L'influence du "gaming" à la littérature

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07/04/2020

Christophe Arleston, Le Souper des Maléfices, collection Bad Wolf, éditions ActuSF

Christophe Arleston, Le Souper des Maléfices, collection Bad Wolf, 
éditions ActuSF

Après avoir connu le succès dans la bande dessinée, l'auteur de Lanfeust nous propose avec Le Souper des Maléfices, un roman de fantasy plein de fraîcheur

Cité libre de Slarance. Zéphyrelle est une jeune Agent Subalterne aux Services Particuliers du dynarque. Rompu aux techniques de combat, dispensées par un vieux maître d'armes qui l'a pris sous son aile après la mort de son père, elle espère briller et prendre rapidement du galon. Un malheureux concours de circonstances va l'exaucer. En effet, tous les agents du dynarque se font assassiner les uns après les autres. Dernière rescapée, elle est donc chargée de démasquer l'auteur de ces crimes et de découvrir par la même occasion qui est à l'origine des trafics qui se trament dans les rues de la cité. Depuis qu'un mystérieux blé a inondé le marché, les productions locales ont disparu mettant à mal autant l'économie que la santé des habitants. Mais est-ce que les deux faits sont liés pour autant ? Si oui, qui met une si grande volonté à vouloir détruire Slarance ? 

Le Souper des Maléfices dégage cet humour sur lequel Christophe Arleston a bâti sa réputation. Plus proche d'un Terry Pratchett que d'un J.R.R. Tolkien, on apprécie cette plume qui est toute en légèreté. 

Amateur du genre, il a dessiné autour de son récit un univers où la magie s'épanouit par petites touches. A l'ombre du pouvoir, les alchimistes sont à l'oeuvre même si cela est caché. L'usage de sortilèges est proscrit. La magie est dangereuse surtout lorsqu'elle échappe à tout contrôle. Les grimoires sont tenus sous clé. Mais notez bien qu'ils ne sont pas détruits. Les puissants ont bien compris son intérêt mais se gardent bien de le clamer haut et fort. Que se passerait-il si un petit malin avait dans l'idée d'utiliser la magie pour son usage personnel ? Avec Christope Arleston aux commandes, pensez bien qu'il y aura de la casse. 

C'est dans ce contexte qu'évolue l'intrépide Zéphyrelle, promue Inquisitrice par le dynarque. Pipelette, maline, parfois gauche, elle est une héroïne pour le moins surprenante. Elle défait souvent ses ennemis par pur coup de chance et se met régulièrement dans des situations délicates dont elle sort victorieuse que grâce au hasard. En bref, elle est l'héroïne que l'on attend de voir naître sous la plume d'un Christophe Arleston. Intelligente et charmeuse, suivre ses rocambolesques aventures nous garantit une belle évasion. Et je ne vous parle pas du cuisinier Fanalpe, beau garçon et sûr de son talent qui se retrouve étonnamment toujours sur sa route. A croire qu'il est mêlé aux assassinats qui rougissent les pavés de la cité. 

Avec Le Souper des Maléfices, Christophe Arleston se fait l'auteur d'une enquête où l'humour et le mystère s'harmonisent parfaitement. 

Un roman qui a su trouver sa place au sein d'une collection qui éditent des textes drôles, singuliers et inoubliables.

Fantasy à la Carte
Retrouvez l'avis de Joyeux Drille et de Phooka

Informations

Christophe Arleston
Le Souper des Maléfices
Collection Bad Wolf
396 pages
978-2-36629-824-6
Editions ActuSF

31/03/2020

Philippe Auribeau, Ecarlate, collection Les 3 souhaits, éditions ActuSF

Howard Phillips Lovecraft est un écrivain fondamental qui a inspiré des générations d'auteurs d'imaginaire. Les éditions ActuSF lui ont consacré de nombreuses publications afin de lui rendre hommage. 

En mars, ils continuent sur leur lancée en nous proposant une nouvelle fournée avec Le guide Lovecraft de Christophe Thill (collection Hélios, déjà disponible en numérique) et Lovecraft en 25 œuvres essentielles de Bertrand Bonnet (uniquement en version numérique). Côté roman, ils nous proposent Écarlate de Philippe Auribeau. Celui qui s'est illustré en écrivant L'Héritage de Richelieu, la suite des Lames du Cardinal de Pierre Pevel, change de registre et nous propose aujourd'hui un polar fantastique. J'en profite pour remercier Jérôme Vincent et les éditions ActuSF pour l'envoi de ce service de presse qui est arrivé juste à temps.  

1931, à Providence, un odieux crime vient d'être commis dans un petit théâtre de quartier. Dépêché sur les lieux, l'agent fédéral Thomas Jefferson, accompagné de ses deux associés, Caleb Beauford et Diane Crane, sont chargés de mener l'enquête. Les quatre victimes ont été retrouvées dépecées, certaines éviscérées, d'autres énuclées. La scène de crime est insoutenable. Mais de cette curée, une femme a survécu. Transportée en état de choc à l'hôpital, elle ne sera pourtant pas d'une grande aide à notre trio d'enquêteurs. Alors qui a perpétré cet odieux crime à la mise en scène écœurante ? Est-ce le gardien qui a pris la fuite avant l'arrivée de la police ? Est-ce que les petits mafieux du coin y son mêlés ? ou bien est-ce une vengeance pour jeter le discrédit sur un sénateur influent ? L'affaire est épineuse mais le sémillant Thomas Jefferson est un homme têtu qui compte bien éplucher le passé de chacun pour trouver le ou les coupables. 

Dans Écarlate, Philippe Auribeau a choisi d'enchaîner des chapitres courts pour dynamiser son récit : le rythme y est nerveux et le suspense, haletant. 

La première des choses remarquables à dire sur ce roman est que c'est un polar uchronique bourré de références ou de rencontres de personnes ayant réellement existées. A travers cette démarche, l'auteur démontre sa volonté d'inscrire sa fiction dans une réalité historique. 

Il nous plonge dans une Amérique des années 30, juste après le krach boursier de 1929, marquée par la misère, la xénophobie et la prohibition. C'est dans cette conjoncture de défiance qu'il fait débarquer son trio étonnant de héros à Providence

Voici une association surprenante pour l'époque que l'auteur se plaît d'ailleurs à mettre régulièrement en exergue. Il y a d'abord Thomas Jefferson qui correspond au stéréotype de l'agent fédéral bien né à l'éducation irréprochable. Flegmatique et aristocrate, Jefferson joue son rôle d'enquêteur fringant à la perfection. Plus étonnant sans doute est son assistante, Diane Crane, qui au contraire de ce que les apparences peuvent laisser supposer, est une femme forte et indépendante qui sait se sortir de toutes les situations. Enfin, Caleb Beauford n'est pas, quant à lui, le simple chauffeur noir Américain de Jefferson que l'on pourrait croire aux premiers abords. Grand ami de l'agent fédéral, ses modestes origines lui permettent de recevoir les confidences des communautés les plus pauvres. C'est donc en combinant leurs déductions et leurs découvertes respectives qu'ils seront à même de résoudre cette épineuse affaire. 

En plaçant La Lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne au cœur de son intrigue, Philippe Auribeau met à l'honneur la littérature américaine du XIXe siècle. Ce pamphlet contre la société puritaine, fondatrice des treize colonies de la côte Est lui donne l'opportunité d'introduire une dimension fantastique dans son livre. En effet, les ancêtres de Nathaniel Hawthorne ont participé à la terrible chasse aux sorcières de 1692. Or, derrière ce sanglant assassinat mis en scène dans Écarlate, on est en droit de s'interroger sur l'aspect "rituel" de ce crime. La manière dont les corps sont disposés pousse à toutes les spéculations. Passée l'impression de désordre, on peut finalement voir dans cette scène une organisation macabre qui répond à un but précis. D'ailleurs, sa rencontre avec un certain H.P. Lovecraft va orienter Thomas Jefferson vers le milieu occulte. En s'intéressant de plus près aux mythes de la Nouvelle-Angleterre, nos investigateurs pourraient bien pousser la porte d'un monde invisible et effrayant qu'ils auraient sans doute préféré ne pas connaître. 

L'ombre de Lovecraft plane indéniablement sur ce livre ; l'hommage à son oeuvre y est omniprésente. 

Avec Écarlate, Philippe Auribeau n'a pas son pareil pour planter un décor, installer un rythme et une ambiance, et plonger le lecteur dans une enquête captivante qui donne la chair de poule. 

Fort bien écrit, Écarlate a su capter mon attention dès les premières lignes au point qu'il est difficile de s'en détacher surtout lorsque se présente la dernière page. C'est une lectrice frustrée qui vous le dit, j'espère juste lire de nouvelles aventures de ces rocambolesques personnages.   

En s'appropriant avec le même talent aussi bien le thriller fantastique que la fantasy, Philippe Auribeau enrichit l'imaginaire français de sa plume caméléon. 

Fantasy à la Carte

Informations

Philippe Auribeau
Écarlate
Collection Les 3 Souhaits
496 pages
978-2-37686-242-0
Editions ActuSF

27/03/2020

Eric Holstein, D'or et d'émeraude, collection Hélios, éditions ActuSF

Eric Holstein, D'or et d'émeraude, collection hélios, éditions ActuSF

D'or et d'émeraude est sorti en poche, chez Hélios, en 2017. L'histoire de ce roman est intéressante car il est né suite à une suggestion de Thibaud Eliroff (éditeur chez J'ai Lu et Pygmalion) : il a proposé à Eric Holstein d'écrire un récit se déroulant en Colombie. 

En outre, ce livre a reçu les conseils avisés de figures de l'imaginaire comme Xavier Mauméjean et Audrey Petit, ainsi que l'encadrement de Nathalie Weil (directrice des éditions Mnémos) lors de sa première publication. Cela lui a été très profitable puisqu'il reçoit le prix Bob Morane à sa sortie. 

Après de telles recommandations, on ne peut donc que s'attendre à un roman de qualité. Je le lis aujourd'hui grâce à Annaïck de La Bibliothèque d'Aelinel qui m'a fait gagner le concours qu'elle organisait pour fêter les quatre ans de son blog en partenariat avec les éditions ActuSF. Je la remercie bien évidemment pour ledit concours ainsi que pour la belle lecture qu'elle m'offre. 

Avec D'or et d'émeraude, on embarque pour la Colombie pour y retrouver Simon qui vient d'arriver à Bogotá. Adopté 25 ans plus tôt par un couple de Français, il compte sur ce retour aux sources pour en savoir plus sur ses parents. Bien qu'handicapé par sa non-maîtrise de la langue espagnole, il va tout de même très vite nouer des liens qui vont l'éclairer - et même plus encore - sur ce qu'il est venu chercher. 

A travers la quête d'identité d'un homme, Eric Holstein met en lumière la terrible destinée d'un peuple qui subit les outrages d'un colonialisme violent. 

De son récit s'élèvent de nombreuses voix qui prennent la parole chacune à leur tour pour nous conter un peu de leur destin, toutes intiment liées à l'histoire de la Colombie. Ainsi, on passe un certain temps en compagnie de Gonzalo Jiménez de Quesada et de ses hommes au moment où ils accèdent, en 1537, à l'Altiplano cundiboyacense (Cordillère orientale des Andes située entre les actuels départements de Cundinamarca et de Boyaca). Par ce choix, l'auteur inscrit son récit dans une uchronie en mettant en exergue l'expédition des conquistadors espagnols qui soumirent brutalement les Muiscas (appelés aussi les Chibchas). 

Or, c'est bien cette communauté précolombienne qui est au cœur de ce livre. Elle est à l'origine du mythe d'Eldorado après lequel courraient justement les Espagnols. Eric Holstein nous immerge ici dans leur us et coutumes en nous faisant partager leur quotidien ainsi que celui des colons. Les rites et les traditions y sont importants comme celle de l'intronisation de chaque nouveau souverain. Recouvert de poussière d'or, ce dernier doit plonger dans le lac sacré de Guatavita pendant que la foule y jette des objets de valeurs, comme de l'or et des émeraudes. A l'image des croisades de ses prédécesseurs, Quesada espère aussi y trouver des terres fertiles et des richesses. 

D'or et d'émeraude dessine une histoire qui s'est écrite dans le sang. L'auteur mêle habilement fiction et réalité pour rendre hommage à une Colombie oubliée. 

Il s'appuie sur la mythologie chibcha et notamment la divinité Bochia pour faire jaillir le fantastique dans son texte accordant à certains de ses personnages des pouvoirs surnaturels. 

Finalement, ce roman est un patchwork de petites histoires, parfois déconcertantes, qui nous rappellent les conséquences désastreuses sur les populations assimilées et l'importance de ne jamais oublier ses racines. 

Avec D'or et d'émeraude, Éric Holstein signe un roman inattendu pour le genre, autant pour le choix de l'histoire que le lieu de l'action, mais qui est aussi saisissant de vérité que d'émotion. 

Fantasy à la Carte
A lire aussi l'avis de La Bibliothèque d'Aelinel.  

Informations

Eric Holstein
D'or et d'émeraude
Collection Hélios
472 pages
978-2-36629-852-9
Editions ActuSF

24/03/2020

Jean-Daniel Doutreligne, Ombruscus, éditions L'Alchimiste

Les éditions L'Alchimiste accueillent régulièrement dans leur catalogue des nouvelles plumes qui vont marquer l'imaginaire de demain. Après vous avoir parlé des deux premiers tomes de Lyon des Cendres de H.A. Laymore, je vous propose aujourd'hui de découvrir Ombruscus de Jean-Daniel Doutreligne. Avec lui, la fantasy compte une nouvelle voix qui semble porteuse de tout ce que l'on apprécie dans ce genre. Je remercie d'ailleurs Lionel Cruzille pour m'avoir offert cette lecture en avant-première.

Ombruscus nous propulse sur une étrange île où les habitants sont comme prisonniers. En effet, chaque nuit ils doivent revêtir un masque pour échapper au Cauchemar. Son port est donc obligatoire sous peine de perdre la vie. Tout le monde le sait : alors pourquoi maître Val s'est laissé surprendre en pleine rue au coucher du soleil ? Tim, son apprenti, est abasourdi d'apprendre sa mort. Sur le point de devenir lui-même Missionnaire, il est contraint, pour achever sa formation, d'accompagner l’irascible Ver-de-Cendre afin de le seconder dans son enquête sur le meurtre d'un confectionneur de masques. Tous deux seront rejoints par la célèbre kalligraphe Axelle de Montbrune dont l'aide ne sera pas de trop au vu des dangers que cette mission implique. L'affaire pourrait bien se compliquer et entraîner des révélations qui en ébranleront plus d'un.  

Ombruscus est un roman qui se lit comme un jeu de pistes. Jean-Daniel Doutreligne y enchaîne les énigmes lui insufflant ainsi une bonne dose de suspense qui nous tient en haleine. L'univers dépeint est sombre et mystérieux. Des meurtres sont commis et des manipulations sont mis à jour. Un roman qui réserve finalement son lot de surprises presque à chaque chapitre. On accroche sans mal à cette intrigue très rythmée bien construite.  

De plus, la fantasy y est très marquée. L'auteur a imaginé un monde onirique où la magie s'exprime pleinement. En plus des nombreuses créatures que l'on rencontre, certains êtres maîtrisent la kalligraphie, une science occulte, qui par la représentation de symboles, donne du pouvoir. Les artefacts magiques occupent également une place importante. Ils sont d'ailleurs au centre des enjeux de ce récit. Ce sont des objets de puissance qui soulèvent toutes les convoitises. Or, qui dit grand pouvoir, dit avidité. Dans l'univers inventé par Jean-Daniel Doutreligne, le mal rôde et noircit de nombreuses âmes. Ainsi, certains pervertissent leur art magique et deviennent des Nécrographes. Ils en tirent un pouvoir plus grand qui leur sert même à tuer si nécessaire. Un roman qui joue beaucoup sur la thématique de la lutte du Bien et du Mal que l'on retrouve souvent en fantasy

Les personnages ne manquent pas dans ce livre. Jean-Daniel Doutreligne revisite toutes les figures archétypales des héros de fantasy. Le plus bel exemple reste celui de Tim qui arrive au terme de son apprentissage. Il a encore des épreuves à passer, d'autant plus qu'il rêve en secret de devenir kalligraphe. Courageux et touchant, on se plaît en sa compagnie, surtout qu'il appartient aux héros typiques de ce genre littéraire. Ver-de-Cendre, quant à lui, est un magicien puissant mais soupe au lait. Souvent cruel, il est intransigeant et exigeant avec les autres et notamment avec Tim qu'il a pris sous son aile. A contrario, Ver-de-Cendre représente ce que l'on déteste. Secret, il a plus d'un tour dans son sac pour nous surprendre.  Axelle de Montbrune est une kalligraphe mercenaire qui vend ses services au plus offrant. Pour le coup, elle casse les codes habituels et démontre qu'une femme peut également marcher sur les plates-bandes des hommes

Tous ces personnages, avec leur personnalité forte, donnent à cette histoire son caractère addictif. Attachants ou horripilants, drôles ou ridicules, on passe facilement du rire aux larmes en leur compagnie.

Complots, ésotérisme, suspense : rien ne manque à ce récit pour plaire aux amateurs de bonne fantasy

Fantasy à la Carte

Jean-Daniel Doutreligne
Ombruscus
Editions L'Alchimiste

17/03/2020

J.R.R. Tolkien, Les Enfants de Hurin, éditions Pocket

Christopher Tolkien a passé sa vie à décortiquer le travail de son père. A partir des nombreux brouillons, des textes inachevés et des versions différentes, il a voulu mettre en lumière certains temps forts du Premier Age. Ce sont tous ces destins ébauchés dans les Contes Perdus qu'il a repris un par un afin de les faire publier de manière individuelle et sous un nouvel angle. 

Je vous ai déjà parlé sur le blog de Beren et Luthien et de La Chute de Gondolin, je reviens aujourd'hui avec un texte édité antérieurement, Les Enfants de Hurin.  Je remercie d'ailleurs ma bonne amie Mathilde qui connaît mon goût prononcé pour la fantasy et les œuvres du maître incontestable du genre, J.R.R. Tolkien et m'a donc offert ce présent livre. 

Les Enfants de Hurin est le plus long conte écrit par J.R.R. Tolkien. Il y relate essentiellement le sombre destin de Turin, fils de Hurin qui est victime de la malédiction de Morgoth condamnant sa lignée à l'errance. Dès son plus jeune âge, Turin est contraint de quitter Dor-lomin et sa mère suite à l'invasion des Orientaux pour trouver refuge au Doriath. Là-bas, il est adopté par le roi Thingol. Mais jalousé par Saeros, le plus proche conseiller royal, qui ne cherche qu'à le conduire à sa perte jusqu'à ce que sa funeste entreprise le tue lui-même. Seulement, craignant le jugement de Thingol, Turin choisit de reprendre la route et se joint à une bande de hors la loi. Après moult péripéties, il rejoint le Nargothrond, un autre royaume elfique. C'est là-bas qu'il rencontre pour la première fois le dragon Glaurung et sera d'ailleurs victime de son ensorcellement lui faisant oublier l'existence des siens. Après être retourné au Dor-lomin et avoir découvert sa maison familiale saccagée et vidée de ses occupantes, il arrive au Brethil où il s'installe parmi les forestiers. Il y retrouve sa sœur Nienor sans la reconnaître. Tous deux victimes du sort d'oubli du dragon, ils tombent éperdument amoureux l'un de l'autre et se marient. Mais la paix ne dure pas et les orques accompagnés de Glaurung sont à nouveau aux portes du royaume. Turin y voit l'occasion de tendre un piège au dragon et de s'en débarrasser une bonne fois pour toutes. Au vu des terribles coups du sorts que la vie lui a réservés jusque-là, on se demande bien comment cela va tourner pour lui ? 

Grâce au travail minutieux de Christopher Tolkien, on fait une nouvelle escale au Premier Age de la Terre du Milieu. Il a donné une grande cohérence à ce texte en cherchant à partir des différentes versions à fournir la plus complète possible. A travers les pérégrinations de Turin, J.R.R. Tolkien met en lumière les agissements de Morgoth et de ses troupes infernales qui redessinent les royaumes des hommes et des elfes. La guerre rythme la vie de ces habitants qui subissent régulièrement les assauts des orques. Et Turin est au cœur même de ces nombreux conflits et participe à quelques batailles mémorables. 

Turin est un personnage sombre et tortueux. Il est fier et coléreux, ce qui lui vaut quelques déconfitures. J.R.R. Tolkien n'est pas tendre avec ce héros, et ne lui épargne aucune blessure. Ainsi, sa vie est parsemée de drames. Cela fait de lui un être dur mais il n'en reste pas moins un guerrier émérite qui affiche fièrement le Heaume du Hador, au moment opportun, des affrontements auxquels il a participé. Il rappelle ainsi son appartenance à cette prestigieuse lignée et à sa filiation avec le grand héros que fut son père Hurin. 

A travers ses récits, J.R.R. Tolkien aime brosser le portrait de héros étonnants, courageux, à la destinée remarquable. Aussi, Turin lui permet d'explorer le côté sombre d'un homme de bien qui subit une malédiction le contraignant à emprunter des chemins tortueux et à faire de mauvais choix. Finalement, cette destinée exceptionnelle apporte tout le palpitant à ce récit. 

Il y a des temps forts dans ce conte qui dynamisent la lecture. Ainsi, les passages mettant en scène le dragon Glaurung sont particulièrement réussis. Tous les dragons dépeints par J.R.R. Tolkien sont d'abjectes créatures. Rusées et malines, elles n'agissent que dans leur intérêt. A l'image de Smaug, Glaurung apprécie aussi de s'emparer des richesses d'autrui. Doués d'intelligence et de paroles, ils font preuve d'esprit et de cruauté donnant du fil à retordre à ceux qui les affrontent. 

Leur présence en plus de la féerie qui se dégage des royaumes elfiques décrits donnent à ces récits leur caractère merveilleux que l'on recherche tant en fantasy


En rééditant ces textes fondateurs, Christopher Tolkien démontre combien l'oeuvre de son père est si colossale qu'elle ne nous a pas encore tout révélé. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog les avis sur Beren et Luthien et La Chute de Gondolin

J.R.R. Tolkien
Les Enfants de Hurin
Editions Pocket