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19/02/2021

Guy Gavriel Kay, Le Seigneur des Empereurs, tome 2, La Mosaïque Sarantine, éditions L'Atalante

Guy Gavriel Kay, Le Seigneur des Empereurs, tome 2, 
La Mosaïque Sarantine, éditions L'Atalante

Le Seigneur des Empereurs est le roman qui prend la suite de Voile vers Sarance de Guy Gavriel Kay. Comme tous les lecteurs de La Mosaïque Sarantine, j'avais hâte de me replonger dans cet univers dense et très immersif. 

Mais avant de commencer à vous parler plus en détails de ce second volet, je tiens à remercier Emma et les éditions L'Atalante pour l'envoi de ce service de presse. 

Dans Le Seigneur des Empereurs, on retourne auprès de Caius Crispin, le mosaïste mandaté par l'empereur Valérius II pour réaliser les décors de sa basilique. Alors que son oeuvre commence à prendre forme, il est entraîné, malgré lui, dans un tourbillon d'événements qui vont vite le dépasser. Seulement fréquenter le pouvoir de trop près n'est pas sans risque pour qui n'y fait pas attention. Ce n'est pas Rustem de Kerakek qui dira le contraire. En sauvant la vie du roi des rois, il a vu la sienne prendre un tournant inattendu. En effet, le voici en route pour Sarance, chargé d'une mission délicate. Mais pourra-t-il seulement la mener à bien et violer ainsi son serment d’Hippocrate. Deux hommes du peuple que rien ne destinait à se rencontrer mais qui vont jouer, sans le savoir, un rôle capital dans l'avenir de l'empire. 

Avec Le Seigneur des Empereurs, on retourne à Sarance. Cadre principal de l'action de ce cycle, Sarance incarne autant un personnage propre qu'un univers à part entière. En effet, la cité prend une telle importance sous la plume de l'auteur qu'il la place finalement au même niveau que ses personnages. Elle arbore bien des visages : secrète, chatoyante ou vibrante. Dangereuse pour certains et bienveillante pour les autres, nul ne peut prédire comment il y sera accueilli. On l'a très vite compris, Sarance est la métaphore de la mythique Byzance. Elle partage cette même passion pour les courses de chars. Ainsi, la vie des Sarantins semble s'articuler autour de l'hippodrome. On y retrouve d'ailleurs les quatre fameuses factions rivales : les Verts associés aux Rouges et les Bleus associés aux Blancs. Constituées des supporteurs et des organisateurs des courses de chars, ces factions sont vite devenues des oppositions politiques et religieuses qui n'hésitaient pas à créer des émeutes, notamment pour montrer leur mécontentement devant la préférence de l'empereur en place pour l'une d'elles. Dans ce cycle, Guy Gavriel Kay nous immerge dans l'ambiance survoltée de ces événements sportifs où les paris vont bon train et où, la victoire ou la défaite peut vite faire perdre la tête. 

Pour renforcer l'énervement ambiant, l'auteur a ajouté à son texte de nombreux chassés-croisés amoureux et autres passions passagères qui consument autant les cœurs que les corps. Ainsi, Sarance se veut tumultueuse, elle est comme un cœur qui bat. Enivrante ou inquiétante, ses rues ne sont pas toujours très sûres. La nuit, le feu sarantin peut même, sans crier gare, consumer les âmes égarées. Une sombre magie semble à l'œuvre car sinon comment expliquer le phénomène de ces étranges combustions spontanées. 

Dans Le Seigneur des Empereurs, Guy Gavriel Kay a donc choisi deux narrateurs pour nous conter la suite des événements. Crispin qui reste égal à lui-même, il est toujours aussi noble cœur, un tantinet soupe au lait et assurément une tête de mule. Il reste fidèle aux causes qui lui semblent justes, quitte à se mettre en danger. L'autre personnage masculin que l'on découvre dans ce second volet est l'étonnant médecin Rustem. Pondéré et sagace, c'est un excellent observateur qui sait se jouer des situations pour arriver à ses fins. Il trace son chemin dans la cité et nous étonne par ses choix. Qui sait ce que l'avenir lui réserve. 

Même s'il est vrai que Guy Gavriel Kay a choisi deux hommes pour être les rapporteurs de cette fabuleuse intrigue, il n'en demeure pas moins qu'ils sont surtout là pour mettre en exergue un quatuor de femmes. Outre l'impératrice Alixana et la reine Gisèle qui se disputent le pouvoir sur le devant de la scène, dans les coulisses, deux autres femmes sont également à l'œuvre. Il y a déjà Shirin qui, du fait de son statut de danseuse, nous rappelle par bien des manières la fière impératrice dont elle est finalement très proche. Maîtresse de nombreux hommes, la favorite des Verts a su s'imposer dans la cité et même influer sur la politique menée. Elle sera une alliée de choix pour Crispin en l'aidant, notamment, à évoluer parmi les vipères qui gravitent autour de l'empereur. Enfin, il y a l'intrigante et secrète Styliane Daleina. Belle, autoritaire, inaccessible, Crispin tombe sous le charme de cette femme. Mais Styliane est tel un serpent qui hypnotise sa proie pour arriver à ses fins. A ce titre, elle est sans doute la plus dangereuse des quatre. 

La Mosaïque Sarantine est une ode à la féminité et à l'ingéniosité dont peuvent faire preuve les femmes pour obtenir ce qu'elles souhaitent. L'auteur nous brosse un portrait flatteur de femmes aussi magnétiques qu'éblouissantes. Contrairement aux apparences, elles ne sont, en aucune façon, l'ombre de leurs hommes car ce sont elles qui détiennent le vrai pouvoir dans ce récit. 

Avec Le Seigneur des Empereurs, l'auteur nous offre une œuvre foisonnante, riche de folles passions, d'amitiés indéfectibles et d'intrigues de cour captivantes. 

Malgré la densité du récit, j'ai dévoré avec plaisir chaque chapitre et apprécié chacune de ses lignes. Je vous le recommande ! 

Avec La Mosaïque Sarantine, Guy Gavriel Kay signe donc une fantasy orientale étourdissante. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mon avis sur le tome 1,  Voile Vers Sarance

Informations

Guy Gavriel Kay
Le Seigneur des Empereurs
Tome 2
La Mosaïque Sarantine
608 pages
9791036000584
Editions L'Atalante

12/02/2021

Ronald Malfi, Blanc d'Os, éditions du Seuil

Ronald Malfi, Blanc d'os, éditions du Seuil

Ronald Malfi est un romancier américain qui s'épanouit dans l'écriture de thrillers ou de fictions d'horreur. Blanc d'os est son premier roman qui est édité en France. Je remercie les éditions du Seuil pour l'envoi surprise de ce service de presse. J'avoue avoir été troublée par la lecture de la quatrième de couverture. 

Cela fait un an que son frère n'a plus donné signe de vie, depuis Paul Gallo est hanté. Son dernier message lui a été envoyé depuis une bourgade perdue d'Alaska. Là-bas, nul n'a su dire aux autorités ce qu'il était advenu de lui. Après tout, chaque année, on dénombre pas moins de 2000 disparitions en Alaska. Or, cette petite ville de Dread's Hand refait parler d'elle car un charnier vient d'y être découvert. Huit corps ont été déterrés. Et si son frère faisait partie des victimes ? Paul n'a qu'une certitude, se rendre sur place et peut-être afin connaître la vérité.

Avec Blanc d'os, Ronald Malfi se fait l'auteur d'un récit prenant au suspense glaçant.

Le premier point fort que l'on peut relever concerne l'ambiance que les lieux décrits dégagent. Le bourg de Dread's Hand est oppressant, les habitants y sont même inquiétants. Leur froideur, leur indifférence vous glacent jusqu'à l'os. Fraîchement débarqué, Paul va se heurter à leur silence. Ils sont fuyants, distants, voire agressifs. Ils lui font très vite comprendre qu'il n'est pas le bienvenu. Et puis, des rumeurs circulent sur l'histoire de la ville. Il y a eu d'autres morts violentes : crimes ou malheureux accidents. Les gens sont superstitieux, ils croient à l'existence du diable. C'est la seule explication qui peut justifier l'innommable. 

Or, Ronald Malfi nous balade d'un bout à l'autre de son roman avec la même interrogation : est ce qu'une créature maléfique agit dans l'ombre ou est-ce simplement la solitude des lieux qui a fait sombrer de pauvres pécheurs dans la folie ? 

Avec Blanc d'os, l'auteur agit sur nos nerfs, l'ambiance est bien immersive, le glauque y est juste authentique. La forêt qui entoure Dread's Hand est sombre et hostile. Elle fait remonter toutes nos peurs enfantines et nous laisse penser que le croquemitaine s'y cache peut-être. 

L'autre point fort repose bien évidemment sur les personnages charismatiques de ce livre. Je pense, notamment, à son héros principal dont l'ombre de son frère plane continuellement sur lui. Ronald Malfi met en avant ici la singularité de la gémellité. Il insiste sur les connexions qui relient les deux frères. Cela pourrait s'apparenter à de la télépathie sans vraiment en être. Paul est hanté par des souvenirs, il voit des choses qu'il ne comprend pas et qu'il n'a pas vécu. C'est cela qui le pousse à partir sur les traces de son frère. Même séparé, il a l'impression de le sentir ou de l'apercevoir. Ainsi, le lien qui unit les deux frères relève presque d'un pouvoir mystique. 

Tout cela confère à ce texte un caractère surnaturel. Des choses sont à l'œuvre. A Paul de découvrir la vérité. Mais peut-on réellement croire à l'impensable ? 

Avec Blanc d'os, je découvre une plume sombre et implacable. Ce livre m'a très vite fait perdre pied. A vous, maintenant, de venir vous frotter au diable quelque soit le visage qu'il prend. 

Fantasy à la Carte
Lisez l'avis de L'épaule d'Orion sur la blogosphère. 

Informations

Ronald Malfi
Blanc d'os
368 pages
978-2-021420739
Editions du Seuil

09/02/2021

Orson Scott Card, L'Apprenti, tome 3, Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur, éditions L'Atalante

Orson Scott Card, L'Apprenti, tome 3, 
Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur
éditions L'Atalante

Actuellement, les éditions L'Atalante sont en pleine réédition d'un grand classique de fantasy : Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur d'Orson Scott Card. Dans cette nouvelle édition en grand format, chaque tome est rehaussé par les superbes couvertures de Vincent Madras qui leur ajoutent une petite touche de charme.

Lu dans le cadre d'un partenariat, je remercie, à nouveau, Emma et les éditions L'Atalante pour l'envoi de ce service de presse. 

Cette fois-ci, on se plonge dans le troisième tome, titré L'Apprenti dans lequel on retrouve Alvin qui a rejoint Hatrack River pour y suivre un apprentissage auprès du forgeron. Mais, cette nouvelle installation lui donne aussi l'occasion de revenir sur les lieux de sa naissance. Il espère y rencontrer cette Torche qui a secondé sa mère lors de son accouchement afin qu'elle l'aide à devenir un faiseur. Seulement Peggy qui a prédit sa venue, s'est envolée. L'avenir qu'elle voyait à ses côtés ne lui disait rien qui vaille alors elle a préféré s'éloigner pendant quelques temps. Livré à lui-même, Alvin grandit et devient un forgeron talentueux, n'en déplaise à son patron qui freine même des quatre fers pour le faire compagnon. Mais si sa vie s'écoule relativement paisiblement, il n'en oublie pas pour autant son vieil ennemi dont il ressent encore la présence. Or, il n'a toujours pas la moindre idée de ce qu'il faut faire pour devenir un faiseur. Si seulement, la fille n'était pas partie. Qui pourrait lui venir en aide maintenant ?

Pour écrire son cycle d'Alvin Le Faiseur, Orson Scott Card s'est éloigné du folklore nourricier des textes fondateurs du genre car cela n'avait pas lieu d'être dans cette fantasy ayant pour cadre l'Amérique coloniale. 

Pourtant ses livres ne manquent pas de merveilleux car la magie s'y épanouie tout aussi largement. Déjà, l'auteur s'appuie sur deux héros qui sont détenteurs de grands pouvoirs. On a, d'un côté, le jeune Alvin que l'on voit grandir et découvrir, au fil des tomes, ses nombreuses capacités et de l'autre côté, il y a Peggy qui elle, est née avec le don de voir l'avenir. Tous deux sont destinés à faire de grandes choses ensemble même si jusqu'au troisième volet de la saga, ils ne se sont pas encore rencontrés. A travers eux, on côtoie une magie faite de charmes et de croyances locales. Ainsi, Alvin est capable de tisser des sorts pour protéger des lieux ou des personnes. Il agit également sur la matière pour la transformer à sa guise et fait même corps avec la nature, à l'image des Amérindiens. Quant à Peggy, elle perçoit toutes les flammes de vie qui l'entourent et peut agir sur l'avenir des gens. C'est ainsi qu'elle suit de loin la vie d'Alvin et intervient si nécessaire pour le remettre sur le droit chemin. 

En alternant leurs points de vues d'un chapitre à l'autre, Orson Scott Card donne une belle dynamique à son récit. Dans Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur, l'auteur a construit  un univers très immersif mêlant magie et superstition. 

De même qu'il a choisi un cadre d'action historique fort puisque L'Apprenti se cristallise autour de l'esclavage. Ce thème est au cœur de ce récit à travers, notamment, la mention du traité des Esclaves en fuite permettant aux riches propriétaires d'exploitations de poursuivre les marronneurs déserteurs. Dans ce volet, Alvin s'attache à un jeune orphelin, fils d'une esclave qui a trouvé refuge à Hatrack avant de mourir. Élevé par un couple de colons, figures locales, Arthur Stuart va être la cible des pisteurs d'esclaves. A travers son histoire, l'auteur remet en perspective la fracture qui a divisé l'Amérique de l'époque entre le Nord et le Sud. En effet, c'est suite à l'ordonnance du Nord-Ouest de 1787 que l'esclavage est interdit sur ces territoires et établit, de fait, la limite entre les Etats esclavagistes et les autres sur l'Ohio. Or, c'est justement là que les événements se déroulent. Ainsi, l'abolition progressive de l'esclavage dans les Etats du Nord ouvre une possibilité supplémentaire aux esclaves du Sud, en leur offrant un refuge potentiel sur le territoire des Etats-Unis. Il y a même un réseau secret qui s'est organisé pour aider la fuite et faciliter l'accueil des fugitifs. C'est d'ailleurs grâce à lui qu'Arthur Stuart est sauvé alors qu'il n'était qu'un nouveau-né. 

A travers ce livre, Orson Scott Card en profite donc pour mettre en exergue une période marquante de l'Histoire des Etats-Unis qui a divisé l'opinion entre les abolitionnistes et les esclavagistes. Ici, Alvin va se confronter aux mentalités sectaires de certains et à celles, plus progressistes, des autres.

Mais ce roman dégage également beaucoup d'émotions car l'auteur y incorpore de nobles sentiments tels l'amitié, l'amour, la solidarité et le courage. Tout cela rend la lecture très prenante.

Avec L'Apprenti, Orson Scott Card signe un roman saisissant et authentique. Arrivé à ce stade de l'aventure, il est difficile de ne pas s'attacher à ses héros. C'est donc avec une certaine impatience que je me réjouis de lire le prochain tome. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mes avis sur Le Septième Fils, Le Prophète Rouge et Le Compagnon

Informations

Orson Scott Card
L'Apprenti
Tome 3
Les Chroniques d'Alvin Le Faiseur
9791036000478
416 pages
Editions L'Atalante