L'influence du "gaming" à la littérature

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08/03/2024

Robert Jackson Bennett, La Cité des Marches, T.1, Les Cités Divines, éditions Albin Michel Imaginaire

Robert Jackson Bennett, La Cité des Marches, T.1, Les Cités Divines
éditions Albin Michel Imaginaire 

Après le succès des Maîtres Enlumineurs de Robert Jackson Bennett, les éditions Albin Michel Imaginaire récidivent en publiant le premier tome de sa saga, Les Cités Divines, qui lui fait office de préquel. 

Pour cette sortie événement, le récit arbore le bel écrin d'un livre relié. La version brochée sera donc publiée plus tard pour laisser le temps à ce format de trouver son public.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Ancienne puissante cité divine, Bulikov n'est plus que l'ombre d'elle-même depuis que les dieux sont tombés sous les coups du Kaj, un chef de guerre venu de Saypur. En outre, des pans entiers de la ville ont disparu suite à une étrange catastrophe, appelée le Cillement. C'est là qu'est sauvagement assassiné un professeur qui menait des recherches sur les divinités disparues. Or, pour enquêter sur cet odieux meurtre, est dépêchée sur les lieux la meilleure espionne du ministère des Affaires étrangères, Shara Thivani. Elle est accompagnée de son fidèle associé, originaire des terres froides, Sigrud qui va la seconder dans ses investigations à haut risque touchant à l'interdit. Alors que découvriront-ils ? 

Mon avis :

Pour avoir déjà goûté à la plume de Robert Jackson Bennett avec sa trilogie des Maîtres Enlumineurs, je connais déjà la qualité de son world building car c'est un auteur qui travaille admirablement bien ses univers. Ainsi, sa saga des Cités Divines ne fait pas exception à la règle et nous plonge dans une fantasy teintée de notes postapocalyptiques. 

Depuis le Cillement, le monde a changé. La cité de Bulikov en porte d'ailleurs les stigmates. En effet, des quartiers entiers ont disparus, subsistent même des marches ne menant plus nulle part. Dans ce décor de fin du monde, la population survie, privée de ses dieux, de ses rites et de ses croyances. Le continent ne vit donc plus sous leur protection depuis qu'Avshakta si Komayd de Saypur les a tués. Bourreau pour certains, héros pour d'autres, il est une figure emblématique qui accompagne le texte tout du long. La magie est résiduelle. Elle s'exprime par de rares miracles et à travers des artefacts divins, consignés dans un lieu tenu secret. Il faut bien reconnaître que Robert Jackson Bennett ne manque pas d'ingéniosité, notamment dans ses emprunts au patrimoine culturel pour nourrir l'onirisme de son roman. Ainsi, il va s'approprier des éléments, à l'image du tapis volant dont l'extraction de ses fils vont servir à la construction de bateaux volants et ainsi injecter au récit une dimension steampunk. 

La Cité des Marches est à la fois un polar et un roman de fantasy mais qui prend aussi une coloration steampunk et postapocalyptique. L'auteur a vraiment bien travaillé sa copie pour nous livrer un récit terriblement immersif. 

Mais, la richesse de ce livre réside aussi dans les thématiques abordées. Il y est beaucoup question d'intolérance religieuse, de racisme, d'esprit de revanche, de radicalisation des idées poussant à des actes violents. L'auteur s'intéresse ici aux mécanismes de l'idéologie sectaire résultant ou entraînant des persécutions. Cela met en lumière, par la même occasion, les conséquences psychiques que ce genre d'acte provoque, notamment lorsqu'il s'agit de renier sa nature ou de renoncer à ses envies. Le texte est clairement enrichi d'émotions fortes touchant à l'intime et à l'entrave à l'épanouissement personnel. 

De fait, La Cité des Marches est un roman qui se partage entre action, émotions et suspense. 

Quant aux protagonistes qui portent cette histoire, il faut que je vous en dise un mot car ils sont intéressants. Il y a déjà Shara, une espionne au service du ministère des Affaires étrangères. Par sa fonction, elle incarne une héroïnes forte qui affronte le danger et a réussi professionnellement à la force de son travail. Néanmoins, elle porte un lourd héritage familial qu'elle va devoir affronter sans parler des préjugés et de l'animosité qu'elle ne va pas manquer de rencontrer au cours de cette aventure. C'est un personnage tout en nuances mêlant assurance et doute. Elle est épaulée dans ses missions par Sigrud, un géant venu du nord. C'est un taiseux qui incarne l'image de l'homme fort. Son histoire personnelle est très touchante. On la découvre au fil des chapitres, le rendant extrêmement attachant. En outre, l'auteur s'est largement inspiré de la mythologie nordique pour construire ce personnage. Mais sous la plume de Robert Jackson Bennett, bien d'autres protagonistes prennent vie, imaginés de manière minutieuse que vous prendrez, j'en suis sûre, plaisir à rencontrer car ils font aussi le charme de ce livre. 

Pour conclure :

La publication de La Cité des Marches a été, pour ma part, l'occasion de belles retrouvailles avec un univers pour lequel j'ai eu un vrai coup de cœur. 

L'auteur y mélange les genres avec beaucoup de virtuosité. L'intrigue est bien ficelée et le suspense perdure jusque dans les dernières lignes. Bref, ne manquez pas de le lire à votre tour. 

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, les avis de livres en livres et Blog-O-Livre

Informations

A lire sur le blog, mes avis sur Les Maîtres EnlumineursLe Retour du Hiérophant et Les Terres Closes

Robert Jackson Bennett
La Cité des Marches
T.1
Les Cités Divines
9782226470621
544 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

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02/03/2024

Jean-Laurent Del Socorro, Peines de Mots Perdus, éditions Argyll

Jean-Laurent Del Socorro, Peines de Mots Perdus, éditons Argyll 

Auteur d'historique fantasy comme il aime le préciser en interview, Jean-Laurent Del Socorro est assurément une plume montante de l'Imaginaire. Comme l'illustre sa bibliographie qui commence à être bien fournie, il s'essaye à tous les styles en s'adressant à tous les publics. 

Son nouveau roman Peines de Mots Perdus sort ce 1er mars chez Argyll. 

C'est un récit qui donne l'occasion à l'auteur de renouer avec ses héros de la première heure qui lui ont valu le succès de son premier titre, Royaume de Vent et de Colères

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Argyll, je remercie Xavier et Simon pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Dans Peines de Mots Perdus, on retrouve une figure emblématique du Royaume de Vent et de Colères. Il s'agit d'Axelle de Thorenc que l'on va suivre à différents moments de sa vie. Ainsi, de capitaine de la compagnie de mercenaires du Chariot, elle devient chevalière de Saint-Germain. D'ailleurs, la voici à nouveau missionnée par le roi de France qui la charge de prendre la direction de l'Angleterre pour investiguer du côté d'une société secrète qui agit à l'ombre du pouvoir et s'intéresse d'un peu trop près à l'Artbon. Or, cela déplaît et inquiète en France, surtout de voir tomber entre les mains de la souveraine anglaise un puissant artefact venu du Nouveau Monde. Une enquête qui s'annonce déjà à haut risque pour Axelle alors la question qui fleurit sur toutes les lèvres est de savoir si elle va y survivre ?

Mon avis :

Comme dans ses trois précédents romans, Royaume de Vent et de ColèresLa Guerre des Trois Rois et Du Roi Je Serai L'Assassin, Jean-Laurent Del Socorro insère son récit dans une période historique troublée, propice à la conspiration et à la trahison. 

Il jette cette fois-ci son dévolu sur la scène politique anglaise de la fin du XVIe et début du XVIIe siècle. On est en plein règne d'Elisabeth Ire où le royaume d'Angleterre manque de peu d'être envahi par l'Armada espagnole et où la reine elle-même échappe à plusieurs complots. Mais l'ère élisabéthaine inaugure aussi l'épanouissement du théâtre anglais sous l'égide d'un certain William Shakespeare ou de Christopher Marlowe et on assiste aussi à l'essor des colonies anglaises au Nouveau Monde rendu possible par des aventuriers de la trempe de Francis Drake et de Walter Raleigh.

Or, Jean-Laurent Del Socorro va s'appuyer sur tous ces éléments qui vont lui servir de décor pour insérer les aventures d'Axelle de Thorenc. Ainsi, elle va d'abord intervenir pour le compte de l'Ecole de la Nuit. C'est une société secrète avec laquelle l'auteur a pris quelques libertés en lui prêtant un intérêt pour l'occulte et notamment tout ce qui touche à l'Artbon. Il y fait évoluer d'éminentes personnalités comme Walter Raleigh. Il est l'interlocuteur privilégié de la chevalière et intrigue beaucoup à l'ombre du pouvoir. En outre, de nombreux espions gravitent au sein de cette organisation et servent d'indices à Axelle pour mener à bien sa première mission de monte en l'air. Par la suite, elle est chargée d'élucider des meurtres en démasquant l'assassin, ce qui l'amène un virevolter dans les couloirs du pouvoir, notamment du côté du conseil privé de la reine, présidé par le très machiavélique sir Thomas Walsingham. Ainsi, Jean-Laurent Del Socorro joue avec une galerie de personnages historiques très riche qu'il manipule habilement pour servir son intrigue.

27/02/2024

Gilberto Villarroel, Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées, éditions Pocket Imaginaire

Gilberto Villarroel, Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées
T.4,
 éditions Pocket Imaginaire 

Chez Pocket Imaginaire, le mois de février rime avec la publication du dernier opus, Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées de Gilberto Villarroel. Une série qui a su trouver son public en grand format aux Forges de Vulcain et qui continue d'émerveiller dans sa version poche. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Après leur escale dans l'archipel Juan Fernandez où Lord Cochrane et ses acolytes ont pu explorer l'île qui a retenu prisonnier si longtemps le corsaire Alexander Selkirk et ainsi découvrir et déchiffrer le message codé laissé par ledit marin. Il s'agit des coordonnées géographiques qui vont donner un nouveau cap aux aventuriers et les entraîner dans l'océan Austral, à l'assaut de l'Antarctique pour enfin savoir ce que cache le fameux trésor de Selkirk qui excite tant l'appétit vorace de certains pirates rivaux du lord Commandeur. 

Avec Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées, Gilberto Villarroel donne une conclusion à sa tétralogie. Le temps est donc aux révélations dans ce roman. Celles-ci sont d'ailleurs nombreuses car il s'agit, ni plus ni moins, de nous donner les clés de cet univers lovecraftien qu'il a imaginé pour l'occasion. C'est ainsi que l'on va suivre Lord Cochrane et quelques-uns de ses hommes sans oublier Maria Graham dans leurs pérégrinations au cœur des montagnes hallucinées. Les rencontres y seront donc nombreuses, à l'image de celle des Old Ones, les fameux grands anciens, divinités inventées par H.P. Lovecraft et transformées par Gilberto Villarroel en éminents scientifiques, concepteurs d'une technologie très avancée. Ils sont notamment les créateurs des Shoggoths, des monstres capables de changer de forme à leur guise, en prenant ici l'apparence des êtres vivants qu'ils rencontrent en aspirant leur essence. Or, l'auteur a fait coïncider la rébellion de ces Shoggoths contre leurs maîtres avec l'arrivée dans ce lieu de Lord Cochrane. Ainsi, pour le marin, le danger est omniprésent. Il vient de toutes parts car non seulement la compagnie doit affronter ces entités inconnues qui ont l'avantage de connaître le terrain mais ils doivent aussi faire face à l'ennemi juré de Lord Cochrane, Corrochano qui continue de marcher dans leurs pas et semble toujours avoir une longueur d'avance sur eux. 

Dans cette saga consacrée à Lord Cochrane, la plume de Gilberto Villarroel se montre très facétieuse et va jusqu'à nous proposer une mise en abyme de H.P. Lovecraft car l'écrivain prend ici les traits d'un collectionneur de Providence devenu fou après avoir lu le manuscrit de Maria Graham consacré à leur aventure au cœur des montagnes hallucinées et récemment ajouté à sa collection. 

Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées partage la même ambiance horrifique propre aux récits lovecraftiens qui met l'accent sur l'horreur de l'inconnaissable et de l'incompréhensible en donnant accès à des connaissances interdites et dangereuses poussant à la folie. Or, Lord Cochrane va y être largement exposé sans pour autant en perdre la raison puisqu'il choisit de renoncer à un trésor inestimable qui l'aurait aidé à racheter sa réputation mais seulement cela aurait été au détriment de la sauvegarde de l'humanité, d'où son désintérêt. 

En outre, Gilberto Villarroel emprunte également à la mythologie mapuche pour nourrir son univers. Ainsi, il fait référence dans son récit à l'affrontement entre les divinités Kai Kai et Treng Treng. Alors que le serpent de mer Kai Kai a décidé de noyer la terre sous un déluge par ses cris, celle-ci est sauvée par l'intervention du serpent divin, Treng Treng qui choisit de la faire trembler pour qu'elle s'élève au dessus des eaux. 

Tous ces éléments s'entremêlent au fil des pages pour donner au récit un cadre foisonnant et crédible qui s'ajoute harmonieusement au mythe de Cthulhu dont use habilement l'auteur. 

Cette saga maritime portée par la figure emblématique de Lord Cochrane revêtit également les atours du steampunk à travers les inventions, dont le bateau à vapeur, que l'auteur prête à l'amiral. Cela donne, d'ailleurs, une très belle esthétique au texte.

Fasciné par le destin hors du commun de ce marin incroyable, Gilberto Villarroel lui redonne toutes ses lettres de noblesse à travers chacun des quatre romans de sa saga. L'histoire est captivante et le temps s'écoule vite aux côtés de Lord Cochrane. Je vous conseille fortement de lire cette série à votre tour pour vous faire votre propre idée, sauf si c'est déjà fait. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog, mon avis sur Lord Cochrane et le trésor de Selkirk

Informations

Gilberto Villarroel
Lord Cochrane et les Montagnes hallucinées
9782266340007
530 pages
Editions Pocket Imaginaire

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23/02/2024

Stéphane Arnier, La brume l'emportera, éditions Mnémos

Stéphane Arnier, La brume l'emportera, éditions Mnémos 

Stéphane Arnier est un auteur français qui se plaît à bâtir des univers empruntant des formats différents. En 2015, il signe son premier roman, Le Déni du Maître-Sève qui remporte dans la foulée un concours d'écriture. Entre 2020 et 2023, il participe à la création de plusieurs jeux de rôle. 

Pépite de l'Imaginaire 2024 des éditions Mnémos, il est donc de retour avec un nouveau roman de fantasy qui s'annonce dès le pitch comme un gage d'évasion.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Keb Gris-de-Pierre est Dak, Maramazoe est Ta'moaza, deux peuples ennemis. Rien ne prédisposait ces deux êtres à s'entraider, mais c'est sans compter l'arrivée d'une brume vaporisant toute forme d'existence sur son passage qui va les y obliger. Pour autant, trouveront-ils une issue ou à défaut, une explication à cet inexorable phénomène mortifère ? 

La brume l'emportera est un roman de fantasy porteur d'une ambiance de fin du monde. En effet, Stéphane Arnier a donné vie à une brume qui avale les lieux et efface les vies qu'il a imaginées dans son roman. De fait, ce livre prend la saveur d'un postapo où la question de la survie est un enjeu majeur. L'univers est original. En outre, l'auteur y a infusé une magie surprenante. Celle-ci se manifeste de plusieurs manières. Ainsi, Keb a la capacité, en retenant sa respiration, de faire des bonds dans le passé. Cela a le double intérêt de lui permettre d'échapper, momentanément, à des situations périlleuses  et de comprendre ce passé, notamment sur les origines de la brume. Maramazoe, elle, a le don de tisser des liens de brume avec les êtres animés ou inanimés. Leurs deux pouvoirs se complètent car dans ce monde en ruine, ils leur permettent d'avancer en empruntant le passé. Cette magie prend sa source dans les mythes et les légendes des peuples mis en scène entre ces lignes. L'auteur s'inspire de la civilisation Maori, notamment pour la fonction des tatouages et les pouvoirs qu'ils confèrent. Il est également question de pierres d'obsidienne servant de bornes de passage et qui me rappellent étrangement les piliers d'Art présents dans la saga de L'Assassin Royal de Robin Hobb. Dans une interview accordée aux éditions Mnémos dans le cadre de la promotion de la sortie de ce roman, Stéphane Arnier relate ses pérégrinations en Nouvelle-Zélande. Or, justement en lisant La brume l'emportera, on ressent bien l'influence de la culture tribale et des paysages à couper le souffle sur son écriture. L'intrigue prend donc cadre dans un décor vertigineux multipliant les scènes spectaculaires qui vont régulièrement mettre les protagonistes à rude épreuve.

Maintenant que le décor est posé et qu'on n'y a pris nos marques, voyons les protagonistes d'un peu plus près. Dans La brume l'emportera, on fait donc la rencontre de Keb et de Maramazoe. Issus de deux tribus différentes, ils sont nés pour être ennemis et pourtant ils vont faire fi de leurs différences pour mener à bien leur quête. Alors que Keb est plutôt d'une nature bougonne et solitaire, Mara, elle, est solaire et toujours souriante face à l'adversité. Au fur et à mesure des chapitres, une alchimie va se tisser entre eux les rendant d'autant plus attachants à nos yeux. Elle est là pour retrouver sa fille, lui, c'est pour sa femme. Ils sont donc loin d'être prédisposés à incarner les sauveurs de ce monde et pourtant ils vont se dépasser pour réaliser des prouesses. Ils forment clairement un duo atypique mais pour lequel il est facile de ressentir une proximité tant ces deux-là sont vraiment très humains. Ils dégagent une vraie authenticité aussi bien dans leurs réactions que dans leurs émotions. Ils sont dépositaires d'une histoire bouleversante qui donne à ce récit une grande profondeur. On se laisse donc sans mal charmer par le charisme de cette chef de clan rejetée et touché par la détresse de ce berger abandonné des siens.

L'introduction de cette brume qui efface peu à peu l'humanité, qu'elle soit une conséquence naturelle ou non, donne à ce récit une portée écologique. En effet, avec cette nature qui se rebelle et qui menace le vivant, on ne peut que faire un parallèle, avec les bouleversements climatiques qui agitent notre quotidien, surtout lorsqu'il est question de déni et d'inertie de la population. D'autre part, Stéphane Arnier a mis le passé au cœur de son intrigue. Il y interroge notamment l'intérêt de pouvoir le modifier et les conséquences souvent imprévues qui ne manqueront pas de découler sur le présent. C'est donc l'occasion d'une introspection personnelle qui vise à mettre en lumière le poids des choix et donne ainsi tout son relief au texte. 

Enfin, La brume l'emportera est aussi une belle histoire d'amitié et d'amour où les émotions caracolent dans tous les sens. 

En librairie depuis le 21 février, je ne peux que vous recommander la lecture de cette pépite dont l'univers est bien travaillé et les destins contés sont très prenants. La brume l'emportera est un roman que vous n'êtes donc pas prêt d'oublier, croyez-moi !

Informations

Stéphane Arnier
La brume l'emportera
9782382671078
365 pages
Editions Mnémos

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19/02/2024

Michael Moorcock, Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde, éditions L'Atalante

Michael Moorcock, Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde
éditions L'Atalante 

Grand auteur d'Imaginaire, Michael Moorcock a signé de nombreuses séries de fantasy et de science-fiction. D'ailleurs, on ne présente plus son héros Elric qui a marqué la culture populaire. Sa longue carrière littéraire a même été récompensée par les plus prestigieux prix : World Fantasy (2000), Utopiales et Bram Stoker (2004).

Or, en ce mois de février, les éditions L'Atalante ont décidé de rééditer l'un de ses textes, pioché dans sa vaste bibliographie et c'est le premier tome de sa saga Le Pacte de Von Bek qui a l'honneur d'être republié. Pour l'occasion, la maison d'édition a mis les petits plats dans les grands en glissant ce récit quelque peu oublié dans un très bel écrin, sous la forme d'un beau livre relié.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce magnifique service de presse.

Résumé :

Ulrich von Bek est capitaine d'infanterie et participe aux nombreux conflits qui déchirent l'Europe de son époque. Un jour, ses pas le conduisent à une forteresse abandonnée où lasse de la guerre, il décide d'y prendre un peu de repos. Le temps y semble suspendu, les lieux sont désertés par toutes formes de vie, y compris animale. C'est là que von Bek est surpris par une très belle jeune femme prénommée Sabrina qui est accompagnée par une bien étrange suite. Très vite, il succombe à ses charmes et en tombe profondément amoureux. Mais, ce qu'il ignore est qu'elle est l'émissaire de Lucifer qui souhaite lui proposer un pacte en échange du rachat de son âme et de celle de sa bien-aimée. Alors, acceptera-t-il cette étonnante proposition ?

Mon avis :

Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde s'insère dans un cadre historique très tourmenté puisqu'on est propulsé en pleine guerre de trente ans qui ravagea toute l'Europe de 1618 à 1648. Cette série de conflits armés est le fruit de la révolte des états Allemands protestants contre le catholicisme imposé par la lignée des Habsbourg d'Espagne et du Saint-Empire auxquels se sont adjoints d'autres puissances européennes par intérêt politique ou religieux. Voilà pour le contexte historique qui nous éclaire sur les motivations des protagonistes de ce livre. 

Quant à l'univers imaginé par Michael Moorcock, il puise largement dans la mythologie chrétienne, arthurienne et nordique. Ainsi, on va retrouver entre ces lignes la figure de l'ange déchu, Lucifer qui souhaite récupérer sa place auprès de Dieu et fait preuve d'humilité en chargeant un héros de trouver le mythique Graal afin de mettre fin à la douleur du monde. Cette quête rappelle bien évidemment celle des chevaliers de la Table Ronde qui, dans la geste arthurienne, s'y sont également attelés. Mais l'auteur table ici sur une inversion de paradigme puisqu'il fait de Lucifer l'initiateur de cette quête à la place de Dieu. 

Dans ce livre, on suit les pérégrinations d'Ulrich von Bek à travers un monde surnaturel ou non. En effet, il est amené à traverser le Mittlemarch où il multiplie les rencontres qui le conduisent peu à peu vers son objectif. Créature mythique à l'image du Grand Veneur, personnage légendaire connu pour hanter les forêts et qualifié par certains de personnification d'Odin ou mages, tous sont porteurs d'indices qui vont être nécessaires au personnage principal pour triompher de sa quête. En outre, il dispose d'artefact ou de potions assurant sa survie et un retour auprès de son maître.

Dans Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde, Michael Moorcock met en scène des protagonistes qui aspirent à la paix, à une vie sans peine et sans souffrance. Un comble au vu du contexte guerrier mais pourtant logique quand on cherche une réponse rationnelle au conflit. Par le prisme de son imaginaire, l'auteur met en lumière une approche scientifique pour répondre aux maux de l'humanité. La quête du Graal symbolise ici le triomphe de la raison sur l'irrationnel que représentent la croyance et le surnaturel même si le héros ignore encore quel usage en faire pour arriver à ses fins.

Avec Le Chien de Guerre et la Douleur du monde, on est sur un récit court et bien rythmé. Il est beaucoup question de spiritualité et de sauvegarde de l'âme à travers les réflexions intimes du personnage principal. Ulrich von Bek est un soldat qui a beaucoup ôté de vies au cours de sa carrière militaire. Or, cette mission va lui donner l'occasion d'interroger ses actes et ceux de l'humanité toute entière. C'est un personnage qui va beaucoup évoluer et sortir profondément changé de sa rencontre avec Lucifer. Il va être traversé par un certain nombre d'émotions qui vont ébranler sa froideur de soldat et le rendre ainsi plus intéressant à suivre.

Pour conclure :

Par cette réédition du Chien de Guerre et la Douleur du Monde, les éditions L'Atalante remettent en lumière un incontournable de l'Imaginaire qu'il faut avoir lu. Voilà de quoi donner l'occasion à la jeune génération de nourrir leur culture personnelle. Espérons que cette superbe version en appelle d'autres afin que chacun des volets de cette série ressorte de l'ombre. A suivre !

Fantasy à la Carte

Informations

Michael Moorcock
Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde
9791036001710
235 pages
Editions L'Atalante

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