L'influence du "gaming" à la littérature

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07/07/2020

Maëlle Desard, Les Tribulations d'Esther Parmentier : Cadavre Haché, Vampire Fâché, tome 1, Rageot Éditeur

Maëlle Desard, Les Tribulations d'Esther Parmentier : Cadavre Haché, Vampire Fâché, Rageot éditeur

Lorsque Babelio m'a proposé de lire et de chroniquer le premier roman de Maëlle Desard, j'ai tout de suite été emballée autant par le titre que par le synopsis. Jugez par vous même !

Alors qu'une énième et ennuyeuse journée s'achève à son stage au sein du service comptabilité d'une entreprise, Esther Parmentier ne pense qu'à fuir la chaleur estivale et à retrouver son appartement. Seulement arrivée devant le centre commercial, elle trouve les portes fermées et les clients massés devant. Plus étonnant encore, certains sont recouverts de paillettes. Mais alors qu'elle en fait la réflexion à un agent, celui-ci la conduit de suite à l'intérieur du bâtiment. Peu rassurée, elle le suit tout de même sans imaginer que sa vie est sur le point de faire un virage à 180 degrés. Des adolescents viennent d'être enlevés, et la seule piste est une fontaine qui crache des paillettes qu'elle seule  peut voir. En tout cas, c'est ce que les enquêteurs présents lui disent, notamment cet agent Loan, si méprisant à son égard. Esther l'ignore encore mais elle est une sorcière. Bon, d'un niveau minable - je vous l'accorde - mais une sorcière quand même. Lorsqu'on lui demande de quitter son stage actuel pour intégrer l'agence, elle n'hésite pas un seul instant et compte bien prouver sa valeur. Ne serait-ce que pour faire rabattre le caquet de ce prétentieux Loan. 

Maëlle Desard adore la littérature fantasy et le moins que l'on puisse dire est qu'elle le lui rend bien. Avec Les Tribulations d'Esther Parmentier, l'autrice se réapproprie les codes d'une fantasy urbaine où les créatures fantastiques sont propulsées dans le monde des humains à leur insu. Ainsi, non seulement Esther se découvre être une sorcière mais en plus elle pénètre dans un monde onirique très réglementé et même encadré par une multitude d'organismes. La preuve puisqu'elle-même intègre l'Agence de Contrôle et de Détection des Créatures (ACDC), une instance dirigée par le Conseil des Royaumes Indépendants de Sidh (CRIS) et qui est chargé de vérifier toutes les manifestations magiques survenant sur Terre. Dans l'univers fantastique de Maëlle Desard, on rencontre aussi bien des loups-garous, des vampires, des sorcières que des banshees. L'amateur du genre n'est donc pas déçu. 

Dans ce roman jeunesse, on apprécie également les personnages, à commencer par la narratrice. Esther rompt avec le stéréotype de la femme fatale que l'on retrouve souvent dans la Bit-lit. Elle est ronde, mal peignée et a surtout un foutu caractère. On l'aime pour ses défauts et pour sa gouaille. Elle a de l'esprit notre Esther, et ne s'en laisse pas compter facilement. C'est une héroïne proche de ses lecteurs. Ses réparties sont bien volontiers acerbes surtout celles à l'encontre de son tuteur. Or, justement parlons de lui, maintenant. L'agent Loan est un vampire. De fait, il est beau comme un dieu : ne dérogeons pas à l'image de la créature irrésistible et sensuelle. Mais le plus notable à souligner chez lui, c'est surtout son caractère détestable et horripilant. En tout cas, il irrite fortement Esther. Il est si imbu de sa personne que cela le rend au premier abord assez antipathique. L'autre personnage important de ce récit est le fantôme Mozzie. Dans l'imaginaire de Maëlle Desard, les fantômes communiquent via le réseau et sont donc d'excellents indics pour l'ACDC. Très vite une amitié se noue entre Esther et Mozzie. Leur côté "geek" y est sans doute pour quelque chose. Qu'ils soient en chair et en os, à poils, pourvus de longues dents ou invisibles, les personnages de cette autrice nous offrent une enquête rocambolesque et captivante. 

Pour un premier roman, Maëlle Desard fait fort en proposant un récit drôle et léger. En effet, même si elle nous immerge dans une enquête dans laquelle il faudra élucider des disparitions et un meurtre, on retient surtout le ton employé. Ce livre est si truculent que l'on en oublie tout. J'ai finalement peu l'occasion de lire de la jeunesse mais quand je vois la qualité de celui-ci, cela me donne juste envie d'en lire plus souvent. 

Je remercie Babelio et les éditions Rageot pour l'envoi de ce service de presse et j'attends de lire la suite avec une certaine impatience. 

Fantasy à la Carte

Maëlle Desard
Les Tribulations d'Esther Parmentier 
Cadavre Haché, Vampire Fâché
Tome 1
Rageot Éditeur

30/06/2020

Peng Shepherd, Le Livre de M, éditions Albin Michel Imaginaire

Peng Shepherd, Le Livre de M, éditions Albin Michel Imaginaire

Peng Shepherd est une autrice américaine qui signe avec Le Livre de M son premier roman. Présenté comme du Post-Apocalyptique, rien dans la couverture ni dans le résumé ne laissent présager la part de fantasy que ce livre recèle. Sans la recommandation de Gilles Dumay, j'aurais pu bêtement passer à côté de cette lecture. Je le remercie donc bien chaleureusement de m'avoir proposé ce partenariat. 

Au cœur d'une Amérique déchue, Max et Ory ont trouvé refuge dans un hôtel situé en pleine forêt. Alors que le monde a sombré dans le chaos, ils semblent être les rares rescapés d'un terrible phénomène qui s'est abattu sur les humains. Un homme a commencé à perdre son ombre faisant de lui une célébrité et une curiosité scientifique. Mais ce qui aurait pu rester un événement isolé est devenu un problème mondial. Plus que de perdre leur ombre, ces milliards d'individus touchés perdent également leurs souvenirs jusqu'à même nier leur propre existence. Aux abois ceux qui sont devenus des sans-ombres sèment l'anarchie et menacent l'humanité toute entière. Max et Ory auraient pu rester cacher au fond des bois, même si la nourriture venait à manquer, mais tout bascule lorsque Max perd son ombre à son tour et disparaît. Pour Ory, c'est le début d'une course contre la montre pour la retrouver coûte que coûte, même si elle ne souvient plus de lui et quitte à courir de graves dangers. C'est donc sur un chemin tortueux qu'il s'engage sans réellement mesurer ce qui l'attend...

Le Livre de M est un récit très immersif qui nous entraîne dans une Amérique contemporaine fortement ébranlée lorsque sa population est menacée d'extinction. Impuissante à expliquer les raisons de cette disparition et surtout à l'inverser, la planète glisse peu à peu vers le trouble et la folie. Peng Shepherd explore avec beaucoup de pertinence les dégradations que subit la société moderne suite à une telle situation. L'inexplicable donne naissance à la panique et à l'instinct de survie, conduisant les hommes à commettre l'innommable. En effet, sans explication scientifique, la peur de la contagion prend facilement le dessus sur la raison et pousse les hommes à s'entre-tuer. Le Livre de M est un texte troublant. L'ambiance qui s'en dégage est inquiétante. Hasard du calendrier éditorial sans doute, ce livre vient tout de même faire écho à la crise que notre monde actuel traverse. A l'image de la pandémie de Covid-19, la perte de son ombre entraîne également suspicion et psychose chez ceux qui la détiennent encore. Ainsi, la crainte de la perdre est autant exacerbée que celle de contracter le virus. Alors même si l'ordre règne encore dans notre société, on partage quand même des inquiétudes similaires à celles distillées dans ce livre. L'autrice met le doigt sur la fragilité de notre quotidien. Finalement avec elle on prend conscience qu'un seul grain suffit à rompre l'équilibre. 

La force de ce texte réside également dans ses personnages. Il n'y a rien d'héroïques chez ces hommes et ces femmes qu'elle met en scène. Et pourtant ces gens ordinaires vont s'adapter, se dépasser, apprendre à devenir autre chose pour survivre, voire sauver le monde. Dans Le Livre de M, Peng Shepherd met l'accent sur le clivage qui va diviser ceux qui veulent se souvenir à tous prix de ceux qui renient ce qu'ils étaient pour devenir plus puissants et accéder à quelque chose de plus grand. C'est là qu'entre en scène la fantasy de ce texte. L'apocalypse n'est donc pas le fruit d'une bombe atomique, du réchauffement climatique ou d'une quelconque bactérie meurtrière mais elle est plutôt le résultat d'une puissance magique qui transcende l'humanité. Cette magie se découvre au fil des pages, par petites touches discrètes. Elle contribue à modifier profondément les gens et modèle le monde en quelque chose de différent. 

Récompensé par le Neukom Award 2019, Le Livre de M dépasse les frontières des littératures de l'Imaginaire. En proposant un récit Post-Apocalyptique nourri de pouvoirs magiques, Peng Shepherd réunit autant les amateurs d'anticipation que de fantasy

A travers ce captivant récit, l'autrice questionne finalement sur les fondements de nos sociétés modernes et sur l'avenir de l'humanité. 

Fantasy à la Carte


Peng Shepherd
Le Livre de M
Editions Albin Michel Imaginaire

26/06/2020

Clément Bouhélier, Olangar : Une cité en flammes, éditions Critic

Clément Bouhélier, Olangar : Une cité en flammes, éditions Critic

Je savais que Clément Bouhélier avait le projet d'étoffer son univers d'Olangar : il me l'avait confié lors d'une dédicace. Or, cette suite tant attendue vient de débarquer en librairie. 

Fidèle à lui-même, l'auteur distille à peu de chose près dans ce nouvel opus les mêmes ingrédients : mensonges d'Etat, terrorisme, pollution industrielle, capitalisme et prolétariat. 

Dans Olangar : Une cité en flammes, on retrouve certains héros de la première heure qui mêlent leur destin à de nouveaux personnages. 

Cinq années se sont écoulées depuis la mise à jour des malversations de politiciens véreux et le soulèvement populaire des bas quartiers d'Olangar. De retour dans sa province, Evyna en a pris la gestion à la suite du décès de son père. En dépit de quelques désaccords avec certains nobles, elle impose sa loi et fait construire des écoles et un hôpital pour l'éducation et la protection de son peuple. Mais alors qu'elle se croyait à l'abri du danger, une bande d'incendiaires déboule à la cérémonie de mariage qu'elle présidait et assassine de nombreux invités. Ces hommes annihilés par la drogue, à la force décuplée semblent agir de manière aléatoire pour semer le chaos un peu partout sur le territoire. Tandis que du côté du royaume des Elfes, la colère monte depuis qu'ils ont constaté une pollution de leur fleuve qui tue les plus faibles d'entre eux. Alors que les Elfes sont sur le point de déferler sur Olangar, la Chancellerie charge deux nains de la Confrérie de trouver les causes de cette pollution. Ainsi chacun à leur tour les héros d'hier prennent la route pour trouver qui se cache derrières ces événements. Mais seront-ils à même d'arrêter ce qui est en marche ? 

Dans Olangar : Une cité en flammes, l'auteur surfe sur la même vague qui a fait le succès de Bans et Barricades. Ainsi, il reprend le motif de l'enquête menée par une poignée de personnages pour démasquer le ou les responsables de cette anarchie meurtrière. Or, on se doute que cette pollution inopinée et cette série d'attentats ne sont en réalité que le haut de l'iceberg. Des faits aussi graves ne peuvent que cacher un secret encore plus gros aux intérêts énormes. Dès lors toute la difficulté va être de remonter la piste sans se faire tuer car l'ennemi, lui, ne lésine pas sur les moyens ni sur l'artillerie.

Avec ce nouveau livre, Clément Bouhélier se fait l'auteur d'un récit rythmé où l'action est toujours menée tambour battant. 

En écrivant de la fantasy, l'auteur n'a pas cherché à se conformer aux canons du genre. Bien au contraire, il se plait à y entremêler du thriller, du steampunk et même du western et donne donc une autre identité à sa fantasy

Olangar : Une cité en flammes, c'est un roman sans concession qui fait la part belle à l'humanité. On la doit surtout à des personnages très engagés pour la cause sociale et humaine. Parmi eux, il y a Evyna qui incarne la seule figure féminine de ce texte. Bien née, elle se veut pourtant proche de son peuple qu'elle tire bien volontiers par le haut. Touchée par ces meurtres de masse, elle s'implique activement dans cette quête et va tout mettre en oeuvre pour empêcher une nouvelle guerre d'éclater. En véritable meneuse d'hommes, elle entraîne dans son sillage des héros qui se révèlent  comme Kiev, ce jeune sergent mercenaire au passé violent. Elle tire le meilleur des gens comme avec Torgend, qui, malgré son bannissement, prend à son tour part à cette cause désespérée. Clément Bouhélier nous brosse le portrait de personnages hétéroclites au passé bien souvent trouble mais c'est sans doute ce qui les rend si attachants. Ils sont les véritables moteurs de cette histoire contribuant à rendre ce livre si passionnant. Mais toute la bienveillance que dégagent certains protagonistes ne peut que rentrer en conflit avec les intérêts personnels des autres. Ainsi, un nouveau rapport de force s'installe peu à peu dans ce livre mettant en exergue quelques thématiques chères au cœur de cet écrivain comme l'intolérance, la xénophobie ou encore la lutte des classes. 

Avec Olangar : Une cité en flammes la magie opère encore une fois. On est suspendu à la plume de cet écrivain. Le suspense est d'ailleurs trop grand pour avoir envie d'en décrocher. Je remercie les éditions Critic pour ce nouveau partenariat. Voilà encore un livre qui confirme mon attachement à leur collection de fantasy

Fantasy à la Carte
A lire sur le blog mes avis sur les volets 1 et 2 d'Olangar : Bans et Barricades. 

Clément Bouhélier
Olangar : Une cité en flammes
Editions Critic