L'influence du "gaming" à la littérature

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10/02/2024

Jean-Philippe Jaworski, Le Débat des Dames, T.3, Le Chevalier aux Epines, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Le Débat des Dames
T.3, Le Chevalier aux Épines
éditions Les Moutons électriques 

S'il y a bien un livre qui était très attendu en ce début d'année 2024 chez Les Moutons électriques, c'est bien la conclusion du cycle épique, Le Chevalier aux Épines de Jean-Philippe Jaworski. 

Venant de lire le tome précédent, Le Conte de L'Assassin, j'ai été fort aise de pouvoir directement enchaîner la suite. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Après l'échec de leur ambassade auprès de Ferbasach, le chef des Ouromands pour faire libérer contre une rançon Claudas de Kimmarc, Ædan de Vaumacel et ses amis preux retournent bredouilles auprès du comte Angusel. Face à cette impasse, le chevalier aux épines propose d'aller plaider la paix auprès de la duchesse de Bromael, récemment libérée et de son fils Méléagant de Vayre afin qu'ils unissent leurs forces à celles de Ganelon pour bouter l'ennemi hors de leurs terres. La mission s'annonce épineuse au vu des terribles antagonismes sans parler de l'intervention d'une sombre et ancienne magie qui pourrait bien faire échouer notre noble chevalier, qui sait !

Mon avis :

Changement de narrateur dans Le Débat des Dames puisque Jean-Philippe Jaworski délaisse à nouveau son célèbre assassin au profit du chevalier aux épines. Cela a pour conséquence directe de rebasculer le récit dans le cadre chevaleresque qui a marqué le début de ce cycle. Pour autant, l'ambiance n'est plus aux joutes pour laver l'honneur mais plutôt à la délicate question de la paix et de l'union. Entre ces lignes, Ædan de Vaumacel se fait le héraut de guerre chargé d'enterrer les désaccords familiaux afin de rétablir la cohésion au sein du duché de Bromael et ainsi de le sauver des griffes de l'ennemi. La cause est noble et louable mais sans doute un tantinet idéaliste car ce que le chevalier ignore est qu'il est surtout le pion de deux femmes dont les agissements prennent racines dans un passé lointain.

Le Débat des Dames est l'occasion pour Jean-Philippe Jaworski de démêler tous ses fils narratifs, y compris ceux initiés dans Le Service des Dames. Ainsi, les intrigues prennent tout leur sens, notamment par le truchement des révélations sur les nombreux mystères qui courent tout au long de ces trois tomes. 

Dans ce dernier opus, l'auteur laisse l'onirisme s'épanouir plus généreusement. Il lève donc le voile sur l'origine des magies qui sont à l'œuvre dans cet univers. En effet, Jean-Philippe Jaworski joue à la fois sur la figure de l'enchanteresse qui ensorcèle le chevalier pour servir ses desseins et sur l'utilisation d'une sombre magie ayant trait avec la mort, la nécromancie. Or, tout au long de ce tome, ces deux pouvoirs rivalisent pour écraser l'autre, quitte à se servir sans vergogne de certains protagonistes au mépris de leur vie. L'existence de ces pouvoirs s'appuie sur un historique solidement construit et nourrie par de nombreuses influences lui donnant intérêt et cohérence. C'est la valeur ajoutée qui donne à ce récit tout son sel en mettant notamment en relief les nombreuses intrigues. 

Pour conclure :

L'histoire du Chevalier aux Epines a su piquer ma curiosité dès les premières pages. Celle-ci se révèle, d'ailleurs, sur un temps long car Jean-Philippe Jaworski fait beaucoup de digressions dont on comprend pleinement le sens qu'à la toute fin de ce présent roman. En outre, l'auteur excelle à créer une ambiance médiévale crédible et immersive, ce qui est un atout indéniable à la saga. Enfin, la conclusion qu'il a réservé à sa trilogie est pour le moins surprenante où de nouvelles pistes d'exploration sont esquissées. On reste donc un peu sur notre faim sur certains points. Alors, on se donne donc rendez-vous au prochain épisode, car c'est sûr, il n'en a pas encore fini avec son vieux royaume.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog Le Tournoi des Preux (T.1), Le Conte de L'Assassin (T.2) et Gagner la Guerre.

Informations

Jean-Philippe Jaworski
Le Débat des Dames
Tome 3
Le Chevalier aux Epines
9782361838850
521 pages
Editions Les Moutons électriques

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06/02/2024

Jean-Philippe Jaworski, Le Conte de L'Assassin, T.2 du Chevalier aux Epines, éditions Les Moutons électriques

Jean-Philippe Jaworski, Le Conte de L'Assassin,
 t.2 du Chevalier aux Épines
éditions Les Moutons électriques 

A l'heure où la campagne Ulule pour la réédition de Gagner la Guerre et de Janua Vera a été couronnée de succès et où le final tant attendu du Chevalier aux Epines vient d'être publié, je me replonge enfin dans cette saga en lisant le tome 2. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Dans Le Conte de L'Assassin, Benvenuto Gesufal est chargé d'accompagner la délégation ciudalienne jusque dans le duché de Bromael pour apporter la dote conséquente de Clarissima Ducatore et pour l'occasion, il est nommé Grand Argentier. La mission ne lui plait guère car il est toujours en froid avec la donzelle, d'autant que le Podestat lui a expressément demandé de lui passer tous ses caprices et de se réconcilier avec elle. Alors Benvenuto le sait, il va morfler mais ce qu'il ne sait pas, c'est jusqu'à quel point car la délégation va débarquer en plein drame familial. En effet, pour épouser Clarissima, le duc de Bromael a répudié sa femme et l'a exilé dans un couvent, ce qui lui vaut l'animosité de deux de ses fils. Alors que la guerre gronde avec les Ouromands, il doit laver son honneur et prouver sa valeur dans un tournoi l'opposant à ses fils et à ses partisans. Alors quel rôle Benvenuto Gesufal jouera-t-il sur cette scène politique délicate ? 

Mon avis :

Dans Le Conte de L'Assassin, le célèbre personnage de Gagner la Guerre, Benvenuto Gesufal reprend officiellement du service. Aussi, il récupère son rôle de narrateur principal et s'en vient nous conter par le menu sa vision des faits qui se sont déroulés lors du Tournoi des Preux, sans omettre les évènements qui l'ont précédé et suivi. Avec sa réapparition, Jean-Philippe Jaworski casse volontairement l'ambiance chevaleresque de sa saga. En effet, sa gueule cassée et sa gouaille détonnent dans le décor policé d'une cour de gentilshommes et de gentes dames. Le but recherché est de renverser les codes et pimenter ainsi le récit. L'objectif est atteint car on en oublie vite les sérénades contées précédemment entre chevaliers et nobles dames pour laisser la place aux meurtres commis à la dérobée et à un certain désordre.

Comme à son accoutumée, Jean-Philippe Jaworski malmène son personnage principal, d'autant qu'il l'envoie en terre inconnue où il est un étranger, autrement dit un homme facilement identifiable qui ne peut donc pas disparaître dans l'ombre. Autant vous dire que cette mission est une vraie chausse-trappe pour notre célèbre assassin qui se retrouve mêlé bien malgré lui à des intrigues initiées par le Podestat en personne mais à la finalité incertaine. 

Ainsi, la venue de Benvenuto donne un nouvel éclairage au récit du Tournoi des Preux. La visée de chaque protagoniste est plus clair et le récit, tellement plus captivant. Pour autant, si l'on croit tout savoir de l'issue de cette histoire, notamment à propos de l'affrontement entre Ædan de Vaumacel et Benvenuto Gesufal, la conclusion proposée par Jean-Philippe Jaworski promet d'être surprenante. 

Si l'auteur a parsemé sa série de motifs médiévaux tels le conflit de loyauté, les rivalités amoureuses ou l'infâmie, il a su moderniser le genre en y ajoutant sa touche personnelle, à travers son personnage irrévérencieux qui vient secouer les normes et dispenser le grabuge nécessaire aux desseins hégémoniques et machiavéliques de son commanditaire.

Personnellement, j'ai pris un grand plaisir à me plonger dans Le Conte de L'Assassin, notamment parce que la grande figure de Gagner la Guerre y reprenait place. J'apprécie tout particulièrement le travail réalisé par Jean-Philippe Jaworski sur son personnage principal. Benvenuto Gesufal est ce que l'on qualifie d'anti-héros. Ici, il est même l'antithèse du chevalier. L'auteur a donc pris le parti de placer le méchant en tête d'affiche de son histoire. Mercenaire et assassin, il annonce d'emblée la couleur et brise l'archétype du héros de fantasy. Pour autant, est-il le seul monstre du récit ? En le plaçant aux côtés de chevaliers, prêts à relever le gant et se défier lors des tournois, Jean-Philippe Jaworski démontre aussi que Benvenuto Gesufal n'a pas le monopole de la forfaiture et de la félonie, au regard des mensonges, de la traîtrise, du parjure et de l'adultère dans lesquels se compromettent certains galants. En outre, l'auteur ne lui donne pas pour autant de blanc-seing. En effet, ce n'est pas parce qu'il en fait son héros qu'il cautionne ses actes répréhensibles. D'ailleurs, dans ce roman, il va souvent le confronter au doute et à la peur. Benvenuto Gesufal est un homme vieillissant, donc forcément diminué face à la vitalité de la jeunesse de ses adversaires. Or, lui, le grand assassin sûr de lui, va goûter à l'échec et à la débâcle. Espiègle, Jean-Philippe Jaworski a encore une fois décidé de jouer avec son protagoniste en invitant la diablerie à être de la partie. Le résultat est assez cocasse et plein d'auto-dérision pour notre mécréant, ce qui ajoute une pincée de sel à la lecture. 

En lisant Le Chevalier aux Épines, on sent le goût de son auteur pour l'Histoire médiévale. L'ambiance et le décor n'en sont que plus immersifs. La richesse de la langue et du vocabulaire sont au rendez-vous pour retenir captifs les lecteurs. 

Pour conclure :

Complètement charmée par le talent indéniable de conteur de Jean-Philippe Jaworski, je ne peux que vous inviter à succomber à votre tour à cette voix incontournable de la fantasy française.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur Le Tournoi des Preux et Gagner la Guerre.

Informations

Jean-Philippe Jaworski
Le Conte de L'Assassin
T.2
Le Chevalier aux Epines
9782361838515
518 pages
Editions Les Moutons électriques

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30/01/2024

GennaRose Nethercott, La Maison aux Pattes de Poulet, éditions Albin Michel Imaginaire

GennaRose Nethercott,
 La Maison aux Pattes de Poulet
éditions Albin Michel Imaginaire 

Romancière, poétesse et novelliste, GennaRose Nethercott est sans doute un nom à retenir. Le succès de son roman La Maison aux Pattes de Poulet y est pour quelque chose d'où cet engouement de le voir publier en France. Et c'est Albin Michel Imaginaire qui s'y est collé avec la publication d'un livre, sublimé par sa magnifique couverture, signée Anouck Faure

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Bellatine et Isaac sont frère et sœur et les derniers de leur lignée. Ils viennent d'hériter d'un étrange leg qu'ils doivent récupérer au port de New York, tout droit envoyé de Kyiv. Il s'agit d'une maison, mais pas n'importe laquelle puisqu'elle est perchée sur des pattes de poulet et a appartenu à leur aïeule Baba Yaga. Alors que Bellatine se voit déjà y vivre et réfléchit à redonner la part à son frère, Isaac, lui, a la folle idée de la transformer en scène de théâtre de marionnettes afin de partir en tournée avec sa sœur comme au bon vieux temps de leur enfance. Bellatine n'a pas d'autre choix que d'accepter le temps de gagner suffisamment d'argent du moins. Seulement, elle ignore qu'un grand danger les guette car Ombrelongue est déjà sur leurs traces et compte bien les exterminer. 

Mon avis :

Dans La Maison aux Pattes de Poulet, GennaRose Nethercott s'est réappropriée la figure marquante du folklore slave, Baba Yaga. Tantôt décrite comme ravisseuse d'enfants pour les faire rôtir, tantôt comme donneuse d'objets et/ou de conseils au héros afin qu'il triomphe de sa quête, cette sorcière hante les contes russes. Or, l'intrigue de ce roman s'articule autour de sa célèbre isba nichée sur des pattes de poulet la rendant ainsi mobile. Sanctuaire et refuge à la fois, elle est le bien le plus précieux de Bellatine et d'Isaac. Son existence est une énigme, elle semble douée de vie, à l'écoute de ce qui se dit. Elle demeure un lieu apaisant pour quiconque pénètre ses murs, le feu permanent brûlant dans son poêle y joue sans doute un rôle. Sa présence symbolise donc la figure de Baba Yaga dont l'ombre plane au-dessus d'elle car elle est un réceptacle à ses souvenirs et à sa destinée. 

Le merveilleux  s'empare donc de ce texte en s'exprimant aussi à travers les pouvoirs que détiennent les deux personnages principaux. Don ou malédiction, la magie est bien là, elle fleurit dans les mains de Bellatine qui donne vie aux objets inanimés ou dans le corps d'Isaac qui est capable de s'approprier les traits de son visu. 

Mais l'onirisme de la plume de GennaRose Nethercott flirte beaucoup avec l'horrifique, notamment à travers l'inquiétant Ombrelongue qui donne vie aux peurs, empoisonnant ainsi les âmes et tuant les esprits. Entité maléfique et malveillante, sa présence donne la chair de poule car il est le croquemitaine de l'Histoire, chargé d'une bien funeste mission.

Dans La Maison aux Pattes de Poulet, l'autrice s'est penchée sur les différentes facettes du monstre. Ombrelongue en est, d'ailleurs, clairement l'essence. Agglomérat du pire de l'humain, il est la personnification des heures sombres de l'humanité dans ses basses œuvres par peur et lâcheté. Or, GennaRose Nethercott différencie cette monstruosité qui se croit légitime dans ses actes de celle dont certains ou certaines se croient à tort doter. C'est le cas de Bellatine qui se voit comme une abomination à cause de ses aptitudes surnaturelles et de ses désirs refoulées. La vérité est que le diable se cache souvent sous une couche de mensonges aux accents de légitimité. 

Derrière cette course-poursuite haletante, l'autrice évoque une réalité historique effroyable de la Russie tsariste. Il s'agit du temps des pogroms qui désignent les violentes attaques dont ont été victimes les Juifs par la population locale non juive les accusant d'être responsables de tous leurs maux. Ce devoir de mémoire est bouleversant et teinte ce récit de mélancolie, de larmes et d'une détermination quant à ne jamais laisser le passé tomber dans l'oubli. 

La Maison aux Pattes de Poulet est un conte sombre et tragique, pense-bête du passé pour ne pas le voir se reproduire dans l'avenir. 

Quant aux protagonistes de cette histoire, ils sont nombreux même si GennaRose Nethercott nous attache surtout aux pas de Bellatine et d'Isaac, beaucoup d'autres gravitent autour d'eux. D'ailleurs, ils ont beau être frère et sœur, ils ne se ressemblent pas pour autant. 

Fantasque, volubile et lâche, Isaac ne s'engage pas, préférant prendre la fuite dès que ça l'implique. Mais sa fausse désinvolture cache une peur, celle d'être abandonné, alors il préfère prendre les devants. C'est un garçon plus complexe qu'il n'y paraît et cette aventure va prouver qu'il n'est pas un couard mais plutôt un frère sur qui compter.

Bellatine manque cruellement de confiance en elle. Elle doute en permanence, ne se fait pas confiance et refoule sa vraie nature par peur du jugement ou de déplaire. Or, affronter le passé de sa famille va lui donner l'assurance manquante et lui permettre ainsi de s'épanouir en étant elle-même.

Pour conclure :

Lire La Maison aux Pattes de Poulet, c'est faire la rencontre d'une plume délicate qui nous plonge dans un univers baigné d'ombre et de lumière, agrémenté d'émotions fortes. Coup de cœur indéniable pour cette histoire, alors rendez-vous en librairie dès le 31 janvier pour que vous aussi, vous ayez le vôtre !

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur la blogosphère, l'avis de Just A Word

Informations

GennaRose Nethercott
La Maison aux Pattes de Poulet
9782226485991
523 pages
Editions Albin Michel Imaginaire

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26/01/2024

Patrick Jézéquel & Séverine Pineaux, Féeries & Légendes des Dragons, éditions Au Bord des Continents

Patrick Jézéquel & Séverine Pineaux, 
Féeries & Légendes des Dragons
éditions Au Bord des Continents 

Les éditions Au Bord des Continents sont connues pour leurs publications à caractère merveilleux ou à destination de la jeunesse. Recueils, albums, illustrés viennent enrichir chaque année le catalogue de cet éditeur breton qui met un point d'honneur à mettre en valeur le légendaire de la région.

Dans la collection Féeries & Légendes, j'ai découvert celui consacré aux dragons signé  par Patrick Jézéquel et Séverine Pineaux grâce une amie qui me l'a offert car elle connaît bien mon goût pour l'imaginaire. J'en profite pour à nouveau la remercier.

Quand il n'enfile pas sa casquette d'éditeur, Patrick Jézéquel aime laisser courir sa plume pour nous conter les légendes oubliées. Artiste, illustratrice et dessinatrice, Séverine Pineaux évolue dans un univers de féerie et de fantasy. Gothic Faëries, Les Chats Enchantés et Ysambre sont sans doute ses œuvres les plus marquantes dans lesquelles on retrouve une féerie s'épanouissant dans une nature sublimée. 

Créature légendaire, le dragon ne cesse d'inspirer depuis la nuit des temps. Or, dans le recueil Féeries & Légendes des Dragons, Patrick Jézéquel et Séverine Pineaux en ont fait un sujet d'étude pour revisiter ses représentations dans le temps et l'espace. 

Dans cet ouvrage aux allures de grimoire, Patrick Jézéquel enchaîne les histoires de dragons empruntant parfois au mythe arthurien, parfois à la mythologie grecque ou viking. Ainsi, dans "Merlin et les Dragons", l'auteur nous conte l'intervention de Merlin auprès du roi Vortigern afin de comprendre pourquoi la construction de son château semble être frappé de malédiction . En effet, à peine achevée l'une des tours de la forteresse ne cesse de s'effondrer. La cause de ce phénomène est la présence de deux dragons dans une cavité souterraine sous les fondations de la forteresse, qui n'arrêtent pas de s'affronter ébranlant ainsi ladite construction. L'ordre est donc donné de libérer les créatures afin qu'elles terminent leur combat à l'air libre. La victoire de l'une d'elle est d'ailleurs interprétée par le roi des Bretons comme un bon présage quant au triomphe des Celtes sur les Saxons. 

Autre héros mythique qui a eu maille à faire avec ces êtres ailés tout droit sortis du bestiaire merveilleux, c'est Hercule. Il doit détruire l'hydre en s'échinant à couper en vain ses têtes qui ne font que de se multiplier et que l'on retrouve dans la nouvelle intitulée "L'hydre" qui lui est dédiée. 

Mais, plus que de mettre en valeur ce patrimoine culturel fabuleux, Patrick Jézéquel fait aussi un petit état des lieux de toutes les espèces de dragons que l'on peut rencontrer. Il s'attarde sur ses particularités, ses habitudes et son habitat comme dans "Dragon des marais", "Dragon des mers" ou encore dans "Dragon des lacs". Tout est minutieusement décrit pour nous en faciliter la représentation visuelle. 

L'auteur digresse parfois en s'aventurant auprès d'autres animaux chimériques proches physiquement du dragon comme la tarasque, le basilic ou encore la vouivre.

Gardien des lieux sacrés (dans "Gardien de trésors") ou allégorie du paganisme (dans "Dragon de terre"), d'où l'image du dragon pourfendu par le héros et symbolisant le triomphe du christianisme sur le paganisme.

Chaque histoire s'accompagne donc de magnifiques illustrations réalisées par la talentueuse Séverine Pineaux. Simples croquis ou scènes élaborées, le dragon se déploie sous toutes ses formes. Merveilleusement représenté, le découvrir à chaque page tournée demeure un ravissement pour les yeux. Ainsi, on est tantôt captif de son regard pénétrant lorsqu'on le croise, tantôt on retient notre souffle de peur de subir sa puissance de feu. 

La magie prend vie grâce à la plume et au crayon de ces deux artistes qui nous entraînent à perdre haleine dans bien des aventures.

En somme, Féeries & Légendes des Dragons se présente comme le parfait petit guide pour s'imprégner de cet imaginaire ancestral qui continue d'en faire rêver plus d'un.

Fantasy à la Carte

Informations

Patrick Jézéquel
Séverine Pineaux
Féeries & Légendes des Dragons
9782370510334
157 pages
Editions Au Bord des Continents

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24/01/2024

John Brunner, Le Voyageur en Noir, éditions Mnémos

John Brunner, Le Voyageur en Noir, éditions Mnémos 

Grand auteur de science-fiction, John Brunner est connu pour ses univers dystopiques et cyberpunk. Ses œuvres les plus marquantes sont Tous à Zanzibar (1978) et L'Orbite déchiquetée (1969). Chacun de ses textes a été l'occasion de mettre en lumière des sujets toujours d'actualité comme l'emprise des médias avec la mise en place de la censure, la puissance des multinationales, la guerre, l'écologie ou encore le péril technologique.

Après la réédition de certaines de ses œuvres comme les intégrales Les Planétaires et La Tétralogie Noire ou encore L'Orbite déchiquetée, les éditions Mnémos récidivent en ce début d'année 2024 en nous proposant, cette fois-ci, avec Le Voyageur en Noir son unique récit de fantasy

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

On y suit les pérégrinations d'un certain voyageur en noir toujours muni d'un bâton lumineux. En effet, celui-ci est chargé par une entité anonyme de rétablir l'ordre en éradiquant la magie car cette dernière est source ici de chaos et constitue à ce titre un danger. La tâche semble de longue haleine, alors arrivera-t-il à mener sa quête jusqu'au bout ? 

Dans Le Voyageur en Noir, John Brunner prend la fantasy à contre-pied. En effet, il ne s'agit pas ici d'un roman d'apprentissage dans lequel le jeune héros doit apprendre à maîtriser ses pouvoirs afin de libérer son monde d'un quelconque oppresseur. Pas plus que l'on assiste entre ces lignes à une lutte entre magie blanche et magie noire. 

En fait, dès les premières lignes du livre, on sent l'auteur de science-fiction derrière ce récit de fantasy car il a mis beaucoup de rationalité dans le traitement de la magie. Celle-ci étant surtout tournée vers un usage personnel dans l'univers imaginé par John Brunner, on comprend donc d'autant mieux sa vision pessimiste car elle va à l'encontre de l'intérêt collectif. On en prend, d'ailleurs, la mesure dans la deuxième partie intitulée, Abattre la porte des enfers où l'on goûte à la destinée tourmentée de la cité d'Ys et de ses habitants qui voient s'abattre sur eux bien des calamités. Ceux-ci ont péché par excès en invoquant des puissances néfastes pour sauver la ville de sa déchéance plutôt que de se retrousser les manches et en payent donc le prix. 

Mais plus que d'implorer magiciens ou élémentaux, la population réclame aussi, à cor et à cri, l'intervention d'un dieu qui tel un messie sera à même de les guider et de leur trouver des solutions à leurs problèmes. Ainsi, dans la première partie, La marque du chaos, le voyageur en noir exauce non sans humour leur vœu puisqu'il extrait Bernard Brown de son époque pour lui faire endosser ce rôle divin. Une manière de prouver au peuple que seule la réflexion et l'astuce peuvent régler la situation. 

En outre, le voyageur en noir prend ici les traits du génie qui intervient pour exaucer les vœux. Seulement les gens ignorent à qui ils ont affaire et professent des désirs à tort et à travers sans l'avoir mesuré au préalable. Or, ceux-ci prennent des tournures inattendues et bien souvent désagréables. En cela, l'auteur souligne l'inconséquence humaine qui cherche toujours un coupable dans autrui et n'assume généralement pas ses actes. Figure du magicien ou jedi, le voyageur en noir endosse au fil des pages bien des rôles, du simple observateur à l'acteur.  Le regard qu'il pose sur ce monde en perdition est désabusé car nul ne semble jamais apprendre de ses erreurs. C'est donc avec beaucoup d'ironie et de lassitude qu'il porte sa mission d'ordonner le monde. 

Comme dans beaucoup de ses textes, on retrouve certains de ses thèmes de prédilection, notamment son rapport à l'écologie et à la problématique de la pollution comme dans Ces choses qui sont des dieux où toutes sortes d'immondices, des cadavres d'animaux ou d'humains aux déchets végétaux sont jetés dans Métamorphia rendant la consommation de l'eau impropre tout en enrichissant une sorcière malhonnête. 

Ainsi, dans Le Voyageur en Noir, la magie personnifie la société archaïque que le personnage principal cherche à remplacer par un monde plus progressiste fondé sur la raison et la science. 

Divisé en cinq parties, la rédaction de cette œuvre ne s'est donc pas faite d'une traite. Ainsi, en se ménageant de longues pauses entre chacune d'elles, John Brunner a choisi de laisser mûrir sa réflexion en permettant à sa fantasy de se nourrir de la science-fiction qu'il n'a pas cessé d'écrire. 

En rééditant ce texte, les éditions Mnémos nous donnent accès à un grand nom de la science-fiction qui s'est essayé à la fantasy et évitent ainsi que ce patrimoine culturel ne s'éteigne à jamais. Alors, on les remercie !

Fantasy à la Carte

Informations
John Brunner
Le Voyage en Noir
9782382671061
254 pages
Editions Mnémos

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