L'influence du "gaming" à la littérature

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11/06/2024

Eva Martin, Miska, éditions Critic

Eva Martin, Miska, éditions Critic

En 2023, les éditions Critic ont accueilli en grandes pompes une nouvelle voix de l'Imaginaire, Eva Martin, pour ne pas la nommer, au sein de leur catalogue. 

Il est vrai que la sortie de son premier roman, Miska, n'était pas passée inaperçue, en suscitant moult réactions au sein de la communauté des amateurs du genre.

Repéré à l'époque mais point encore lu, je viens de rectifier le tir en rencontrant l'autrice aux Imaginales et en me procurant ledit ouvrage. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Critic, je remercie Eric Marcelin pour sa confiance renouvelée et ce service de presse.

Résumé :

En Calcédie, la rumeur court autour de l'existence de voiles blanches qui auraient été aperçues ici ou là. Illusion d'optique ou réalité, c'est au capitaine Dacien qu'incombe la mission d'aller vérifier sur place ce qu'il en est. Peu emballé, il s'y soumet de mauvaise grâce sans savoir que ce n'est que le début des ennuis...

Mon avis :

Miska est un roman de fantasy dans lequel deux civilisations vont s'opposer. Si l'une stagne à une ère moyenâgeuse, l'autre, au contraire, affiche un progrès insolent marqué par la technologie. Celle-ci s'exprime, par exemple, par la possession d'armes à poudre, pendant que les autres se battent encore à l'épée et à l'arc. Mais le plus notable demeure cette flotte de bateaux volants appelés "mostarkis" qui leur permet de parcourir le monde et accessoirement de le coloniser. Leur présence ajoute clairement une touche steampunk à l'univers. Ce modernisme, ils le doivent à leur maîtrise de l'épure car si les Kinoshs et les Calcédiens disposent bien de cette magie, ils ne la contrôlent pas pour autant de la même manière. On a donc une magie qui sert la technique et est également une arme létale de grande envergure capable de souffler toute vie sur son passage. Sa mise en œuvre colore ce texte d'un ésotérisme aussi visuel que spectaculaire. 

Miska, ça parle de quoi ? Avant tout, c'est une histoire de colonisation que l'on découvre aussi bien du point de vue du colonisé que de celui du colonisateur. Eva Martin y met en lumière d'un côté, les mensonges et la manipulation politique pour justifier cet acte expansionniste et de l'autre côté, la résilience des peuples ou au contraire, son esprit de revanche face à l'oppresseur. 

Miska est un roman psychologique dans lequel l'autrice nous propose une analyse très pertinente des comportements humains lorsqu'ils sont en but à des situations inextricables. Ainsi, si certains versent dans la violence et le calcul, d'autres demeurent plus pragmatiques et pondérés.

Miska, c'est d'abord un symbole de liberté qui se retrouve petit à petit dévoyé pour sombrer dans les ténèbres. Avec ce roman, on est sur des thématiques très ancrées dans notre réalité car le colonialisme demeure, à bien des égards, très actuel surtout lorsqu'il se mêle à des notions de modèles économiques, environnementales et sociétales. C'est vraiment le tour de force de cette plume qui sous couvert d'aventure en territoire fantasy nous parle surtout d'épuisement des ressources naturelles, de survie et de sacrifice ainsi que des choix à faire et du prix à payer. En outre, Il est également beaucoup question de liberté qui sous la plume d'Eva Martin, prend bien des significations. Ainsi, dans ce livre, on parle aussi bien de se libérer du joug de l'oppresseur que de se défaire du carcan imposé par la société, particulièrement pour les femmes qui, en rencontrant un autre peuple, vont découvrir une autre manière de vivre, notamment en occupant une place différente dans la société. Ainsi, au fil des pages on va avoir le plaisir de voir des femmes ou des jeunes filles prendre le pouvoir, non pas pour dominer l'autre mais simplement pour rétablir l'équilibre au sein de cette structure sociale défaillante. Ce livre ne manque donc pas de protagonistes badass aussi bien masculins que féminins. 

Miska est un récit d'action au ton mordant. Eva Martin a structuré son récit autour de deux points de vue masculins diamétralement opposés qui nous donnent la vision des deux camps en présence. Or, il n'y a pas plus différent que ces deux personnages principaux. Si Dacien est haut en couleurs de par sa verve et sa nature quelque peu bagarreuse, Azalon, lui, est plus mesuré, voir même flegmatique. Leur point commun est de devoir endosser un costume trop grand pour eux, celui de sauveur de la situation. Ainsi, Dacien en compagnie de sa poignée d'hommes va tout faire pour renverser les évènements et préserver les siens tandis qu'Azalon, lui, va être pris en tenaille entre sa conscience et ses obligations vis à vis de son peuple. Dans leurs diversités et leurs convergences, ils sont tous les deux très attachants. Finalement, en dépit de la gravité des évènements, on n'arrive pas à décider de quel côté notre cœur va pencher.  Leurs destins s'écrivent à l'encre de sang pour nous émouvoir autant que nous subjuguer.

Pour conclure :

Avec Miska, Eva Martin signe un premier roman engagé aussi divertissant qu'intelligent. A ne surtout pas rater !

Fantasy à la Carte

Sur la blogosphère, retrouvez les avis de : Just a Word et Le Bibliocosme.

Informations

Eva Martin
Miska
9782375792834
494 pages
Editions Critic

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04/06/2024

Fabien Clavel, Abyss : Le Trône vide, éditions Mnémos

Fabien Clavel, Abyss : Le Trône vide, éditions Mnémos 

Après une réécriture mythologique avec La Niréide en 2022 et un essai avec Buffy, Baroque Epopée en 2023, Fabien Clavel signe un nouveau titre au catalogue des éditions Mnémos.

Il s'agit d'Abyss : Le Trône vide, un récit complètement inspiré du jeu de plateau Abyss.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Abyss est en ébullition. La rumeur court que le roi est mort, une autre affirme qu'il se remet doucement d'une grave blessure. Certains voient dans cette défection du trône, l'occasion de prendre le pouvoir et multiplient les déstabilisations pour y arriver, notamment en agitant le spectre de la famine. Dans ce contexte tendu débarquent bien malgré eux Zée, Moire, Nourrain, Salyne et Ström qui n'auront pas d'autre choix que d'agir avec finesse pour espérer se sortir de ce marasme. Mais vont-ils y arriver au final ? 

Mon avis :

Abyss : Le Trône vide nous immerge dans l'univers aquatique du jeu de société éponyme où l'on part aussi à la rencontre des fameux peuples marins composés par les Cultivateurs, les Militaires, les Marchands, les Mages et les Politiciens. Ainsi, le royaume d'Abyss s'organise ici selon des castes qui gravitent autour du roi. Certains sont préposés à la défense pendant que d'autres fournissent les denrées alimentaires. Bien qu'Abyss soit un royaume gouverné par un roi, ce n'est pas pour autant une monarchie absolue puisque les lois sont votées par l'Assemblée Océanique du Sénat constituée du Parlement et de la Chambre des Alliés. Le pouvoir n'est donc pas unilatéral et une représentation populaire existe au sein de cette société même si celle-ci, comme partout ailleurs, est parfois tronquée. 

Dans son roman, Fabien Clavel propose une représentation anthropomorphique de ces créatures marines qui évoluent dans une société miroir de la nôtre par son mode de fonctionnement. 

A cela s'ajoute une dimension ésotérique puisqu'une magie existe entre ces lignes. Elle est l'apanage de quelques élus qui disposent du delwi, autrement dit un potentiel magique prenant la forme d'une lumière brillante. Ils sont un atout indéniable d'autant que certains forment des troupes de combat appelés Filaments et peuvent vite devenir redoutables en plongeant notamment leurs adversaires dans des illusions d'horreur. 

Abyss : Le Trône vide est un récit tissé par de nombreuses intrigues politiques motivées par la vacance du trône. En cela, on retrouve bien le motif initial du jeu centré sur un qui ceindra la couronne. Une soif de pouvoir qui génère sans surprise de la convoitise et met en place des stratégies basées sur le mensonge et la manipulation. Voilà qui donne au récit toute sa saveur sans compter que l'auteur y évoque également l'enjeu de la souveraineté alimentaire et questionne aussi des modèles de société, notamment dans leurs failles de la représentation politique chargée de porter la voix populaire. 

Le texte demeure riche et fort intéressant. Il est porté par de nombreux protagonistes qui nous apparaissent comme autant de pions servant un dessein dont ils ne sont clairement pas les instigateurs. En effet, chacun d'entre eux débarque inopinément au milieu de ce sac de nœuds sans savoir qu'ils vont y jouer un rôle crucial. Si Nourrain espère juste échapper à la prison et Ström souhaite devenir un grand Mage, Salyne, elle, s'est engagée sur la voie très honorable de chercher par tous les moyens à alerter le roi du danger qui touche leur principal source alimentaire. Ainsi, certains brillent par leur altruisme pendant que d'autres servent surtout leurs intérêts personnels. Pour autant, échapperont-ils à leurs destins ? Rien n'est moins sûre surtout quand celui-ci est manipulé par une grande puissance.

Pour conclure :

Que l'on soit un habitué d'Abyss ou non, on a aucun mal à se laisser charmer par cet univers marin peu habituel en littérature fantasy. L'intrigue est redoutablement efficace et tient parfaitement le lecteur captif de sa lecture. Côté personnages, j'avoue ne pas m'y être attaché plus que cela, l'alchimie n'a donc pas pris. Néanmoins, cela n'enlève en rien à la qualité du livre qui demeure très bon sans être un coup de cœur pour moi. En écrivant ce récit, Fabien Clavel nous rappelle combien l'Imaginaire est transmédia. Alors, répondrez-vous à l'appel des abysses ? Si oui, rendez-vous en librairie le 5 juin.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur : La Niréide, Buffy, Baroque Epopée et Feuillets de Cuivre

Informations

Fabien Clavel
Abyss : Le Trône vide
9782382671436
336 pages
Editions Mnémos

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31/05/2024

Rakel Haslund, Après nous les oiseaux, éditions Pocket Imaginaire

Rakel Haslund, Après nous les oiseaux, éditions Pocket Imaginaire 

Mai a été l'occasion pour les éditions Pocket Imaginaire de rééditer le premier roman d'une autrice danoise qui a immédiatement su envoûter son public. Il s'agit d'Après nous les oiseaux de Rakel Haslund. 

Fortement plébiscité et même salué par la critique, le roman reçoit le prix Michael Stunge en 2020. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Le monde est tombé en ruines, presque vidé de toute humanité, à l'exception de deux femmes. L'une est sans nom tandis que l'autre se prénomme Am. Toutes deux sont réfugiées sur une île, elles y survivent cahin-caha, jusqu'à la mort de cette dernière. Dès lors, pour la plus jeune, il s'agira de se tracer son propre chemin au milieu des décombres d'un monde abandonné. Mais que trouvera-t-elle au bout de la route ? 

Mon avis :

Après nous les oiseaux est un postapocalyptique singulier et tout en délicatesse. Bien loin de l'ambiance rugueuse propre au genre, Rakel Haslund nous plonge ici plutôt dans une balade. Le ton est contemplatif et observationnel d'un monde en ruines. On marche dans les pas de la narratrice qui découvre les lieux sans savoir ce qu'elle va trouver. La nature a repris ses droits sur cette terre qui a été fortement urbanisée par le passé. Aussi, le goudron est par endroit enseveli sous les eaux et les bâtiments sont colonisés par les végétaux. En somme, la planète a souffert des incendies géants et des inondations sans fin. Il en ressort une terre meurtrie et même exsangue de vies humaines. Seuls les oiseaux ont survécu au cataclysme. Ils semblent même être devenus les seuls maîtres de la Terre, la survolant tels des gardiens attentifs. 

Point d'action excessive entre ces lignes car l'autrice a volontairement adopté un rythme lent pour nous laisser le temps d'apprécier cette finitude. 

Ce postapocalypse prend ainsi une saveur toute particulière, davantage tourné sur le ressenti. Le temps est comme suspendu dans ce roman où l'on est simplement bercé par la poésie des mots de Rakel Haslund. 

Derrière Après nous les oiseaux, il y a, d'abord, un propos écologique et environnemental quant au danger qu'encourt la planète si les incendies et les inondations continuent de s'y succeder. De là découle toute une réflexion sur les manières de survivre, à travers son personnage principal qui se retrouve complètement seule dans cette immensité. Une solitude qui finit par être pesante car l'homme demeure un "animal social", d'où cette quête de l'autre pour la narratrice la conduisant sur le chemin inattendu de la liberté. 

Bien que court, le texte n'en est pas moins très riche et s'avère finalement fort prenant car on se laisse complètement happé par son ambiance.

La plume de Rakel Haslund est élégante, sensible et ciselée pour mettre en lumière l'apprêté d'un futur qu'elle espère sans doute, à travers son récit, conjurer en alertant à sa manière. 

C'est un huis clos qui se focalise sur un seul protagoniste. Depuis la mort de Am qui l'a élevée, celle qui ne porte pas de nom a fait le choix de l'exploration plutôt que de rester terrée dans son refuge. La voici donc engagée sur les routes incertaines de ce monde déchu, soumise aux menaces extérieures et à l'égarement intérieur incluant la perte de langage par manque de pratique. Elle est une âme qui cherche la communion avec autrui, quitte à se lier avec n'importe quel être vivant. C'est un personnage atypique pour une histoire insolite qui ne manquera pas de faire réagir. 

Pour conclure :

Avec Après nous les oiseaux, Rakel Haslund signe une dystopie saisissante qui palpite d'intensité en dépit du fait que tout s'écoule lentement. Le tour de force est donc là pour nous proposer un post-apo bien différent des canons habituels.

Fantasy à la Carte

Informations

Rakel Haslund
Après nous les oiseaux
9782266324182
160 pages
Editions Pocket Imaginaire

28/05/2024

Emma Törzs, Magie D'Encre, collection Lunes d'Encre, éditions Denoël

Emma Törzs, Magie d'Encre, collection Lunes d'Encre, éditions Denoël 

Emma Törzs est une autrice américaine qui s'est d'abord essayée au format court avec succès au regard des récompenses déjà reçues comme le prestigieux World Fantasy Award en 2019.

Magie d'Encre est son premier roman et il vient tout juste d'être traduit en français.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Denoël, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

La famille Kalotay est la propriétaire d'une collection de livres aussi étranges que dangereux. Chacun d'eux renferme un puissant sort qu'il est nécessaire de garder sous clé et surtout de ne pas divulguer leur existence. Leur vie bascule le jour où le père, Abe, meurt un livre à la main, littéralement vidé de son sang. Pour la cadette prénommée Joanna qui est restée à la maison vivre avec son père après l'explosion de leur famille, c'est le choc. Elle est complètement esseulée, supportant seule la responsabilité de garder ce trésor inestimable à l'abri depuis bien trop longtemps jusqu'au retour inopiné de sa demi-sœur disparue il y a maintenant dix ans. Or, ces retrouvailles risquent bien de faire ressurgir tous les secrets et les non-dits familiaux. Mais sera-t-elle prête à les entendre et surtout à accepter de prendre un autre chemin? 

Mon avis :

Magie d'Encre est une fantasy urbaine qui repose sur une magie particulièrement originale. Elle s'exprime à travers des livres qui renferment des sorts. Ceux-ci sont faits de la chair, des os et du sang des Scribes, seuls détenteurs du pouvoir. Ces derniers sont rares, on les reconnait à leur insensibilité à la magie, au contraire des autres qui, eux, se laissent facilement assujettir par tous types de charmes. 

Evidemment l'existence d'une telle concentration de pouvoirs ne peut que générer la convoitise et l'envie. Ces ouvrages à caractère magique sont donc tout l'enjeu de ce récit. D'autant qu'une société secrète a été fondée pour les rassembler. Il s'agit de la Bibliothèque qui se présente comme une institution respectable mais cache en réalité de lourds secrets et n'hésite pas employer les grands moyens pour arriver à ses fins, y compris le meurtre et la manipulation. Sa présence instille toute la tension au texte car son ombre plane telle une menace permanente sur les protagonistes de cette histoire qui mettent tout en œuvre pour éviter de tomber entre ses griffes.

Jeux d'influence et secrets familiaux s'entremêlent donc au fil des pages pour nous tenir en haleine jusqu'au bout. 

L'univers est bien travaillé et est fonctionnel. La magie s'intègre discrètement à notre monde, et n'est perceptible qu'aux yeux des initiés.

L'intrigue est bien ficelée. Elle tourne autour des motivations de cette institution dont on ne perçoit le but réel qu'à la fin du roman. Emma Törzs mène bien son jeu pour nous livrer un texte aussi prenant qu'efficace. 

Par l'entremise de ses personnages, elle analyse les relations humaines et particulièrement la complexité des liens familiaux quand ils sont soumis aux mensonges, aux non-dits et aux secrets. Le relationnel est bien développé et facilite grandement l'attachement aux personnages. 

Magie d'Encre est aussi un roman d'apprentissage à travers des protagonistes qui sont pour certains en quête de leur identité pendant que d'autres empruntent le chemin de l'engagement en goûtant à tout ce que cela implique. 

En outre, en filigrane du roman, des relations amoureuses naissent ou se consolident. Celles-ci déposent une note de douceur sur ce récit tel un baume réconfortant. Néanmoins, la romance demeure furtive ne prenant que peu de place entre ces lignes et n'incommodera donc en rien les lecteurs réfractaires à la littérature sentimentale car celle-ci n'est finalement qu'un plus au récit. 

Magie d'Encre est un roman choral dans lequel on suit de nombreux personnages. Il y a déjà les deux sœurs qui ont emprunté des chemins de vie totalement différents. Mais loin d'être un choix, leur parcours personnel est surtout le fruit des décisions parentales. Or, cela leur a forgé des caractères aux antipodes. Ainsi, Esther qui a dû quitter le nid familial très tôt, est une jeune femme indépendante et révèle une nature plutôt frondeuse. Elle a dû grandir plus vite du fait de son émancipation forcée. Contrainte de se déplacer chaque année à une date précise pour ne pas se mettre en danger, ainsi que sa famille, elle est longtemps demeurée un électron libre ne s'attachant à personne. Seulement plusieurs rencontres vont changer la donne pour elle, lui ouvrir les yeux sur elle-même et même l'obliger à embrasser un héritage inattendu. A contrario, sa sœur Joanna est une femme timorée qui n'a d'interaction sociale qu'avec sa mère. Son père étant mort brutalement, elle se retrouve donc seule pour assumer la mission de conservation des livres magiques. Une responsabilité qui pèse lourdement sur ses épaules. Or, le retour de sa sœur va la bousculer dans ses habitudes et la contraindre à changer de direction. Voilà qui promet d'être cataclysmique pour elle. Enfin Nicholas est un orphelin. Il a perdu ses parents très jeune et a été élevé par son oncle, le très charismatique mais non moins énigmatique Richard. Âme solitaire, il a grandi seul simplement focalisé sur sa mission de Scribe qui l'éteint peu à peu en le vidant littéralement de sa force vitale. Or, il va découvrir qu'on lui a caché beaucoup de choses, y compris la vérité sur sa famille et sur son pouvoir. Ces révélations, bien que difficiles à digérer, vont complètement le métamorphoser et même l'obliger à faire des choix douloureux. 

Pour conclure :

Magie d'Encre est un roman captivant, lourd de secrets qui tient parfaitement ses promesses d'une lecture addictive. Voici une nouvelle voix de fantasy qui promet déjà de faire sensation parmi les férus du genre.

Fantasy à la Carte

Informations

Emma Törzs
Magie d'Encre
9782207166529
592 pages
Collection Lunes d'Encre
Editions Denoël

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17/05/2024

Jean Krug, La Couleur du Froid, éditions Critic

Jean Krug, La Couleur du Froid, éditions Critic

Découvert par les éditions Critic et étoile montante de l'Imaginaire chez Pocket, Jean Krug est un jeune auteur qui a, à cœur, de nous proposer des récits écologiques et sociétaux fort percutants.

A l'image de ses précédents romans, il signe, en ce mois de mai, un nouveau texte toujours publié par les éditions Critic.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Critic, je remercie Eric Marcelin pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Héritière d'un empire économique, Mila Stenson gère ses affaires d'une main de fer. Alors que son projet d'aller coloniser Mars est au point mort, elle reçoit un étrange message de l'Antarctique la sommant de s'y rendre. En dépit de son aversion pour le froid, elle décide d'y aller en espérant, en même temps, trouver une réponse à ses inquiétants rêves qui hantent chacune de ses nuits ainsi qu'une solution pour son problème de santé puisque là-bas est implanté l'un de ses complexes médicaux ultra performants. Bien entendu, elle est loin de s'imaginer ce qui l'attend au cœur des glaces. 

La Couleur du Froid est un roman d'anticipation qui nous propulse dans un futur proche, en 2070. Sans surprise la Terre est en souffrance. Le projet de coloniser Mars, porté par certaines multinationales, piétine réduisant ainsi comme une peau de chagrin les chances de survie de l'humanité. L'Antarctique est devenue le théâtre des rivalités d'entreprises privées qui cherchent à y développer leur business ou un site privilégié pour l'armée qui y conduit ses essais. Le traité sur l'Antarctique signé en 1959 garantissant la protection des lieux seulement dédiés à l'étude scientifique a donc été rompu. 

Ainsi, Jean Krug a fait de l'Antarctique le cœur de son roman. Les descriptions sont vertigineux et les sensations sont intenses. Bien que l'endroit soit un objet d'étude depuis de nombreuses années, il est loin d'avoir révélé tous ses secrets. Or, l'auteur se sert de ses mystères que la rationalité scientifique n'explique pas pour y introduire un soupçon de surnaturel qui donne vie au froid. L'univers n'en est que plus immersif et intriguant puisque Jean Krug y mélange bien volontiers les genres. En effet, au-delà d'un récit prospectif reposant sur des principes scientifiques fort pédagogiquement expliqués, La Couleur du Froid est aussi un thriller qui essaime son lot de meurtres et de disparitions. Sans trop vous en dévoiler sur l'intrigue, Jean Krug parle de société secrète et manipule allègrement ses personnages et accessoirement ses lecteurs pour nous emmener sur un terrain très surprenant. 

Cette science-fiction mêlant uchronie et horrifique nous entraîne au cœur d'une expédition glaçante. La Couleur du Froid est un texte riche de thématiques variées. En faisant de l'Antarctique presque son protagoniste principal, Jean Krug remet ce continent austral au cœur des préoccupations nous rappelant la nécessité de le protéger car il est la clé de la survie humaine. 

Dans son livre, il change de paradigme. En effet, alors que l'humanité est obnubilée par le réchauffement, lui imagine plutôt une issue inverse davantage tournée vers un refroidissement climatique. Cela a le double intérêt de rappeler la nécessité du froid pour la régularisation des températures mais aussi et surtout que la vie dépend juste d'une question d'équilibre. Trop chaud ou trop froid aboutit au même résultat, à savoir la disparition de tout être vivant. 

Au-delà de son propos écologique et climatique, il émet également une critique économique et sociétale en épinglant notamment cette aberration visant à détourner les améliorations que les nouvelles technologies permettent d'apporter au corps pour des fins futiles comme le prolongement de personnes âgées aisées. Il met donc en exergue le détournement des richesses pour servir exclusivement les intérêts privés plutôt que ceux de la communauté.

Le texte est puissant et la plume, engagée. 

Jean Krug nous promet même une déferlante émotionnelle à travers sa communauté de personnages ballotés par le destin. 

La Couleur du Froid est un roman choral qui porte cette histoire à travers plusieurs voix. Celle de Mila Stenson, qualifiée de femme froide par beaucoup. Elle dissimule, en réalité, sous sa carapace un tempérament de feu. C'est clairement une femme forte. Orpheline, elle a donc grandi sans repères parentales et a dû se construire seule. Or, ce voyage en Antarctique va surtout lui donner l'occasion d'embrasser son héritage et ainsi de comprendre qui elle est vraiment. Il s'agit donc pour elle de mener une quête d'identité. Celle de Paul Damann qui lui aussi n'a pas été épargné par la vie puisqu'il est veuf. Sa femme est décédée lors d'un accident de voiture et où lui-même a perdu la perception des couleurs. Or, son choix de partir vivre en Antarctique n'est pas anodin puisqu'il ne sera pas tant question ici d'oublier son passé que de se pardonner à lui-même. Quant à Cryo, c'est une jeune femme entière et à vif dont les décisions bien que discutables en font un personnage finalement très surprenant.

De livre en livre, sa plume s'affine pour nous livrer des textes de plus en plus incisifs. Entre décor grandiose et réflexions politiques et environnementales, Jean Krug se fait l'auteur d'un récit sans concession dont vous ne sortirez sans doute pas indemnes. En librairie depuis aujourd'hui, le 17 mai, allez-vous craquer?

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur Le Chant des Glaces et La Cité d'Ivoire.

Informations

Jean Krug
La Couleur du Froid
9782375793046
544 pages
Editions Critic

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