L'influence du "gaming" à la littérature

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12/03/2021

Basile Cendre, La Descente ou la Chute, éditions Les Moutons électriques

Basile Cendre, La Descente ou la Chute, éditions Les Moutons électriques

Pour marquer le retour des Pépites de l'Imaginaire, Les Moutons électriques donnent la parole à une nouvelle voix. Fidèle à leur ligne éditoriale, ils nous proposent avec La Descente ou la Chute de Basile Cendre, un récit singulier à la croisée des genres. 

Avant de commencer, je tiens à remercier Erwan, ainsi que Les Moutons électriques pour l'envoi de ce service de presse. 

Ce roman nous attache aux pas de Loup. Au bord du précipice, là-haut, au sommet des montagnes de ferrailles, c'est là qu'il vit. Sous la houlette de son mentor, il a appris à appréhender son vertige. Descendre pour explorer les premiers degrés de ce monticule gigantesque lui est familier. Mais voilà que le désir d'aller plus loin, de descendre jusqu'aux titans endormis le titille. L'envie de découvrir les secrets enfouis le poussera-t-il à tenter la descente ? Ou finira-t-il par succomber à l'appel des ombres dans une chute vertigineuse ? 

Dans La Descente ou la Chute, Basile Cendre a construit un monde apocalyptique fait de bric et de broc. La Terre est recouverte par des tonnes de ferrailles, formant de véritables montagnes. C'est au sommet de ces monts que vivent maintenant les humains. Leurs habitations sont constituées d’éléments récoltés ici ou là dans le tas de ferrailles, situé sous leurs pieds. Régulièrement, ils descendent explorer les lieux en quête de trésors oubliés car par la force des choses, ils sont devenus des ferrailleurs. Ici, l'auteur nous dessine les contours d'un monde post-industriel qui a subit un cataclysme de grande envergure laissant la planète meurtrie et étouffée. Un monde qui a sonné le glas de la nature entraînant la disparition des végétaux et des animaux. Ainsi, ne subsiste qu'une poignée d'humains qui survivent tant bien que mal. Par le prisme de l'imaginaire, l'auteur alerte sur le danger et l'absurdité des excès comme celui de la surconsommation. 

Cependant, quand on poursuit notre exploration de cet univers, on y découvre d'autres influences. En effet, la présence des titans tend à nous rappeler la mythologie grecque. Enfermés au fond du gouffre, ces mythiques géants dorment d'un sommeil agité. Chacun de leurs soubresauts donne naissance à une brume toxique et dangereuse. Peuplée de fantômes qui ont fusionné ensemble, cette brume chuchote aux téméraires ferrailleurs de douces promesses d'oubli ou attaque avec violence quand on lui résiste. Telles des créatures ténébreuses, elles prennent parfois la forme de lycanthropes prêts à mordre afin de transformer leurs victimes en l'un des leurs.

En s'engageant sur ce périlleux chemin, Loup nous apparaît comme Ulysse dans son Odyssée, parti explorer un monde sombre et dangereux avec pour seul garde-fou, un fil le reliant au sommet. Justement ce fil que l'on pourrait qualifier de corde dans le jargon des montagnards, occupe une place prépondérante dans ce roman. Il incarne son dernier lien avec les hauteurs. Véritable compagnon pour Loup, ce fil représente autant son salut que son seul moyen de communication avec la surface qui s'exprime, d'ailleurs, à la manière du morse. Cordon ombilical ou fil d'Ariane, il est un élément vital à la mission que s'est donnée Loup car il lui permettra de retrouver son chemin. 

Dans La Descente ou la Chute, on rencontre une communauté hétéroclite de personnages. Basile Cendre nous donne assez de matière pour en apprécier certains ou au contraire, en détester d'autres. Néanmoins, c'est à Loup à qui revient les faveurs de l'auteur puisque c'est son personnage principal mais aussi l'unique narrateur de cette histoire. Avide de liberté et de savoir, Loup décide de braver ses peurs en tentant la descente. Au fil des épreuves, on lui découvre de nouvelles facettes : courage, témérité et solidarité. Vaincre la noirceur et amener la lumière n'est pas une mission facile ni sans risque. Mais comme tous ferrailleur, il n'est pas exempt d'obscurité. Pour preuve avec les rêves tourmentés qu'il fait chaque nuit. Hanté par son passé, il devra surmonter toutes ses failles pour trouver la clé de ce qu'il est venu chercher en bas : la liberté. 

La Descente ou la Chute nous ouvre les portes sur une fantasy baroque, hybride d'influences multiples. 

Avec une écriture stylisée, tantôt poétique, tantôt métaphorique, Basile Cendre nous entraîne dans un périple haletant à travers un monde aux mille nuances. 

Incisive et âpre, la fantasy de cette jeune plume nous promet une évasion littéraire turbulente et inattendue. 

Basile Cendre signe ici un roman de fantasy brillant, doublé d'un conte philosophique éclairant. 

Fantasy à la Carte

Informations

Basile Cendre
La Descente ou la Chute
978-2-36183-690-0
272 pages
    Editions Les Moutons électriques

09/03/2021

Orson Scott Card, Le Compagnon, tome 4, Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur, éditions L'Atalante

Orson Scott Card, Le Compagnon, tome 4, 
Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur
éditions L'Atalante

Quand on se lance dans la lecture des Chroniques d'Alvin Le Faiseur d'Orson Scott Card, on se rend très vite compte que s'en détacher devient, au fil des livres, de plus en plus difficile. En tout cas, c'est la réflexion que je me suis faite en refermant, il y a peu, le troisième tome. 

Mais heureusement, les éditions L'Atalante m'ont fait la surprise de m'envoyer le tome 4. Je les remercie ainsi qu'Emma pour ce nouveau partenariat qui me donne l'occasion de continuer de vous parler de cet incontournable du genre

Dans ce quatrième opus, Alvin est de retour à Hatrack River, en compagnie d'Arthur Stuart. Seulement, la joie des retrouvailles avec le père adoptif d'Arthur est vite gâchée par la plainte de vol, déposée à son encontre par son ancien patron, Conciliant Smith. Il l'accuse de lui avoir dérobé de l'or pour réaliser le soc de charrue, marquant le début de son compagnonnage. Bien que le motif soit ridicule, Alvin n'en est pas moins emprisonné le temps de son jugement. Clairement, cette affaire sent la malveillance. Maintenant est de savoir si le Défaiseur est en cause ou s'il s'agit d'autre ennemis ? Alvin sait que ses prochains jours seront compliqués. Mais ce qu'il ignore encore, c'est que la trahison pourrait venir de son entourage proche. En effet, à quoi s'attendre d'autre quand son propre frère a développé une telle jalousie qu'il choisit de s'éloigner afin de se forger de nouvelles armes à utiliser contre lui. 

Dans Le Compagnon, Orson Scott Card a divisé son récit en deux temps d'action avec d'un côté, les péripéties que subit Alvin et de l'autre côté, les manigances que fomente Calvin. A travers ces deux personnages, l'auteur explore les deux facettes de la personnalité d'un Faiseur car ils sont bien les 7e fils d'un 7e fils alors ils disposent des mêmes pouvoirs de Faiseur. Seulement, l'un incarne le Bien et l'autre, le Mal. 

Dans ce quatrième volet, l'auteur introduit de nouveaux personnages ou donne de l'importance à certains. C'est le cas de Calvin qui en grandissant a pris son frère en grippe. Or, en se laissant complètement submergé par la jalousie et la haine, il devient l'instrument idéal du Défaiseur pour nuire à Alvin. Dernier de la fratrie, il n'a pas réussi à y trouver sa place. Il se sent comme un laissé-pour-compte et tient Alvin pour entièrement responsable de cette situation. Il voudrait, lui aussi, être reconnu comme un Faiseur à part entière, seulement il ne sait pas comment faire. Toute cette rancœur accumulée va faire de lui un ennemi mortel pour Alvin. Finalement, à travers eux, Orson Scott Card revisite le mythe d'Abel et de Caïn, même si dans son récit, il inverse les rôles. Cela nous donne déjà des pistes quant à la tournure que l'auteur va donner à la suite de son intrigue. 

Cependant, chemin faisant, Alvin noue également de belles et solides amitiés comme avec En-Vérité Cooper qui souhaite comprendre la nature et la portée de ses propres pouvoirs et vient donc s'en remettre au Faiseur. C'est ainsi que cela se passe quand un Faiseur naît, il en attire d'autres. Au fil des pages de cette saga, Alvin s'entoure de personnes ayant le don ou maîtrisant des sortilèges. Or, la présence de tous ces détenteurs de pouvoir va lui permettre d'accomplir son oeuvre et de mettre ainsi en échec le Défaiseur. 

Dans Le Compagnon, la magie n'est donc pas seulement du fait d'Alvin. De plus, Orson Scott Card nous ouvre parfois la porte sur un autre espace-temps qui réduit considérablement les distances rien qu'en traversant une porte. Cela ancre son récit dans un ésotérisme qui s'affirme de plus en plus. 

D'autre part, en filigrane de l'intrigue que l'auteur tisse, on retrouve les grandes thématiques qui ont été au cœur des fondements des Etats-Unis d'Amérique : l'indépendance, la nation, l'égalité et l'abolition de l'esclavage. Orson Scott Card a à cœur de rattacher sa fantasy à la genèse du Nouveau Monde. En conséquence, il n'hésite pas  à peupler son uchronie de grandes figures du passé. C'est ainsi que l'on recroise la route d'un Napoléon Bonaparte, souffrant de la goutte que Calvin espère manipuler en agitant ses dons de guérisseur pour apprendre auprès de celui qui a régné un temps sur l'Europe. Plus étonnant encore est cette étrange amitié que ce dernier a noué avec un certain Honoré, poète sans le sou qui anime les salons de son verbe haut. 

Dans ce livre, les clins d’œil ne manquent pas comme celui adressé à J.R.R. Tolkien afin de nous rappeler, sans doute, ce que l'on doit au père fondateur du genre, même si depuis les écrivains se sont totalement affranchis du cadre. 

Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur ont donné une pleine liberté d'écriture à Orson Scott Card lui permettant ainsi  de jouer entre la réalité et la fiction. 

Remarquablement bien écrit, cette saga nous embarque avec fluidité au point de rendre la séparation chaque fois plus douloureuse. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mes avis sur Le Septième Fils, Le Prophète Rouge et L'Apprenti


Informations

Orson Scott Card
Le Compagnon
Tome 4
Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur
9791036000676
480 pages
Editions L'Atalante

06/03/2021

Sylviane Corgiat & Bruno Lecigne, Le Jeu de la Trame, éditions Mnémos

Sylviane Corgiat & Bruno Lecigne, Le Jeu de la Trame, éditions Mnémos

Co-écrit par deux auteurs de science-fiction, Le Jeu de la Trame est, d'abord, paru chez Fleuve Noir, dans les années 80, sous la forme de quatre romans. Or, les éditions Mnémos viennent de dépoussiérer ce cycle en le rééditant en un intégrale. Quelle merveilleuse idée que d'offrir à de nouveaux lecteurs l'opportunité de découvrir cette incroyable oeuvre de fantasyC'est donc à quatre mains que Bruno Lecigne et Sylviane Corgiat se sont attelés à l'écriture de ce cycle. 

Reçu en service de presse, je remercie Estelle Hamelin et les éditions Mnémos pour l'envoi de ce livre.

Le Rêve et L'Assassin 

Ce premier tome s'ouvre sur Keido, un jeune homme de bonne famille qui vit paisiblement dans la demeure paternelle avec sa sœur. Tous deux entretiennent une relation forte et fusionnelle. Tout bascule lorsque son père souhaite de l'unir à la fille d'un notable voisin. Pour échapper au chagrin de voir son frère perdu à jamais, Kirikine choisit de s'ôter la vie. Ce suicide, Keido ne l'accepte pas, alors il décide de se lancer dans l'étrange quête de réunir les 39 cartes du jeu de la trame car selon la légende, elles donneraient le pouvoir de ressusciter les morts. 

L'Araignée

On retrouve Keido qui poursuit sa traque des cartes magiques. Après en avoir récupéré deux de haute lutte auprès de puissants seigneurs rivaux, le voici qui s'embarque vers une nouvelle destination, peut-être encore plus dangereuse. Il s'agira, cette fois-ci, d'infiltrer une secte, composée exclusivement de femmes aveugles, tellement endoctrinées que le jeune homme ne devra pas sous-estimer pour espérer tromper ces esprits rusés et arriver à ses fins...

Le Souffle de Cristal

Dans ce nouveau volet, les pérégrinations de Keido vont l'amener à traverser clandestinement la muraille de pierres pour s'aventurer dans les Terres de Cendre. Seulement, fouler cette terre aride et hostile ne sera pas sans danger sans pour autant être un gage de réussite pour mener à bien sa démarche insensée. 

Le Masque d’Écailles

Toujours dans le territoire des Cendreux, Keido s'entête et rejoint le palais d'un seigneur des Terres Fertiles exilé, dissimulé dans des grottes. Aveuglé par son obsession pour les cartes, il pourrait se heurter à une découverte majeure sur le jeu de la trame. Mais sera-t-il prêt à l'entendre ? 

Constitué de quatre romans, Le Jeu de la Trame est un récit efficace. Le fait d'avoir bénéficié du concours de deux écrivains y est sans doute pour quelque chose. En effet, comme chaque version écrite par l'un a été retravaillée par l'autre, comme le souligne Bruno Lecigne dans la préface, cela a donné naissance à un cycle remarquablement bien écrit et d'une grande fluidité. Sylviane Corgiat et Bruno Lecigne y enchaînent des chapitres courts où l'action est menée tambour battant

L'intrigue se cristallise autour d'un seul personnage, prénommé Keido qui ne craint pas d'affronter mille dangers pour ramener sa sœur d'entre les morts. Keido est un protagoniste troublé. Incestueux et violent, il n'agit que par intérêt personnel. Bien loin de l'archétype du héros menant une quête pour le bien collectif, Bruno Lecigne et Sylviane Corgiat ont cassé les codes pour nous proposer ici un anti-héros. Âme damnée, ce sombre personnage laisse derrière lui un sillage pour le moins sanglant car il n'hésite pas à assassiner à tour de bras. Avec un tel portrait, il serait légitime de le détester. Et pourtant, il n'en est rien car Keido est un être troublant. Plein de failles, il mène aveuglement sa mission par amour pour sa sœur. Je vous accorde que cette adoration a quelque chose de dérangeant, d'autant qu'il la voit partout, elle s'incarne même dans chacune de ses rencontres féminines. Cependant, torturé par cet amour inavouable, on est captivé par ce héros ambivalent. Narrateur principal de ce récit, on suit ses aventures avec une certaine fascination. D'autant que ce n'est même pas un guerrier, contrairement à ce qu'il veut faire croire à ceux qu'il rencontre. Usurpateur jusqu'au bout, ce piètre combattant n'obtient finalement ce qu'il souhaite que par la ruse et la fourberie. En mettant en exergue un personnage aussi atypique, les auteurs s'assurent déjà toute notre attention.

D'autre part, Le Jeu de la Trame met également l'accent sur une magie très particulière qui se manifeste par l'intermédiaire de cartes tissées en soie. Elles sont au nombre de 39 et confèrent à son détenteur un panel varié de pouvoirs. Ces cartes sont étroitement liées à l'existence du monde dans lequel évolue Keido. En effet, afin de protéger les Terres Fertiles du feu, un empereur a fait ériger autour d'elles une grande muraille de pierres, percée de 39 portes. Chaque porte est gardée par un seigneur à qui l'empereur a remis une carte avec la consigne de ne jamais les réunir. Mais relayée au plan du mythe, l'intégralité de la légende s'est perdue au fil du temps. 

En lisant Le Jeu de la Trame, on identifie rapidement les influences asiatiques qui viennent colorer cet univers d'un exotisme et d'un érotisme très marqués. Ainsi, cette muraille de pierres apparaît comme un clin d’œil à la Chine impériale moyenâgeuse. Ici, elle sert de barrière naturelle pour empêcher l'invasion des Cendreux et du mal du feu qui enflamme autant les hommes que les terres. 

Plus on s'enfonce dans l'histoire, plus on découvre un monde étrange et inquiétant. En compagnie de Keido, on traverse fiévreusement ce désert où naissent des créatures de feu à l'aspect vaguement humanoïde, dont le but est d'enflammer tout ce qu'ils rencontrent.

En outre, pour apporter du crédit à l'univers qu'ils ont imaginé, Bruno Lecigne et Sylviane Corgiat ont notamment ajouter en annexes, un index des archives et des manuscrits, conservés dans une bibliothèque afin de servir de mémoire à ce passé fondateur. En effet, la mention de ces documents : traités, poèmes, biographies ou encore dictionnaires sont autant d’éléments qui viennent donner corps à l'Histoire de ce monde imaginaire. 

Le Jeu de la Trame nous offre donc une épopée de fantasy orientale qui mêlent habilement sensualité, folie et violence. 

Avec ce cycle, les auteurs ont voulu marquer une rupture avec les canons du genre autant du point de vue de la construction de leur univers que du héros qu'ils ont choisi de mettre en scène. En écrivant un tel récit, Bruno Lecigne et Sylviane Corgiat se sont distingués en proposant un texte novateur et passionnant. 

Ainsi, les auteurs donnent à la fantasy un vrai souffle de liberté et d'originalité. Or, si d'aventure, vous ne l'avez pas encore lu, je vous invite chaudement à le faire car c'est une très belle pépite qui apporte beaucoup à cette littérature de l’Imaginaire. Pour moi, c'est assurément un coup de cœur. 

Fantasy à la Carte

Informations

Sylviane Corgiat & Bruno Lecigne
Le Jeu de la Trame
512 pages
978-2-35408-779-1
Editions Mnémos

02/03/2021

Christophe Misraki, La Prophétie de L'Arbre, tome 1, La trilogie du PanDaemon, Outrefleuve éditions

Christophe Misraki, La Prophétie de L'Arbre, tome 1, 
La trilogie du PanDaemon, Outrefleuve éditions

Avec la sortie de La Prophétie de L'Arbre, les éditions Outrefleuve ont endossé leur casquette de dénicheur de talents. Christophe Misraki est une nouvelle plume de fantasy française qui signe avec ce premier roman, un récit aussi ambitieux que prometteur. 

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je remercie Laure Peduzzi et Outrefleuve pour avoir rendu possible ce partenariat. 

Il y a 1400 ans, les Forces du Bien l'ont emporté sur les Malévolents en les renvoyant dans les limbes. Depuis la paix est revenue même si le monde a éclaté éparpillant les peuples un peu partout. Dans le Comté d'Erceph, le Comte Portor s'apprête à transmettre le pouvoir à sa fille aînée, Sarah. Cette transmission surviendra lorsque l'Entité qu'il porte en son cœur le quittera pour se loger dans celui de sa fille. Seulement des forces maléfiques semblent à l'oeuvre pour empêcher cette transmission. Qu'une femme accède au pouvoir est fortement contestée. Trahi par son entourage, Eden Portor ne sait plus à qui se fier et voit des ennemis partout. Pour Kern, le fiancé de Sarah et Elmyn, son cousin, il faut remettre la main sur ce qui a été dérobé à cette dernière afin qu'elle retrouve son intégrité. Par la même l'occasion, cela leur permettra de comprendre les raisons de cet acte ignoble. C'est ainsi, qu'ils s'embarquent dans une folle quête, quitte à braver la haute autorité.

Dans La Prophétie de L'Arbre, on pénètre dans un univers fabuleux, élaboré avec une grande minutie. En effet, Christophe Misraki a inséré son récit dans un monde imaginaire qu'il a appelé Porminide. Il est né suite au Conflit originel qui a renvoyé les Malévolents dans le PanDaemon. Dans cet univers, on retrouve de nombreuses peuplades aux caractéristiques et aux modes de vie différents. Ainsi, certaines vivent sous l'océan, alors que d'autres occupent le désert ou la forêt. Parmi ces peuples, il y a des humains qui se sont regroupés en Sept Provinces, gouvernées par un Suzerain qui détient en son cœur l'Entité, un puissant artefact lui conférant de nombreux pouvoirs et assurant à l'ensemble une protection pour faire face à toute menace extérieure. Or, contrairement à ce que pensent, depuis 1400 ans, les Forces du Bien, les Malévolents n'ont pas été éradiqués mais se sont simplement réfugiés dans le PanDaemon où ils œuvrent à créer une société constituée des Hordes, réunissant divers serviteurs comme les Diables, les daraïs, les nermacks ou encore les yeenars. Leur but est de préparer la reconquête du pouvoir. Au fil des pages, on prend la mesure du travail colossal que l'auteur a réalisé pour créer un monde aussi cohérent et détaillé. Je dois dire que le résultat est assez bluffant. 

Porté par une multitude de personnages, Christophe Misraki nous propose un récit choral dans lequel on découvre un monde avec ses enjeux et ses menaces, autant du point de vue des Humains, des Tuins, des Toua-Elar que des Diables. Ainsi, l'auteur nous fait virevolter d'un camp à l'autre pour nous permettre de mieux comprendre l'ampleur de ce qui est en jeu ici. En mettant en scène une pléiade de protagonistes, il s'assure aussi l'attachement de ses lecteurs au moins sur certains d'entre eux. 

Parmi les figures importantes de ce premier roman, il y a Kern Devaraïn qui prend la tête d'une expédition pour venger sa fiancée et comprendre les motifs qui se cachent derrière son assassinat. Bien qu'effacé au début de cette quête, Kern va s'imposer comme l'une des clés de ce récit. Or, c'est grâce à Massili Og'Turuk qu'il prend conscience du rôle important qu'il devra jouer. Ainsi, Massili ne fait pas seulement partie du décorum. Elle n'est donc pas la simple paysanne provinciale que l'on pourrait penser au premier abord. Elle sait tirer partie des situations et voit dans sa rencontre avec Kern, l'occasion de s'élever à son tour. D'ailleurs, elle n'est pas le seul personnage féminin qui endosse ce rôle de déclencheur. Maona, l'épouse du Comte Portor sait également tirer quelques ficelles dans l'ombre de son mari pour influencer certaines situations. Dans cette trilogie, les femmes ne manquent pas et leur pouvoir est au cœur même de l'enjeu de ce récit puisque l'existence de Sarah Portor comme héritière de l'Entité du Comté d'Erceph en dérangeait plus d'un et a nécessité l'usage de moyens radicaux pour régler le problème. Autre voix féminine qui se fait entendre est celle de Sorann, une puissante utilisatrice qui gravite autour du Comte Portor. Âme bienveillante, elle veille notamment au bon déroulement de la quête de Kern, quitte à se mettre en danger en attirant l'attention de l'ennemi. Quant à Eden Portor, il apparaît comme la figure emblématique de ce premier tome. C'est un homme fier et têtu mais dont l'ignorance pourrait bien conduire sa province à sa perte.

Spectateurs de ces multiples destins, on découvre à travers eux, un monde déchiré, propice aux complots et à la trahison. En effet, l'auteur insère dans son texte de nombreuses intrigues où le mensonge et la manipulation occupent une place de choix.

La Prophétie de L'Arbre est une oeuvre foisonnante autant du point de vue de la construction de l'univers qui sert de cadre à l'histoire que dans la foultitude des héros que l'auteur met en scène. 

Comme souvent en littérature fantasy, la magie est un éléments fondamental du récit. D'ailleurs, ici on ne parle pas de magiciens mais plutôt d'utilisateurs. Elle y est davantage introspective, nécessitant chez le détenteur de pouvoirs de faire preuve d'une capacité méditative pour entrer en contact avec ce qu'ils souhaitent toucher. 

Autre élément fort de ce texte est la prophétie. Comme le titre du roman l'indique, elle occupe ici une place centrale car toutes les interprétations des prophéties, édictées par Arkharon orientent les actions des protagonistes de Christophe Misraki. Elles servent les obédiences, les clans et autres confréries qui agissent dans l'ombre du pouvoir afin de favoriser leurs propres intérêts. Ainsi, l'auteur ponctue chacun de ses chapitres par l'une de ces prophéties qui sert à éclairer le lecteur sur ce qu'il va d'ailleurs trouver dans ledit chapitre. A travers ce procédé, il a repris un motif important du genre tout en faisant preuve d'un grand souci du détail donnant une vraie crédibilité à son univers. 

Avec La Prophétie de L'Arbre, Christophe Misraki se fait l'auteur d'une oeuvre très riche qu'il faut se laisser le temps d'apprivoiser. C'est un premier texte puissant qui renoue avec les racines du genre. Ce premier roman se lit comme un coup de cœur autant pour la pluralité des histoires contées que pour la richesse de l'univers construit. 

Fantasy à la Carte

Informations

Christophe Misraki
La Prophétie de L'Arbre
Tome 1
La Trilogie du PanDaemon
978-2-265-15522-0
600 pages
Outrefleuve éditions

26/02/2021

Agostinho Moreira, Le Sceptre de Râ, tome 1, L'Ombre de Ravana, éditions Kelach

Agostinho Moreira, Le Sceptre de Râ, tome 2, 
L'Ombre de Ravana, éditions Kelach

Il y a quelques semaines, j'ai été contactée par les éditions Kelach qui m'ont proposé de faire connaissance avec leurs différentes collections par l'intermédiaire de partenariats. 

Après avoir longuement étudié leurs parutions, mon choix s'est d'abord arrêté sur Le Sceptre de Râ d'Agostinho Moreira. C'est le premier roman de cet auteur et je dois dire que la quatrième de couverture m'a sérieusement donné envie de le lire. 

Je remercie, d'ailleurs, l'éditeur pour l'envoi de ce service de presse.

Dans Le Sceptre de Râ, on suit les aventures improbables de Franz Meyer, un érudit qui se retrouve chargé d'une bien étrange mission. En effet, après avoir reçu de la part d'un inconnu, un vase égyptien étonnamment bien conservé et avoir décrypté le message gravé dessus, Franz n'a pas d'autres choix que de s'envoler pour le Caire afin de trouver une relique sacrée, le sceptre de Râ. C'est d'ailleurs le dieu à tête de faucon lui-même qui l’exhorte d'agir le plus vite possible car les sbires du démon Ravana sont également sur la piste de l'artefact. Or, si par malheur celui-ci tombait entre ses mains, c'est toute l'humanité qui s'en trouverait menacée. Aidé dans sa quête par son neveu, Franz réussira-t-il à déjouer les plans maléfiques de cet être démoniaque et à sauver l’humanité du funeste destin qui la guette ? 

Avec Le Sceptre de Râ, Agostinho Moreira signe un roman d'aventure teinté de fantastique. Construit sur le même schéma que les films Indiana Jones de Steven Spielberg, l'auteur explore cette fameuse thématique de la quête de trésors archéologiques tout en confrontant ses héros aux mythes et aux croyances locales. Ici, il nous entraîne en Egypte et revisite sa mythologie, à travers la présence du dieu du soleil, Râ. Il s'agit pour les héros d'Agostinho Moreira de trouver son sceptre afin de le mettre en sécurité ou de le détruire si nécessaire car c'est un puissant artefact, capable de redonner la vie aux défunts. Or, un esprit maléfique espère s'en emparer pour ressusciter et dominer le monde. En outre, l'auteur introduit dans son récit d'autres figures de l'Egypte avec la présence de Djoser ou tout du moins de son esprit qui accompagne et guide les protagonistes dans leurs recherches. Djoser n'est autre que Djéser, le premier roi de la IIIe dynastie, également considéré comme le fondateur de l'ancien empire. Deux figures de l'Egypte antique qui donne l'occasion à l'auteur d'inscrire son récit dans du fantastique. Bénéfiques ou maléfiques, ces êtres surnaturels interviennent dans la vie de leur élu pour les aider à accomplir leur mission respective. Ainsi, l'auteur ponctue son texte d'objets ensorcelés et de portails s'ouvrant sur des réalités parallèles. Cela donne au livre son caractère surnaturel et colore l'aventure d'un soupçon de danger. Pour ma part, j'apprécie beaucoup l'idée de cette chasse au trésor traquée par des poursuivants dangereux. Je trouve l'idée excellente, d'autant qu'elle nous fait voyager jusqu'au Caire. 

D'autre part, le fait de mettre en scène que peu de personnages est un choix judicieux car cela facilite grandement l'immersion des lecteurs. Malheureusement pour moi, je n'ai pas réussi à m'attacher réellement aux personnages. Je les aurais sans doute voulu plus fouillés. Et je dois avouer que le neveu m'a souvent un tantinet agacé, ce qui n'a rien arrangé. C'est le petit bémol de cette lecture.

Néanmoins, l'histoire se tient et pour les amoureux de mythologie égyptienne, cette petite escapade sur les terres des pharaons nous fait passer un moment de lecture riche en aventures. 

Avec ce premier livre, Agostinho Moreira nous ouvre la porte sur un imaginaire qui nous réserve sans doute encore son lot de surprises pour les prochains tomes. 

Fantasy à la Carte

Informations

Agostinho Moreira
Le Sceptre de Râ
Tome 1
L'Ombre de Ravana
978-2-490647-37-8
362 pages
Editions Kelach