L'influence du "gaming" à la littérature

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10/03/2020

Floriane Soulas, Rouille, éditions Scrineo

A peine sorti en librairie, Rouille s'est illustré en raflant quelques belles récompenses : le prix ActuSF de l'uchronie en 2018, le prix Imaginales des lycéens et le prix Chrysalis - European Science-Fiction Society en 2019. Voilà de quoi mettre en appétit tout bon lecteur d'Imaginaire, sans parler de la superbe couverture d'Aurélien Police qui nous tape dans l’œil de par sa beauté et sa sobriété. 

Rouille est un récit uchronique qui nous immerge dans un Paris steampunk

1897. Violante est la courtisane la plus connue du tout Paris. Elle est autant fantasmée par les hommes de la haute et basse société que jalousée par les femmes, mais elle s'en moque. Elle a bien d'autres soucis à gérer. Amnésique, elle ne se rappelle rien de son passé. Sa vie semble avoir débuté lorsque le proxénète Léon l'a trouvée à moitié morte dans une ruelle et l'a placée dans la célèbre maison close des Jardins Mécaniques. Alors qu'elle cherche à découvrir ses origines, sa meilleure amie Satine disparaît. Prostituée et toxicomane, le pire est à craindre pour elle, d'autant plus que d'inquiétantes disparitions se multiplient dans les bas quartiers de la ville. Que se passe-t-il ? Quel sordide criminel est à l'oeuvre ? Est-ce qu'un nouveau Jack L’Éventreur cherche à attirer l'attention ? 

Rouille cumule les points forts pour emporter l'adhésion du public.

Déjà, ce livre dépeint l'univers fascinant d'un Paris impérial revisité à la sauce steampunk. L'autrice a choisi de fracturer la capitale en deux parties distinctes avec, d'un côté les beaux quartiers protégés par un dôme, et de l'autre côté les quartiers populaires et miteux où les pauvres sont abandonnés à leur sort. Ce dôme concentre toutes les innovations devenues possibles grâce au modernisme. Ainsi, les transports bénéficient des dernières avancées techniques : des dirigeables envahissent le ciel et des fiacres mécanisés parcourent les rues parisiennes. C'est un Paris qui est à la fois enchanteur et effrayant. En effet, Floriane Soulas nous rappelle à travers ce récit que la Belle Epoque ne se résume pas seulement au froufrou des belles robes et au progrès. Elle délaisse bien volontiers les mondanités au profit de la vie industrieuse des gens de plus modestes conditions. Ainsi, on côtoie plutôt les prostitués, les caïds et la misère. 

En choisissant d'écrire une uchronie et de rester cohérente, elle a dû respecter les mœurs de l'époque et notamment les rapports entre les hommes et les femmes. La femme étant considérée comme le sexe faible, Violante se doit d'être respectueuse envers l'homme qui lui est supérieur. Quoi que son héroïne ne manque pas d'esprit d'indépendance. Avec beaucoup de finesse, elle arrive à faire entendre sa voix dans son entourage très masculin. Violante est un personnage intrigant à plus d'un titre. En alternant ses deux identités, elle est à la fois Duchesse, une courtisane cultivée qui charme par sa simple présence et Violante, une jeune femme courageuse, téméraire et tenace. Floriane Soulas envoie dans son roman un message résolument féministe, grâce à cette héroïne au caractère bien trempé.  

L'intrigue quant à elle est à la fois sombre et haletante. Toutes ces disparitions et ce sillage de cadavres mutilés éveillent notre curiosité de lecteur. 

Happés par le récit, on en oublierait presque de respirer. Clin d’œil volontaire ou non à l'oeuvre de Mary Shelly, je retrouve un peu de son esthétisme dans cette folie qui s'est emparée de la ville où ses habitants deviennent les cobayes d'un génie fou à lier.

Étiqueté Young Adult, Rouille plaira également aux plus grands. Avec ce livre, Floriane Soulas nous ouvre en grand les portes de son imaginaire et on ne demande seulement qu'à y retourner. 

Fantasy à la Carte

Découvrez les avis du blog Au Pays des Cave Trolls et La Bibliothèque d'Aelinel

Floriane Soulas
Rouille
Editions Scrineo

06/03/2020

Orson Scott Card, Le Septième Fils, tome 1, Les Chroniques d'Alvin le Faiseur, éditions L'Atalante

Orson Scott Card, Le Septième Fils, tome 1, 
Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur
éditions L'Atalante

Qui n'a jamais entendu parler d'Orson Scott Card ?
Quand on est amateur d'Imaginaire, il est impossible de passer à côté de ce prolifique auteur de science-fiction qui s'est également beaucoup illustré en fantasy. Son cycle des Chroniques d'Alvin le Faiseur est considéré comme un grand classique du genre.

Une oeuvre incontournable que les éditions L'Atalante ont décidé de réactualiser en la rééditant dans une nouvelle version. Ainsi, Le Septième Fils vient juste de reparaître. Je remercie d'ailleurs Emma de m'en avoir proposer la lecture. 

Un premier tome qui nous plonge dans le quotidien d'une famille de colons cherchant à s'établir en Amérique. L'histoire débute par leur traversée mouvementée d'une rivière qui entraîne la perte du fils aîné et met en péril la naissance du septième. Or, justement, ce septième fils né d'un septième fils, prénommé comme son père, Alvin, n'est pas un enfant comme les autres, naissance exceptionnelle oblige ! Après tout, même la nature s'est opposée à sa venue. Il semble donc prédestiné à faire de grandes choses. Doté de pouvoirs, il saura sans aucun doute les maîtriser avec le temps. Ainsi, des forces sont à l'oeuvre autour de lui. Il suscite bien des attentions et pas toujours de personnes très recommandables. Finalement, tout le monde s'interroge sur son existence et nul ne sait encore si le bien ou le malin l'habite. Pour le savoir, il faudra donc lire tous les tomes de ce cycle. 

Les Chroniques d'Alvin le Faiseur est un récit uchronique qui se déroule au temps de l'émergence des Etats-Unis d'Amérique. Orson Scott Card a pris un grand soin dans les descriptions de la vie des colons de l'époque et notamment dans leur cohabitation avec les Indiens et les autres populations immigrées. Ainsi, Hollandais, Anglais, Scandinaves ou encore Allemands se côtoient dans une entente relative. La vie de ces familles est modeste et se résume souvent à la simple survie. Des communautés s'organisent autour du commerce et des lieux de culte. L'auteur met bien en exergue ici cette économie du troc qui assure la subsistance des populations nouvellement installées, ainsi que l'importance de construire des églises pour la prière et la communion. Il donne ainsi à son texte une grande pertinence faisant revivre une période importante dans l'Histoire des Etats-Unis. 

Pour apporter la touche de merveilleux, il s'est tout simplement appuyé sur la magie traditionnelle pratiquée par les pionniers américains. Nourrie par les superstitions et les diverses croyances, la magie prend des visages bien différents dans ce premier volet. Ange et démon se disputent souvent la vedette de ce livre. 

Au-delà de la théologie et de la spiritualité qui tiennent à cœur l'auteur, il aime aussi donner la primeur à de jeunes héros. Cela lui permet de se tourner vers le roman d'initiation qui mise beaucoup sur la quête d'apprentissage, inhérente au passage de l'enfance à l'âge adulte. Ainsi, on imagine sans mal tous les prodiges que le jeune Alvin va réaliser au fur et à mesure du récit. 

La fantasy d'Orson Scott Card prend forme par petites touches, déposées ici ou là, au gré de ses envies. Elle génère au même titre que son personnage principal beaucoup de fascination.

J'ai été conquise dès les premières lignes, ce roman est passionnant et plein d'émotions. Il évoque la condition de ces pionniers en quête d'eldorado mais aussi et surtout donne la parole à une famille rude et aimante. Grâce à la traduction de Patrick Couton qui a su trouver le bon patois donnant à ce cycle une ambiance très particulière, on prend un réel plaisir à s'y immerger et on le quitte à regret. 

Fantasy à la Carte

 A lire aussi sur le blog mes avis sur Le Prophète Rouge, L'Apprenti et Le Compagnon

Informations

Orson Scott Card
Le Septième Fils
Tome 1 
Les Chroniques d'Alvin le Faiseur
9791036000379
288 pages
Editions L'Atalante

03/03/2020

Raphaël Bardas, Les Chevaliers du Tintamarre, éditions Mnémos

Les Indés de l'Imaginaire est un collectif qui fait office d'incubateur de talents. Telles des chasseuses de têtes, les éditions Mnémos, ActuSF et Les Moutons électriques s'associent régulièrement pour dénicher les plumes françaises de l'Imaginaire de demain. Et quoi de mieux pour les mettre en valeur qu'un événement comme "Les Pépites de l'Imaginaire" ! 

Cela permet ainsi à des nouvelles voix comme celle de Raphaël Bardas de faire une entrée fracassante dans le catalogue des éditions Mnémos. Je remercie d'ailleurs Estelle Hamelin qui m'a convaincue de lire cet excellent service de presse. 

Les Chevaliers du Tintamarre relate avec beaucoup de légèreté les destins improbables de trois compères qui s'improvisent chevaliers. Silas, Rossignol et la Morue sont trois frères de cœur et de bibine qui sont d'ailleurs plus enclin à lever le coude dans leur rade habituel que leur rapière pour sauver la veuve et l'orphelin. Mais voilà que leur cité de Morguepierre devient le théâtre de phénomènes étranges, pour ne pas dire inquiétants : des marie-morganes sont retrouvées échouées sur la plage et des jeunes femmes innocentes se font enlever par un duo effrayant formé d'un nain et d'un garguelard. Les trois amis sentent bien que quelque chose de mauvais se trame. Alors qu'il pourrait s'en moquer, voilà que Silas se sent l'esprit chevaleresque. Depuis qu'il a vu une jeune femme se faire enlever sous ses yeux, il n'y tint plus, veut prendre part à l'enquête et enrôle ses copains dans l'aventure. Arpenter la ville, mettre à jour de sombres secrets et récolter au passage les lauriers, voilà de quoi occuper notre trio de joyeux lurons pendant un certain temps. Mais espérons pour eux qu'ils n'aggravent pas la situation, ou pire encore se mettent en danger. 

Avec ce premier roman, Raphaël Bardas ne manque pas d'audace et nous livre un récit plein de panache. 

Cette fougue, on la retrouve déjà dans ses personnages. Il nous brosse le portrait de héros à des années lumières de l’archétype habituel. Bagarreurs, frondeurs, séducteurs, Silas, Rossignol et la Morue donnent le ton à cette folle aventure. Usant d'un langage fleuri, ces canailles n'ont aucun mal à nous donner l'envie de les suivre dans leurs investigations qu'ils mènent à cent à l'heure. Même s'il sont plutôt du genre à agir sans réfléchir, ils arrivent à nous surprendre dans leurs déductions. A eux trois, ils forment un tout qui semble invincible. Au milieu de la testostérone et des combats de coqs, Raphaël Bardas n'a pas manqué d'ajouter une touche féminine à son récit. Aussi, la très belle Alessa aura son rôle à jouer dans cette histoire. Fière et indépendante, elle refuse de n'être qu'une énième amante et promet de tenir la dragée haute à cette bande de benêts. L'auteur nous rappelle ici le plaisir de partager un bon moment en compagnie de personnages atypiques. 

Les Chevaliers du Tintamarre, c'est aussi un bel univers fantasy qui s'exprime à travers la cosmopolite et rugueuse Morguepierre. On y rencontre par exemple un Kobold, conservateur de bibliothèque, des Alfes bibliothécaires, un dieu Ogre ou encore des moines Cyclopes. Raphaël Bardas se joue des codes du genre en sortant notamment les créatures du bestiaire merveilleux de leur environnement habituel pour les placer dans des situations inattendues. 

Il se dégage de ce livre une aura d'originalité sublimée par une intrigue prenante. 

Pour un premier roman, Raphaël Bardas a su déjà imposer son style gouailleur et taquin en nous offrant une lecture que l'on n'est pas prêt d'oublier

Fantasy à la Carte
A lire aussi l'avis de L'ours inculte

Raphaël Bardas
Les Chevaliers du Tintamarre
Editions Mnémos