'on aime retrouver dans un univers de fantasy. Je lirai donc la suite avec joie alors à très bientôt. 

Fantasy à la Carte

Informations

Anthony Ryan
Le Paria
T.1
L'Alliance de Fer
9791028120559
744 pages
Editions Bragelonne

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02/08/2024

Terri Windling, L'épouse de bois, éditions Les Moutons électriques

Terri Windling, L'épouse de bois, éditions Les Moutons électriques 

Terri Windling est une touche-à-tout. Romancière, illustratrice, essayiste et directrice littéraire, elle a joué un rôle prépondérant dans l'essor de la fantasy aux Etats-Unis. Sa bibliographie compte une petite dizaine de romans auxquels s'ajoutent quelques essais et des anthologies. Son premier roman, L'Épouse de Bois, publié en 1996 a reçu le prix Mythopoeic. C'est malheureusement le seul traduit en français.

Après une première édition en 2010, les éditions Les Moutons électriques ont décidé cette année de le rééditer avec la même illustration de couverture signée Brian Froud

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse. 

Résume :

Maggie Black vient d'hériter de la maison de Cooper Davis, un poète qu'elle admirait beaucoup et avec qui elle entretenait une correspondance assidue sans pour autant l'avoir rencontrée en personne. Elle est donc d'autant plus étonnée qu'il lui ait laissé ses biens et décide de prendre ça pour un consentement à ce qu'elle écrive enfin sa biographie. C'est pourquoi elle choisit d'aller s'y installer afin de mieux le comprendre. Totalement envoûtée par l'Arizona, elle cherche à savoir qui il était réellement en se plongeant dans ses effets personnels et peut-être même élucider les circonstances de son décès puisqu'il a été retrouvé noyé dans une rivière asséchée. Seulement, il se peut que d'autres ne souhaitent pas que cela se sache et qu'un grand danger la guette, qui sait ! 

Mon avis :

L'épouse de bois est un récit de low fantasy infusé aux mythologies européennes et amérindiennes. En effet, l'autrice s'est réappropriée habilement certaines figures ou épisodes légendaires pour nourrir son récit. Aussi, on va retrouver entre ces lignes un personnage-clé de la mythologie amérindienne à travers le coyote. Terri Windling a d'ailleurs repris sa représentation anthropomorphique pour l'un de ses protagonistes qui conserve notamment ses oreilles pointues et sa fourrure malgré sa transformation. Elle emprunte clairement à la légende des Changes-Peaux de la culture Navajo, connus sous le nom de "skin-walker" qui peuvent se métamorphoser en loup, chien, corbeau ou coyote. Ce sont des guérisseurs considérés comme maléfiques car ils utilisent leur pouvoir pour provoquer le malheur aux autres. Dans L'épouse de bois, certaines créatures s'avèrent cruelles et beaucoup se plaisent à jouer des tours mais elles ne sont pas toutes foncièrement mauvaises. En outre, l'autrice s'appuie sur un mythe populaire européen très connu, à savoir la chasse fantastique conduite par un groupe d'êtres surnaturels qui mènent une poursuite sauvage. Ce motif récurrent accompagne donc le récit tout du long et fait peser une menace sur ses personnages. 

Le surréalisme sert également de terreau à la magie de ce texte car elle puise dans les rêves pour sublimer l'art pratiqué par certains protagonistes. 

L'épouse de bois dégage une magie envoûtante, aussi inquiétante qu'intriguante. L'univers est solide et d'une grande efficacité. Bien évidemment, l'alchimie avec un roman demeure une question très personnelle mais je dois dire qu'avec L'épouse de bois, celle-ci a parfaitement opéré sur moi. Ce livre est une vraie réussite, très poétique et fort enivrant. 

Terri Windling nous livre une véritable ode à la nature. Les lieux prennent vie sous nos yeux presque magiquement, les sensations semblent décuplées. Bien qu'aride, le désert d'Arizona explose de vie. La nature s'est adaptée et on reste subjugué devant son ingéniosité. C'est d'ailleurs ce que l'autrice cherche à nous transmettre. Elle met en exergue l'importance de la protéger et de la préserver notamment face à l'empreinte destructrice de l'homme. Elle critique l'urbanisation excessive de ces territoires désertiques et dénonce les abus commis par les chasseurs qui exterminent la faune locale sous couvert d'autorisation légale. Le texte est puissant et les mots sont forts pour mettre en exergue ces atrocités.

D'autre part, L'épouse de bois est à la fois un roman d'émancipation pour l'héroïne qui sort de l'ombre de son ex-mari pour prendre sa vie en mains et enfin tourner la page de ce mariage ratée et une quête d'identité pour l'un des personnages masculins qui va peut-être enfin apprendre la vérité sur ses origines. 

Le texte est riche en rebondissements pour maintenir les lecteurs dans un suspense complet. 

L'autrice y a même ajouté une touche de romance qui n'est pas désagréable à lire. 

On est face à une communauté de personnages très différents les uns des autres. Il y a la mondaine, Maggie Black qui, derrière une allure masculine, dégage une élégance folle. On l'imagine mal s'épanouir en plein désert, elle, la citadine. Et pourtant elle va y prendre goût et même en faire son foyer alors qu'elle ne s'est jamais réellement établi quelque part jusque-là. Ingénieuse, elle va démêler les fils des énigmes laissées par Cooper pour comprendre les évènements et tenter de sauver ces habitants auxquels elle s'est tant attachée. Johnny Fox, lui, incarne le boyscout. Séduisant et touche à tout, il a fait tourner la tête à plus d'une même si ce n'était pas vraiment son intention. Discret, il est un soutien indéfectible pour Maggie dans cette aventure qui pourrait bien également changer sa propre vie. Enfin, il y a la pimpante et énergique Dora. Elle est tombée amoureuse des montagnes et ne les quitterait pour rien au monde en dépit des difficultés que la vie lui réserve et des conflits qui entachent sa relation avec son mari Juan. Sa bonne humeur est communicative. Qu'ils soient solaires, attachants ou inquiétants, les personnages qui donnent vie à ce récit ne laissent clairement pas indifférents. 

Enfin, les éditions Les Moutons électriques ont eu la bonne idée d'accompagner ce service de presse d'une compilation des poèmes de Davis Cooper sous la forme d'un recueil pour parfaire notre immersion dans ce sublime univers et continuer de nous émerveiller devant la plume de ce talentueux poète imaginaire.

Pour conclure :

Avec L'épouse de bois, j'ai découvert une signature de l'Imaginaire incroyable qui donne une âme à la féérie. Quelle exceptionnelle conteuse cette Terri Windling ! Alors avis aux éditeurs si vous passez par là, je serais tellement enchantée si vous ajoutiez à votre catalogue certains de ses autres titres. 

Fantasy à la Carte

D'autres avis sont à lire sur la blogosphère : Zoé prend la plume et Bazar de la littérature.  

Informations

Terri Windling
L'épouse de bois
9782361839024
320 pages
Editions Les Moutons électriques

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28/07/2024

Rafael Marín, La Geste d'Hamlet Evans, éditions Argyll

Rafael Marín, La Geste d'Hamlet Evans
éditions Argyll 

En août, les éditions Argyll nous proposent un texte de science-fiction espagnole. Il s'agit de La Geste d'Hamlet Evans de Rafael Marín. C'est le premier roman de l'auteur publié initialement en 1984 sous le titre Lágrimas de Luz, puis il a été réédité en 2022 chez Apache Libros.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Argyll, je remercie Simon et Xavier pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Hamlet Evans se rêve écrivain. Avec quelques-uns de ses amis, il a même fondé un Cercle. Un jour, n'y tenant plus, il a proposé sa candidature pour devenir poète officiel de la Corporation et contre toute attente, elle est acceptée. C'est ainsi qu'il va embarquer pour le Monastère où il sera formé avant de rejoindre l'un des vaisseaux afin de chanter la gloire de la Corporation dans ses conquêtes de planètes. Mais au fil des missions, c'est un tout autre visage qui se révèle à lui. Or, il ne peut continuer de participer à cette mascarade et décide de rompre avec ses obligations. Mais on n'échappe pas si facilement  à la toute puissance de cette entité sans en laisser des plumes. Alors peut-il réellement trouver une issue qui lui soit favorable? 

Mon avis :

La Geste d'Hamlet Evans est un space-opera qui nous fait vite quitter la Terre pour partir dans l'espace à la conquête d'autres planètes. Entre ces pages, le monde est plongé dans un Troisième Moyen Age marqué par l'essor de l'exploration spatiale réduisant la Terre à une terre végétative pour la poignée d'humains y demeurant. L'heure est à la conquête spatiale. Celle-ci est entre les mains d'une puissante organisation dénommée la Corporation. Elle dispose de nombreux vaisseaux peuplés de militaires pour mener à bien cette mission expansionniste. A sa tête préside l'insaisissable New York, un personnage énigmatique qui brille par son absence physique et qui pourtant est omniscient à l'histoire. Son ombre plane sur l'ensemble des protagonistes. Il semble le seul décisionnaire de la politique menée par la Corporation et il n'est pas bon de lui déplaire. 

En nous attachant aux pas d'un poète officiel de la Corporation, l'auteur nous immerge dans des épisodes de colonisation, entre réédition rapide et résistance des êtres humanoïdes ou non qui peuplent les planètes conquises. 

Au fil des pages, on parcourt des sociétés primitives, féodales ou évoluées. Rafael Marín confère ainsi à son texte un caractère ethnologique. 

En outre, bien que ce récit ait 40 ans, il s'ancre toujours autant dans notre actualité. C'est un roman politique qui dénonce le colonialisme et ses ravages. L'auteur va beaucoup s'intéresser à la propagande que le pouvoir met en place pour justifier ses actions. Il met notamment en exergue le rôle des lettrés pour enjoliver les situations et diaboliser l'autre afin de faire accepter l'innommable à la masse. Il est question de servitude volontaire en distrayant l'opinion publique par l'usage de subterfuges qui vont servir de diversions, à l'image des divertissements qu'on va, par exemple, agiter au nez des gens pour détourner leur attention. Or, en refusant de continuer à partager ces mensonges, le personnage principal devient un paria qu'il faut ostraciser à tous prix, voire le faire taire d'une manière ou d'une autre pour que la réalité ne soit jamais révélée dans sa cruelle vérité. 

Aussi, derrière La Geste d'Hamlet Evans, il y a le combat pour la liberté et pour la vérité. Celui-ci est mené par Hamlet qui se sert de l'art dramaturgique pour y parvenir. L'art apparaît comme le parfait outil pour transmettre des messages. Raison pour laquelle ceux qui en font usage sont persécutés car la Corporation voit clair dans les jeux de mots, l'ironie ou la farce, apparaissant comme autant de critiques de sa politique. 

La Geste d'Hamlet Evans est également un hommage au théâtre car l'auteur a parsemé son texte de références et de clins d'œil. 

Plus qu'une aventure dans l'espace, c'est un roman initiatique pour ce héros qui se cherche aussi bien dans son identité que dans ses choix de vie. Il multiplie les expériences afin de trouver sa voie et donner un sens à ses propres actes. 

Ce livre est réellement très riche dans son fond car l'auteur y glisse aussi quelques mots sur des thématiques tout aussi importantes comme la survie ou les préoccupations environnementales. 

Ce roman est construit sur le seul point de vue narratif d'Hamlet Evans. On rencontre un jeune homme empli de rêves et d'espoir qui, au fil de ses aventures va s'endurcir, prendre la mesure de certaines choses et devoir choisir ses combats. 

Pour conclure :

En exhumant ce texte, les éditions Argyll honorent leur politique d'une ligne éditoriale engagée en continuant de proposer des textes puissants qu'ils soient d'ailleurs inédits ou non. En librairie, le 23 août. 

Fantasy à la Carte

Informations

Rafael Marín
La Geste d'Hamlet Evans
9782494665293
430 pages
Editions Argyll

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23/07/2024

Frank Schätzing, Abysses, éditions Pocket Imaginaire

Frank Schätzing, Abysses, éditions Pocket Imaginaire 

Frank Schätzing est un auteur allemand de science-fiction qui compte une dizaine de livres à son palmarès. 

Abysses est son sixième roman. Il a reçu deux distinctions : le prix allemand de science-fiction et le prix Kurd-LaBwitz et a même été adapté à la télévision sous la forme d'une série de 8 épisodes produits par Barbara Eder, Luke Watson et Philipp Stölzl. 

Or, c'est à l'occasion de sa réédition au format poche que j'ai pu me pencher dessus. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Tout a commencé par la disparition isolée de quelques bateaux et un retard dans le retour des baleines après leur migration. Fausse alerte ou signe avant-coureur d'un danger plus éminent ? Sans doute, la deuxième hypothèse semble la bonne surtout quand des bancs de méduses toxiques envahissent les plages, que des homards empoisonnent les consommateurs, que les dauphins attaquent tout ce qui se trouve dans l'eau sans parler des vers qui menacent d'effondrer le talus continental. Pour tenter de comprendre ces phénomènes, une poignée de scientifiques sont dépêchés en mer du Groenland, considérée comme l'épicentre de ces attaques. Bien que tous brillent dans leur domaine de prédilection, arriveront-ils à trouver une solution et à endiguer la fin inéluctable de l'humanité ?  

Mon avis :

Abysses est à la fois un roman de science-fiction et un thriller écologique. Frank Schätzing nous immerge dans notre monde alors qu'il est fortement mis à mal par une menace venant des abysses. Toute à son obsession d'une existence extraterrestre, l'humanité vit dans l'ignorance de la présence d'une autre intelligence supérieure qui, pourtant, lui est très proche. Mais entre ces lignes, elle va en prendre douloureusement conscience et notamment de son impuissance face à cette déferlante de puissance. Les espèces marines semblent se coordonner dans l'organisation de leurs attaques des hommes et de leurs infrastructures. C'est d'une grande violence. Les catastrophes naturelles s'enchaînent sans que personne ne les voit venir à temps. 

Le texte est parsemé de rappels des actions humaines dévastatrices pour la nature entre la surpêche menée à bord de bateaux usines, le déversement de multiples polluants ou encore l'effet pervers de l'élevage intensif porcin favorisant la prolifération d'une algue toxique. Ces inserts semblent là pour souligner la culpabilité des hommes dans ce qui leur arrive car n'est-ce pas un juste retour des choses que les animaux prennent enfin leur revanche ? En tout cas, c'est ce vers quoi ce récit semble tendre sauf que Frank Schätzing se plaît à brouiller les pistes en semant le doute dans l'esprit de ses lecteurs. Après tout, il est tout à fait plausible aussi de voir derrière ce phénomène, une machination ourdie par un écologiste extrémiste ou par un état cherchant à déstabiliser ses voisins. C'est tout le questionnement de ce roman qui se pare des atours du thriller pour nous mener au cœur d'un suspense latent.  

Les personnages sont lancés dans une course contre-la-montre pour déterminer les origines de la menace et trouver une solution, dans la mesure du possible, pacifique pour sortir le monde de cette mauvaise passe. En outre, l'auteur a complexifié le jeu pour pimenter son récit en ajoutant quelques trahisons, des omissions et des mensonges ici ou là et pas mal de manipulation, histoire de faire bonne mesure. 

Abysses met en lumière tous les risques écologiques qui nous attendent si l'on continue de foncer droit dans le mur. La terre nous alerte, à nous d'entendre le message. Récit coup de poing qui ne mâche pas ses mots pour nous entraîner au cœur d'une situation extrême et critique. Certains y verront une intrigue tirée par les cheveux, d'autres, un signal d'alarme fort pour collectivement tout changer.