L'influence du "gaming" à la littérature

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14/07/2020

Megan Lindholm, Le Dernier Magicien, éditions Mnémos

Megan Lindholm, Le Dernier Magicien, éditions Mnémos

Sous le pseudonyme de Megan Lindholm, Robin Hobb s'est essayée à d'autres fantasy. Le Dernier Magicien marque d'ailleurs son plus gros succès. Publié pour la première fois en France en 2003, les éditions Mnémos ont décidé de le rééditer cet été. Je les remercie ainsi que Nathalie pour l'envoi de ce service de presse. 

Récompensé en 2004 par le prix Imaginales du meilleur roman étranger, cette fantasy urbaine a su enchanter ses lecteurs. 

Megan Lindholm nous emmène à Seattle sur les pas d'un homme solitaire qui erre dans la ville. Certains le voient comme un sans domicile fixe mais personne ne sait qu'il est en réalité l'un des derniers magiciens. Il attire les gens et leur révèle ce qu'ils ignorent. Ainsi, d'une phrase il peut changer un destin. Mais une ombre grise plane sur la ville. Un danger approche, le magicien sait qu'il devra l'affronter. Pour autant, sera-t-il capable d'affûter ses armes pour vaincre les démons qui rôdent autour de lui ?

Avec Le Dernier Magicien, Megan Lindholm signe un récit singulier qui s'inscrit dans la différence. En effet, sa fantasy urbaine ne s'exprime pas par la présence de créatures fantastiques intégrées à notre société mais plutôt par la froideur d'une grande ville dans laquelle subsiste l'espoir d'une magie. Entre ses lignes, Seattle prend la place d'un personnage à part entière. Le héros de Megan Lindholm arpente ses rues et révèle quelques-uns de ses secrets. Elle est une compagne autant qu'un refuge pour lui. Elle incarne aussi le cadre idéal dans laquelle la magie s'épanouit. Celle-ci s'exprime d'ailleurs par l'intermédiaire d'êtres exceptionnels : des hommes et des femmes capables d'aider ceux qui sont dans le besoin. C'est le cas de celui que l'on nomme le dernier magicien. C'est un homme perdu, sans identité qui possède le don de percevoir l'âme humaine. Empathique, il trouve les mots justes pour éclairer les autres sur leur détresse. Mais c'est un être complexe, qui plus est, amnésique de son passé. Des rencontres vont le troubler, insinuer le doute en lui et faire même vaciller ses pouvoirs. Or, c'est justement quand il est affaibli et désemparé qu'il va devoir lutter contre bien des démons. 

Ce roman, c'est aussi la quête d'identité d'un homme qui a perdu la mémoire. Or, c'est en reconquérant ses souvenirs qu'il deviendra plus puissant. Sa lutte sera donc autant intérieure qu'extérieure.

Dans Le Dernier Magicien, Megan Lindholm explore les blessures d'un homme qui a connu les affres de la guerre et qui doit surmonter ses traumatismes. En cela, ce récit est poignant. La fantasy que l'autrice distille dans ce texte est là pour mettre en lumière les héros oubliés des guerres menées par les grandes puissances de ce monde. Elle démontre encore une fois sa volonté d'inscrire son imaginaire dans une contemporanéité en proposant un récit proche de ses lecteurs qui aborde des préoccupations toujours très actuelles. 

Finalement, par le prisme de la fantasy, Megan Lindholm met l'accent sur la difficulté des anciens soldats pour revenir à la vie civile et sur les faiblesses de l'administration pour faciliter leur réinsertion dans la société. 

Le Dernier Magicien est finalement un livre surprenant écrit avec une grande sensibilité. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog mes avis sur Le Vol des Harpies, Les Ventchanteuses et Le Dieu dans L'Ombre.

Megan Lindholm
Le Dernier Magicien
Editions Mnémos

10/07/2020

Megan Lindholm, Les Ventchanteuses, Le Cycle de Ki & Vandien, tome 2, éditions Mnémos

Megan Lindholm, Les Ventchanteuses, tome 2, Ki & Vandien, éditions Mnémos

Les Ventchanteuses est le roman qui vient prendre la suite du Vol des Harpies du cycle de Ki & Vandien. Le moins que l'on puisse dire avec la plume de Robin Hobb est qu'elle enchaîne les romans sans qu'aucun ne se ressemble. Bien loin des intrigues de cour au milieu desquelles louvoie Fitz, la saga de Ki & Vandien nous attache aux pas d'une charretière prénommée Ki et de son ami, Vandien qui, au gré de leurs pérégrinations côtoient bien souvent le danger et la mort.

Dans Les Ventchanteuses, l'heure de la séparation a sonné pour Ki et Vandien. Alors que Ki accepte de prendre en charge une étrange cargaison qu'elle devra livrer après quelques jours de route moyennant une belle rétribution, Vandien, lui, part en quête d'un autre attelage. En effet, il lui sera nécessaire pour accomplir l'étrange mission d'aller récupérer un coffre dans le temple immergée des Ventchanteuses à Faux-Havre. Même si l'affaire n'a pas l'air compliqué de prime abord, beaucoup s'y sont essayés sans jamais y parvenir. En but aux superstitions locales et au terrible chant d'une Ventchanteuse, Vandien réussira-t-il là où les autres ont échoué ? Dans cette nouvelle aventure, Ki et Vandien pourraient encore goûté à la puissance cinglante des Ventchanteuses ?

L'univers dépeint dans le cycle de Ki & Vandien mêle une magie des éléments à des peuples attachés à leurs traditions. Ainsi, dans cette saga, on côtoie des magiciens et des magiciennes qui tirent leurs pouvoirs des éléments. Les Ventchanteuses ont renoncé très jeunes à leur humanité pour devenir puissantes. Elles subissent des mutations physiques en échange de quoi elles contrôlent le vent et peuvent ainsi déclencher des tempêtes. Quant aux magiciens, ils disposent de pouvoirs illimités comme la capacité d'influencer les décisions des gens. Dans Ki & Vandien, la magie est surtout fourbe et dangereuse. 

En choisissant comme héroïne une charretière vivant du troc des marchandises qu'elle transporte dans sa roulotte, Megan Lindholm imprègne son récit d'un certain nomadisme. On retrouve le folklore propre à la culture gitane. Il se manifeste par les rites, les croyances et les chants qui leur sont propres. Le récit diffuse ainsi toute une musicalité notamment à travers les contes transmis autour du feu de camp. De fait, une ambiance chaleureuse et mystérieuse s'en dégage. Continuellement sur les routes, elle est finalement l’héroïne idéale pour vivre de grandes aventures. Ki est une femme indépendante. Bien que son cœur soit brisé depuis la disparition de sa famille, elle n'en demeure pas moins un esprit libre et fort. Son compagnon Vandien est plutôt un loup solitaire. Beau parleur, il va connaître des revers avec Ki qui vont le changer. Il forme d'ailleurs avec elle un couple étonnant, blessé par la vie, et c'est ensemble qu'ils vont apprendre à se reconstruire. A travers ses personnages, Megan Lindholm explore les failles des humains qui se révèlent au fur et à mesure des obstacles à surmonter. 

A l'image de Ki et Vandien, on se laisse porter par le périple de ces deux êtres pour s'immerger dans un univers impitoyable, surnaturel et inattendu. Dans Les Ventchanteuses, les enjeux commencent à se dévoiler rendant la lecture de plus en plus intéressante. 

Fantasy à la Carte
A lire aussi sur le blog mon avis sur Le Vol des Harpies

Megan Lindholm
Les Ventchanteuses
Tome 2
Ki & Vandien
Editions Mnémos

07/07/2020

Maëlle Desard, Les Tribulations d'Esther Parmentier : Cadavre Haché, Vampire Fâché, tome 1, Rageot Éditeur

Maëlle Desard, Les Tribulations d'Esther Parmentier : Cadavre Haché, Vampire Fâché, Rageot éditeur

Lorsque Babelio m'a proposé de lire et de chroniquer le premier roman de Maëlle Desard, j'ai tout de suite été emballée autant par le titre que par le synopsis. Jugez par vous même !

Alors qu'une énième et ennuyeuse journée s'achève à son stage au sein du service comptabilité d'une entreprise, Esther Parmentier ne pense qu'à fuir la chaleur estivale et à retrouver son appartement. Seulement arrivée devant le centre commercial, elle trouve les portes fermées et les clients massés devant. Plus étonnant encore, certains sont recouverts de paillettes. Mais alors qu'elle en fait la réflexion à un agent, celui-ci la conduit de suite à l'intérieur du bâtiment. Peu rassurée, elle le suit tout de même sans imaginer que sa vie est sur le point de faire un virage à 180 degrés. Des adolescents viennent d'être enlevés, et la seule piste est une fontaine qui crache des paillettes qu'elle seule  peut voir. En tout cas, c'est ce que les enquêteurs présents lui disent, notamment cet agent Loan, si méprisant à son égard. Esther l'ignore encore mais elle est une sorcière. Bon, d'un niveau minable - je vous l'accorde - mais une sorcière quand même. Lorsqu'on lui demande de quitter son stage actuel pour intégrer l'agence, elle n'hésite pas un seul instant et compte bien prouver sa valeur. Ne serait-ce que pour faire rabattre le caquet de ce prétentieux Loan. 

Maëlle Desard adore la littérature fantasy et le moins que l'on puisse dire est qu'elle le lui rend bien. Avec Les Tribulations d'Esther Parmentier, l'autrice se réapproprie les codes d'une fantasy urbaine où les créatures fantastiques sont propulsées dans le monde des humains à leur insu. Ainsi, non seulement Esther se découvre être une sorcière mais en plus elle pénètre dans un monde onirique très réglementé et même encadré par une multitude d'organismes. La preuve puisqu'elle-même intègre l'Agence de Contrôle et de Détection des Créatures (ACDC), une instance dirigée par le Conseil des Royaumes Indépendants de Sidh (CRIS) et qui est chargé de vérifier toutes les manifestations magiques survenant sur Terre. Dans l'univers fantastique de Maëlle Desard, on rencontre aussi bien des loups-garous, des vampires, des sorcières que des banshees. L'amateur du genre n'est donc pas déçu. 

Dans ce roman jeunesse, on apprécie également les personnages, à commencer par la narratrice. Esther rompt avec le stéréotype de la femme fatale que l'on retrouve souvent dans la Bit-lit. Elle est ronde, mal peignée et a surtout un foutu caractère. On l'aime pour ses défauts et pour sa gouaille. Elle a de l'esprit notre Esther, et ne s'en laisse pas compter facilement. C'est une héroïne proche de ses lecteurs. Ses réparties sont bien volontiers acerbes surtout celles à l'encontre de son tuteur. Or, justement parlons de lui, maintenant. L'agent Loan est un vampire. De fait, il est beau comme un dieu : ne dérogeons pas à l'image de la créature irrésistible et sensuelle. Mais le plus notable à souligner chez lui, c'est surtout son caractère détestable et horripilant. En tout cas, il irrite fortement Esther. Il est si imbu de sa personne que cela le rend au premier abord assez antipathique. L'autre personnage important de ce récit est le fantôme Mozzie. Dans l'imaginaire de Maëlle Desard, les fantômes communiquent via le réseau et sont donc d'excellents indics pour l'ACDC. Très vite une amitié se noue entre Esther et Mozzie. Leur côté "geek" y est sans doute pour quelque chose. Qu'ils soient en chair et en os, à poils, pourvus de longues dents ou invisibles, les personnages de cette autrice nous offrent une enquête rocambolesque et captivante. 

Pour un premier roman, Maëlle Desard fait fort en proposant un récit drôle et léger. En effet, même si elle nous immerge dans une enquête dans laquelle il faudra élucider des disparitions et un meurtre, on retient surtout le ton employé. Ce livre est si truculent que l'on en oublie tout. J'ai finalement peu l'occasion de lire de la jeunesse mais quand je vois la qualité de celui-ci, cela me donne juste envie d'en lire plus souvent. 

Je remercie Babelio et les éditions Rageot pour l'envoi de ce service de presse et j'attends de lire la suite avec une certaine impatience. 

Fantasy à la Carte

Maëlle Desard
Les Tribulations d'Esther Parmentier 
Cadavre Haché, Vampire Fâché
Tome 1
Rageot Éditeur

30/06/2020

Peng Shepherd, Le Livre de M, éditions Albin Michel Imaginaire

Peng Shepherd, Le Livre de M, éditions Albin Michel Imaginaire

Peng Shepherd est une autrice américaine qui signe avec Le Livre de M son premier roman. Présenté comme du Post-Apocalyptique, rien dans la couverture ni dans le résumé ne laissent présager la part de fantasy que ce livre recèle. Sans la recommandation de Gilles Dumay, j'aurais pu bêtement passer à côté de cette lecture. Je le remercie donc bien chaleureusement de m'avoir proposé ce partenariat. 

Au cœur d'une Amérique déchue, Max et Ory ont trouvé refuge dans un hôtel situé en pleine forêt. Alors que le monde a sombré dans le chaos, ils semblent être les rares rescapés d'un terrible phénomène qui s'est abattu sur les humains. Un homme a commencé à perdre son ombre faisant de lui une célébrité et une curiosité scientifique. Mais ce qui aurait pu rester un événement isolé est devenu un problème mondial. Plus que de perdre leur ombre, ces milliards d'individus touchés perdent également leurs souvenirs jusqu'à même nier leur propre existence. Aux abois ceux qui sont devenus des sans-ombres sèment l'anarchie et menacent l'humanité toute entière. Max et Ory auraient pu rester cacher au fond des bois, même si la nourriture venait à manquer, mais tout bascule lorsque Max perd son ombre à son tour et disparaît. Pour Ory, c'est le début d'une course contre la montre pour la retrouver coûte que coûte, même si elle ne souvient plus de lui et quitte à courir de graves dangers. C'est donc sur un chemin tortueux qu'il s'engage sans réellement mesurer ce qui l'attend...

Le Livre de M est un récit très immersif qui nous entraîne dans une Amérique contemporaine fortement ébranlée lorsque sa population est menacée d'extinction. Impuissante à expliquer les raisons de cette disparition et surtout à l'inverser, la planète glisse peu à peu vers le trouble et la folie. Peng Shepherd explore avec beaucoup de pertinence les dégradations que subit la société moderne suite à une telle situation. L'inexplicable donne naissance à la panique et à l'instinct de survie, conduisant les hommes à commettre l'innommable. En effet, sans explication scientifique, la peur de la contagion prend facilement le dessus sur la raison et pousse les hommes à s'entre-tuer. Le Livre de M est un texte troublant. L'ambiance qui s'en dégage est inquiétante. Hasard du calendrier éditorial sans doute, ce livre vient tout de même faire écho à la crise que notre monde actuel traverse. A l'image de la pandémie de Covid-19, la perte de son ombre entraîne également suspicion et psychose chez ceux qui la détiennent encore. Ainsi, la crainte de la perdre est autant exacerbée que celle de contracter le virus. Alors même si l'ordre règne encore dans notre société, on partage quand même des inquiétudes similaires à celles distillées dans ce livre. L'autrice met le doigt sur la fragilité de notre quotidien. Finalement avec elle on prend conscience qu'un seul grain suffit à rompre l'équilibre. 

La force de ce texte réside également dans ses personnages. Il n'y a rien d'héroïques chez ces hommes et ces femmes qu'elle met en scène. Et pourtant ces gens ordinaires vont s'adapter, se dépasser, apprendre à devenir autre chose pour survivre, voire sauver le monde. Dans Le Livre de M, Peng Shepherd met l'accent sur le clivage qui va diviser ceux qui veulent se souvenir à tous prix de ceux qui renient ce qu'ils étaient pour devenir plus puissants et accéder à quelque chose de plus grand. C'est là qu'entre en scène la fantasy de ce texte. L'apocalypse n'est donc pas le fruit d'une bombe atomique, du réchauffement climatique ou d'une quelconque bactérie meurtrière mais elle est plutôt le résultat d'une puissance magique qui transcende l'humanité. Cette magie se découvre au fil des pages, par petites touches discrètes. Elle contribue à modifier profondément les gens et modèle le monde en quelque chose de différent. 

Récompensé par le Neukom Award 2019, Le Livre de M dépasse les frontières des littératures de l'Imaginaire. En proposant un récit Post-Apocalyptique nourri de pouvoirs magiques, Peng Shepherd réunit autant les amateurs d'anticipation que de fantasy

A travers ce captivant récit, l'autrice questionne finalement sur les fondements de nos sociétés modernes et sur l'avenir de l'humanité. 

Fantasy à la Carte


Peng Shepherd
Le Livre de M
Editions Albin Michel Imaginaire