L'influence du "gaming" à la littérature

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10/01/2023

Victor Dixen, La Cour des Ténèbres, tome 1, Vampyria, collection R, éditions Robert Laffont

Victor Dixen, La Cour des Ténèbres,
tome 1, Vampyria
collection R, éditions Robert Laffont 

Auteur à succès qui compte déjà à son actif de nombreuses distinctions, Victor Dixen est l'écrivain qu'il faut avoir lu quand on apprécie les littératures de l'Imaginaire. 

D'ailleurs, au regard de ses cinq séries littéraires et de ses six romans indépendants, il est clairement un auteur prolifique.

Du Grand Prix de l'Imaginaire Jeunesse Francophone en 2010 pour Été mutant et en 2014 pour La Malédiction de Boucle d'or au prix Imaginales des lycéens en 2020 pour Cogito, en passant par les prix Chimères et Imaginales des collégiens en 2016 pour Phobos, rien ne semble lui résister. 

Pour ma part, mon intérêt s'est porté sur sa série Vampyria. En effet, en tant que passionnée d'Histoire, je ne pouvais pas faire l'impasse sur cette uchronie fantastique et horrifique mettant en scène Louis XIV. 

Résumé:

Il y a trois siècles, Louis XIV n'est pas mort mais a transmuté pour devenir un vampyre. Depuis lors, il règne en despote sur la France et ses royaumes vassaux, rebaptisé pour l'occasion par le qualificatif de Vampyria. Son peuple soumis au couvre-feu et à la dîme de sang vit littéralement dans la terreur. Jeune roturière, Jeanne Froidelac perd brutalement sa famille, assassinée sur l'ordre du roi des Ténèbres. Elle se jure de les venger et décide d'infiltrer, grâce à un concours de circonstances, l'école formant les jeunes nobles avant leur entrée à la Cour. Entre mensonges, manipulations et trahisons, pourra-t-elle réellement arriver à ses fins ? Et à quel prix ? 

Mon avis :

Dans La Cour des Ténèbres, on pénètre dans l'univers feutré, vénéneux et féroce de Vampyria. Inspiré par l'ambiance malaisante de la Cour du Roi-Soleil s'exprimant autant par les rivalités sanglantes opposant les courtisans que par l'esprit frondeur de la noblesse, Victor Dixen s'appuie sur ces éléments notables du règne de Louis le quatorzième pour nourrir sa version uchronique.

Entre ces lignes, on est propulsé à la Cour de ce roi de la nuit où se croisent vampyres , nobles en attente de transmutation et roturiers serviles. Pour autant, ce n'est pas le cadre d'action principal puisque l'auteur a imaginé une école attenante au château de Versailles où les jeunes nobles sont instruits et formés afin de les préparer à la vie de courtisans ou à intégrer les membres de la garde personnelle du monarque. Ils sont notamment initiés à l'art de la conversation et aux techniques équestres. Derrière cet enseignement rigoureux règnent la trahison, les mensonges et la manipulation. Cette institution est le miroir de la Cour royal où les étudiants sont à l'image des courtisans, c'est à dire, des rivaux lancés dans la course au pouvoir pour se faire une place près du roi et asseoir ainsi son avenir. Aussi, entre ces murs, tous les coups sont permis et la mort est un mal nécessaire pour triompher des autres.

La Cour des Ténèbres met de suite le lectorat au pas en le plongeant dans un récit sombre et cruel. Le danger et les ennemis affluent de toutes parts et pas uniquement du côté vampirique comme on pourrait le penser de prime abord. Le récit est âpre et prenant car Victor Dixen y enchaîne les péripéties sans temps mort. On est de suite happé par cette plume qui entre dès les premières lignes dans le vif du sujet. L'auteur ne s'embarrasse donc d'aucun préambule pour accrocher immédiatement l'intérêt de ses lecteurs. C'est indéniablement un point fort de ce cycle.

06/01/2023

Anouck Faure, La Cité Diaphane, éditions Argyll

Anouck Faure, La Cité Diaphane, éditions Argyll

Reconnue dans le milieu de l'Imaginaire pour son merveilleux travail d'illustratrice, Anouck Faure est aussi une autrice. Aussi, elle délaisse parfois encres et pinceaux pour leur préférer la plume et nous conter ainsi de puissantes histoires. 

Or, en février, on la retrouve chez Argyll car elle y signe son premier roman, intitulé La Cité Diaphane.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Argyll, je remercie Xavier Dollo et Simon Pinel pour l'envoi surprise de ce service de presse dédicacé. Un bien beau cadeau venu garnir mes souliers en ce Noël 2022. 

Résumé :

Entre démesure et décadence, Roche-Etoile n'est plus qu'une cité déchue. Depuis l'empoisonnement de ses eaux, il y a sept ans, elle est désertée et exsangue. Or, pour prendre connaissance de ses derniers moments et comprendre ainsi ce qui lui est arrivé, un archiviste est dépêché sur les lieux, envoyé par le seigneur des Marches. Mais à sa grande surprise, ce dernier découvre encore quelques âmes errant entre ces étranges murs. Et si la vérité n'était pas si bonne à entendre surtout quand elle touche de si près...

Mon avis :

La Cité Diaphane, c'est d'abord un univers ténébreux et gothique incarné par la cité de Roche-Etoile. Des rues tortueuses aux espaces vertigineux en passant par d'opaques secrets, voici autant d'éléments qui auréolent de mystères cette cité décidément bien étrange. C'est bien dans ce dédale labyrinthique qu'Anouck Faure nous entraîne à la suite de son archiviste, chargé d'en percer tous les secrets et par la même occasion, éclairer notre lanterne. Tantôt effrayante, tantôt fascinante, Roche-Etoile n'a pas fini de nous intriguer d'autant qu'en remontant ses origines, on ne va pas être à court de surprises. Plus qu'un cadre d'action, Roche-Etoile prend même les traits d'un personnage à part entière sous la plume d'Anouck Faure qui en fait une sorte de compagne d'aventure pour ses autres protagonistes en veillant notamment sur eux. 

Quant à la magie qui imprègne ces pages, elle est directement influencée par le culte de la déesse sans visage car des émanations de son pouvoir se manifestent autant dans la puissance détenue par certains êtres, notamment dans leur rapport aux mots et aux noms propres qui leur donnent une véritable ascendance sur les autres, que dans l'existence de créatures oniriques. Néanmoins, ici le merveilleux est perverti par les sentiments et les émotions négatifs qui viennent déposer une ombre mortifère sur les âmes qui hantent encore les lieux. 

La Cité Diaphane est un huis clos dont la construction narrative surprend autant qu'elle suscite l'intérêt du lecteur. L'autrice a tissé une intrigue complexe et questionnante qui tourne autour de cette cité et du destin de ses habitants. En compagnie de sa poignée de protagonistes, on va d'abord remonter le temps pour comprendre ce qui s'est passé, puis reprendre le fil de la narration pour découvrir où l'on va. 

La plume d'Anouck Faure dégage une telle poésie et sensibilité qu'elle nous happe dès les premiers chapitres. Ses mots sont comme un irrésistible poison infusé dans nos veines qui nous oblige à poursuivre toujours plus loin l'exploration de cette histoire singulière et captivante. 

30/12/2022

Jean-Laurent Del Socorro, Morgane Pendragon, éditions Albin Michel Imaginaire

Jean-Laurent Del Socorro, Morgane Pendragon, éditions Albin Michel Imaginaire 

Dès son premier roman Boudicca, Jean-Laurent Del Socorro s'illustre en faisant des figures historiques féminines, les héroïnes de ses livres. 

Après Royaumes de Vent et de Colères, La Guerre des Trois Rois et Du Roi Je Serai L'Assassin, il a également prouvé combien sa plume se plaisait dans la réécriture de l'Histoire. 

Or, en ce début d'année 2023, il a décidé de s'attaquer au mythe arthurien en faisant la part belle à la gente féminine. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Morgane Pendragon s'ouvre sur l'échec d'Arthur à arracher l'épée d'Uther de la roche laissant ainsi la place à Morgane qui, elle, y parvient en dépit des prédictions de Merlin. Devenue reine de Logres, elle devra se lancer dans la guerre contre celles et ceux qui ne la reconnaissent pas. Or, pour fédérer ses alliés, elle a l'idée d'une table ronde pour tenir conseil et prendre les décisions ensemble. De quête en quête avec ou sans ses Epées, Morgane trace sa route au cœur du mythe pour écrire sa propre légende. Quelle sera-t-elle ? Que retiendrons nous du nouveau destin de cette femme ? Marquera-t-elle l'Histoire à jamais ? 

Mon avis :

Avec Morgane Pendragon, on foule les terres de l'uchronie du mythe arthurien. En effet, en changeant un petit détail, à savoir qui retire l'épée du rocher, Jean-Laurent Del Socorro rebat les cartes des jeux politiques qui animent la cour de Camelote. Même s'il a gardé tous les éléments notables au légendaire, Jean-Laurent Del Socorro a néanmoins pris quelques libertés bien nécessaires comme faire siéger des hommes et des femmes à la Table Ronde. Ainsi, en mettant sur le trône de Logres , Morgane, il ouvre en grand les portes de la chevalerie aux femmes. Elles quittent donc l'ambiance feutrée des salons pour endosser l'armure, participer aux joutes et à la guerre afin d'inscrire à leur tour leur nom dans la légende. Aussi, Guenièvre et Elaine prennent part aux quêtes au même titre qu'Arthur, Lancelot ou Gauvain. Si Jean-Laurent Del Socorro leur a conservé leur prestigieuse filiation avec une Guenièvre qui est toujours fille du roi Léodagan de Carmélide et une Elaine qui, quant à elle, est fille du roi Pêcheur, Pellès, gardien du Saint Graal, elles prennent davantage part ici aux évènements majeurs qui ont marqué le cycle arthurien. 

27/12/2022

J.K. Rowling, L'Ickabog, éditions Gallimard Jeunesse

J.K. Rowling, L'Ickabog, éditions Gallimard Jeunesse

Alors qu'elle planchait toujours sur Harry Potter, sa célèbre saga vendue à 500 millions d'exemplaires, J.K. Rowling a commencé son histoire de L'Ickabog

Oublié pendant un temps dans un tiroir, c'est en 2020, à l'occasion du confinement que l'autrice décide de dépoussiérer ce récit en partageant des chapitres en ligne avec sa communauté de jeunes lecteurs.

Traduit en français et édité chez Gallimard Jeunesse en décembre 2020, j'ai eu envie de profiter de ce Noël 2022 pour m'évader une nouvelle fois avec la plume délicate de J.K. Rowling.

Résumé :

Cornucopia est un royaume prospère gouverné par le roi Fred Sans Effroi. Apprécié par son peuple, la vie de ce monarque et de ses sujets s'écoulent paisiblement jusqu'au jour où sa couturière, alors très malade, se tue littéralement à la tâche en lui confectionnant un splendide costume. Une mort qui jette quelque peu la disgrâce sur ce roi décidément fort égoïste. Or, pour se racheter et étouffer un peu la honte qui lui enserre le cœur, il décide de prendre la tête d'une expédition afin de se rendre dans la région des marais car la légende raconte qu'elle serait hantée par le terrible Ickabog. Bien que peu croit en son existence, Fred Sans Effroi espère bien prouver là sa témérité et démontrer à son peuple qu'il est un bon roi prêt à prendre tous les risques pour assurer leur sécurité. Évidemment, les événements ne vont pas se passer comme prévus car le capitaine de la garde est tué accidentellement et les deux lords opportunistes qui gravitent autour du roi y voient là de quoi retourner la situation à leurs avantages en donnant notamment vie au mythe. C'est ainsi que bien des choses ont changé à Cornucopia surtout pour le pire mais heureusement deux enfants veillent. Alors peut-être qu'ils incarneront ces héros dont ce monde déclinant a tant besoin, qui sait !

Mon avis :

L'Ickabog prend cadre dans un royaume dépourvu de magie mais où subsiste une très vieille légende pour laquelle J.K. Rowling brouille les pistes laissant les lecteurs autant que les protagonistes dans le flou quant à sa réelle existence. Considéré comme un monstre à l'image du croquemitaine de notre enfance, L'Ickabog est lui aussi souvent invoqué par les parents pour calmer leurs enfants pas sages. L'existence réelle ou non d'une telle créature entre ces lignes permet à l'autrice de questionner la figure du monstre. Ici, elle distingue celle projetée par l'imaginaire populaire servant de catalyseur aux émotions et aux peurs profondes de la population et celle qui grandit, tapie au fond des âmes de certains hommes pour répondre à une soif de pouvoir ou à une pulsion de domination, ou encore consumer certains sentiments destructeurs. 

En outre, elle s'intéresse également aux mécanismes que les humains mettent en place consciemment ou inconsciemment pour accepter des situations ou des déclarations pour peu qu'elles soient annoncées par l'incarnation de l'autorité. C'est d'ailleurs une réflexion que J.K. Rowling avait déjà traité dans sa saga Harry Potter, à travers la condamnation d'Harry Potter et de ses proches pour avoir annoncé le retour du terrible Voldemort avant que cette vérité soit communément admise par tous. Dans L'Ickabog, on retrouve un peu de ce cas de figure avec l'affirmation de l'horrible duc Crachinay concernant le danger que représente cette créature qui reçoit l'adhésion du plus grand nombre en dépit du peu de preuves évidentes attestant ce fait. 

23/12/2022

Ophélie Duchemin, Rose Eternelle, éditions Plume Blanche

Ophélie Duchemin, Rose Eternelle, éditions Plume Blanche

Pour une amoureuse des livres comme Ophélie Duchemin, quoi de plus naturel que de la voir prendre la plume à son tour pour nous immerger dans de merveilleuses histoires. 

Après une première trilogie, La Lumière d'Ayvana, publiée aux éditions Sharon Skena entre 2017 et 2019, elle nous régale en 2020 d'une très belle réécriture du conte de La Belle et la Bête, publié chez Plume Blanche. 

Délicatement déposé au creux de mes souliers par le Père Noël l'an dernier, je viens enfin de me plonger dans cet envoûtant roman. 

Résumé :

Fille d'un modeste armateur, Méliane est très investie dans l'entreprise familiale même si elle préfère surtout se plonger dans les livres. Un jour, elle découvre une anomalie sur une cargaison d'un de leurs navires et décide d'investiguer, en dépit de la mise en garde de son père de ne pas s'en mêler. Or, elle va découvrir que ce trafic cache un complot ourdit par le royaume de Viduyt qui va la mettre en danger de mort, ainsi que sa famille, obligeant même la jeune femme à fuir pour tenter d'alerter les souverains. Seulement, la rumeur raconte que le roi et la reine sont décédés et que le prince héritier est porté disparu. Alors dans ces conditions, comment se fera-t-elle entendre ? Et surtout, y a-t-il réellement une bête qui rôde là-bas ? Coincée de toutes parts, Méliane n'a pas d'autre choix que d'affronter son destin ? 

Mon avis :

Pour écrire Rose Eternelle, Ophélie Duchemin s'est appuyée sur la version Disney du conte de La Belle et la Bête dont on retrouve, d'ailleurs, de nombreux clins d'œil à travers certaines scènes mythiques. Mais cette adaptation animée lui a surtout inspiré l'univers onirique de son roman. On y découvre le royaume d'Elnead, accablé par une malédiction qui pèse sur l'héritier de la couronne, laissant le champ libre à des ducs ambitieux et cupides ne rêvant que de pouvoir au détriment du peuple. Toute la féérie du texte réside dans ce domaine royal dissimulé par une forêt enchantée qui semble être capable d'empêcher la moindre intrusion. Derrière cette magie se cachent les gardiens, des êtres protéiformes pouvant autant endosser une apparence humaine qu'animale. Ainsi, ils maintiennent une barrière protectrice autour du palais royal dont la stabilité est intimement liée au châtiment qui pèse sur le prince. En effet, il est soumis à un compte à rebours au terme duquel s'il n'a trouvé personne à aimer et à se faire aimer en retour, il se verra condamné à conserver sa bestialité à jamais. 

Sans surprise, on retrouve les trois figures principales du conte, la Belle, la Bête et Gaston même si Ophélie Duchemin a beaucoup travaillé les personnages en leur donnant notamment de la profondeur à travers un passé très étoffé. 

Dans le portrait de Méliane que nous brosse l'autrice, on va retrouver les caractéristiques de la Belle puisqu'elle est une jeune femme atypique préférant la compagnie des livres à la mesquinerie des humains. Cela lui vaut la réputation d'être une personne à part qui ne rentre donc pas dans le moule social, au contraire de sa cadette qui illumine la société de sa beauté et œuvre d'arrache pied pour se trouver un bon parti à épouser. En outre, Méliane fait preuve d'un même sens du sacrifice pour le bien des siens ou d'autrui. Elle est ce genre de femme qui n'hésite pas à affronter les colères de la bête, quitte à les provoquer parfois. Ophélie Duchemin n'a pas hésité à en faire une héroïne frondeuse, indépendante et forte qui rebondit en dépit des situations critiques. Enfin, elle lui a ajouté une dose d'humour faisant d'elle un personnage piquant. Face à elle, la Bête prend les traits de l'irascible Adrian qui s'est approprié sans mal son mauvais caractère. Emporté, bougon et solitaire, on n'est pas dépaysé en renouant avec ce protagoniste. Et pourtant, l'autrice expérimente de l'inédit avec lui en distillant au compte-goutte des révélations explosives sur ses jeunes années qui nous imposent de porter sur lui un regard bienveillant. On est littéralement touché en plein cœur par son histoire, ce qui rend d'ailleurs le lien qui l'unit à Méliane encore plus précieux. Ophélie Duchemin confronte ses personnages à de vraies problématiques familiales entrainant des troubles et des traumatismes psychologiques qu'elle aborde d'ailleurs longuement ici. Quant au détestable Gaston, l'autrice en a fait quelque chose d'intéressant puisqu'elle a disséminé un peu de son odieux caractère dans deux de ses personnages. Sans rentrer plus précisément dans les détails et respecter ainsi le plaisir de la découverte, je ne dirais rien sur leur identité, seulement que l'ignoble peut s'installer dans plus d'un cœur et pousser les âmes aux pires forfaitures.