L'influence du "gaming" à la littérature

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11/02/2022

Christophe Guillemain, L'Enterrement des Etoiles, éditions Mnémos

Christophe Guillemain, L'Enterrement des Etoiles, éditions Mnémos

Auteur de plusieurs textes courts, Christophe Guillemain est une nouvelle signature de l'Imaginaire francophone. L'Enterrement des Etoiles est son premier roman qui reprend le flambeau de Diamants de Vincent Tassy, des Chevaliers du Tintamarre de Raphaël Bardas et de Chevauche-Brumes de Thibaud Latil-Nicolas, en devenant à son tour pépite de l'Imaginaire.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Nathalie Weil pour l'envoi de ce service presse. 

L'Enterrement des Etoiles nous conduit à Naacht, la cité des Héritiers, gouvernée par le roi Jenophon car c'est là que le cirque de Todestre a décidé de s'établir pour divertir la population. Les membres de cette troupe peu ordinaire promettent au tout-venant, spectaculaire et frissons. Mais débarquer en même temps que l'avènement d'une prophétie n'est peut-être pas le simple fruit du hasard. Todestre, lui-même, semble croire que son fils adoptif Ylias a un rôle à y jouer. Pour l'intéressé, cela semble peu probable car bien que doté d'une force surhumaine, il n'en demeure pas moins un jeune homme gauche qui ne se sent pas l'âme d'un élu, chargé de mener à bien une quête. Pourtant les événements qui vont suivre pourraient bien lui donner tort, d'autant que le danger plane sur ses amis et lui, alors aura-t-il un autre choix ? 

L'Enterrement des Etoiles est un récit crépusculaire qui nous conte la fin d'un monde, annoncée par une prophétie. Christophe Guillemain a peuplé son univers d'anges, de vampires, de mages, d'êtres singuliers aux capacités étonnantes, mais aussi de simples humains. Cette cosmogonie forme une société décadente, marquée par une surexploitation. L'auteur nous brosse donc le portrait d'une terre à l'agonie, à bout de souffle où les humains sont dominés par une bande d'anges déchus. Or, ces derniers voient dans la prophétie qui s'annonce, l'occasion d'échapper à cette fin inéluctable en exploitant un peu plus ceux qu'ils appellent les mal-nés. Parmi eux se trouvent les héros de ce roman, des personnages volontairement décrits comme des monstres, des bêtes de foire qui se donnent, d'ailleurs, en spectacle par l'intermédiaire des représentations qu'ils donnent au sein de leur cirque. Ce roman s'appuie sur une galerie de personnages hétéroclites qui, par le biais de leur propre histoire, nous dévoile un peu du destin de ce monde à la dérive. 

Ylias est l'homme fort de la troupe. Pourtant sa puissance ne lui sert pas car c'est un garçon très introverti. Enfermé dans sa coquille, il s'est réfugié dans le silence et l'observation des autres par conformisme. Mais tout change lorsqu'il est désigné comme étant l'élu de la prophétie, autrement dit celui qui va ouvrir le chemin aux laissés-pour-compte vers le paradis. Une mission sacrée qui va le transfigurer et lui donner la confiance nécessaire pour embrasser pleinement son destin. 

Néanmoins, dans cette folle quête, il n'est pas seul car il y a déjà la magicienne Jyss, dont il est éperdument amoureux sans pour autant oser le lui avouer. Pour cette dernière, le cirque est le refuge idéal afin de se cacher au regard des autres car il n'est pas bon d'afficher ses pouvoirs. Hautaine et bravache, cette magicienne semble si sûre d'elle qu'elle éclipse même les meilleures dispositions à son égard. Tous semblent intimidés à son contact, sauf peut-être le bossu Tristo

Bagarreur et provocant, il a le chic pour s'attirer les inimitiés. Pour preuve, avec Ylias car ils sont en rivalité perpétuelle, même si du fait de la timidité de ce dernier, leur antagonisme est longtemps demeuré rentré. Pourtant sous des dehors bourrus, il n'en demeure pas moins un homme capable d'aimer, même si ses sentiments ont tendance à être étouffants. 

Les plus attachants de ces baladins restent les jeunes Sébaste et Poppiela, deux garnements condamnés à perdre leur humanité en devenant à terme des arbres. Ils sont tellement plein de bonne volonté que l'on ne leur résiste pas. Ils me font d'ailleurs beaucoup penser aux enfants particuliers de Ransom Riggs. Alors que Sébaste cherche à trouver un remède à leur état, Poppiela, elle, ne pense qu'à venir en aide aux siens pour les sauver de tout danger.

Enfin, Matifas est un vampire qui vit reclus dans une jarre. Amnésique de son passé, il est une créature de la nuit étonnante car éloignée de l'image que l'on se fait de ces êtres. Loyal et fraternel, il est un compagnon inattendu pour chaque membre de cette compagnie singulière. 

Ils forment un tout surprenant que l'on apprécie de suivre dans leur diverse trajectoire. Chacun suit une évolution toute personnelle et nous réserve son lot de surprises promettant au récit de nombreux rebondissements. Loin des personnages lisses, Christophe Guillemain a plutôt misé sur des héros cabossés par la vie, aux prises avec des émotions fortes, les rendant d'autant plus crédibles. 

L'intrigue de L'Enterrement des Etoiles prend corps au sein d'une mythologie détaillée où plane l'ombre du dieu Oudath qui semble avoir abandonné les anges à leur sort avec le maigre espoir de retrouver la porte du paradis par l'entremise de l'élu des mal-nés. Or, pour trouver la clé d'Omorée, il leur faudra affronter de nombreuses épreuves et trouver le chemin au cœur d'un labyrinthe. Ainsi l'auteur emprunte quelques éléments à la mythologie grecque pour nourrir la sienne afin de lui donner une vraie légitimité. Point fort de ce récit car il contribue à nous offrir une excursion dans un univers à la fois fabuleux et horrifique. 

La plume de Christophe Guillemain s'est mise au diapason de ce monde déclinant en instillant notamment une ambiance enténébrée et pourtant si pleine de poésie. Il y a une vraie magie qui se dégage des mots de l'auteur car on ressort de cette lecture comme hypnotisé. 

Fort de sa couverture attractive, signée par Abel Klaer, L'Enterrement des Etoiles nous offre donc un récit qualitatif qui mérite pleinement son titre de pépite de l'Imaginaire 2022. Rendez-vous en librairie le 25 février prochain. 

Fantasy à la Carte

D'autres avis sont à lire sur la blogosphère : La Bibliothèque d'Aelinel et Les critiques de Yuyine

Informations

Christophe Guillemain
L'Enterrement des Etoiles
9782354089412
304 pages
  Editions Mnémos


Lien vers la librairie L'Antre-Temps pour bénéficier d'une réduction de 5% avec le code FANTASYCARTE5 


08/02/2022

Fenriss Asgard, Te Deum écarlate, tome 3, Carrousel Funeste

Fenriss Asgard, Te Deum écarlate, tome 3, Carrousel Funeste

Te Deum écarlate est le dernier volet de la trilogie, Carrousel Funeste dont je vous partage mes avis les uns après les autres depuis un an. 

Mais avant d'aborder plus en détails ce tome 3, je souhaite remercier chaleureusement Fenriss Asgard de m'avoir fait découvrir son univers baroque et captivant. 

Dans Te Deum écarlate, Paris est assise sur une poudrière dans toutes les dimensions du terme. En effet, des Abyssaux continuent de se déverser dans la capitale menaçant autant l'Ordinaire que l'Agartha. Pour Lupin, une course contre la montre est engagée, il doit reprendre le pouvoir pour écraser la Reine Noire et ses courtisans ainsi que refermer le passage sur l'Abysse ouvert par le marquis de Carabas. Quant à Chloé et Julian Markez, ils se sont rapprochés depuis qu'ils ont frôlé la mort en démasquant le groupuscule des Loups de Dieu impliquant des hauts fonctionnaires, et seulement après qu'ils aient perpétré un attentat meurtrier. Sous le choc, la colère monte chez les citoyens, déjà victimes d'une pression économique et sociale sans précédent, la révolte gronde dans les rues de Paris. Alors qui peut prévoir comment les événements vont tourner ? Sans doute pas Chloé et Markez ni Lupin, d'ailleurs, mais une chose est certaine, c'est qu'ils feront tout pour empêcher le pire d'advenir. 

La sortie de Te Deum écarlate sonne la fin de partie pour les héros de Fenriss Asgard, tout en mettant un point final à la concrétisation de ce projet littéraire d'envergure. L'heure est donc venue pour l'auteur d'abattre toutes ses cartes en concluant sa trilogie en apothéose. Il est vrai que toute la tension accumulée à la fin du deuxième tome atteint son paroxysme dans ce dernier volet et s'exprime sous la forme d'une narration incisive et impétueuse. Les masques étant tombés, c'est le moment de la bagarre surtout du côté de l'Agartha qui doit affronter vaille que vaille une horde de monstres venus des Abysses. Le tempo s'accélère et l'auteur nous happe dans des scènes de combat où chacun de ses héros risquent sa vie. Au rythme des coups, les adversaires et les alliés tombent sous la plume implacable de Fenriss Asgard car il n'hésite pas à sacrifier au passage certains de ses personnages. Entre ses lignes, l'ennui n'a donc pas sa place, tant on reste captivés par cette étrange symphonie

Paris saigne, Paris souffre dans cette trilogie, elle vit à cent à l'heure et incarne le pouls de toutes ces âmes dont le cœur bat à l'unisson du sien. En hissant la capitale au rang de véritable personnage, Fenriss Asgard rend hommage à ses multiples visages. Cité inspiratrice, Paris est d'ailleurs souvent présente dans le cœur des auteurs francophones de l'Imaginaire. Et quel plaisir pour les lecteurs que de parcourir à nouveau ses rues et de se perdre dans ses quartiers. Plus que de signer un cycle de fantasy urbaine, Fenriss Asagard nous offre également une petite virée dans un Paris secret et clandestin qui ne manque pas de charme. 

Derrière un univers qui s'est largement nourri de la pop culture, Fenriss Asgard se sert aussi de son récit pour mettre en lumière les crises qui ne manquent pas de survenir quand l'Etat républicain fait défaut. En prenant également cadre dans la cité des Lochères à Sarcelles, Carrousel Funeste attire notre attention sur ces populations oubliées de la République, abandonnées à leur sort et victimes des trafiquants de tous bords qui dégradent allègrement leur quotidien. La colère de ces victimes s'ajoutent ici à celle de toutes ces minorités délaissées par le pouvoir au profit des plus nantis qui semblent vivre dans un microcosme protégé. Avec un regard acéré, Fenriss Asgard nous fait une analyse implacable des manquements de notre société, donnant lieu à d'inexorables révoltes populaires, à l'image du mouvement citoyen des Gilets Jaunes, introduit ici pour mieux nous immerger dans ce récit. En effet, quand le pain vient à manquer, la révolution n'est jamais loin. 

Carrousel Funeste est un récit riche, porté par de grandes valeurs qui trouve sans mal un écho en chacun de nous. C'est une trilogie pleine de qualités qui sait tenir en haleine son public tout en la divertissant avec esprit critique et philosophie. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog, mes avis sur La Marque d'Ysengrin et Le Secret de la veuve

Informations

Fenriss Asgard
Te Deum écarlate
Tome 3
380 pages
9782956298748
Carrousel Funeste

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01/02/2022

Alex Nikolavitch, L'ancelot avançait en armes, éditions Les Moutons électriques

Alex Nikolavitch, L'ancelot avançait en armes
éditions Les Moutons électriques

En ce début d'année 2022, Alex Nikolavitch fait son grand retour au catalogue des éditions Les Moutons électriques en proposant une nouvelle incursion dans le mythe arthurien. En effet, après s'être intéressé à la figure d'Uther dans Trois coracles cinglaient vers le couchant, c'est au tour de Lancelot de venir faire parler de lui dans son nouveau roman qui s'intitule L'ancelot avançait en armes

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Erwan pour cette lecture en avant première.

Dans ce livre, Alex Nikolavitch nous attache aux pas d'un certain L'ancelot, fils adoptif d'un guerrier breton, ancien compagnon d'armes d'Uther Pendragon, du nom de Banic. Oublieux de son véritable nom et de son passé, L'ancelot aspire à découvrir cette île dont il a beaucoup entendu parler afin de s'y faire un nom. Mais débarqué en terre étrangère n'est pas chose aisée surtout lorsqu'elle a été, à maintes reprises, l'objet de nombreux raids et que des hommes en armes ne continuent de l'arpenter. Malgré une franche hostilité de la part de certains habitants, L'ancelot réussit, vaille que vaille, à s'illustrer, tantôt en donnant un coup de main ici ou là, tantôt en délivrant un lieu hanté du mal qui l'habite. Très vite sa réputation le précède, ce qui lui vaut de nouer quelques amitiés et de faire des rencontres décisives à l'image de celle de Gwenhwyfar qu'il va délivrer des griffes de Melwagant. D'aventure en aventure, L'ancelot revêtit peu à peu ses habits de chevalier et commence à forger sa légende. 

Avec L'ancelot avançait en armes, Alex Nikolavitch revisite certains épisodes marquant de la geste arthurienne en s'intéressant à la vie de Lancelot avant qu'il ne devienne un chevalier. On part donc à la rencontre d'un jeune homme en pleine quête d'identité qui se cherche et souhaite donner un sens à ses actes et à sa vie. Bien loin des faits d'armes que le mythe nous a transmis, on découvre ici un homme en proie au doute mais à la volonté farouche de se distinguer et de faire le bien en aidant son prochain. Il aborde donc l'île non pas en guerrier mais en honnête serviteur cherchant à rendre service. Amnésique de son passé, les souvenirs de son enfance demeurent confus et avec eux, l'ombre des fées se tient à distance. 

Finalement, entre ses lignes, le merveilleux s'exprime furtivement, surtout par l'entremise de ces dames du lac qui veillent de loin sur la destinée de L'ancelot. 

A travers L'ancelot avançait en armes, l'auteur nous offre une belle balade littéraire qui nous plonge, avec beaucoup de poésie, dans cette histoire intemporelle. Ce roman dégage clairement le même esthétisme que le mythe originel, ce qui lui donne sa pleine légitimité auprès du lecteur qui prend un réel plaisir de se replonger dans l'ambiance de ces récits légendaires.

Avec L'ancelot avançait en armes, Alex Nikolavitch signe un court récit très captivant où le temps de notre lecture est comme suspendu car tenu hors du temps, pour accompagner les pas de cet inconnu qui pourtant n'a rien d'un étranger tant on connaît son histoire sur le bout des doigts. Et pourtant, l'auteur réussit, tout de même, à nous surprendre en dressant le portrait d'un jeune homme plutôt perplexe et incertain quant à la voie à suivre. Discret mais pas dénué de courage, L'ancelot n'incarne pas encore ici le parfait chevalier plein de noblesse et d'assurance que l'on connait. Néanmoins, la vision que nous donne Alex Nikolavitch demeure touchante et fort crédible car on s'attache très bien à ce héros vaillant et digne qui tient vent debout face à l'adversité. Tour à tour timide, hésitant, troublé, épris ou encore fervent, on ne résiste pas à ce fringant jeune homme qui a tant à prouver et dont la destinée nous passionne toujours autant. 

Dans L'ancelot avançait en armes, Alex Nikolavitch a endossé ses atours de barde pour nous dévoiler une autre facette du plus légendaire chevalier de la Table Ronde. Complètement happée par ce petit livre, j'ai bien envie de retourner en Brocéliande en lisant son fameux, Trois coracles cinglaient vers le couchant. Je vous dis à très vite pour une prochaine aventure livresque. En attendant, n'oubliez pas, la sortie de cette petite pépite est prévue le 11 février prochain, alors rendez-vous en librairie.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog mon avis sur Les Canaux du Mitan du même auteur. 

Informations

Alex Nikolavitch
L'ancelot avançait en armes
9782361837778
224 pages
Editions Les Moutons électriques

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Lien vers la librairie L'Antre-Temps pour bénéficier d'une réduction de 5% avec le code FANTASYCARTE5

28/01/2022

Ivan Kwiatkowski, Gestalt, éditions Le Chant du Cygne

Ivan Kwiatkowski, Gestalt, éditions Le Chant du Cygne

Après une novella intitulée "Chrysalide", éditée en 2015 par les édtions Voy'El, Ivan Kwiatkowski publie en octobre 2021, son premier roman, Gestalt aux éditions Le Chant du Cygne

Lu dans le cadre d'un partenariat, je remercie à nouveau les éditions Le Chant du Cygne pour l'envoi de ce service presse. 

Gestalt s'ouvre sur un monde prêt à basculer dans la guerre. En effet, des rivalités entre le roi Krieg IV et Lord Froyd menacent sérieusement la paix sur le continent. Alors dans un dernier sursaut d'espoir, Spracht, l'astrologue royal organise une rencontre officielle avec la divinatrice du camp  adverse dans l'espoir de percevoir une autre voie à ce conflit. Sur sa route, il ne manquera pas de croiser certains personnages qui auront leur rôle à jouer dans cet affrontement, tandis que d'autres électrons libres se frotteront à leur destin de leur côté. 

Dans Gestalt, Ivan Kwiatkowski emprunte les codes de la fantasy pour poser le cadre de son récit. Aussi, on retrouve la figure de l'astrologue qui incarne la prophétie, soit un élément déclencheur du récit traditionnel de fantasy. Il est également question de magie puisque des mages y sont à l'oeuvre en usant d'un pouvoir basé sur le modèle de l'Echange. De même que la lutte est au cœur des enjeux à travers le spectre de cette guerre qui menace la paix sur le continent. Enfin, l'intrigue est, quant à elle, portée ici par une communauté de héros qui agissent dans l'intérêt de l'un ou l'autre des deux camps. Autant d'éléments qui rassurent le lecteur d'Imaginaire car il y retrouve tout ce qu'il est en droit d'attendre, mais ceux-ci sont, à mon sens, accessoires au roman. 

En effet, l'auteur a surtout misé sur une galerie de personnages en mettant l'accent sur les valeurs qu'ils véhiculent et les actes qui les définissent. Ainsi, par l'entremise de ses protagonistes, il questionne beaucoup la figure du héros en confrontant l'archétype que l'on s'attend à trouver et la réalité d'un être sous l'emprise de ses contradictions et de ses désirs. Au fil de ses chapitres, Ivan Kwiatkowski alterne les points de vue de chacun d'entre eux nous laissant le loisir de les découvrir de manière parcimonieuse. D'ailleurs, si les premiers chapitres les concernant nous les laissent entrevoir d'une certaine manière, la suite de la lecture va vite nous faire changer d'avis sur la question. 

La plume d'Ivan Kwiatkowski se veut troublante en explorant l'âme torturée de chacun de ses personnages. Tour à tour, on suit, entre autre, un jeune mage éperdu et désespéré, une sorcière à l'âme guerrière, un assassin repentant, une bête encombrée par son humanité, un meneur d'hommes complexé ou encore un sorcier à l'âme damnée. Au vu du nombre important de personnages, il m'a, quand même, été difficile de m'attacher à chacun d'entre eux. Néanmoins, certains destins sont plus touchants que d'autres comme celui de Midas qui cache l'histoire d'un homme, noyé par son chagrin d'avoir perdu l'amour de sa vie, au point de renoncer peu à peu à son humanité pour se métamorphoser en monstre, détaché de tout sentiment et distancié de toute souffrance. On peut également évoquer Cinder qui a été mandatée par lord Froyd afin de changer le cours des événements en débusquant le plus puissant des mages afin d'éviter au monde de sombrer dans la guerre. Obsédée par des idéaux chevaleresques, Cinder ne rêve que de sauver son prochain et ne voit pas le mal qui rôde. Guerrière accomplie et sorcière puissante, elle risque bien d'être rattrapée par sa candeur et sa crédulité. Quant à Améon, on voit d'abord en lui un fringant jeune homme, éperdument amoureux qui tombe progressivement dans l'aveuglement, quitte à perpétrer les actes les plus extrêmes pour ramener à la vie l'amour de sa vie. Enfin, Oswald est un être torturé et complexe. Hanté par ses souvenirs et ses regrets, il est un pion parfait et utile pour servir des intérêts supérieurs. 

Fort d'une grande singularité, ce roman exhale de nombreux sentiments comme l'amour, la haine, le châtiment, la repentance, la mélancolie ou encore le courage. C'est une manière pour l'auteur de nous faire passer par tout un panel d'émotions et finalement de ne pas rester indifférent à son roman.

Gestalt est donc riche d'une promesse d'évasion livresque surprenante et un brin original. 

Fantasy à la Carte

Informations

Ivan Kwiatkowski
Gestalt
9782957879007
346 pages
Editions Le Chant du Cygne

19/01/2022

Eric Lysoe, La Dimension Heisenberg, éditions Le Chant du Cygne

Eric Lysoe, La Dimension Heisenberg, éditions Le Chant du Cygne

Avec La Dimension Heisenberg, j'ai eu le plaisir de lire le second titre paru chez la toute jeune maison d'édition, Le Chant du Cygne dont la ligne éditoriale s'adresse clairement à un public averti. 

Auteur et compositeur, Eric Lysoe est aussi passionné par le fantastique. Aujourd'hui, il signe avec La Dimension Heisenberg, un roman qui mêle Histoire et science-fiction. 

Lu dans le cadre d'un partenariat, je remercie Le Chant du Cygne pour l'envoi de ce service presse, ainsi que pour cette première collaboration. 

Dans La Dimension Heisenberg, on plonge dans les mémoires d'un homme qui va vivre une expérience scientifique et humaine incroyable. Jakob est le majordome de la famille Bohr. Entre tâches quotidiennes et conquêtes féminines, sa vie est réglée comme une horloge, mais tout bascule après la visite inopinée d'un certain Werner Heisenberg à son maître Niels Bohr. Après lui avoir reçu un étrange objet et pris connaissance des dernières découvertes scientifiques de l'Allemand, le physicien reste septique et même réfractaire quant à constater par lui-même de la véracités de ses dires, selon lesquels ledit objet permettrait d'accéder à une autre dimension grâce à la physique quantique. Effrayé d'y voir à l'oeuvre les Nazis, ce dernier charge son domestique de se débarrasser du tesseract. Or, poussé par une irrépressible curiosité et un concours de circonstances, Jakob décide de se rendre dans cette dimension, avec l'idée première d'y faire un simple aller retour afin de ramener le fiancé de la gouvernante Carlotta qu'il pense coincé là-bas, mais finalement, il se prend au jeu et voit plus grand en espérant porter l'estocade au IIIe Reich, réfugié en ces lieux. Mais n'est ce pas un peu présomptueux d'imaginer pouvoir inverser le cours de l'Histoire ? 

L'amorce de ce roman repose sur un fait historique avéré : la rencontre survenue en 1941 entre le nobéliste danois Niels Bohr et l'inventeur de la bombe atomique, Werner Heinsenberg. De là, Eric Lysoe a imaginé un Werner Heisenberg appâter le passionné de mécanique cantique en lui mettant dans les mains un tesseract, c'est à dire un objet capable par un jeu de réfléchissement de la lumière, d'ouvrir un portail vers une autre dimension. Celle-ci sert de refuge à des scientifiques nazis du IIIe Reich qui travaillent au projet d'Heisenberg de créer la bombe atomique afin de hâter l'issue de la guerre. 

C'est donc en compagnie de Jakob que l'on pénètre dans ce monde effroyable, miroir de la société nazie qui a vu émerger les camps de travail où s'élaboraient leur armement de défense : missiles et bombes, ainsi que les camps de concentration servant de lieux d'expérimentation scientifique. Aussi, ici ce microcosme, à l'abri des regards, sert de galop d'essai à ces nazis qui expérimentent notamment à travers l'usine de Dora, l'idée de créer un camp de travail afin d'y fabriquer l'armement. On y reconnait, bien entendu, le célèbre camp de concentration du même nom qui servira de dépendance à Buchenwald afin d'y fabriquer, dès 1943, les missiles V2. Mais plus que d'y inventer les armes de guerre les plus sophistiquées, ils y ont également menés des travaux génétiques et notamment, tester l'exposition des corps à différentes substances comme l'uranium. Au fil des chapitres, l'auteur nous plonge dans une descente aux enfers où le génie scientifique côtoie la folie. 

Par le prisme de son imaginaire, il revisite les heures les plus sombres de l'Histoire de l'Europe en s'intéressant aux mécanismes psychologiques qui ont aliéné certains esprits à commettre les pires atrocités ou à contrario, ont accru l'ingéniosité des autres à résister et à survivre. 

A travers son récit, Eric Lysoe explore des sujets fondamentaux comme la déchéance, le renoncement, la résilience, l'acceptation et le dépassement de soi. Derrière La Dimension Heisenberg se cache un récit sombre et bouleversant car il porte des destins tragiques et touchants. Au-delà de l'horreur que ce totalitarisme a pu engendrer et qui sert de cadre à l'action, il y a dans ce texte des héros qui ne laissent pas indifférents. 

Parmi ses personnages brisés et tourmentés, on s'attache sans mal à Jakob. Narrateur principal de ce roman, le majordome de la famille Bohr est le protagoniste qui évolue le plus dans cette histoire. Sans doute que partager le corps de l'Allemand Rudy Schöndorf et batailler avec son esprit ne lui facilite pas la tâche et le pousse même à une grande introspection pour avoir le dessus. Cela va donc l'aider à prendre conscience de choses importantes et notamment du vrai rôle qu'il devra jouer dans cette histoire. Tiraillé entre deux personnalités, il devra se montrer à la hauteur de ses ambitions. A ses côtés, il y a deux femmes qui vont également jouer un rôle prépondérant. Rachel est l'esclave juive de Rudy Schöndorf, elle fait preuve d'une grande force de caractère et s'avère être un vrai soutien pour Jakob. Enfin, Sonia est une héroïne complexe qui nous réserve son lot de surprises et dont le passé trouble promet de donner à Jakob une bonne leçon. Dans ce jeu de dupes, chacun des personnages d'Eric Lysoe n'est pas ce qu'il prétend être, alors à Jakob de faire tomber les masques.

Avec La Dimension Heisenberg, Eric Lysoe se fait l'auteur d'un récit funeste qui flirte parfois avec l'horreur, mais où la beauté et la lumière résident dans la force de certains de ses héros. Malgré de très nombreuses digressions qui manquent parfois de nous égarer, ce roman capte tout de même notre attention ne serait-ce pour les thématiques abordées et les personnages mis en scène. Rendez-vous en librairie. 

Fantasy à la Carte

Informations

Eric Lysoe
La Dimension Heisenberg
9782957879014
608 pages
Editions Le Chant du Cygne