L'influence du "gaming" à la littérature

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10/05/2019

Elisabeth Ebory, La Fée, la pie et le printemps, collection Hélios, éditions ActuSF

La Fée, la pie et le printemps fait son grand retour en ce mois de mai, chez Hélios, au format poche. Ça tombe bien, j'avais très envie de le lire. Je remercie donc les éditions ActuSF pour l'envoi de ce service de presse. 

Autrice de nouvelles et de novella, Elisabeth Ebory signe là son premier roman.

Dans La Fée, la pie et le printemps, on retrouve l'esthétisme du merveilleux propre aux vieilles légendes et aux contes d'antan. 

Sa plume nous entraîne à la suite d'une collection de personnages hauts en couleurs. 

Nous voici, tantôt attachés aux pas de Philomène, une fée qui ne peut s'empêcher de dérober tout ce qui brille, telle une pie. Âme solitaire, la voilà qui croise la route d'un drôle d'équipage, composé d'un bellâtre à qui elle ne résiste pas, d'une jeune fille sans doute trop gâtée, d'un garçon fantasque et d'un vieux ronchon. Ceux-là sont assurément des voleurs, mais cela ne dissuade pas Philomène de les accompagner sur un bout de chemin puisqu'ils vont dans la même direction. Facétieuse, Elisabeth Ebory nous met également sur les traces d'une autre fée qui a un bien vilain projet, qu'elle a élaboré presque dix-huit ans plus tôt lorsqu'elle a placé un bébé-fée, tel un coucou, dans le berceau royal. En infiltrant le pouvoir, elle espère réinstaurer les lois des fées lorsqu'elle les aura libérées de leur prison afin qu'elles règnent à nouveau sur le monde. Mission diabolique qui va vite se corser quand elle devra remettre la main sur son coucou envolé car démasqué par la Régente. Chemin faisant, ce petit monde a de grandes chances de se retrouver à la croisée des chemins, en provoquant un certain grabuge dans Londres et même Kensington. 

Pour La Fée, la pie et le printemps, Elisabeth Ebory fait entendre l'originalité d'un texte ambitieux tout en s'inscrivant dans une filiation de réécriture du conte. Ici, elle joue avec les motifs traditionnels du genre qu'elle a insérés avec talent dans son récit. Elle reprend, par exemple, la figure du chasseur et de Blanche-Neige qui s'incarnent à travers les personnages de Vik et Clem. Belle réappropriation d'un imaginaire collectif mis en valeur par une écriture rayonnante.

La Fée, la pie et le printemps est un récit plein de fougue et de magie. Avec sa plume solaire, elle nous émerveille avec son "bazar féerique" comme elle le désigne. 

Avec des personnages aussi tonitruants, cette fantasy à l'accent uchronique nous garantit une aventure épique. 

Ce roman nous offre une lecture enivrante au parfum d'enfance et de nostalgie.  C'est un vrai coup de cœur que je me dois de vous recommander. 

Fantasy à la carte

Informations

Elisabeth Ebory
La Fée, la pie et le printemps
Collection Hélios
978-2-36629-465-1
Editions ActuSF

07/05/2019

Catherine Michoux, Le Sculpteur des Âmes, Victor le Brun éditions

Paru à l'occasion du salon du livre de Paris, Le Sculpteur des Âmes est une nouvelle preuve de la fertilité de la fantasy en France. 

Fascinée par les mondes imaginaires, Catherine Michoux a laissé libre cours à son inspiration pour écrire un roman jeunesse ambitieux. 

Lorsque l'on se promène dans son univers, on ne peut s'empêcher de penser à J.R.R. Tolkien, tant on sent son influence sur Le Sculpteur des Âmes. Elle y met en scène une communauté de héros à l'image de celle du Seigneur des Anneaux. Ainsi, on y retrouve des représentants des différentes races qui s'engagent dans une quête d'un artefact pour sauver le monde. 

Tous l'ignorent encore mais une guerre est sur le point d'éclater entre les sorciers de l'Andamie et les autres peuples. Le dernier espoir de l'empêcher réside dans la réussite d'un petit groupe aussi hétéroclite que disparate. Seront-ils pour autant capables de mettre leurs différends de côté pour mener à bien leur mission ? Cela est moins sûr surtout quand dès le départ, on sait qu'un ou plusieurs traîtres se cachent dans leur rang. Cela promet de générer une certaine confusion tout en menaçant la pérennité de leurs actions.  

Catherine Michoux a émaillé son récit de secrets qu'elle dévoile au fur et à mesure de l'histoire afin de tenir en haleine son lecteur d'un bout à l'autre de son livre. En fait, chacun de ses personnages est auréolé d'une aura de mystères. Ils ont finalement tous quelque chose à cacher. Certains le font volontairement tandis que d'autres n'en ont pas conscience. Dès lors, ce roman apparaît comme un véritable jeu de pistes dans lequel on cherche aussi bien à découvrir ce qu'est le dernier vestige du peuple des Derkômasiens que de démasquer le ou les coupables intriguant contre le groupe. Ainsi, la lecture en est que plus passionnante avec cette interrogation perpétuelle sur ces personnages auxquels on s'attache à tort ou à raison. 

La force de ce texte repose également sur le fait d'avoir brossé le portrait de héros aux personnalités complexes et très différentes. Que ce soient le haut-elfe narcissique et égocentrique, le géant guerrier et désopilant, la Khâlynn énigmatique et sagace ou encore le demi-elfe chevaleresque et amoureux, ils forment une assemblée d'aventuriers surprenante à laquelle il est difficile de résister, surtout face à certains échanges qui sont pour le moins savoureux. Catherine Michoux joue beaucoup sur les contrastes afin de nourrir le conflit entre eux, rendant ainsi la quête périlleuse. La nécessité d'être cinq va très vite poser problème car le temps passant, les animosités vont se multiplier. Cela promet de rendre l'aventure fort intéressante.  

Le Sculpteur des Âmes nous immerge dans un univers onirique assez féerique. On retrouve par exemple le côté sacré du royaume des elfes où la nature y est chatoyante. Ce dernier entretient une vraie osmose avec elle. Ils vivent dans un grand respect de l'environnement qui lui rend bien. Ode à la nature et à la vie, ce roman procure un certain ravissement de renouer avec la magie d'un imaginaire familier. 

Parsemé de belles illustrations, ce livre jeunesse est une invitation à la rêverie et à l'évasion. Bien écrit, ce récit ne manquera pas de vous emporter dans un tourbillon de rebondissements sans vous laisser le temps de reprendre votre souffle. 

Fantasy à la carte

Catherine Michoux
Le Sculpteur des Âmes
Victor le Brun éditions

03/05/2019

Morgane Caussarieu, Rouge Venom, collection Naos, éditions ActuSF

Morgane Caussarieu nous avait promis une suite à Rouge Toxic. Cette dernière n'a pas tardé à venir avec la sortie prochaine de Rouge Venom (Naos) qui n'aura rien à envier au premier volet des aventures de Barbara, dite "Barbie", et de Faruk.

L'autrice reprend les mêmes ingrédients et nous livre un récit tout aussi survolté et décapant. 

Barbie et Faruk repartent à la chasse pour trouver un remède contre les cellules cannibales qui coulent dans les veines de la jeune fille. L'héritage que lui a laissé son père, en voulant faire d'elle une sorte de médicament pour sauver l'humanité contre la menace vampirique, est trop lourd à porter. A 16 ans, elle est bien trop jeune pour l'accepter et souhaite plus que tout retrouver une vie normale. Embarqués dans un road-trip en compagnie de la généticienne Emma et du terrible JF, Faruk et Barbie seront-ils en mesure de résister à tous leurs démons ? 

Familier de la littérature vampirique, ce cycle de Young Adult risque d'ébranler vos certitudes et votre culture sur le sujet. Il faut dire que Morgane Caussarieu n'y va pas de main morte dans sa réappropriation du mythe. Il y est question de manipulations génétiques et d'argent. Des enjeux qui vont dépasser les héros. Après tout, rappelons que Barbie n'est qu'une adolescente qui se découvre le cobaye d'une expérience qu'elle ne veut pas. Dans ce cycle, Morgane Caussarieu explore différentes facettes. Elle oppose, au premier abord, l'innocence de la jeunesse à la beauté venimeuse de tueur aux dents longues. Mais au fil de la lecture, on se rendra compte que les choses ne sont pas si simples. Dans Rouge Venom, Morgane Caussarieu nous met, d'un côté, dans la tête d'une adolescente mal dans sa peau, qui a perdu ses repères et qui choisit la fuite dans l'alcool, la drogue et le sexe. Puis de l'autre côté, nous voici au contact de l'esprit froid, vicieux, affamé de tueurs sauvages qui ne sont régis que par la soif et la chasse. En télescopant tous ces points de vue, elle insuffle tout simplement à son récit une dynamique qui nous tient éveillé et rend la lecture très addictive. 

Or, justement parlons d'addiction puisqu'il est question de cela dans ce roman. Voici un sujet qui touche souvent de très près les adolescents. En mal de sensation fortes, en quête d'identité, ils sont les premiers à se mettre en danger pour exister. L'addiction dans ce livre prend bien des formes : au sang, à l'alcool, à la drogue, à l'amour ou au sexe. Elle est d'ailleurs aussi dangereuse pour la victime que pour le bourreau. Car au bout du compte les vampires en font souvent les frais. A vouloir trop de sang, ils trouvent parfois la mort de manière définitive. En tout cas, c'est là-dessus qu'a tablé le savant fou de père de Barbie pour mettre un terme à ce fléau. 

Morgane Caussarieu signe un nouveau roman qui parlera autant aux adolescents qu'aux adultes. Rouge Venom est une nouvelle claque littéraire qui nous entraîne dans un bad trip assaisonné à l'hémoglobine et à l'humour noir. Un conseil, ayez le cœur bien accroché ! 

Fantasy à la carte

A lire aussi Rouge Toxic de Morgane Caussarieu, collection Naos, éditions ActuSF

Morgane Caussarieu
Rouge Venom
Collection Naos
978-2-36629-990-8
Editions ActuSF

30/04/2019

Chantal Robillard, Fugue de la fontaine aux fées, Le Verger Éditeur

Sous la plume de Chantal Robillard, les fées reprennent du service. On les avait laissées dans Dimension Fées pour mieux les retrouver aujourd'hui avec Fugue de la fontaine aux fées. Sujet de prédilection pour cette autrice-conférencière qui se plaît à jouer avec ces dames ensorceleuses de contes. Vous voulez que je vous dise, je la crois fée, elle-même, cette Chantal Robillard car c'est une enchanteresse des mots. 

Elle nous entraîne avec moult excitation au bord d'une certaine fontaine enchantée. Surnommée "Jean le Bleu", en hommage à l'écrivain Jean Giono, cette petite fontaine de l'hôtel Maynier d'Oppède semble lui avoir inspiré plus d'une histoire. Voyez plutôt ce que peut donner "Les Fées" de Charles Perrault lorsqu'une autre plume s'empare de ce conte pour le transformer, le mélanger, le transposer.

Fugue de la fontaine aux fées suit un fil conducteur mené dès le début du recueil par Mary Poppins, Carabosse, Clochette ou encore Mélusine qui tiennent un conseil de guerre autour d'un thé pour faire face à la disparition de l'une des leurs. Préférant se la jouer sirène plutôt que fée, la drôlesse a, comme qui dirait, fugué. Enfin si l'on en croit le célèbre détective mulhousien Pac de Cro, dépêché sur les lieux pour la retrouver. Personnage qu'elle emprunte à son homologue Paul Fournel car elle est comme ça, Chantal Robillard, elle fait quelques emprunts ici ou là pour réinventer des histoires. Ça la divertit. D'ailleurs, elle va même consacrer quelques interludes à cette fameuse disparition. Un procédé qui permet à la fois de faire des pauses entre deux nouvelles mais aussi de faire un point sur les recherche. Une manière pour l'autrice de montrer à ses lecteurs qu'elle manie aussi bien la prose que la rime. 

Sa réappropriation des contes de fées se nourrit de merveilleux avec la présence récurrente d'un motif largement usité par ce genre, celui de la bonne jeune fille, cracheuse de pierres et de roses, tandis que la mauvaise aurait plutôt tendance à vomir vipères et serpents. Mais facétieuse, Chantal Robillard fait prendre une autre tournure à la vie de la détestable Fanchon qui se voit accorder une "seconde chance" par une fée. En effet, contre plus d'amabilité, elle lui offre l'amour et la possibilité de voir transformer sa malédiction en don. A contrario cracher des pierreries n'est pas forcément gage de bonheur. Pour preuve, l'histoire de "La belle est au jardin d'amour", car même si son don a enrichi son mari, le roi, cela ne l'a pas empêché de la répudier pour son incapacité à enfanter un héritier. 

Écrites comme des nouvelles indépendantes, certaines entretiennent pourtant des liens étroits comme par exemple "Les fées en fête" qui nous invite au mariage de Pac de Cro au grand désespoir de Mélusine qui en pince toujours pour lui. Une union qui promet de faire du remue-ménage surtout avec la présence d'autant d'invités prestigieux. 

Rafraîchissant, tel est le qualificatif que l'on pourrait employer pour parler de la plume de Chantal Robillard. Passionnée par les contes, elle nous entraîne dans de folles aventures toujours inédites malgré un cadre culturel populaire. 

Fugue de la fontaine aux fées est une porte ouverte sur un imaginaire de tous les possibles. Mille mercis à Chantal Robillard pour m'avoir offert ce voyage au pays des songes.

Fantasy à la carte

Chantal Robillard
Fugue de la fontaine aux fées
Le Verger Éditeur 

25/04/2019

Gaël-Pierre Covell, Le Trésor des Vagabonds

D'abord nouvelliste, Gaël-Pierre Covell a eu envie de tester un format plus grand. Avec Le Trésor des Vagabonds, c'est chose faite. 

Passionné d'Histoire et d'Imaginaire, il n'a pas échappé au phénomène Seigneur des Anneaux et a souhaité, à son tour, se lancer dans l'écriture d'histoire de fantasy

Ainsi Le Trésor des Vagabonds se présente comme un roman d'aventure teinté de notes fantasy

On y retrouve un mercenaire repenti qui en sauvant un village des paluches d'un géant, se retrouve propulsé à la cour du roi. Ce dernier souhaite, en gage de remerciement, lui confier la gestion d'un domaine tout en lui donnant en épousailles l'héritière dudit lieu afin de mettre un terme aux querelles locales. Seulement le petit détail que notre bandit a omis de dire est qu'il n'est en aucune façon un chevalier, juste un mercenaire usurpateur d'identité. Vous allez me dire, il y a pire comme obligation ? Mais c'est sans compter le retour inopiné d'anciens complices qui se sont mis en tête de l'enrôler pour mettre la main sur un trésor antique. A partir de là, on imagine bien que les ennuis ne font que commencer... 

Pour un premier roman, on peut dire que c'est un essai réussi pour Gaël-Pierre Covell. 

On apprécie son intrigue bien construite qui nous emmène explorer des terres sauvages et dangereuses en compagnie de truands. Ici, il égratigne quelque peu la figure du héros. Bien qu'en voie de rédemption, Lubos, son personnage principal n'en est pas moins un mécréant, voleur et assassin à ses heures. Et ses anciens complices, parlons-en, ce ne sont que des violeurs et des tueurs sans foi ni loi. Ce sont ces antihéros que l'auteur a décidé de nous faire suivre. Il rompt volontairement avec l'habituelle image que l'on se fait des héros d'un roman d'aventure. Point d'aventuriers au noble cœur ici, juste une poignée de personnages délibérément sombres et sinistres. Un procédé utilisé par d'autres grandes plumes du genre comme par exemple Fabien Cerutti, qui vient pimenter le récit.  

Ces aventuriers au passé douteux vont devoir, au fur et à mesure de l'histoire, passer des épreuves pour mesurer leur force, leur ténacité, leur résistance. Les voici presque dans la peau d'un héros de l'Antiquité subissant les douze travaux d'Hercule. Pour Lubos, ces tribulations apparaissent comme autant d'obstacles à franchir pour triompher dans sa quête d'expiation. Il n'y a qu'au terme de celle-ci qu'il saura s'il est digne de vivre l'existence confortable d'un propriétaire terrien et de mériter l'amour de sa femme. 

Cette chasse au trésor nous fait partir à la rencontre de Monstres qui apparaissent comme autant de créatures fabuleuses, fantastiques tout droit sorties des contes pour enfants ou des grandes épopées antiques comme L'Iliade et L'Odyssée

Gaël-Pierre Covell signe un texte avec de belles références tout en offrant à son public une lecture à suspense. 


Fantasy à la carte

Gaël-Pierre Covell
Le Trésor des Vagabonds