L'influence du "gaming" à la littérature

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13/09/2024

Mu Ming, Le Bracelet de Jade, collection RéciFs, éditions Argyll

Mu Ming, Le Bracelet de Jade, collection RéciFs, éditions Argyll

Mu Ming est une autrice chinoise qui vit aujourd'hui aux Etats-Unis. Traduit pour la première fois en français, son roman Le Bracelet de Jade inaugure la collection RéciFs des éditions Argyll.

Celle-ci a pour but de mettre en lumière des plumes féminines engagées du monde entier.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Argyll, je remercie Xavier et Simon pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

1640, règne de la dynastie Ming. Alors qu'elle accompagnait son père à la Foire des lanternes, Chen s'égare un moment et fait l'étrange rencontre d'un commerçant qui lui offre un bracelet de jade. Or, il semblerait que ce bijou dispose de proprétés magiques la propulsant en rêve dans un autre monde. Fascinée par ce qu'elle vit, Chen va s'ouvrir à son père pour comprendre ce phénomène et aussi appréhender le sens de la vie.

Mon avis :

Avec Le Bracelet de Jade, Mu Ming nous plonge dans un conte teinté d'onirisme. Ce livre prend cadre à l'ère de la dynastie Ming et particulièrement sous le règne de Chongzhen qui fut le seizième et dernier empereur de cette dynastie. C'est une époque troublée par les attaques des Mandchous et les soulèvements populaires qui sont toujours plus nombreux. Ceux-ci finiront d'ailleurs par causer la perte de Chongzhen. 

C'est dans ce contexte tendu que l'on fait la connaissance de Qi Youwen, un fonctionnaire impérial qui va démissionner à trois reprises et être rappelé à chaque fois dans ses fonctions. Face à la corruption et à l'immoralité de certains de ses collègues provoquant bien des malheurs au sein du peuple, cet administrateur intègre renonce à sa carrière afin de se consacrer à sa famille et à son jardin. 

En sus de cette géopolitique critique qui alourdit l'ambiance de ce récit, Mu Ming a ajouté un soupçon de magie par l'intermédiaire du bracelet de jade que la fille de Qi, Chen a reçu des mains d'un inconnu. Le choix du bijou n'est pas anodin ici puisque celui-ci est considéré en Chine comme étant un talisman de protection et de chance. On attribue d'ailleurs à la jade la vertu de repousser le mal et d'attirer la fortune. On ne s'étonne donc pas que ce soit cet objet qui fasse le lien avec le monde ésotérique. Ici, il est intimement lié au domaine des rêves puisque le porteur dudit bracelet rejoint dans son sommeil les lieux sculptés sur toute sa surface. En cela, il exerce une grande fascination sur le duo de personnages de cette histoire qui cherche à comprendre la technique et à reproduire ce phénomène grandeur nature à l'échelle d'un jardin. 

Bien qu'éthéré, le merveilleux prend racine dans nos cœurs d'autant plus facilement qu'il est porté par une plume d'une grande poésie. Le style de Mu Ming est tout simplement envoûtant et arrive sans mal à nous faire perdre pied. 

Avec Le Bracelet de Jade, l'autrice nous offre une balade fabuleuse dans une Chine légendaire tout en rites et en traditions. 

Dans sa novella, Mu Ming revisite habilement ce passé historique tout en y glissant une critique politique. En effet, elle souligne les manquements de certains élus, à travers leur corruption et leurs faiblesses. Il en ressort un système défaillant et injuste qui a, de facto, des conséquences néfastes sur la population. Par le truchement de son personnage principal masculin, on perçoit le mal être quant à ses dysfonctionnements. En outre, Mu Ming fait souvent référence dans sa novella au poème, La Source aux fleurs de pêcher. C'est une histoire qui a traversé les âges marquant le monde asiatique d'un souffle de liberté. Ainsi, ce récit se révèle être l'utopie d'une société affranchie de toute législation et de contrôle. Derrière la poésie de ses mots et la beauté des lieux décrits, la plume de Mu Ming se veut aussi très engagée face à la tyrannie. C'est une histoire touchante qui lie un père et sa fille. Elle est remplie de nostalgie et de tendresse ainsi que d'une pointe de désenchantement. 

Dans Le Bracelet de Jade, Mu Ming s'appuie sur deux narrateurs. Qi Youwen est à la fois un père aimant et un fonctionnaire dévoué, obstiné et consciencieux, il va tenter à plusieurs reprises de changer les choses de l'intérieur sans réellement y parvenir. Un échec qui risque bien de lui coûter cher. Sa fille Chen découvre le monde dans le sillage de son père et va faire l'amère expérience  du manque.

Pour conclure :

En publiant Le Bracelet de Jade, les éditions Argyll relèvent le défi de confronter les lecteurices à de la fantasy asiatique. Encore trop peu de textes d'imaginaire venus d'ailleurs sont traduits en français, alors voir débarquer en cette rentrée une nouvelle collection dédiée aux plumes féminines du monde entier, c'est tout simplement prodigieux. Alors rendez-vous à la prochaine novella. 

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, les avis de : Le nocher des livres et Yuyine

Informations

Mu Ming
Le Bracelet de Jade
Collection RéciFs
9782494665347
110 pages
Editions Argyll

Lien vers le site

10/09/2024

David Gemmell, L'Enfant Maudit, T.1, Le Lion de Macédoine, éditions FolioSF

David Gemmell, L'Enfant Maudit
T.1, Le Lion de Macédoine
éditions FolioSF 

Dans le cadre de mon focus consacré à trois grands noms de fantasy anglophone, j'ai choisi de mettre cette fois-ci en lumière la plume de David Gemmell qui s'est très vite classée parmi les auteurs classiques du genre dès la sortie de son roman, Légende en 1984.

Mais aujourd'hui, on va plutôt parler d'une autre de ses sagas que j'avais très envie de lire car l'intrigue s'insère à l'Antiquité, au IVe siècle avant J-C. Or, à mon grand regret, il n'y a pas tant de fantasy se déroulant à cette période, alors c'est clairement un plus.

Ce roman est lu dans le cadre d'un partenariat avec la librairie Dolpo, je les remercie de leur confiance. 

Résumé :

Parménion est métisse. Son père est spartiate, sa mère est macédonienne. Une origine qui lui vaut d'être harcelé par la jeunesse spartiate aisée. Or, les brimades de plus en plus violentes vont lui forger un caractère bien trempé. Cela va servir les intérêts de l'oracle Tamis qui voit en lui le futur Lion de Macédoine, seule force capable de lutter contre l'Esprit du Chaos, annonçant le retour du Dieu Noir. Mais trouvera-t-il autre chose que la mort et la désolation sur son chemin ?

Mon avis :

Le Lion de Macédoine prend cadre à l'Antiquité, après la guerre du Péloponnèse qui opposa essentiellement Athènes à Sparte. Un conflit qui se termine par la victoire de Sparte et l'effondrement de l'empire athénien. Cependant la domination spartiate sur le monde grec est de courte durée. L'auteur s'appuie ici sur les rivalités des plus puissantes cités-Etats : Athènes, Thèbes, Corinthe et Sparte, ainsi que sur l'essor de la Macédoine pour servir de cadre à son intrigue.

Rejeté par Sparte, Parménion rejoint entre ces lignes Thèbes pour se mettre à son service en faisant jouer son statut de strategos et ainsi prendre sa revanche sur les Spartiates. Le récit est clairement guerrier et même très tourné sur la stratégie militaire. La religion joue également un rôle important dans ce texte. Elle s'exprime par la pratique de rites ancestraux qui s'insèrent dans une relation d'échange avec le monde divin par l'intermédiaire d'offrandes ou de sacrifices. Aussi, la divination à travers l'oracle s'avère être un élément majeur de communication avec le divin. Or, ici c'est la porte d'entrée choisie par David Gemmell pour déposer une touche de merveilleux sur son univers. Dans ce roman, on retrouve un ingrédient classique en littérature fantasy : la prophétie. Celle-ci est d'ailleurs le moteur de la quête qui prend progressivement place au fil des pages. Parménion est donc désigné comme étant l'élu par l'oracle Tamis qui voit en lui le seul remède à l'avènement du Dieu Noir incarnant le mal absolu. Pour cela, elle manipule autant que faire se peut sa destinée, n'hésitant pas à alourdir son fardeau, en multipliant ses épreuves. En outre, certains disposent de dons à l'image de Dérae qui va servir les desseins de Tamis car elle voit en elle sa successeuse toute désignée. Clairement, c'est une magie intimement liée à la vie et à la mort. 

Le fil directeur de L'Enfant Maudit est la vengeance. C'est une thématique qui plaît beaucoup à David Gemmell car on la retrouve dans ses autres sagas. En effet, il choisit toujours de mettre en lumière des héros sombres, nuancés et souvent en quête de rédemption. Dans ce premier volet, Parménion est simplement aveuglé par sa vengeance sans réfléchir à la portée de ses actes. En outre, il est également question de harcèlement et de violence en réunion. Le texte est émotionnellement dur. D'autant que David Gemmell s'appesantit pas mal sur les conséquences morales de ce déchaînement de violence. Aussi, il nous brosse le portrait d'un héros qui s'est endurci et a fermé son cœur à la bonté pour laisser la place à un être implacable et glacial. Parménion n'est pas un personnage lisse. Il n'incarne ni le bien ni le mal dans ce premier volet, juste un jeune homme qui veut faire rendre gorge à ses tourmenteurs. Il n'est donc pas un mercenaire mais un soldat qui travaille à la chute de la cité qui l'a trahi. 

L'Enfant Maudit est au demeurant un récit très classique dans sa reprise des codes habituels : la lutte entre le bien et le mal, la quête et la prophétie. Néanmoins, l'auteur table sur un héros sombre qui est rempli de colère, ce qui donne à cette aventure une note d'amertume. 

Parménion est un personnage à la fois touchant par sa solitude et inquiétant par sa froideur. Il nous entraîne dans une expédition à la finalité incertaine où ses chances de survie sont minimes. 

En somme avec L'Enfant Maudit, David Gemmell prend le temps de poser le décor pour rendre son univers plus immersif. Un premier roman d'exposition qui nous immerge habilement dans la Grèce Antique à travers sa géopolitique et à ses traditions. 

Pour conclure :

Maintenant que l'intrigue est initiée, il n'y a plus qu'à lire la suite pour rentrer dans le vif du sujet et toucher pleinement à l'enjeu de ce livre.

Fantasy à la Carte

Informations

David Gemmell

L'Enfant Maudit
T.1
Le Lion de Macédoine
9782070421220
404 pages
Editions FolioSF

Lien vers le site

Lien vers la librairie Dolpo

03/09/2024

Jeanne Mariem Corrèze, Nous serons l'incendie, éditions Les Moutons électriques

Jeanne Mariem Corrèze, Nous serons l'incendie
éditions Les Moutons électriques 

Après le succès du Chant des Cavalières et un coup de cœur récent pour moi, Jeanne Mariem Corrèze a repris la plume pour nous proposer une nouvelle histoire s'insérant dans son merveilleux univers.

Pour fêter cette sortie très attendue, les éditions Les Moutons électriques ont sorti le grand jeu en donnant un superbe écrin à ce nouveau texte. Ainsi, Nous seront l'incendie vient de paraître au format d'un relié arborant un très beau jaspage sur toute sa tranche, ainsi que des illustrations en pages de garde et à l'intérieur de l'ouvrage, signées Melchior Ascaride et Amandine Labarre

Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je remercie Maxime pour l'envoi de ce service de presse exceptionnel. 

Résumé :

Voilà 4 ans que le royaume de Sarda est occupé par les Contés-Unis des Sabès après une guerre éclair de 30 jours. Beaucoup y ont trouvé la mort, certains se sont résignés à leur sort tandis que d'autres voient, au contraire, leurs convictions se renforcer. C'est dans ce contexte houleux que la résistance menée par une poignée de cavalières survivantes s'organise. Mais ont-elles une réelle chance de sauver leur royaume, également menacé par un terrible incendie ? 

Mon avis :

Dans Nous serons l'incendie, Jeanne Mariem Corrèze réinvestit son fabuleux univers initié dans Le Chant des Cavalières et peuplé de cavalières, de créatures fantasmagoriques et d'un mage de feu. Mais, cette fois-ci celui-ci est mis à feu et à sang, meurtri par la guerre et dévoré par les flammes. En effet, la guerre menée par Eliane de Nordeau a laissé les citadelles exsangues, tuant bon nombre de guerrières et d'habitants de Sarda. Or, la poignée de survivants organise la résistance pour tenter de libérer les territoires occupés par les Sabès. Les affrontements se multiplient et sont sanglants. La puissance de feu des Contés-Unis des Sabès est telle que la rébellion des cavalières paraît dérisoire. Le seul atout qu'elles semblent encore avoir dans leurs manches est le dernier mage de feu, Myrddin même si celui-ci est sorti affaibli du conflit. Blessé et hanté par les fantômes de son passé, il est difficile de voir en lui un allié fiable. D'autant que sa magie est déclinante et même défaillante condamnant de facto le royaume de Sarda à sombrer dans les ténèbres. Surtout que celui-ci est également en proie un gigantesque incendie nourri par la sécheresse qui consume cette terre depuis bien trop longtemps. Or, rien ne semble pouvoir arrêter ce feu à caractère surnaturel si ce n'est peut-être la magie ? 

Jeanne Mariem Corrèze nous plonge donc dans un monde divisé et en ruines. L'ambiance choisie pour cette nouvelle intrigue est crépusculaire et s'accorde parfaitement aux thématiques mises en exergue. 

On y parle avant tout de la guerre et de ses conséquences sur les peuples envahis. Entre ces lignes, la terre de Sarda est occupée obligeant la population locale à se déplacer pour échapper à un sort funeste ou à l'esclavage. En effet, beaucoup de femmes sont enlevées pour rejoindre les mines où elles trouvent bien souvent la mort. Les ressources sont pillées pour enrichir les Contés-Unis des Sabès. La terre est littéralement vidée de sa substance et beaucoup d'enfants sont orphelins.  Le récit est dramatique et donne le vertige bousculant nos émotions car il est impossible de rester indifférent à tant de détresse. 

Pour autant ce texte est loin d'être sombre, au contraire, il est incandescent car porté par l'étincelle de rébellion de certains des protagonistes. En effet, Nous serons l'incendie n'est pas un récit de résilience mais bien de résistance. L'autrice nous attache aux pas de personnages courageux emplis de certains idéaux. Ivres de liberté, ils enchainent les actions pour affaiblir l'ennemi et se libérer de leur joug. Le roman n'en est que plus palpitant, rempli de rebondissements et de trahisons car les missions de sape du pouvoir des Sabès menées par certaines cavalières ne sont pas toujours couronnées de succès. 

En outre, ce titre est aussi une réflexion politique quant au meilleur modèle à adopter pour construire une société plus juste et davantage représentative. Ainsi, en dépit du conflit qui fait rage, certaines n'ont pas renoncé à instaurer une république en remplacement de la royauté pour une vraie démocratie. 

Enfin, Jeanne Mariem Corrèze a donné à son texte une portée écologique à travers cette terre malmenée par les hommes, rendue stérile par sa surexploitation devenant ainsi le parfait berceau nourricier pour un incendie inarrêtable. A travers la disparition des forêts et surtout de l'humidité qu'elle dégage, c'est la barrière naturelle du feu qui manque ainsi à l'appel laissant le champ libre à l'aridité qui lui est propice

Pour conclure :

Nous serons l'incendie est un roman choral qui nous transporte dans une aventure pleine de fureur et d'espérance. Jeanne Mariem Corrèze a eu à cœur nous proposer de la diversité dans ses protagonistes qui sont aussi bien racisés, non genrés qu'homosexuels. Elle signe une fantasy épique et inclusive qui s'inscrit dans un questionnement très actuel. 

Finalement, le fond s'accorde parfaitement à la forme puisque le texte est aussi bon que l'écrin est beau. A ne pas manquer pour cette rentrée 2024 !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur Le Chant des Cavalières.

Informations

Jeanne Mariem Corrèze
Nous serons l'incendie
9782361839406
432 pages
Editions Les Moutons électriques

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28/08/2024

Fabien Cerutti, Kosigan, un printemps de sang, éditions Mnémos

Fabien Cerutti, Kosigan, un printemps de sang, éditions Mnémos 

La publication de Kosigan, un printemps de sang signe le retour du célèbre bâtard de Kosigan qui s'est fort bien illustré dans la première tétralogie (composée de L'Ombre du pouvoir, Le Fou prend le Roi, Le Marteau des Sorcières et Le Testament d'involution) de Fabien Cerutti. 

Ainsi, pour notre plus grand plaisir, l'auteur n'en a pas encore fini avec son impertinent Pierre Cordwain et lui a concocté une reprise de service des plus explosifs.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Après avoir cédé le commandement de sa compagnie à son second Gérard de Ray, Pierre Cordwain a repris le chemin de sa Bourgogne natale. Officiellement, il veut arracher la vérité sur ses origines à son oncle, Borogar de Kosigan avant qu'il ne trépasse car on le dit très malade, officieusement il souhaite être dans le coin si d'aventure il arrivait malheur aux suivants de la lignée lui laissant le champ libre pour prendre la tête du comté. Bien que disposant d'un sauf-conduit signé par le responsable de la Garde, on ne lui fait pas pour autant un bon accueil et se retrouve enrôlé à devoir jouer les espions dans le comté voisin d'Albret pour prouver sa bonne foi. Chargé d'approcher en toute discrétion son cousin Wenceslas qui est le suivant sur la liste des héritiers pour l'empêcher de faire une mésalliance qui le mettrait en danger. Sur place les imprévus se succèdent obligeant Pierre Cordwain à louvoyer entre les intrigues des puissants pour une fois encore sauver sa tête. La chance sera-t-elle de son côté ? 

Mon avis :

Kosigan, un printemps de sang est une fantasy historique où l'univers est pensé comme une variante de l'Histoire imprégnée de magie. Fabien Cerutti nous propulse cette fois-ci en 1365 dans le puissant duché de Bourgogne contrôlé par Philippe le Hardi depuis qu'il l'a reçu en donation des mains de son père, le roi Jean II le Bon. Sous son ère, les bases de l'Etat bourguignon sont jetées qui à son apogée se dresse même en rival du royaume de France. Or, Fabien Cerutti se sert de ces rivalités où le comté de Bourgogne est une épine dans le pied du roi de France, Charles V qui se retrouve pris en tenaille entre l'hégémonie anglaise et cette puissante principauté bourguignonne. C'est pourquoi le souverain français s'est adjoint le soutien des peuples anciens à travers un certain abbé Nirdrym afin d'étendre son influence et de mettre enfin un terme à la menace anglaise. Aussi entre ces lignes les comtés d'Albret et de Kosigan appartenant jusque-là à des bannerets de Philippe le Hardi deviennent le théâtre d'affrontements sanglants, d'assassinats et de complots politiques car disputées par les deux puissances en présence. Sous la houlette de cet abbé Nirdrym présenté comme le frère de Merlin, orcs, elfes noirs, ogres et même un dragon marchent sous ses ordres dans l'espoir de restaurer le monde ancien sur le dieu crucifié de Rome. Derrière ce double du légendaire mage, l'auteur explore la figure sombre pleine de ruses  et de tromperies endossée parfois par l'enchanteur. Ici, Nirdrym est un être inquiétant et redoutable qui ne recule devant aucun sacrifice pour mener à bien sa quête. 

Ainsi, personnalités historiques et créatures merveilleuses voient leurs destins se mêler à des intrigues politiques parfaitement bien ficelées. 

L'imaginaire de Fabien Cerutti est tout bonnement fabuleux. Il a trouvé l'accord parfait pour créer l'alchimie entre son monde et les lecteurs. 

La magie s'exprime par l'intermédiaire de la Source avec laquelle les détenteurs de pouvoir interagissent. Ceux-ci disposent d'ailleurs d'un sang-noir faisant d'eux des êtres à part. Mais celui-ci est loin d'avoir révéler tous ses secrets et son potentiel puisque Pierre Cordwain cherche encore à en connaître ses limites. 

A l'instar de ses précédents romans, l'auteur nous a concocté une nouvelle intrigue extrêmement bien rythmée qui alterne les points de vue de Pierre Cordwain et Dùnevia Illavaëlle. Les chapitres sont courts et incisifs pour maintenir le lecteur dans un suspense palpitant. Le récit est très immersif et donne l'impression de l'avoir quitté la veille tellement on s'attache avec facilité à ses protagonistes hauts en couleurs. Le cynisme et l'humour de Pierre Cordwain en font un personnage irrésistible. Ici, il a abandonné l'identité de mercenaire pour celui d'un homme cherchant à retrouver les bonnes grâces de la famille qui l'a rejeté. Il est à la fois touchant et machiavélique car on ne refait pas sa nature, n'est ce pas ! On va le suivre dans la quête de ses origines qui va l'amener une nouvelle fois sur les chemins tortueux du pouvoir. Son charisme lui vaut autant d'allégeances que de traitrises. Parmi ses fidèles, il y a Dùnevia Illavaëlle qui est une changesang. Dans cette nouvelle partition, elle va jouer son éclaireuse pour l'avertir de ce qui se trame chez le voisin. Elle est clairement un atout dans les manigances de Pierre Cordwain pour mener à bien ses petites affaires.

Pour conclure :

Kosigan, un printemps de sang mêle une intrigue efficace à un monde onirique qui recèle encore tant de merveilles à découvrir. C'est l'un des romans de la rentrée que j'attendais le plus et le coup de cœur est au rendez-vous. Que demandez de plus !

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur L'Ombre du pouvoir, Le Fou prend le Roi, Le Marteau des Sorcières et Le Testament d'involution

Informations

Fabien Cerutti
Kosigan, un printemps de sang
9782382671504
432 pages
Editions Mnémos

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23/08/2024

Nghi Vo, Les Beaux et les Élus, éditions L'Atalante

Nghi Vo, Les Beaux et les Élus, éditions L'Atalante 

Après quelques incursions au sein des Archives des Collines-Chantantes où Nghi Vo nous a régalé de ses novellas infusées aux mythologies asiatiques, elle change littéralement de cap et signe un nouveau roman tout aussi envoûtant.

Place aux années folles dans Les Beaux et les Élus qui donnent à sa signature un parfum capiteux inédit.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Originaire du Tonkin, Jordan a été adoptée par la famille Baker. Depuis lors, elle évolue dans un milieu aisé, fréquente les lieux branchés et enchaîne les somptueuses réceptions. Cet été 1922, elle le passe en compagnie de Daisy Fay, devenue Buchanan et fait la connaissance de son charmant cousin, Nick Carraway, ainsi que de Jay Gatsby, l'énigmatique voisin d'en face des Buchanan dont la seule présence suffit à mettre en pâmoison bien des cœurs. Dans ce New York écrasant qui échauffe les corps autant que les esprits, quelle sera l'étincelle qui mettra le feu à la situation ?

Mon avis :

Les Beaux et les Élus est une réécriture très onirique du mythique roman de Francis Scott Fitzgerald, Gatsby le Magnifique. Pour bâtir son univers, Nghi Vo emprunte ce New York enfiévré né sous la plume de Francis Scott Fitzgerald où quartiers fictifs et réels se côtoient. Ainsi, les villes de West et East Egg situées dans l'Etat de New York, sans oublier les fameux speakeasies renaissent de leurs cendres pour nous emporter dans un tourbillon festif où la bonne société aime s'enivrer et s'encanailler. Mais pour parfaire sa réappropriation, l'autrice y a ajouté sa touche personnelle afin de rendre les lieux diaboliquement fascinants. 

On ne s'étonne donc pas d'y trouver un train reliant Manhattan aux enfers, d'être invité à boire de la liqueur démoniaque ou de pouvoir monnayer son âme en échange de richesses infinies. La décadence et la démesure de l'époque se prêtent à toutes les interprétations. 

La magie qui enflamme ces pages donne littéralement vie à des silhouettes de papier offrant ainsi des doubles aux protagonistes de cette histoire leur permettant de rejouer leurs scènes à volonté. 

L'immortalité transcende donc ce texte aussi bien sur le fond que sur la forme. Déjà l'œuvre est intemporelle, notamment à travers ses personnages qui peuvent rejouer leur partition à l'infini maintenant que le roman est tombé dans le domaine public. Ensuite, cette notion d'éternité est complètement intrinsèque à ce récit avec ce personnage majeur qui a échangé son âme contre la jeunesse, le succès et la fortune. En tout cas, c'est ainsi que l'autrice explique la gloire fulgurante de Jay Gatsby. Un choix des plus habiles car après tout n'est-ce pas frayer avec des forces maléfiques que de commercer avec l'illégalité. Au regard de la moralité de l'époque et notamment des lois de prohibition, l'exégèse paraît adéquat. 

Dans Les Beaux et les Élus, Nghi Vo revisite ce grand classique de la littérature en changeant de point de vue. En effet, ici ce n'est plus Nick Carraway le narrateur mais Jordan Baker, l'amie de Daisy. Résolument féminin, ce point de vue donne de nouvelles perspectives à ce récit car ce on n'est plus enfermé dans une admiration étouffante de la figure de Jay Gatsby. Jordan, elle, garde un certain contrôle sur les évènements et ses réactions. Elle ne se laisse pas submerger par ses émotions même si elle reconnaît bien volontiers le pouvoir d'attraction de Gatsby. A travers Les Beaux et les Élus, Nghi Vo cherche à moderniser l'œuvre de F.S. Fitzgerald en donnant la primeur à un personnage féminin racisé attaché à sa liberté et à son indépendance. 

En outre, au-delà de nous parler de l'incontournable lutte des classes, à travers ce désir des couches populaires de se hisser dans les rangs supérieurs et ce mépris des castes aisées vis-à-vis de ceux qu'ils estiment inférieurs, Nghi Vo s'est surtout attachée à mettre en lumière l'amour pluriel. 

En effet, dans son livre, il n'y a pas qu'une seule manière d'aimer. Ce sentiment se pare donc de nombreuses couleurs. Etourdissant, tempéré ou toxique, l'autrice explore les nombreux sentiments qui habitent l'âme humaine et exalte ce texte jusqu'à son paroxysme tragique. Bisexualité et homosexualité sont au cœur de ces fêtes où il est bon de paraître. L'autrice nous livre donc une version bien actualisée de cette fable et libérée de toute inhibition. 

En sus de cette histoire de mœurs, Nghi Vo met en exergue la quête d'identité de ce personnage secondaire qui ne souhaite plus simplement se fondre dans le décor mais cherche à prendre le contrôle sur son destin en comprenant ses origines. Séduisante et discrète, Nghi Vo donne à Jordan Baker un certain magnétisme. Ainsi, si tous cherchent à complaire à Jay Gatsby, lui, désire par-dessus tout s'attirer les bonnes grâces de Jordan pour atteindre son but auprès de Daisy. Elle est l'observatrice idéale de ces nantis qui voient en elle une simple confidente. Il est vrai qu'elle partage leur monde sans complètement en faire partie. Par son adoption, elle n'est qu'une pièce rapportée. Electron libre toléré par respect pour son nom de famille, elle endosse au fil des pages bien des identités jusqu'à trouve la bonne combinaison. Charismatique, elle est l'atout de Nghi Vo pour faire revivre les fantômes de cette folle époque de l'entre-deux-guerres. 

Pour conclure :

Roman iconique, Gatsby le Magnifique renaît tel un phénix sous la plume ensorcelante d'une poétesse d'aujourd'hui. Bien mal celui qui croyait connaître la chanson car Nghi Vo nous en propose une variante pleine d'audace qui ne manquera pas de vous conquérir, vous verrez ! Disponible en librairie depuis le 22 août. 

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur L'Impératrice du Sel et de la Fortune, Quand la tigresse descendit de la montagne, Entre les méandres et Des mammouths à la porte.

Informations

Nghi Vo
Les Beaux et les Elus
9791036001932
316 pages
Editions L'Atalante

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