En ce printemps 2023, Les Moutons électriques donnent l'occasion à nos bibliothèques de s'enorgueillir d'un nouveau Stefan Platteau.
Néanmoins, point d'emballement car il ne s'agit pas du très attendu tome 5 de son incroyable saga, Les Sentiers des Astres. Pour cette sortie, il faudra donc encore vous armer d'un peu de patience.
Avec Les Embrasés, Stefan Platteau nous propose donc une lecture en trois temps dont un roman inédit.
C'est une publication qui a le double intérêt d'offrir une parfaite porte d'entrée à l'univers de Stefan Platteau ou de ménager aux lecteurs de la première heure un moment privilégié avec cette plume exceptionnelle de l'imaginaire francophone.
Lu dans le cadre d'un partenariat avec Les Moutons électriques, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse qui réchauffe les cœurs.
Ce recueil s'ouvre sur la novella, Mille et une torches qui peut clairement se lire comme un préquel au cycle, Les Sentiers des Astres car l'auteur nous y décrit l'étincelle qui a allumé la guerre civile dont il est justement question dans ses premiers romans.
Résumé :
On y retrouve Maroué Luari, prisonnière en son château depuis la débâcle de ses partisans, l'obligeant à signer en ce jour la rédition de son duché de Narrakhin. Mais alors que la messe semble dite, un élément perturbateur pourrait bien renverser la situation, qui sait ?
Mon avis :
Pour nous conter ces instants historiques, Stefan Platteau s'appuie sur différents observateurs qui viennent chacun à leur tour apporter leurs témoignages des faits. Or, la construction narrative choisie n'est pas anodine puisqu'elle rappelle étrangement celle utilisée dans sa grande saga. Les témoins de ces événements du jour incarnent en quelque sorte les conteurs que furent Manesh et Shakti dans les premiers tomes des Sentiers des Astres. L'auteur démontre ainsi sa volonté de créer un effet miroir permettant à ses textes de rayonner entre eux.
En outre, ce préambule nous donne un bref aperçu de la puissante magie mise en œuvre par Stefan Platteau dans son univers par l'intermédiaire d'un coup de force époustouflant.
Enfin, cette novella est une belle entrée en matière pour goûter aux intrigues politiques qui nourrissent largement la saga.
Ensuite, ce livre enchaîne sur Dévoreur, une novella déjà parue précédemment mais dont la présente réédition est indispensable pour la compréhension et l'appréciation du texte suivant.
Résumé :
On y fait la rencontre de Peyr Romo et de sa femme Aube qui vivent assez solitairement sur le Mont Carmin. Mais, en tant que mage, Peyr doit régulièrement s'absenter et laisse Aube et leurs enfants Lupin et Sita, seuls le temps de ses missions. Un jour, alors qu'Aube est à nouveau abandonnée, elle est perturbée par le comportement de plus en plus étrange de leur ami Vidal depuis son retour de la dernière foire où il etait censé vendre ses ânes. D'irrascible à menaçant, elle le voit lentement vriller et commence sérieusement à craindre pour la vie des filles de son ami. Quelle mouche l'a donc piqué ? Et, s'il s'en prenait physiquement à ses propres enfants, son devoir ne serait-il pas de tenter quelque chose ? Sans nouvelle de son époux, Aube trouvera-t-elle le courage d'intervenir et si oui, quel en sera le prix ?
Mon avis :
Avec Dévoreur, on fait la connaissance d'une nouvelle communauté de personnages qui évoluent dans le même monde que celui des Sentiers des Astres puisqu'ils marchent également sous le regard scrutateur des astres.
Or, ce texte satellite est fondamental pour appréhender le caractère mystique de la cosmogonie qu'il a imaginée. Entre ses lignes, on prend la mesure de l'influence qu'exercent les planètes sur tous les êtres qui foulent les terres de l'Héritage. De même, elles permettent pour qui a le don d'interagir avec les élémentaires qui lui sont propres pour peu que des liens se soient créés par l'entremise de la prière, par exemple.
Sous la plume de Stefan Platteau, la magie se fait impétueuse et puissante, promettant des scènes fabuleuses et envoûtantes.
Dévoreur draine une ambiance fantastique qui se teinte progressivement de notes horrifiques. Stefan Platteau y dépose une pesanteur diffuse qui se transforme peu à peu en malaise ambiant, à travers son personnage de Vidal qui quitte vite son air jovial pour laisser place à un masque, d'abord hostile, puis effrayant. A chaque contact avec ce protagoniste, la tension monte et l'angoisse nous étreint. L'auteur joue pleinement ici avec l'atmosphère de son texte pour susciter moult émotions dans le cœur de ses lecteurs. On s'attend au pire à chaque page tournée, d'autant que derrière les traits de ce Vidal, on peut y voir la personnification de Chronos qui dévorait ses propres enfants par crainte qu'ils le détrônent.
Alors quoi de plus difficile pour Peyr de voir en ennemi son ami de toujours. Stefan Platteau aime placer ses personnages dans d'impossibles situations afin de tester l'âme humaine et voir jusqu'où elle est prête à aller.