L'influence du "gaming" à la littérature

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03/06/2025

Benjamin Lupu, Sœurs de Haine, T.1, Le Solstice des Ombres, éditions Mnémos

Benjamin Lupu, Sœurs de Haine, T.1, 
Le Solstice des Ombres,
 éditions Mnémos 

Après s'être illustré par deux fois dans une nouvelle exploration du Paris des Merveilles en compagnie de quelques confrères écrivains dans Contes et récit du Paris des merveilles et dans Enquêteurs du Paris des merveilles, puis après avoir revisité le roman d'espionnage à l'ère de la Guerre froide, Benjamin Lupu est de retour avec un roman de dark fantasy

Bien que tous ses récits m'attendent sagement dans ma bibliothèque bien trop débordante à mon goût, je n'avais lu jusqu'ici que son premier livre, Les Mystères de Kioshe

Or, la sortie du Solstice des Ombres a été l'occasion pour moi de remédier quelque peu à ce manquement. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Le jeune moine Umbrod connaît les Écritures, il a appris l'art de l'enluminure. Aux côtés d'autres moines, il accompagne la baronne Archantar'vi dans son périple. Seulement en cours de route, leur convoi est attaqué et il se retrouve prisonnier avec la baronne d'une autre baronnie devenue ennemie depuis que celle-ci s'est tournée vers une autre croyance. A moult reprises il va se croire perdu, condamné à une mort certaine. Pourtant il n'en est rien mais son sort est-il réellement enviable?

Dans Le Solstice des Ombres, Benjamin Lupu nous embarque dans un univers médiéval sombre marqué par l'émergence d'une guerre fratricide. En effet, entre ces lignes deux sœurs se vouent une haine mortelle faisant sombrer leur monde sous le couvert d'une guerre de religion. Ici, le culte rendu au dieu soleil Asthor connaît un schisme depuis que les hérétiques borésiaques tentent de prendre le pas sur les Orostrates. Un conflit qui sert les intérêts de celle que l'on appelle la Veuve misère car elle y voit l'opportunité d'instaurer son propre pouvoir. 

En outre, le surnaturel s'invite dans ce monde empreint de fureur et de larmes. C'est d'ailleurs la touche qui lui donne cette saveur si ensorcelante.  La magie se dissimule derrière les saintes Écritures pour qui sait la voir et l'entendre. Benjamin Lupu a enrichi son univers d'un bestiaire peuplé de créatures tout droit sorti de son imaginaire. Le travail réalisé autour est très intéressant. 

Dans Le Solstice des Ombres, Benjamin Lupu pose un décor moyenâgeux très réussi. Fort de son passé d'historien, il a mis ses connaissances et son sens de la recherche au service de sa plume pour nourrir son récit d'un cadre très soigné et fort crédible. Il y exploite, notamment, les relations du suzerain et de ses vassaux ainsi que les notions de bannerets. 

L'écrin pour recevoir cette intrigue politique est bien à-propos. L'auteur se joue des alliances qu'il fait et défait à son gré. On retrouve tous les ingrédients propice au genre. Aussi la quête du pouvoir passe par la conspiration, le traquenard et la manipulation. Tout ce qui est mis en œuvre entre ces lignes est là pour servir une soif de vengeance car c'est le fil directeur de cette histoire. C'est le moteur qui nous tient en haleine dans un suspense très prenant.

Le Solstice des Ombres est un roman collégial dans lequel l'auteur fait évoluer de nombreux personnages. En multipliant les points de vue, il nous permet de suivre les évènements d'un camp à l'autre. C'est assez renversant. 

Toutefois, je dois reconnaître mon petit faible pour le personnage principal prénommé Umbrod, d'autant que Benjamin Lupu ne l'épargne pas. Se retrouver dans cette aventure va le faire mûrir brutalement. Il va se découvrir un pouvoir insoupçonné. Pour autant sera-t-il en mesure de l'assumer, c'est toute la question qui plane sur ce texte. L'autre personnage que j'apprécie beaucoup est Balcère. Ancien soldat, il a embrassé les ordres pour rompre avec son passé d'homme d'armes. Mais le chemin de la rédemption est pavé d'embûches. Il est très attachant dans sa volonté de sauver Umbrod coûte que coûte. 

Le Solstice des Ombres est un roman particulièrement immersif. La qualité de ce nouveau roman est indéniable. La plume de Benjamin Lupu témoigne d'une vraie maturité qui inscrit de plus en plus cet auteur comme un nom de référence pour les littératures de l'Imaginaire.

C'est un énorme coup de cœur pour ma part et je vous invite à le lire à votre tour car ce récit en vaut le détour. Vivement le tome 2 !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur Les Mystères de Kioshe

Informations

Benjamin Lupu
Sœurs de Haine
Tome 1
Le Solstice des Ombres
9782382671931
320 pages
Editions Mnémos

Lien vers le site

30/05/2025

Cyril Lieron & Benoit Dahan, L'Affaire du Ticket Scandaleux, volume 2, Dans la tête de Sherlock Holmes, éditions Ankama

Cyril Lieron & Benoit Dahan, L'Affaire du Ticket Scandaleux
volume 2, Dans la tête de Sherlock Holmes
éditions Ankama

Après avoir bien apprécié le premier album de L'Affaire du Ticket Scandaleux, je me suis enfin plongée dans la suite avec une certaine délectation.

J'en profite pour remercier à nouveau mon amie Mathilde qui sait toujours  comment me faire plaisir et m'a offert ce second album

Il est signé par Cyril Lieron et Benoît Dahan et répond tellement bien à mon gros faible pour le personnage de Sherlock Holmes. 

Je suis aux anges car j'ai eu un énorme coup de cœur pour le premier album. Les auteurs ont fait un excellent travail sur la construction de cette bande dessinée alors j'avais hâte de lire la suite. 

Résumé :

On y retrouve Sherlock Holmes et le docteur Watson toujours à la poursuite de l'instigateur des disparitions survenues auparavant. Ils remontent la piste du fameux ticket Scandaleux qui les met sur les traces d'un étrange cirque. Seulement l'adversaire est coriace et il ne compte pas se laisser démasquer. Alors qui sera le plus fort ? 

Mon avis :

Dans ce volume 2, les évènements s'accélèrent car Sherlock Holmes met tout en œuvre pour obliger le ou les coupables à se révéler. Lui seul a la clé de cette énigme et il nous entraîne dans les dédales de Londres pour nous en dévoiler tous les secrets. 

L'histoire est passionnante et tient bien en haleine jusque dans les dernières pages de cet album. Il faut dire que l'intrigue est bien ficelée et le dénouement est très intéressant. 

C'est une bande dessinée pleine d'action, très punchy autant dans les rebondissements que dans le visuel des bulles. 

J'apprécie énormément l'esthétique de cette bande dessinée qui met en images le cheminement de pensée de notre illustre détective. Au risque de me répéter je trouve le procédé ingénieux, il sert de fil d'ariane en reliant les bulles entre elles et facilite le sens de la lecture. 

Cette série est superbe et particulièrement immersive. Les auteurs empruntent au mystère des romans d'Arthur Conan Doyle pour nourrir leur série d'une atmosphère très envoûtante. Ici, ils introduisent le "freak show", faisant référence à cette mode d'exhiber des êtres humains aux caractéristiques difformes qui a eu cours entre le milieu du XIXe et le milieu du XXe siècle et le détournent ici pour critiquer l'impérialisme britannique. 

Aussi, le scénario se pare de notes politiques en dénonçant les abus et les dérives du colonialisme. D'ailleurs, quoi de mieux que de choquer les esprits pour tirer des leçons du passé. 

Dans cette série Dans la tête de Sherlock Holmes, on est sensible autant au fond qu'à la forme. 

Il faut dire que les auteurs ont soigné leur écrin qui dégage un réel esthétisme. De plus, ils ont nourri leur scénario de thématiques qui viennent questionner intelligemment la société de l'époque et même éclairer notre propre actualité.

Dans la tête de Sherlock Holmes est une vraie pépite que vous soyez ou non amateur du détective car c'est vraiment du bel ouvrage dont on admire chaque double page avec un certain contentement. 

Pour conclure :

Il n'y a plus qu'à espérer maintenant que l'aventure ne s'arrête pas là car on sait combien l'investissement est important pour réaliser de telles merveilles. Mais quel dommage de ne pas continuer quand même. A suivre !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur le volume 1

Informations

Cyril Lieron
Benoit Dahan
L'Affaire du Ticket Mystérieux
Volume 1
Dans la Tête de Sherlock Holmes
9791033512547
48 pages
Editions Ankama

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27/05/2025

P. Djèli Clark, La Guilde des Queues de Chats Morts, éditions L'Atalante

P. Djèli Clark, La Guilde des Queues de chats morts, éditions L'Atalante 

Pour l'avoir découvert avec Ring Shout, puis Le Mystère du Tramway Hanté, je dois vous avouer que je ne me lasse pas de la plume de P. Djèli Clark.

Il faut dire qu'elle est très talentueuse comme le confirment les nombreux prix décernés pour célébrer, à juste titre, la qualité de chacun de ses textes. 

La Guilde des Queues de Chats Morts est sa toute dernière novella qui vient de paraître aux éditions L'Atalante

Lu dans le cadre d'un partenariat avec eux, je remercie Emma pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Eveen est une assassin qui œuvre pour le compte de la Guilde des Queues de Chats Morts. Sa particularité est d'être une morte-vivante. En effet, elle a été réanimée après sa mort et depuis lors, sert la déesse Aeril en honorant chacun des contrats pour lesquels elle a été engagée. Enfin c'est ce qu'elle a fait jusqu'à cette dernière mission qui a mal tourné, lui donnant par la même occasion matière à réfléchir quant à son passé et son avenir. Au final, y trouvera-elle son compte ? 

Mon avis :

Avec La Guildes des Queues de Chats Morts, P. Djèli Clark signe, à nouveau, un récit de fantasy fabuleux. L'histoire se déroule cette fois-ci dans la cité de Tal Abisi gouvernée par les Patriarches sous la tutelle d'un panthéon de dieux et de déesses. Mais c'est aussi le fief de la Guilde des Queues de chats morts, un groupe d'assassins qui ont la particularité d'être des morts-vivants. Quasiment invincibles puisqu'ils sont déjà morts, ils sont une arme redoutable lorsqu'ils sont engagés par contrat. Chacun de ces contrats doit être honoré car ils sont liés autant au commanditaire qu'à Aeril, la déesse de la mort et leur sainte patronne. Ne pas aller au bout, c'est s'exposer à des représailles douloureuses voire mortellement définitives. 

Dans sa novella, P. Djèli Clark nous attache aux pas de l'une de ces mercenaires qui vient juste d'être engagée pour mener une nouvelle mission. Seulement celle-ci ne va pas se passer comme prévu et entraîner son héroïne dans une course contre la montre pour tenter de se tirer de ce mauvais pas. 

Ainsi, la fantasy de P. Djèli Clark se pare des atours du polar obligeant son personnage principal à mener des investigations pour démasquer celui où celle qui se cache derrière cette machination dont elle est la première victime. 

Riche en suspense, le récit est particulièrement captivant porté par une plume incroyable qui nous immerge toujours dans des univers époustouflants. 

Manigance, manipulation et pouvoir sont les maîtres-mots de cette nouvelle aventure haute en couleurs. 

L'auteur se plaît à imprégner ses récits d'intrigues politiques qui malmènent et illusionnent bien souvent ses protagonistes. 

Le récit est particulièrement coloré enrichi par l'ambiance survoltée par les dernières nuits du festival du Roi horloger, de la Princesse pirate et du Trophée d'or. Les rues de la cité sont très animées et l'atmosphère qui s'en dégage se met au diapason de la fébrilité de l'héroïne de cette histoire.

En outre, on apprécie Eveen qui se révèle être très vite un personnage particulièrement badass. Elle est puissante, intelligente et frondeuse. En dépit des règles établies, elle suit son propre code si cela s'avère nécessaire et c'est bien là, tout son charme. Elle en a sous la pédale et nous entraîne dans un ballet enivrant car elle virevolte littéralement d'un combat à l'autre jusqu'à tenter le tout pour le tout afin de se donner une chance de garder sa tête sur les épaules. Elle est pour le moins incendiaire et cela réchauffe le cœur de voir évoluer un si beau personnage féminin.

En enchaînant des récits de si grande qualité, P. Djèli Clark s'est naturellement imposé, ces dernières années, dans le paysage des littératures de l'imaginaire comme une signature de référence. 

Pour conclure :

En refermant La Guilde des Queues de chats morts, je sais déjà que d'autres lectures de cet auteur suivront à commencer par Le Maître des Djinns qui m'attend toujours dans ma PAL. 

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog mes avis sur : Ring Shout et Le Mystère du Tramway Hanté

Informations

P. Djèli Clark
9791036002243
208 pages 
La Guilde des Queues de chats morts
Editions L'Atalante

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21/05/2025

Louise Mey, L'orage qui vient, éditions Pocket Imaginaire

Louise Mey, L'orage qui vient, éditions Pocket Imaginaire 

Féministe engagée, Louise Mey est surtout connue pour ses thrillers et ses romans noirs. En 2022 elle publie L'orage qui vient, un roman de science-fiction et témoigne ainsi de son désir d'explorer d'autres Imaginaire. 

Depuis mars, ce roman est de retour sur les étals des libraires avec la sortie du format poche. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Mila vit avec sa mère au sein d'une petite communauté peuplée de femmes depuis la Rétractation du monde. La vie y est paisible jusqu'à l'arrivée soudaine d'un homme prénommé Nathan se portant volontaire pour les aider. Mila est la seule à se méfier de cet étranger, sentant des mauvaises ondes émanées de lui. Arrivera-t-elle à se faire entendre des siens avant qu'il ne soit trop tard? 

Mon avis :

Dans L'orage qui vient, Louise Mey nous plonge dans un univers postapocalyptique où le monde est soumis à ce que l'on appelle la Rétractation. L'ultra consumérisme, l'économie de marché ont eu raison de la société. Celle-ci a implosé dispersant les humains en îlot de survie ici ou là. Ils tentent de survivre en communauté. Certains y parviennent mieux que d'autres, à l'image de celle de Mila. Leur petite nombre, leur sororité, leur concertation collective pour tous sujets sont autant d'éléments favorables à leur bon fonctionnement. En outre, elles disposent d'une source naturelle miraculeuse qui leur donne un avantage certain mais a la contrepartie d'éveiller la convoitise. 

L'existence de cette Eau si particulière donne au récit son caractère surnaturel. En effet, Louise Mey a choisi de mélanger les genres pour donner à son texte une saveur très particulière. D'autant que les notes ésotériques ne s'arrêtent pas à cette forme de magie puisque l'ombre de créatures fantastiques plane également sur ce récit. 

La force de ce texte est de laisser le doute peser quant aux intentions maléfiques ou protectrices de cette présence fabuleuse. 

L'orage qui vient est un récit court et entraînant. L'autrice y balaie de nombreuses thématiques toutes plus intéressantes les unes que les autres. 

Déjà, elle a choisi de mettre en lumière des portraits de femmes qui se sont libérées par choix ou par accident de la vie de la tutelle des hommes. Ainsi, elles assument leur destin et l'affrontement avec force et courage sans un quelconque commandement masculin. Et lorsqu'elles recroisent la route d'un homme, elles finissent par y voir clair et retrouver leur unité. 

A travers la créature du loup-garou, Louise Mey revisite la figure du monstre. Celle-ci est trompeuse comme peuvent l'être souvent les apparences. Ici, le prédateur prend bien des visages et le plus dangereux n'est pas forcément celui que l'on pense au premier abord. 

Louise Mey met l'âme humaine à nu dans son récit en explorant ses réflexions tortueuses et ses sentiments parfois destructeurs. 

Cette histoire est à la fois sombre et belle. L'ambiance y est plutôt clair-obscur car l'autrice flirte avec les codes de l'horrifique et donne ainsi à son texte une atmosphère lourde et troublante. Le mystère est là, diffus et captivant. 

Les protagonistes sont quant à eux fort intéressants surtout cette jeune Mila qui se dévoile à nous que lentement. Complexe, entière et passionnée, elle est ici autant en quête d'elle-même qu'animée par la volonté farouche de protéger les siens. Natan, lui, incarne l'étranger. Il se présente comme un homme de bonne volonté mais dissimule des désirs plus dérangeants. Tous sont intrigants et se lancent dans une danse dont eux seuls comprennent le rythme. 

Pour conclure :

Avec L'orage qui vient, Louise Mey signe une première incursion en Imaginaire fort réussie. Alors à quand la prochaine ?

Fantasy à la Carte

Informations

Louise Mey
L'orage qui vient
9782266344074
176 pages
Editions Pocket Imaginaire

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17/05/2025

Lou Jan, Un corps d'avance, éditions Critic

Lou Jan, Un corps d'avance, éditions Critic

Après un premier roman intitulé La Machine à Aimer qui lui vaut une entrée remarquée au sein des littératures de l'imaginaire et particulièrement la science-fiction, Lou Jan récidive avec un second récit. 

Toujours dans ses thématiques de prédilection, elle nous brosse avec Un corps d'avance un futur technologique intéressant mais dépouillé de l'essentiel. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Critic je remercie Eric Marcellin pour l'envoi de ce SP. 

Résumé :

Jinseï s'apprête à vivre son premier reset. Il appréhende un peu, non pas de pouvoir garder son apparente jeunesse jusqu'à 10 fois 75 ans mais de couper tout le lien avec chacune de ses vies. Et si l'immortalité n'était pas si enviable ? 

Mon avis :

Un corps d'avance s'inscrit dans un cadre futuriste dans lequel Lou Jan continue de questionner les avenirs possibles à travers les progrès scientifiques et technologiques. 

Elle a d'ailleurs choisi comme point de départ de sa réflexion, la question de l'immortalité. Obsession de notre époque, c'est donc tout naturellement que les avancées tournent ici autour d'elle. Ainsi, l'autrice a imaginé la possibilité aux humains de pouvoir vivre jusqu'à dix reset d'une durée de 75 ans. Grâce à cette prouesse, la mort n'existe quasiment plus. 

Seulement pour être éligible à ce procédé, des conditions sont à respecter. Et celles-ci ne sont pas des moindres puisqu'il faut accepter de renoncer à chacune de ses vies, incluant de ne plus vivre dans son pays initial de résidence et surtout de rompre tous ses liens familiaux. En outre, il est possible d'opter pour l'oubli effaçant, de facto, les souvenirs à chaque remise à zéro. 

Dans ce monde imaginé par Lou Jan, les humains vivent aux côtés des androïdes mais point sur un pied d'égalité car ces derniers sont considérés comme des esclaves, utilisés pour travailler à la place des humains. Pire encore ils ont été créés, à dessein, avec une obsolescence programmée par pure crainte qu'ils détrônent l'humanité et finissent par la dominer. 

Cette mise en valeur à pour but, de ramener l'intelligence artificielle au cœur du débat en insistant sur toute la problématique qu'elle soulève, notamment à travers la méfiance suscitée a son égard. Aujourd'hui, l'IA est surtout présentée comme un danger de remplacement de l'humanité. Or, Lou Jan souhaite ici renverser cette apriori en les intégrant à sa société. Pour cela, elle met en avant leur désir de vivre libre, à l'image de l'un de ses personnages qui vit dans la clandestinité pour tenter de survivre et d'imprimer sa marque dans ce monde en le changeant. 

Avec Un corps d'avance, on est sur un roman collégiale divertissant où chacun des protagonistes de Lou Jan vient nous faire découvrir une facette de ce futur qu'elle nous brosse. Que l'on s'attache ou non à Jinsei, Namaya ou Léan, on est vite captivés par leur destinée atypique où leurs âmes se télescopent à d'autres, et où il est possible de reprogrammer la vie à l'infini. 

Fasciné ou inquiet par ce progrès qui a repoussé les limites du corps humain, il permet surtout à l'autrice de ramener la vie à l'essentiel, à ce qui fait son sel. C'est d'ailleurs le fond de ce récit, l'importance des liens, des attaches et des sentiments, car à quoi bon vivre éternellement si c'est pour perdre à tout bout de champ ceux qui nous sont proches. 

Derrière cette nouvelle aventure très punchy, l'autrice y insère une réflexion philosophique autour du sens de la vie, en soulignant l'amour comme un moteur pour avancer. Soit, c'est un sentiment puissant qui en génère d'autres, à l'image de la jalousie dont certains protagonistes du récit vont d'ailleurs en faire les frais mais c'est un mal nécessaire pour donner du relief au destin. 

Lou Jan louvoie entre présent, passé et futur pour nous entraîner à perdre haleine dans un espace-temps inattendu, source de dangers, mais aussi de belles rencontres. On goûte à un imaginaire fouillé car passionnée par tout ce qui a attrait à ce qui fera demain à travers les innovations, elle se plaît donc à le construire dans ses récits en y mettant en exergue ses forces et ses failles. 

Un corps d'avance est un roman court et percutant qui explore la force des sentiments ainsi que les notions de manque et de vide lorsqu'ils brillent par leur absence. Divertissant !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur La Machine à Aimer.

Informations

Lou Jan
Un corps d'avance
9782375793220
224 pages
Editions Critic

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