Rencontrée à l'occasion de sa dernière tournée promotionnelle de dédicaces, Laure Dargelos est une nouvelle plume de l'Imaginaire qu'il faut absolument lire.
La Voleuse des Toits est son second roman publié par les éditions Rivka et le premier livre que je lis de cette autrice.
Résumé :
Orme est soumise aux lois Ecarlates, l'art est prohibé sous peine de condamnation à mort. Fille de l'ambassadeur, Eléonore Herrenstein est une aristocrate le jour et la nuit venue, elle aime s'échapper par les toits pour rêver à un monde libre. Un soir, elle surprend un cambrioleur en train de fouiller la bibliothèque d'un membre éminent de la ligue Ecarlate. Et quelle n'est pas sa surprise de le voir mettre la main sur une toile interdite. Or, au lieu de l'emporter, il la repose et quitte la pièce. Pour Eléonore, la tentation est trop forte de ne pas aller admirer l'œuvre de plus près. Seulement, à peine rentrée dans la pièce, le voleur qui n'était finalement pas parti loin l'attrape. Prise de panique, elle réussie à l'assommer et s'enfuit. Le lendemain, alors qu'elle espère oublier cet incident, elle accepte de se rendre à une réception sans se douter qu'elle risque d'y recroiser son fauteur de troubles. Et s'il la dénonçait à la ligue, l'opprobre serait jetée sur sa famille, elle-même serait condamnée à mort et son projet de rejoindre la rébellion tomberait à l'eau. Alors, comment peut-elle se sortir de ce mauvais pas ?
Mon avis :
Dans La Voleuse des Toits, Laure Dargelos nous brosse le portrait d'une société opprimée, injuste à l'égard des pauvres et où toute forme d'expression artistique est interdite. Le récit se déroule dans le royaume d'Orme où le quotidien de ses habitants est régit par des règles strictes, promulguées par la ligue Ecarlate. A Seräen où vit Eléonore, la ville est cernée de hauts murs et il est interdit d'en sortir même pour les aristocrates sous le prétexte que le royaume est en guerre avec son voisin Valacer. Le pouvoir est entre les mains de l'Oméga, un être insaisissable dont les traits sont dissimulés sous un masque et entre celles des douze puissantes familles appartenant à la ligue Ecarlate. Ceux-ci font régner la terreur et nul n'ose s'élever contre eux, si ce n'est une poignée de pauvres révoltés qui cherchent à renverser le pouvoir au péril de leurs vies.
Sous la plume de Laure Dargelos, deux mondes vivent côte à côte sans jamais réellement se rencontrer. En effet, il y a donc d'un côté, les riches enfermés dans un luxe et un confort les rendant sourds et aveugles à la souffrance humaine et de l'autre côté, les pauvres écrasés par la misère et vivant dans la peur de la condamnation ou du sacrifice de leurs enfants pour une guerre qui ne les concerne pas.
Au cœur de cet univers sombre et étouffant existe une magie oubliée et pourtant si puissante. Une magie qui pourrait dans les moments les plus critiques faire la différence pour peu que l'on redécouvre son existence. Celle-ci est capable de distordre le temps et ainsi tracer de nouvelles opportunités. Bien loin des manifestations de pouvoir explosives que les récits de fantasy se plaisent à exposer, l'autrice table ici sur un onirisme discret qui permet à son texte d'emprunter des tournures narratives inattendues.
Si les premières lignes de La Voleuse des Toits laissent supposer la trame classique d'une romance se déroulant dans la bonne société, la réalité de l'Imaginaire fouillé de Laure Dargelos laisse place à un tout autre récit. En effet, ce texte construit en trois parties recèle son lot de surprises, ponctué d'épisodes déroutants et de rebondissements imprévisibles. La lecture n'en est donc que plus passionnante, d'autant que l'autrice nous y parle de lutte des classes et de révoltes populaires contre un pouvoir tyrannique. Elle y met en exergue les techniques de manipulation perverses pour se maintenir en place. En interdisant l'art, c'est la pensée qui est muselée car celle-ci doit être conforme à la propagande officielle. La Voleuse des Toits est un récit engagé qui met en garde contre les dérives d'un trop grand pouvoir conduisant au sacrifice des peuples, à la désignation d'un bouc émissaire toujours étranger, à l'injustice sociale et à la misère. C'est clairement un texte poignant qui s'inspire des régimes politiques despotiques pour mieux les dénoncer car lorsque la liberté d'expression doit se conformer à des interdits et à des règles, cela ne peut qu'être le signe d'une démocratie mourante et d'un malheur général.
Enfin, l'autrice s'appuie sur un duo de personnages absolument délicieux pour porter son récit, ce qui ne gâche pas le plaisir de lecture, bien au contraire ! Entre Eléonore Herrenstein, alias Plume et Elias d'Aubrey, mon cœur balance ! Voici deux protagonistes aux antipodes, mais ne dit-on pas que les contraires s'attirent! Eléonore est si éprise de justice, c'est une âme révoltée enfermée dans le carcan écrasant de l'aristocratie. Elle se découvre un penchant pour l'interdit mais ne le fait pas pour autant pour le frisson car elle a surtout soif d'un monde meilleur. Faisant fi des règles et des convenances, elle préfère embrasser une cause juste et noble. C'est un personnage qui se découvre une force de caractère insoupçonnée, un passé surprenant et va, de facto, beaucoup évoluer au fil du roman. Quant à Elias d'Aubrey, il est autoritaire, intransigeant et d'humeur versatile. En tout cas, c'est l'image qu'il souhaite renvoyer. En tant, qu'héritier d'un membre de la ligue Ecarlate, il se doit d'être conforme à cette apparence. C'est un personnage plein de secrets qui virevolte à la limite du bien et du mal toujours prêt à basculer d'un côté ou de l'autre. Ce qui lui donne toute sa saveur puisque finalement, on ne sait jamais qui il est vraiment. C'est d'ailleurs le protagoniste le plus ambivalent du roman et à ce titre est donc un véritable atout pour celui-ci.
Pour conclure :
Personnellement, j'ai beaucoup apprécié ma lecture de La Voleuse des Toits. La plume de Laure Dargelos est très fluide et le livre offre un bon rapport qualité prix entre un texte de qualité glissé dans un très bel écrin, à un prix tout à fait raisonnable par rapport à ce que l'on trouve sur le marché du livre.
Je vais, bien entendu, continuer de suivre l'autrice en lisant déjà son précédent roman qui m'attend d'ailleurs dans ma PAL, mais aussi la maison d'édition qui mérite que l'on porte une attention particulière à ses publications. A suivre !
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