L'influence du "gaming" à la littérature

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19/02/2024

Michael Moorcock, Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde, éditions L'Atalante

Michael Moorcock, Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde
éditions L'Atalante 

Grand auteur d'Imaginaire, Michael Moorcock a signé de nombreuses séries de fantasy et de science-fiction. D'ailleurs, on ne présente plus son héros Elric qui a marqué la culture populaire. Sa longue carrière littéraire a même été récompensée par les plus prestigieux prix : World Fantasy (2000), Utopiales et Bram Stoker (2004).

Or, en ce mois de février, les éditions L'Atalante ont décidé de rééditer l'un de ses textes, pioché dans sa vaste bibliographie et c'est le premier tome de sa saga Le Pacte de Von Bek qui a l'honneur d'être republié. Pour l'occasion, la maison d'édition a mis les petits plats dans les grands en glissant ce récit quelque peu oublié dans un très bel écrin, sous la forme d'un beau livre relié.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce magnifique service de presse.

Résumé :

Ulrich von Bek est capitaine d'infanterie et participe aux nombreux conflits qui déchirent l'Europe de son époque. Un jour, ses pas le conduisent à une forteresse abandonnée où lasse de la guerre, il décide d'y prendre un peu de repos. Le temps y semble suspendu, les lieux sont désertés par toutes formes de vie, y compris animale. C'est là que von Bek est surpris par une très belle jeune femme prénommée Sabrina qui est accompagnée par une bien étrange suite. Très vite, il succombe à ses charmes et en tombe profondément amoureux. Mais, ce qu'il ignore est qu'elle est l'émissaire de Lucifer qui souhaite lui proposer un pacte en échange du rachat de son âme et de celle de sa bien-aimée. Alors, acceptera-t-il cette étonnante proposition ?

Mon avis :

Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde s'insère dans un cadre historique très tourmenté puisqu'on est propulsé en pleine guerre de trente ans qui ravagea toute l'Europe de 1618 à 1648. Cette série de conflits armés est le fruit de la révolte des états Allemands protestants contre le catholicisme imposé par la lignée des Habsbourg d'Espagne et du Saint-Empire auxquels se sont adjoints d'autres puissances européennes par intérêt politique ou religieux. Voilà pour le contexte historique qui nous éclaire sur les motivations des protagonistes de ce livre. 

Quant à l'univers imaginé par Michael Moorcock, il puise largement dans la mythologie chrétienne, arthurienne et nordique. Ainsi, on va retrouver entre ces lignes la figure de l'ange déchu, Lucifer qui souhaite récupérer sa place auprès de Dieu et fait preuve d'humilité en chargeant un héros de trouver le mythique Graal afin de mettre fin à la douleur du monde. Cette quête rappelle bien évidemment celle des chevaliers de la Table Ronde qui, dans la geste arthurienne, s'y sont également attelés. Mais l'auteur table ici sur une inversion de paradigme puisqu'il fait de Lucifer l'initiateur de cette quête à la place de Dieu. 

Dans ce livre, on suit les pérégrinations d'Ulrich von Bek à travers un monde surnaturel ou non. En effet, il est amené à traverser le Mittlemarch où il multiplie les rencontres qui le conduisent peu à peu vers son objectif. Créature mythique à l'image du Grand Veneur, personnage légendaire connu pour hanter les forêts et qualifié par certains de personnification d'Odin ou mages, tous sont porteurs d'indices qui vont être nécessaires au personnage principal pour triompher de sa quête. En outre, il dispose d'artefact ou de potions assurant sa survie et un retour auprès de son maître.

Dans Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde, Michael Moorcock met en scène des protagonistes qui aspirent à la paix, à une vie sans peine et sans souffrance. Un comble au vu du contexte guerrier mais pourtant logique quand on cherche une réponse rationnelle au conflit. Par le prisme de son imaginaire, l'auteur met en lumière une approche scientifique pour répondre aux maux de l'humanité. La quête du Graal symbolise ici le triomphe de la raison sur l'irrationnel que représentent la croyance et le surnaturel même si le héros ignore encore quel usage en faire pour arriver à ses fins.

Avec Le Chien de Guerre et la Douleur du monde, on est sur un récit court et bien rythmé. Il est beaucoup question de spiritualité et de sauvegarde de l'âme à travers les réflexions intimes du personnage principal. Ulrich von Bek est un soldat qui a beaucoup ôté de vies au cours de sa carrière militaire. Or, cette mission va lui donner l'occasion d'interroger ses actes et ceux de l'humanité toute entière. C'est un personnage qui va beaucoup évoluer et sortir profondément changé de sa rencontre avec Lucifer. Il va être traversé par un certain nombre d'émotions qui vont ébranler sa froideur de soldat et le rendre ainsi plus intéressant à suivre.

Pour conclure :

Par cette réédition du Chien de Guerre et la Douleur du Monde, les éditions L'Atalante remettent en lumière un incontournable de l'Imaginaire qu'il faut avoir lu. Voilà de quoi donner l'occasion à la jeune génération de nourrir leur culture personnelle. Espérons que cette superbe version en appelle d'autres afin que chacun des volets de cette série ressorte de l'ombre. A suivre !

Fantasy à la Carte

Informations

Michael Moorcock
Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde
9791036001710
235 pages
Editions L'Atalante

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14/02/2024

Pascale Quiviger, Les adieux, T.3, Le Royaume de Pierre d'Angle, éditions Folio SF

Pascale Quiviger, Les Adieux, T.3,
 Le Royaume de Pierre d'Angle
éditions Folio SF

En ce mois de février, les éditions Folio ont décidé de publier le troisième tome de l'excellente saga, Le Royaume de Pierre d'Angle de Pascale Quiviger. C'est une sortie que j'attendais avec impatience depuis que j'ai dévoré, l'année dernière, L'Art du Naufrage et Les filles de mai . C'est d'ailleurs une très belle découverte et l'une de mes sagas coup de cœur de l'année 2023.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Folio, je remercie Pascal Godbillon pour l'envoi de ce service de presse. 

Pour apaiser la Catastrophe et calmer le déchainement des éléments, Thibault et Ema ont dû payer un lourd tribut, en confiant leur fille à la forêt. C'est donc le cœur lourd qu'ils doivent continuer à vivre et surtout à gouverner un royaume profondément meurtri. D'autant que l'ombre de Jacquard plane toujours sur le trône. Celui-ci se fait un peu plus menaçant chaque jour car contrairement aux apparences, il rôde encore sur l'île. Alors est-ce que Thibault et les siens vont réussir à le mettre hors d'état de nuire une bonne fois pour toutes ? 

En dépit du long moment écoulé depuis la publication du tome 2, on se coule sans aucune difficulté dans cette suite grâce à la fluidité du texte et à la qualité de l'intrigue. 

Toute la tension accumulée dans les tomes précédents éclatent dans ce troisième volet sous la forme d'une machination à l'égard du règne de Thibault. Celle-ci est bien évidemment initiée par son frère Jacquard qui lorgne sur le pouvoir, mais Thibault va également goûter à bien d'autres traitrises. Le temps est donc au doute et à la suspicion car chaque visage de sujets fidèles ou d'amis proches peut potentiellement cacher un traître. Le texte est riche de nombreux renversements de situation et de rebondissements que l'on ne voit pas venir ou pire encore que l'on n'a pas envie de voir se réaliser. Mais une sombre prophétie plane sur ces lignes, on le sait car Pascale Quiviger a semé des indices, la mort est bien au bout du chemin. Seulement, la question qui reste en suspend est celle de qui ? 

La plume demeure enlevée et le rythme continue d'être nerveux. Tout est fait pour nous laisser frustré à la fin car en bonne conteuse, Pascale Quiviger connait son affaire. 

En outre, comme dans ses précédents romans, l'autrice continue d'enrichir son texte de thématiques variées. Ici, elle nous parle de la perte d'un enfant et notamment de la difficile reconstruction psychologique qui s'en suit. Néanmoins, elle aurait pu davantage s'appesantir sur son impact, la fragilité du couple et les fissures parentales. Elle ne fait que l'effleurer sans doute parce que cette série s'adresse en premier lieu à un jeune public. Les émotions véhiculées demeurent intéressantes : souffrance, chagrin, dépression. Or, les travailler davantage auraient donné encore plus de poignant à l'histoire surtout lorsque l'on est, comme je le suis, particulièrement attaché aux personnages.

Enfin, l'autrice a inclus tout un pan politique à son roman avec une remise en question du modèle de gouvernance. Le royaume de Pierre d'Angle est une monarchie qui se veut éclairée. Pourtant l'introduction d'un élément perturbateur sous la forme d'un livre subversif et interdit va ébranler le régime et beaucoup questionner le roi lui-même. Thibault se veut être un monarque juste et équitable. Pour rappel, il a pris le pouvoir non par calcul mais pour empêcher un despote de prendre la couronne. C'est une fonction qui lui pèse considérablement. Alors, il est immédiatement intéressé par cette proposition d'une autre gouvernance, tournée sur la représentation populaire. A travers son livre, Pascale Quiviger pointe donc les faiblesses d'un système qui peine à trouver l'équilibre et démontre les limites de l'utopie. 

Le Royaume de Pierre d'Angle, c'est un fabuleux récit tissé de complots et de mensonges, mais aussi de puissants sentiments. Il y a beaucoup d'amour entre ces lignes rendant cette histoire particulièrement addictive. Coup de cœur confirmé pour ce récit qui tient la route d'un bout à l'autre et où l'autrice nous maintient dans un suspense insoutenable jusque dans la conclusion en cliffhanger qu'elle réserve à chacun de ses tomes. L'attente s'annonce déjà intenable !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur L'Art du Naufrage et Les filles de mai.

Informations

Pascale Quiviger
Les adieux
T.3
Le Royaume de Pierre d'Angle
9782072999222
508 pages
Editions Folio SF

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10/02/2024

Jean-Philippe Jaworski, Le Débat des Dames, T.3, Le Chevalier aux Epines, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Le Débat des Dames
T.3, Le Chevalier aux Épines
éditions Les Moutons électriques 

S'il y a bien un livre qui était très attendu en ce début d'année 2024 chez Les Moutons électriques, c'est bien la conclusion du cycle épique, Le Chevalier aux Épines de Jean-Philippe Jaworski. 

Venant de lire le tome précédent, Le Conte de L'Assassin, j'ai été fort aise de pouvoir directement enchaîner la suite. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Après l'échec de leur ambassade auprès de Ferbasach, le chef des Ouromands pour faire libérer contre une rançon Claudas de Kimmarc, Ædan de Vaumacel et ses amis preux retournent bredouilles auprès du comte Angusel. Face à cette impasse, le chevalier aux épines propose d'aller plaider la paix auprès de la duchesse de Bromael, récemment libérée et de son fils Méléagant de Vayre afin qu'ils unissent leurs forces à celles de Ganelon pour bouter l'ennemi hors de leurs terres. La mission s'annonce épineuse au vu des terribles antagonismes sans parler de l'intervention d'une sombre et ancienne magie qui pourrait bien faire échouer notre noble chevalier, qui sait !

Mon avis :

Changement de narrateur dans Le Débat des Dames puisque Jean-Philippe Jaworski délaisse à nouveau son célèbre assassin au profit du chevalier aux épines. Cela a pour conséquence directe de rebasculer le récit dans le cadre chevaleresque qui a marqué le début de ce cycle. Pour autant, l'ambiance n'est plus aux joutes pour laver l'honneur mais plutôt à la délicate question de la paix et de l'union. Entre ces lignes, Ædan de Vaumacel se fait le héraut de guerre chargé d'enterrer les désaccords familiaux afin de rétablir la cohésion au sein du duché de Bromael et ainsi de le sauver des griffes de l'ennemi. La cause est noble et louable mais sans doute un tantinet idéaliste car ce que le chevalier ignore est qu'il est surtout le pion de deux femmes dont les agissements prennent racines dans un passé lointain.

Le Débat des Dames est l'occasion pour Jean-Philippe Jaworski de démêler tous ses fils narratifs, y compris ceux initiés dans Le Service des Dames. Ainsi, les intrigues prennent tout leur sens, notamment par le truchement des révélations sur les nombreux mystères qui courent tout au long de ces trois tomes. 

Dans ce dernier opus, l'auteur laisse l'onirisme s'épanouir plus généreusement. Il lève donc le voile sur l'origine des magies qui sont à l'œuvre dans cet univers. En effet, Jean-Philippe Jaworski joue à la fois sur la figure de l'enchanteresse qui ensorcèle le chevalier pour servir ses desseins et sur l'utilisation d'une sombre magie ayant trait avec la mort, la nécromancie. Or, tout au long de ce tome, ces deux pouvoirs rivalisent pour écraser l'autre, quitte à se servir sans vergogne de certains protagonistes au mépris de leur vie. L'existence de ces pouvoirs s'appuie sur un historique solidement construit et nourrie par de nombreuses influences lui donnant intérêt et cohérence. C'est la valeur ajoutée qui donne à ce récit tout son sel en mettant notamment en relief les nombreuses intrigues. 

Pour conclure :

L'histoire du Chevalier aux Epines a su piquer ma curiosité dès les premières pages. Celle-ci se révèle, d'ailleurs, sur un temps long car Jean-Philippe Jaworski fait beaucoup de digressions dont on comprend pleinement le sens qu'à la toute fin de ce présent roman. En outre, l'auteur excelle à créer une ambiance médiévale crédible et immersive, ce qui est un atout indéniable à la saga. Enfin, la conclusion qu'il a réservé à sa trilogie est pour le moins surprenante où de nouvelles pistes d'exploration sont esquissées. On reste donc un peu sur notre faim sur certains points. Alors, on se donne donc rendez-vous au prochain épisode, car c'est sûr, il n'en a pas encore fini avec son vieux royaume.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog Le Tournoi des Preux (T.1), Le Conte de L'Assassin (T.2) et Gagner la Guerre.

Informations

Jean-Philippe Jaworski
Le Débat des Dames
Tome 3
Le Chevalier aux Epines
9782361838850
521 pages
Editions Les Moutons électriques

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06/02/2024

Jean-Philippe Jaworski, Le Conte de L'Assassin, T.2 du Chevalier aux Epines, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Le Conte de L'Assassin,
 t.2 du Chevalier aux Épines
éditions Les Moutons électriques 

A l'heure où la campagne Ulule pour la réédition de Gagner la Guerre et de Janua Vera a été couronnée de succès et où le final tant attendu du Chevalier aux Epines vient d'être publié, je me replonge enfin dans cette saga en lisant le tome 2. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Dans Le Conte de L'Assassin, Benvenuto Gesufal est chargé d'accompagner la délégation ciudalienne jusque dans le duché de Bromael pour apporter la dote conséquente de Clarissima Ducatore et pour l'occasion, il est nommé Grand Argentier. La mission ne lui plait guère car il est toujours en froid avec la donzelle, d'autant que le Podestat lui a expressément demandé de lui passer tous ses caprices et de se réconcilier avec elle. Alors Benvenuto le sait, il va morfler mais ce qu'il ne sait pas, c'est jusqu'à quel point car la délégation va débarquer en plein drame familial. En effet, pour épouser Clarissima, le duc de Bromael a répudié sa femme et l'a exilé dans un couvent, ce qui lui vaut l'animosité de deux de ses fils. Alors que la guerre gronde avec les Ouromands, il doit laver son honneur et prouver sa valeur dans un tournoi l'opposant à ses fils et à ses partisans. Alors quel rôle Benvenuto Gesufal jouera-t-il sur cette scène politique délicate ? 

Mon avis :

Dans Le Conte de L'Assassin, le célèbre personnage de Gagner la Guerre, Benvenuto Gesufal reprend officiellement du service. Aussi, il récupère son rôle de narrateur principal et s'en vient nous conter par le menu sa vision des faits qui se sont déroulés lors du Tournoi des Preux, sans omettre les évènements qui l'ont précédé et suivi. Avec sa réapparition, Jean-Philippe Jaworski casse volontairement l'ambiance chevaleresque de sa saga. En effet, sa gueule cassée et sa gouaille détonnent dans le décor policé d'une cour de gentilshommes et de gentes dames. Le but recherché est de renverser les codes et pimenter ainsi le récit. L'objectif est atteint car on en oublie vite les sérénades contées précédemment entre chevaliers et nobles dames pour laisser la place aux meurtres commis à la dérobée et à un certain désordre.

Comme à son accoutumée, Jean-Philippe Jaworski malmène son personnage principal, d'autant qu'il l'envoie en terre inconnue où il est un étranger, autrement dit un homme facilement identifiable qui ne peut donc pas disparaître dans l'ombre. Autant vous dire que cette mission est une vraie chausse-trappe pour notre célèbre assassin qui se retrouve mêlé bien malgré lui à des intrigues initiées par le Podestat en personne mais à la finalité incertaine. 

Ainsi, la venue de Benvenuto donne un nouvel éclairage au récit du Tournoi des Preux. La visée de chaque protagoniste est plus clair et le récit, tellement plus captivant. Pour autant, si l'on croit tout savoir de l'issue de cette histoire, notamment à propos de l'affrontement entre Ædan de Vaumacel et Benvenuto Gesufal, la conclusion proposée par Jean-Philippe Jaworski promet d'être surprenante. 

Si l'auteur a parsemé sa série de motifs médiévaux tels le conflit de loyauté, les rivalités amoureuses ou l'infâmie, il a su moderniser le genre en y ajoutant sa touche personnelle, à travers son personnage irrévérencieux qui vient secouer les normes et dispenser le grabuge nécessaire aux desseins hégémoniques et machiavéliques de son commanditaire.

Personnellement, j'ai pris un grand plaisir à me plonger dans Le Conte de L'Assassin, notamment parce que la grande figure de Gagner la Guerre y reprenait place. J'apprécie tout particulièrement le travail réalisé par Jean-Philippe Jaworski sur son personnage principal. Benvenuto Gesufal est ce que l'on qualifie d'anti-héros. Ici, il est même l'antithèse du chevalier. L'auteur a donc pris le parti de placer le méchant en tête d'affiche de son histoire. Mercenaire et assassin, il annonce d'emblée la couleur et brise l'archétype du héros de fantasy. Pour autant, est-il le seul monstre du récit ? En le plaçant aux côtés de chevaliers, prêts à relever le gant et se défier lors des tournois, Jean-Philippe Jaworski démontre aussi que Benvenuto Gesufal n'a pas le monopole de la forfaiture et de la félonie, au regard des mensonges, de la traîtrise, du parjure et de l'adultère dans lesquels se compromettent certains galants. En outre, l'auteur ne lui donne pas pour autant de blanc-seing. En effet, ce n'est pas parce qu'il en fait son héros qu'il cautionne ses actes répréhensibles. D'ailleurs, dans ce roman, il va souvent le confronter au doute et à la peur. Benvenuto Gesufal est un homme vieillissant, donc forcément diminué face à la vitalité de la jeunesse de ses adversaires. Or, lui, le grand assassin sûr de lui, va goûter à l'échec et à la débâcle. Espiègle, Jean-Philippe Jaworski a encore une fois décidé de jouer avec son protagoniste en invitant la diablerie à être de la partie. Le résultat est assez cocasse et plein d'auto-dérision pour notre mécréant, ce qui ajoute une pincée de sel à la lecture. 

En lisant Le Chevalier aux Épines, on sent le goût de son auteur pour l'Histoire médiévale. L'ambiance et le décor n'en sont que plus immersifs. La richesse de la langue et du vocabulaire sont au rendez-vous pour retenir captifs les lecteurs. 

Pour conclure :

Complètement charmée par le talent indéniable de conteur de Jean-Philippe Jaworski, je ne peux que vous inviter à succomber à votre tour à cette voix incontournable de la fantasy française.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur Le Tournoi des Preux et Gagner la Guerre.

Informations

Jean-Philippe Jaworski
Le Conte de L'Assassin
T.2
Le Chevalier aux Epines
9782361838515
518 pages
Editions Les Moutons électriques

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30/01/2024

GennaRose Nethercott, La Maison aux Pattes de Poulet, éditions Albin Michel Imaginaire

GennaRose Nethercott,
 La Maison aux Pattes de Poulet
éditions Albin Michel Imaginaire 

Romancière, poétesse et novelliste, GennaRose Nethercott est sans doute un nom à retenir. Le succès de son roman La Maison aux Pattes de Poulet y est pour quelque chose d'où cet engouement de le voir publier en France. Et c'est Albin Michel Imaginaire qui s'y est collé avec la publication d'un livre, sublimé par sa magnifique couverture, signée Anouck Faure

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Bellatine et Isaac sont frère et sœur et les derniers de leur lignée. Ils viennent d'hériter d'un étrange leg qu'ils doivent récupérer au port de New York, tout droit envoyé de Kyiv. Il s'agit d'une maison, mais pas n'importe laquelle puisqu'elle est perchée sur des pattes de poulet et a appartenu à leur aïeule Baba Yaga. Alors que Bellatine se voit déjà y vivre et réfléchit à redonner la part à son frère, Isaac, lui, a la folle idée de la transformer en scène de théâtre de marionnettes afin de partir en tournée avec sa sœur comme au bon vieux temps de leur enfance. Bellatine n'a pas d'autre choix que d'accepter le temps de gagner suffisamment d'argent du moins. Seulement, elle ignore qu'un grand danger les guette car Ombrelongue est déjà sur leurs traces et compte bien les exterminer. 

Mon avis :

Dans La Maison aux Pattes de Poulet, GennaRose Nethercott s'est réappropriée la figure marquante du folklore slave, Baba Yaga. Tantôt décrite comme ravisseuse d'enfants pour les faire rôtir, tantôt comme donneuse d'objets et/ou de conseils au héros afin qu'il triomphe de sa quête, cette sorcière hante les contes russes. Or, l'intrigue de ce roman s'articule autour de sa célèbre isba nichée sur des pattes de poulet la rendant ainsi mobile. Sanctuaire et refuge à la fois, elle est le bien le plus précieux de Bellatine et d'Isaac. Son existence est une énigme, elle semble douée de vie, à l'écoute de ce qui se dit. Elle demeure un lieu apaisant pour quiconque pénètre ses murs, le feu permanent brûlant dans son poêle y joue sans doute un rôle. Sa présence symbolise donc la figure de Baba Yaga dont l'ombre plane au-dessus d'elle car elle est un réceptacle à ses souvenirs et à sa destinée. 

Le merveilleux  s'empare donc de ce texte en s'exprimant aussi à travers les pouvoirs que détiennent les deux personnages principaux. Don ou malédiction, la magie est bien là, elle fleurit dans les mains de Bellatine qui donne vie aux objets inanimés ou dans le corps d'Isaac qui est capable de s'approprier les traits de son visu. 

Mais l'onirisme de la plume de GennaRose Nethercott flirte beaucoup avec l'horrifique, notamment à travers l'inquiétant Ombrelongue qui donne vie aux peurs, empoisonnant ainsi les âmes et tuant les esprits. Entité maléfique et malveillante, sa présence donne la chair de poule car il est le croquemitaine de l'Histoire, chargé d'une bien funeste mission.

Dans La Maison aux Pattes de Poulet, l'autrice s'est penchée sur les différentes facettes du monstre. Ombrelongue en est, d'ailleurs, clairement l'essence. Agglomérat du pire de l'humain, il est la personnification des heures sombres de l'humanité dans ses basses œuvres par peur et lâcheté. Or, GennaRose Nethercott différencie cette monstruosité qui se croit légitime dans ses actes de celle dont certains ou certaines se croient à tort doter. C'est le cas de Bellatine qui se voit comme une abomination à cause de ses aptitudes surnaturelles et de ses désirs refoulées. La vérité est que le diable se cache souvent sous une couche de mensonges aux accents de légitimité. 

Derrière cette course-poursuite haletante, l'autrice évoque une réalité historique effroyable de la Russie tsariste. Il s'agit du temps des pogroms qui désignent les violentes attaques dont ont été victimes les Juifs par la population locale non juive les accusant d'être responsables de tous leurs maux. Ce devoir de mémoire est bouleversant et teinte ce récit de mélancolie, de larmes et d'une détermination quant à ne jamais laisser le passé tomber dans l'oubli. 

La Maison aux Pattes de Poulet est un conte sombre et tragique, pense-bête du passé pour ne pas le voir se reproduire dans l'avenir. 

Quant aux protagonistes de cette histoire, ils sont nombreux même si GennaRose Nethercott nous attache surtout aux pas de Bellatine et d'Isaac, beaucoup d'autres gravitent autour d'eux. D'ailleurs, ils ont beau être frère et sœur, ils ne se ressemblent pas pour autant. 

Fantasque, volubile et lâche, Isaac ne s'engage pas, préférant prendre la fuite dès que ça l'implique. Mais sa fausse désinvolture cache une peur, celle d'être abandonné, alors il préfère prendre les devants. C'est un garçon plus complexe qu'il n'y paraît et cette aventure va prouver qu'il n'est pas un couard mais plutôt un frère sur qui compter.

Bellatine manque cruellement de confiance en elle. Elle doute en permanence, ne se fait pas confiance et refoule sa vraie nature par peur du jugement ou de déplaire. Or, affronter le passé de sa famille va lui donner l'assurance manquante et lui permettre ainsi de s'épanouir en étant elle-même.

Pour conclure :

Lire La Maison aux Pattes de Poulet, c'est faire la rencontre d'une plume délicate qui nous plonge dans un univers baigné d'ombre et de lumière, agrémenté d'émotions fortes. Coup de cœur indéniable pour cette histoire, alors rendez-vous en librairie dès le 31 janvier pour que vous aussi, vous ayez le vôtre !

Fantasy à la Carte

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Informations

GennaRose Nethercott
La Maison aux Pattes de Poulet
9782226485991
523 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

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