L'influence du "gaming" à la littérature

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30/04/2019

Chantal Robillard, Fugue de la fontaine aux fées, Le Verger Éditeur

Sous la plume de Chantal Robillard, les fées reprennent du service. On les avait laissées dans Dimension Fées pour mieux les retrouver aujourd'hui avec Fugue de la fontaine aux fées. Sujet de prédilection pour cette autrice-conférencière qui se plaît à jouer avec ces dames ensorceleuses de contes. Vous voulez que je vous dise, je la crois fée, elle-même, cette Chantal Robillard car c'est une enchanteresse des mots. 

Elle nous entraîne avec moult excitation au bord d'une certaine fontaine enchantée. Surnommée "Jean le Bleu", en hommage à l'écrivain Jean Giono, cette petite fontaine de l'hôtel Maynier d'Oppède semble lui avoir inspiré plus d'une histoire. Voyez plutôt ce que peut donner "Les Fées" de Charles Perrault lorsqu'une autre plume s'empare de ce conte pour le transformer, le mélanger, le transposer.

Fugue de la fontaine aux fées suit un fil conducteur mené dès le début du recueil par Mary Poppins, Carabosse, Clochette ou encore Mélusine qui tiennent un conseil de guerre autour d'un thé pour faire face à la disparition de l'une des leurs. Préférant se la jouer sirène plutôt que fée, la drôlesse a, comme qui dirait, fugué. Enfin si l'on en croit le célèbre détective mulhousien Pac de Cro, dépêché sur les lieux pour la retrouver. Personnage qu'elle emprunte à son homologue Paul Fournel car elle est comme ça, Chantal Robillard, elle fait quelques emprunts ici ou là pour réinventer des histoires. Ça la divertit. D'ailleurs, elle va même consacrer quelques interludes à cette fameuse disparition. Un procédé qui permet à la fois de faire des pauses entre deux nouvelles mais aussi de faire un point sur les recherche. Une manière pour l'autrice de montrer à ses lecteurs qu'elle manie aussi bien la prose que la rime. 

Sa réappropriation des contes de fées se nourrit de merveilleux avec la présence récurrente d'un motif largement usité par ce genre, celui de la bonne jeune fille, cracheuse de pierres et de roses, tandis que la mauvaise aurait plutôt tendance à vomir vipères et serpents. Mais facétieuse, Chantal Robillard fait prendre une autre tournure à la vie de la détestable Fanchon qui se voit accorder une "seconde chance" par une fée. En effet, contre plus d'amabilité, elle lui offre l'amour et la possibilité de voir transformer sa malédiction en don. A contrario cracher des pierreries n'est pas forcément gage de bonheur. Pour preuve, l'histoire de "La belle est au jardin d'amour", car même si son don a enrichi son mari, le roi, cela ne l'a pas empêché de la répudier pour son incapacité à enfanter un héritier. 

Écrites comme des nouvelles indépendantes, certaines entretiennent pourtant des liens étroits comme par exemple "Les fées en fête" qui nous invite au mariage de Pac de Cro au grand désespoir de Mélusine qui en pince toujours pour lui. Une union qui promet de faire du remue-ménage surtout avec la présence d'autant d'invités prestigieux. 

Rafraîchissant, tel est le qualificatif que l'on pourrait employer pour parler de la plume de Chantal Robillard. Passionnée par les contes, elle nous entraîne dans de folles aventures toujours inédites malgré un cadre culturel populaire. 

Fugue de la fontaine aux fées est une porte ouverte sur un imaginaire de tous les possibles. Mille mercis à Chantal Robillard pour m'avoir offert ce voyage au pays des songes.

Fantasy à la carte

Chantal Robillard
Fugue de la fontaine aux fées
Le Verger Éditeur 

25/04/2019

Gaël-Pierre Covell, Le Trésor des Vagabonds

D'abord nouvelliste, Gaël-Pierre Covell a eu envie de tester un format plus grand. Avec Le Trésor des Vagabonds, c'est chose faite. 

Passionné d'Histoire et d'Imaginaire, il n'a pas échappé au phénomène Seigneur des Anneaux et a souhaité, à son tour, se lancer dans l'écriture d'histoire de fantasy

Ainsi Le Trésor des Vagabonds se présente comme un roman d'aventure teinté de notes fantasy

On y retrouve un mercenaire repenti qui en sauvant un village des paluches d'un géant, se retrouve propulsé à la cour du roi. Ce dernier souhaite, en gage de remerciement, lui confier la gestion d'un domaine tout en lui donnant en épousailles l'héritière dudit lieu afin de mettre un terme aux querelles locales. Seulement le petit détail que notre bandit a omis de dire est qu'il n'est en aucune façon un chevalier, juste un mercenaire usurpateur d'identité. Vous allez me dire, il y a pire comme obligation ? Mais c'est sans compter le retour inopiné d'anciens complices qui se sont mis en tête de l'enrôler pour mettre la main sur un trésor antique. A partir de là, on imagine bien que les ennuis ne font que commencer... 

Pour un premier roman, on peut dire que c'est un essai réussi pour Gaël-Pierre Covell. 

On apprécie son intrigue bien construite qui nous emmène explorer des terres sauvages et dangereuses en compagnie de truands. Ici, il égratigne quelque peu la figure du héros. Bien qu'en voie de rédemption, Lubos, son personnage principal n'en est pas moins un mécréant, voleur et assassin à ses heures. Et ses anciens complices, parlons-en, ce ne sont que des violeurs et des tueurs sans foi ni loi. Ce sont ces antihéros que l'auteur a décidé de nous faire suivre. Il rompt volontairement avec l'habituelle image que l'on se fait des héros d'un roman d'aventure. Point d'aventuriers au noble cœur ici, juste une poignée de personnages délibérément sombres et sinistres. Un procédé utilisé par d'autres grandes plumes du genre comme par exemple Fabien Cerutti, qui vient pimenter le récit.  

Ces aventuriers au passé douteux vont devoir, au fur et à mesure de l'histoire, passer des épreuves pour mesurer leur force, leur ténacité, leur résistance. Les voici presque dans la peau d'un héros de l'Antiquité subissant les douze travaux d'Hercule. Pour Lubos, ces tribulations apparaissent comme autant d'obstacles à franchir pour triompher dans sa quête d'expiation. Il n'y a qu'au terme de celle-ci qu'il saura s'il est digne de vivre l'existence confortable d'un propriétaire terrien et de mériter l'amour de sa femme. 

Cette chasse au trésor nous fait partir à la rencontre de Monstres qui apparaissent comme autant de créatures fabuleuses, fantastiques tout droit sorties des contes pour enfants ou des grandes épopées antiques comme L'Iliade et L'Odyssée

Gaël-Pierre Covell signe un texte avec de belles références tout en offrant à son public une lecture à suspense. 


Fantasy à la carte

Gaël-Pierre Covell
Le Trésor des Vagabonds

21/04/2019

Sylvie Denis, Haute-Ecole, collection poche, éditions L'Atalante

Forte de ses 30 ans d'existence, les éditions L'Atalante comptent pas moins de 1000 titres à leur catalogue. Parmi lesquels, on retrouve Haute-Ecole de Sylvie Denis qui a été récompensé en 2004 par le très prestigieux prix Julia Verlanger. Premier roman de l'autrice à L'Atalante, sa sortie en poche est l'occasion pour Fantasy à la Carte de revenir sur ce petit succès. Je remercie au passage la maison d'édition pour ce service de presse. Haute-Ecole est un récit de fantasy ambitieux et haletant qui est riche d'intrigues et de complots. 

Alors que le règne d'Urbain IV s'achève, le directeur de la Haute-Ecole, Mérot l'ancien, meurt également. Coïncidence étrange, cette disparition profite à Hérus Tork qui intrigue pour prendre le pouvoir depuis des années. Cette école de magie qui recrute des magiciens dès leur plus jeune âge en les enlevant à leur famille, est véritablement l'enjeu de ce récit. La magie est bridée. Les détenteurs de pouvoir ne sont formés que pour devenir des instruments enchaînés à la royauté. Cependant une poignée de magiciens libres œuvrent en secret pour renverser le pouvoir en place. Associés à quelques soldats, ils espèrent instaurer un nouvel ordre dans lequel les magiciens vivront libres, enfin égaux aux autres êtres humains. Mené par Arik Renshaw, courtisan et magicien puissant, ces révolutionnaires espèrent profiter du couronnement du nouveau roi pour mener à bien leur coup d'Etat. Mais c'est sans compter la trahison qui plane dans leur rang. Alors qui du chef fanatique ou des idéalistes triomphera à la fin de cette histoire ? 

Avec Haute-Ecole, Sylvie Denis signe un roman d'envergure. En un seul livre, elle condense tout ce qui fait la force d'un grand récit de fantasy. Ainsi elle allie un univers crépitant de magie à une intrigue bien ficelée qui noue avec talent la lutte entre le Bien et le Mal, la trahison et les secrets. 

Dès les premières lignes, on est captivé par cette histoire de magiciens opprimés qui cherchent à se libérer du carcan d'une société dominatrice et sanguinaire. 

L'autrice brosse le portrait de héros attachants ou au contraire détestables. Que ce soient le fantasque Arik, la douce et combattante Elisabeth, le timide Raoul, la maternelle Madge ou le cruel Hérus, tous sont prêts à jouer leur rôle pour retrouver leur liberté même si cela signifie mourir pour cette cause. 

Sylvie Denis déroule les fils de son intrigue à un rythme soutenu ne nous laissant aucun répit tant on est happés par celle-ci. 

A l'image de la devise de L'Atalante, Haute-Ecole nous plonge dans une littérature romanesque pleine d'imaginaire et d'évasion. Avec sa plume acérée, Sylvie Denis harponne son lecteur jusque dans les dernières lignes de son roman. 

Fantasy à la carte

Sylvie Denis
Haute-Ecole
Collection poche
Editions L'Atalante

A lire aussi L'Ensorceleur des Choses Menues de Régis Goddyn, éditions L'Atalante.