Autrice des Récits du Demi-Loup, dont le premier volet, Véridienne, avait marqué la rentrée de la fantasy 2015 des Indés de l'Imaginaire, Chloé Chevalier a repris sa plume pour nous emporter dans une nouvelle saga de fantasy, publiée, cette fois-ci, chez Robert Laffont.
Lu dans le cadre d'un partenariat avec Collection R, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse.
Dans les îles mauves, une partie du peuple des Bruyères est contrainte de dissimuler leur genre en bandant leurs seins afin de se prémunir de la concupiscence des Leifa : le peuple dominant de ces îles. On les appelle les héros. D'ailleurs, Yvanel, Véli et Granite en font partie. Pourtant en dépit de leurs différences, lorsqu'un danger menace leur archipel, ils sont capables de s'entendre pour trouver une solution, à l'image d'Yvanel, de Granite, de Véli et de Mirja qui embarquent avec Manik et Peiders à bord d'un voilier. Leur but étant de comprendre l'ennemi, à savoir l'empire et peut-être de trouver un terrain d'entente. Une mission bien téméraire pour des jeunes gens qui n'ont jamais quitté leur terre natale.
Dans Loin des îles mauves, Chloé Chevalier a imaginé un archipel d'îles boréales dont l'existence relève de la légende aux yeux du reste du monde. Deux peuples y vivent, celui des femmes qui demeurent dans des grottes sous les bruyères et celui des Leifa, des hommes à la carrure impressionnante. Ils y sont régis par des lois strictes imposant des rencontres limitées et réglementées. Ainsi, les femmes qui n'endossent pas le rôle de héros sont assujetties à porter des enfants et à remettre aux hommes, le cas échéant, un enfant de sexe masculin. Par-delà ces îlots, c'est le règne de l'inconnu où s'étendent les terres de l'empire. L'ombre de celui-ci plane comme une menace sur la survie des îles mauves à cause de leur pêche agressive des baleines, réduisant drastiquement la subsistance des îliens. Voici un monde dont on ne sait que peu de choses si ce n'est qu'il enferme les gens dans un carcan social pesant comme en prennent conscience les protagonistes lorsqu'ils s'en éloignent.
La Sans-Etoiles nous conte l'épopée d'une poignée de jeunes gens qui s'embarquent dans une aventure à l'assaut du monde. Bravant leurs craintes, les voilà qui narguent leur destin tracé d'avance pour explorer des lieux étrangers, se confronter à l'inattendu et apprendre à s'accepter. Derrière la mission louable d'assurer un avenir aux îles mauves, pour chacun d'entre eux, c'est aussi une quête d'identité quant à l'adulte qu'ils souhaitent devenir. Cette expédition marque un vrai bouleversement car elle pousse certains héros à mener une introspection intérieure qui vient questionner leur féminité ou leur masculinité.
En choisissant de mettre au cœur de son intrigue des femmes obligées dès la naissance de dissimuler leur genre, Chloé Chevalier oriente son propos sur les violences faites aux femmes, notamment les abus sexuels dont elles peuvent être victimes. Ici, elle brosse le portrait d'une société impitoyable avec le sexe féminin où la femme doit soit se cacher, soit subir sa charge d'enfanter pour la communauté. C'est réellement un texte fort qui interroge la féminité en s'intéressant particulièrement à ce que c'est que d'être une femme. Il nous parle donc de menstrues, de douleurs et d'orgasme. Plus que de laisser poindre un féminisme engagé, Chloé Chevalier s'intéresse également à la thématique de l'identité sexuelle fondamentale à ce moment charnière du basculement de l'adolescence vers l'âge adulte et qui s'impose très naturellement ici.
En outre, en confrontant ses protagonistes à un autre modèle de société, l'autrice démontre que peu importe le fonctionnement sur lequel elle repose, il est toujours question d'un désenchantement de l'humain accompagné d'une perte de libertés. Ainsi, ici ses personnages doivent affronter l'âpreté de la vie qui exploite la misère humaine pour le bénéfice d'intérêts privés.
Par l'entremise de thématiques finement choisies, Chloé Chevalier traite avec beaucoup de finesse ce qui importe à toute civilisation moderne. Tout y est, même la question écologique à travers la notion de surexploitation des ressources provoquant déséquilibre et disette.
Enfin, dans ce premier tome, l'autrice nous attache aux pas d'une joyeuse bande d'apprentis aventuriers qui se retrouvent bien souvent dépassés par les événements. Ballottés par les péripéties, ils cherchent à se prouver quelque chose même si tous n'en ont pas conscience. Principale narrateurice, Yvanel est sans doute le protagoniste le plus attachant de l'histoire. Tiraillée entre ses états d'âme, ses doutes intimes et sa bienveillance naturelle, elle nous est de suite sympathique et on apprécie de la suivre dans ses pérégrinations. Finalement, en s'appuyant sur un panel varié de personnalités, l'autrice assure à son récit des rebondissements incontrôlés et des éclats qui viennent admirablement rythmer ce texte.
Avec Loin des îles mauves, Chloé Chevalier inaugure une nouvelle saga captivante, portée par des héros inoubliables qui ne demande qu'à être lu.
Fantasy à la Carte
A lire sur le blog mes avis sur Véridienne, Les Terres de l'Est et Mers Brumeuses.
Informations
D'autres avis sur la blogosphère : Au Pays des Cave Trolls, Carolivre et Songe d'une nuit d'été.
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