L'influence du "gaming" à la littérature

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19/10/2025

Cécile Guillot & Nora Lake, Les Filles de Witch Hazel House, collection Naos, éditions Mnémos

Cécile Guillot & Nora Lake, 
Les Filles de Witch Hazel House
collection Naos, 
éditions Mnémos 

A l'heure où les feuilles des arbres se parent de chaudes couleurs orangées, il est temps de mettre mes lectures au diapason de cette ambiance automnale. Voilà pourquoi j'ai sorti de ma PAL le sublime roman, Les Filles de Witch Hazel House, signé à 4 mains par Cécile Guillot et Nora Lake. 

Ce roman est de bon ton, vous en conviendrez rien qu'en admirant sa très belle couverture que l'on doit à Selcha Uni. 

Résumé :

Après avoir été exclue de son ancien lycée suite à quelques difficultés, Lark espère un nouveau départ en intégrant Witch Hazel House pour suivre un programme spécial dédié à la littérature. Elle y rencontre trois autres filles avec lesquelles le courant semble bien passer tout de suite. En tout cas, elle l'espère fortement d'autant que Violette avec qui elle partage sa chambre ne semble pas lui reprocher ses petites manies qui la rassurent tant. Lark souffre de TOC, ce qui lui a valu d'être rejeté par le passé, y compris par sa propre famille qui a du mal à la comprendre. Très vite une routine réconfortante s'installe dans cette belle demeure jusqu'à cette étrange soirée au cours de laquelle Violette a décidé d'organiser une séance de spiritisme. Malheureusement la situation va vite déraper car les filles semblent avoir dérangé une entité qui n'a rien de bienveillant. Aussi après cette soirée des phénomènes étranges se produisent mettant les filles de plus en plus danger. Pour elles, il est temps de choisir de partir ou de rester afin d'enquêter pour comprendre ce qui hante la maison. Alors, que vont-elles décider? 

Mon avis :

Les Filles de Witch Hazel House est un récit contemporain teinté d'ésotérisme. Cécile Guillot et Nora Lake posent un décor de maison hantée obligeant les protagonistes à investiguer pour comprendre les drames survenus entre ses murs par le passé. Pourtant la maison n'avait rien d'inquiétant au début du roman. En effet, elle était plutôt décrite comme un refuge, un lieu réconfortant où l'on se sent bien jusqu'à  ce qu'une séance de spiritisme dérange les fantômes prisonniers des murs et attisent leur colère. 

Les manifestations violentes se succèdent avec toujours plus d'ampleur et une pesanteur s'installe progressivement alourdissant ainsi l'ambiance. 

Dans Les Filles de Witch Hazel House, le cosy mystery se dispute donc à l'horrifique

Cécile Guillot et Nora Lake introduisent d'ailleurs fort habilement la figure de la sorcière. Ses pouvoirs se manifestent de manière inattendue mais qui s'accordent tellement bien à la société d'aujourd'hui et reflètent fort judicieusement ses condamnations hâtives.

Les Filles de Witch Hazel House est un roman court mais efficace. Les autrices y abordent des thématiques très actuelles. Elles évoquent notamment les troubles obsessionnels compulsifs. C'est vraiment intéressant de voir ce sujet être abordé entre ces lignes pour mettre en lumière les conséquences de l'anxiété. La société d'aujourd'hui peut vite être toxique dans ce qu'elle génère de stress. Cécile Guillot et Nora Lake insistent sur la nécessité de la confiance dans les autres qui passe par la bienveillance, l'écoute, l'entraide et le non jugement.

Dans Les Filles de Witch Hazel House, la notion d'amitié est donc centrale au roman. Il en va de même pour l'aspect apprentissage avec des personnages qui en plus d'élucider des mystères cherchent aussi à se comprendre elles-mêmes et à trouver leur place. 

Quête d'identité et sororité sont donc les deux éléments forts à ce roman. 

Bien que jeunes, ces adolescentes sont remplies de courage car elles affrontent finalement autant leurs démons intérieurs que les mauvais esprits qui hantent la maison. Chacune représente une force pour les autres car ce n'est qu'ensemble qu'elles pourront venir à bout de ce qui les menace. 

En choisissant de l'écrire à deux, Cécile Guillot et Nora Lake nous immergent dans leur intrigue au travers de deux points de vue différents, celui de Lark pour commencer, puis enchaîne sur celui de Violette. C'est à la fois une manière pour les deux autrices de faire découvrir sa vision de l'intrigue tout en nous attachant plus particulièrement à ces deux personnages-ci. 

On les découvre plus intimement, partage leurs forces et leurs faiblesses. Au final, on ne résiste pas à leur charme mais n'en va-t-il pas toujours ainsi avec des sorcières ? 

Les Filles de Witch Hazel House est à la fois une lecture réconfortante et intrigante. De nombreux mystères sont à résoudre, ce qui en fait un livre passionnant. Mais on retrouve aussi beaucoup d'éléments qui font du bien. Les autrices ont ponctué leur récit de nombreux rituels tournant autour du thé, de lectures ou de loisirs créatifs nécessaires à l'équilibre psychique. 

Pour conclure :

C'est donc une excellente lecture qui s'impose idéalement pour la saison. Alors, foncez vite en librairie, je vous garantis que vous ne serez pas déçu surtout si vous aimez l'onirisme lorsqu'il s'invite dans notre monde. 

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur : La Voie de la Sorcière, Le Parfum du Mal et Le Chant de la Lune de Cécile Guillot. 

Informations 

Cécile Guillot 
Nora Lake 
Les Filles de Witch Hazel House 
Collection Naos
9782382671580
272 pages
Éditions Mnémos

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14/10/2025

GennaRose Nethercott, Cinquante fleurs pour te briser le cœur, éditions Albin Michel Imaginaire

GennaRose Nethercott, Cinquante fleurs pour te briser le cœur
éditions Albin Michel Imaginaire

Après La Maison aux Pattes de Poulet, une fantasy insolite infusée aux mythologies slaves, GennaRose Nethercott est de retour en librairie avec un recueil de nouvelles qui s'intitule Cinquante fleurs pour te briser le cœur.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay pour l'envoi de ce service de presse. 

Cinquante fleurs pour te briser le cœur est un très bel ouvrage relié avec signet et pourvu d'une cinquantaine d'illustrations de Bobbi DiTrani. Quant à la sublime couverture, elle est signée par la très talentueuse Anouck Faure que l'on ne présente plus ici tant on apprécie la qualité de son travail et de sa plume. Il fallait bien un tel talent pour souligner la singularité de l'imaginaire de GennaRose Nethercott. 

Mélange de genres, poésie baroque, histoires étranges, tels sont les ingrédients que cette autrice aime utiliser dans ses textes. Le voyage est dépaysant car on goûte à des associations parfois étonnantes, et bien souvent fort épicées. 

L'amour transcende ses nouvelles, il demeure même le fil directeur de ses histoires car elle l'explore sous tous les angles. 

Il se teinte bien souvent du désir qui consume les âmes corps et biens à l'image de celui qui enflamma l'esprit de celle que l'on appela par la suite la mère de la femme chèvre dans "Les prunes de la lisière du monde". Ainsi, lorsque le désir est tabou, qu'il doit resté enfoui, il n'est pas étonnant de perdre le contrôle et de le laisser s'exprimer de manière inattendue voire inappropriée. Quand on voit le résultat, on se dit que trop d'interdits fait plus de mal que de bien. 

L'amour tourne parfois au fantasme et la réalité peut finalement décevoir. En tout cas, ce n'est pas Tristan D. Weeber qui viendra dire le contraire dans "Une Lily est une Lily". Lui qui est tombé raide dingue d'amour pour Lily l'étudiante dont il s'est retrouvé rapidement séparé pour une banale histoire de papiers mais dont il a cru retrouvé la réincarnation chez lui sous les traits d'un délicieux fantôme se faisant appeler Lily aux Blanches Mains. GennaRose Nethercott nous propose sa propre réinterprétation du célèbre mythe de Tristan et Yseult. Mais pas question de nous rejouer la tragédie, quoi que la déception pourrait être au bout du chemin et le spectre pourrait bien supplanter la version en chair et en os dans le cœur de Tristan. 

L'amour, c'est aussi la rupture et le manque comme en fait les frais Henrietta lorsque Peter l'a quittée pour sa meilleure amie Claire. Scénario terriblement classique sauf l'épilogue lorsqu'elle se venge de ceux qui l'ont trompée. La trahison est amère et la vengeance est un plat qui se mange froid, c'est bien connu. 

Dans Cinquante fleurs pour te briser le cœur, GennaRose Nethercott nous offre également de drôles de rencontres avec des créatures tantôt improbables, tantôt burlesques. D'ailleurs, son bestiaire merveilleux est plus près de l'horrifique en passant par l'inquiétant et le dérangeant, à l'image du Sorbis ou la Getly. D'aucuns parleront de monstres en regardant leurs représentations, les poils des bras relevés par la chair de poule. 

Justement l'autrice interroge aussi pas mal la figure du monstre dans certaines de ses nouvelles. Celui-ci n'est d'ailleurs pas forcément présent là où on l'attend. Les traits peuvent être trompeur. Ainsi dans "Les prunes de la lisière du monde", le vampire n'apparaît pas comme un être assoiffé de sang comme on pourrait s'y attendre si l'on en croit la légende. Sa sauvagerie a laissé place ici à une vraie bonté d'âme. Drôle de vampire me direz-vous ? En effet. Mais Olivier a décidé de délivrer son prochain de ses tourments uniquement si on lui demande. Ici, les hommes les plus normaux sont souvent les plus redoutables. Le prédateur n'est pas toujours celui que l'on croit. Dans cette nouvelle, GennaRose Nethercott joue avec les codes et renverse les certitudes. Sous sa plume, le vampire devient un objet d'exhibition, un monstre de foire. Il a perdu de sa puissance et avec elle, la crainte ressentie en sa présence s'est dissipée. Ce texte, c'est l'occasion pour l'autrice de rendre hommage au freak show si célèbre au XIXe siècle, et à travers lui, elle démontre sa volonté de redonner vie à toute une esthétique. 

Cinquante fleurs pour te briser le cœur réunit un caléidoscope d'histoires décousues et perturbantes où l'étrangeté flirte avec le saugrenu. 

GennaRose Nethercott donne vie à un univers pour le moins entêtant qui s'affranchit des normes pour mélanger des éléments issus des différents imaginaires et ainsi nous livrer des aventures baroques et totalement perchées.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur La Maison aux Pattes de Poulet

Informations

GennaRose Nethercott
Cinquante fleurs pour te briser le cœur
270 pages
9782226495549
Editions Albin Michel Imaginaire 

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10/10/2025

J.R.R. Tolkien La Chute d'Arthur, éditions Pocket Imaginaire

J.R.R.Tolkien, La Chute d'Arthur, éditions Pocket Imaginaire 

En août, les éditions Pocket Imaginaire ont continué sur leur lancée de publier les œuvres de J.R.R. Tolkien. 

Après Beowulf, c'est donc le tour au cycle arthurien d'être mis en valeur à travers le travail réalisé par le maître de la fantasy sur le long poème La Chute d'Arthur

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Pocket Imaginaire, je remercie Emmanuelle Vonthron pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

La Chute d'Arthur est un poème allitératif inachevé de J.R.R. Tolkien qui parle de la fin du roi Arthur. Il est construit en 5 chants. Le premier évoque la campagne menée par Arthur contre les rois de l'Est alliés à Rome. Le deuxième se focalise sur Mordret en mettant en lumière ses ambitions et son désir tournant à l'obsession pour Guenièvre. Le troisième s'intéresse à Lancelot qui est exilé à Benwick. Il retrace son adultère avec la reine et les conséquences néfastes sur le royaume avec l'apparition de dissensions entre les chevaliers, chacun prenant le parti de Lancelot ou d'Arthur. Le cinquième lui traite des doutes d'Arthur quant à son retour chez lui. 

Mon avis :

Rédigé dans les années 30, ce magnifique poème témoigne de l'intérêt que l'auteur portait aux légendes arthuriennes. Bien que certains le pressaient de le terminer afin de le publier, J.R.R. Tolkien ne s'y ait pas attelé. Pour son fils Christopher, c'est davantage par manque temps que par réel désintérêt. En effet, à l'époque il était également occupé à la rédaction de son ouvrage, La Route Perdue tandis que Le Hobbit, lui, était pour la première fois publié. 

La Chute d'Arthur s'ouvre donc sur le magnifique poème de J.R.R. Tolkien qui nous livre une version plutôt crépusculaire de l'histoire du roi Arthur. Il a pris le parti d'y mettre en valeur la fidélité de Gauvain, la trahison de Mordret, l'infidélité de Guenièvre et de Lancelot. 

Puis, Christopher Tolkien enchaîne sur les sources sur lesquelles reposent les légendes arthuriennes. Il y est notamment question des premières mentions d'Arthur et de son règne à travers L'Histoire des Rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth. L'intérêt est de montrer combien son père s'éloigne de l'histoire de la dernière campagne d'Arthur tel que Geoffroy de Monmouth la raconte. 

En revanche, J.R.R. Tolkien a bien conservé la tradition héroïque des chroniques inaugurée par Monmouth. Dans cette partie, Christopher Tolkien prend le temps d'analyser certains passages-clés du poèmes afin d'en tirer une meilleure compréhension. Il y remet d'ailleurs en perspective certains événements. 

Ensuite, Christopher Tolkien s'intéresse à la partie non écrite du poème en s'appuyant sur les nombreuses notes manuscrites laissées par son père. Il nous donne un aperçu des intentions de J.R.R Tolkien quant à la fin qu'il souhaitait donner à son texte. Il y est bien entendu fait mention d'Avallon puisqu'il s'agit de la fin d'Arthur. Mais, pour J.R.R.Tolkien, c'est aussi le moment de faire le lien avec Le Silmarillion puisqu'Avallon lui a inspiré une autre île devenue célèbre pour les lecteurs du maître de la fantasy, Tol Eressëa

Christopher Tolkien prend ainsi le temps de nous montrer comment les récits de la Terre du Milieu dialoguent avec la Matière de Bretagne et particulièrement La Chute d'Arthur. C'est très éclairant de voir comment les légendes arthuriennes ont nourri l'imaginaire de Tolkien. 

Enfin, Christopher Tolkien conclut longuement sur le long travail réalisé par son père en analysant les évolutions que ce dernier a données aux différents chants de son poème. Cette partie est assez longue et reflète bien la complexité de la tâche. Aussi, grâce à l'investissement de Christopher Tolkien, on pénètre dans la tête de J.R.R Tolkien. On fait notamment face à ses difficultés, à ses revirements, à ses ratures et à ses avancées tout au long de son processus d'écriture. C'est une autre manière de découvrir l'œuvre de J.R.R.Tolkien qui s'avère fort intéressante au demeurant. 

Pour conclure :

La publication de La Chute d'Arthur, c'est l'occasion de découvrir une nouvelle facette de l'écriture de J.R.R Tolkien tout en renouant avec l'un des plus incontournables mythes qui a tant marqué la littérature.

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mes avis sur Beowulf, Les Étymologies, Le Silmarillion, Le Hobbit, Les Enfants de Hurin, La Chute de Gondolin et Beren et Luthien.  

Informations

J.R.R. Tolkien
La Chute d'Arthur
244 pages
9782266344876
Editions Pocket Imaginaire

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07/10/2025

Estelle Faye, L'Héritier des Fées, éditions Nathan

Estelle Faye, L'Hériter des Fées, éditions Nathan

Estelle Faye est une autrice très prolifique des littératures de l'imaginaire. Elle écrit autant pour la jeunesse que pour un public adulte. Fantasy, fantastique, postapocalyptique, science-fiction, elle maîtrise tous les genres. Elle est de retour cette année avec un roman de fantasy historique intitulé L'Héritier des Fées

Lu dans le cadre d'un partenariat, je remercie les éditions Nathan pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Tristan vit paisiblement dans le castel de son père le chevalier d'Arpégeac avec son frère Aymeric, perché au cœur de la Montagne Noire en Occitanie. Sauvageon il préfère se perdre dans la nature et partager la compagnie des petits êtres féériques qu'il perçoit grâce à sa nature. En effet, il est aussi le fils d'une fée, une Hadè. Il l'ignore encore mais une grande menace pèse sur la région car le roi de France, par l'intermédiaire de son bras armé, l'ordre des Cisterciens, compte étendre son influence sur l'Occitanie en usant de la force si nécessaire. Au vu de cette montée de violence, son frère aîné décide de s'engager à la défense de leur terre natale et quitte le castel. Ce départ laisse un vide immense dans le cœur de Tristan et quand une nouvelle menace vient frapper à la porte du domaine sous la forme de deux moines cisterciens désirant faire main basse sur leurs terres, cela en est trop pour le jeune garçon. Il décide de partir à la recherche de son frère afin qu'il vienne défendre leur héritage familial. Mais le retrouvera-t-il dans ce contexte de plus en plus tendu ?

Mon avis :

L'Héritier des Fées prend cadre aux heures sombres de la Croisade Albigeoise. Celle-ci a été lancée par l'Église catholique contre le catharisme considéré comme de l'hérésie. Le catharisme se localisait surtout en Languedoc qui, à l'époque, était dominé par deux familles, la maison de Toulouse et la maison Trencavel. Malheureusement faute d'entente entre les deux, Raymond VI de Toulouse a accepté de se croiser tandis que Raimond-Roger Trencavel, lui, a choisi la lutte. Cette croisade s'est déroulée de 1209 à 1229. Elle a vite évolué en guerre de conquête, d'abord menée par les évêques locaux, puis reprise par l'inquisition elle-même. 

Ce schisme est né du rejet de la religion catholique pour cette foi croyant à l'existence du bon dieu et du mal, à travers la figure de Satan. Pour les Cathares, la création du monde est imparfaite et relève du mal, d'où leur souhait de faire vœu de pauvreté et leur volonté de s'extraire de leur prison charnelle pour rejoindre Dieu. 

Voilà qui pose le décor de ce roman avec un contexte politique et religieux propice à une intrigue remplie de tension et de mystères. 

D'autant qu'Estelle Faye n'hésite pas à puiser dans le folklore local pour nourrir son récit. Ainsi, entre ses lignes, la figure de la fée prend les traits de l'Hadè, connue aussi sous le nom d'Hada dans les Pyrénées désignant tout simplement une fée des montagnes. Il est aussi question d'un Tartaro se promenant dans les montagnes occitanes et faisant clairement référence à ce personnage aussi inquiétant qu'énigmatique de la mythologie Basque se délectant de la chair des chrétiens. Sans oublier, les petits dracs des rivières qui accompagnent souvent le jeune Tristan dans ses virées là-haut dans la montagne et dont l'origine régionale l'a naturellement imposé comme créature surnaturelle. 

La magie se mêle harmonieusement à l'Histoire. Celle-ci est très éthérée se manifestant par petites touches. Elle accompagne le texte sans pour autant éclipser l'histoire de ses personnages. L'intérêt étant ici de mettre en lumière ce terrible épisode qui a endeuillé cette région du sud au 13e siècle et de rappeler les ravages que les croyances peuvent susciter, notamment lorsqu'elle prédomine et qu'elle craint d'être supplantée. 

L'Héritier des Fées est un récit puissant qui parle de persécutions et d'intolérance. Il met en scène un jeune garçon naïf qui découvre un monde violent où des gens se font massacrer pour leurs croyances. La paix de ses montagnes a laissé la place au feu au sang. La peur s'accompagne souvent de trahison d'autant qu'un climat de suspicion s'est peu à peu abattu sur sa terre natale. L'histoire est prenante et le destin de ce gamin est poignant. 

Estelle Faye se fait à nouveau l'autrice d'un texte rempli d'émotions car il nous est impossible de rester indifférent à la détresse de Tristan parti sur les routes pour retrouver son frère disparu. C'est donc aussi un roman d'apprentissage puisqu'on y retrouve un jeune héros en quête d'identité. En effet, à défaut de retrouver son frère, le long chemin parcouru va lui forger une personnalité et lui donner la maturité nécessaire au passage de l'enfance à l'âge adulte. 

Comme souvent en littérature jeunesse, l'importance de l'amitié est mise en avant. Ici, c'est d'ailleurs un bien précieux qui va servir Tristan pour aller au bout de sa mission. C'est clairement un personnage attachant. L'autrice le malmène bien, notamment pour le faire grandir. L'amour qu'il voue à son frère est particulièrement touchant. Il est bien travaillé et intéressant à suivre. 

Avec L'Héritier des Fées, Estelle Faye nous offre une inoubliable incursion en pays cathare tissée de mystères et de fureur. L'écrin proposé par les éditions Nathan est juste fabuleux auréolé d'un très beau jaspage sur la tranche du livre. 

Pour conclure :

Alors, quoi de mieux qu'un si beau livre-objet pour porter une histoire que l'on n'est pas prêt d'oublier. 

Fantasy à la Carte

A lire aussi sur le blog, mes avis sur : Les Ombres de Willowthorne, Widjigo, Hollywood Monsters, Un Reflet de Lune, Un Eclat de Givre, Les Seigneurs de Bohen et Les Révoltés de Bohen

informations

Estelle Faye
L'Héritier des Fées
9782095037949
400 pages
Editions Nathan

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01/10/2025

John Crowley, Petit, Grand ou Le Parlement des Fées, éditions L'Atalante

John Crowley, Petit, Grand ou Le Parlement des Fées, éditions L'Atalante 

John Crowley est un auteur américain science-fiction et de fantasy. Sa bibliographie est déjà riche d'une quinzaine de romans sans  oublier ses nombreuses nouvelles et autres essais également parus. 

Son roman de fantasy, Le Parlement des Fées, paru initialement en 1981, a remporté le prix World Fantasy du meilleur roman et lui confère ainsi la célébrité.

Alors que certains de ses illustres titres sont déjà parus chez eux, les éditions L'Atalante continuent sur leur lancée et nous proposent, depuis le 28 août, la réédition de cet éminent titre sous l'intitulé de Petit, Grand ou Le Parlement des Fées et dans une très belle version reliée et illustrée par Thibault Daumain

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Il existe un lieu caché, une demeure ancestrale qui ne peut être rejointe qu'à pied en suivant une série d'indications précises. C'est là que doit se rendre Fumy Granger s'il espère pouvoir épouser sa future femme, Daily Alice. Le protocole est bien étrange mais le jeune Fumy s'y conforme bien car il ne désespère pas d'épouser sa belle. Seulement il en ignore encore toutes les conséquences et finalement ne va-t-il pas regretter d'avoir pénétré dans ce monde étrange ? 

Mon avis :

Petit, Grand ou Le Parlement des Fées est un roman de fantasy où l'on foule une terre hors du temps, appelée L'Orée du Bois. C'est un lieu magique rempli de mystères. On y trouve une grande demeure construite par un célèbre architecte. Immense, elle dissimule de nombreuses pièces. Certaines sont secrètes, d'autres non. Elle est un refuge pour une poignée d'élus et un rempart pour une nature préservée. Son existence fascine tous ceux qui y pénètrent. C'est également le premier élément singulier de ce récit lui conférant d'emblée son caractère surnaturel car n'y a t-il pas une magie à l'œuvre derrière sa présence ? En tout cas la question se pose. 

En outre, elle abrite une très grande famille dont on retrouve l'arbre généalogique magnifiquement illustré en début et fin d'ouvrage. Petit, Grand ou Le Parlement des Fées, c'est avant tout une histoire familiale où chaque membre a ses propres secrets sans pour autant avoir prise sur son destin car celui-ci est décidé par le Conte. En effet, c'est bien là l'originalité de cette histoire car les décisions prises par les personnages semblent toutes influencées par ce que les anciens appellent le Conte. Ainsi, tout est déjà écrit d'avance et la destinée de chacun des membres de cette étrange famille n'est là que pour nourrir son existence et lui conférer le pouvoir nécessaire pour perdurer dans le temps. Chaque évènement est donc prédit par l'intermédiaire de cartes de tarot qui semblent ensorcelées pour annoncer la marche à suivre. 

John Crowley donne, par conséquent, vie de manière magistrale à ce "il était une fois" propre à ce genre littéraire. Son récit redonne au merveilleux toutes ses lettres de noblesse car on touche ici à l'authenticité des mythes des légendes qui servent de berceau nourricier à la fantasy

C'est un récit qui prend son temps. L'auteur nous offre une véritable balade littéraire très contemplative qui tend davantage vers l'ode à la nature plutôt qu'à la grande épopée. Pour autant, le texte reste beau et ensorcelant. La plume de John Crowley est si poétique. Il aime jouer avec les frontières entre l'onirisme et la réalité. Avec lui, on ne sait jamais quelle créature va-t-on rencontrer au détour du chemin.  

L'auteur y confronte une nature menacée face une urbanisation dévorante. La grisaille s'oppose au verdoyant pour mieux alerter sur les dangers d'un excès de trop de modernité. John Crowley porte ici le même propos que J. R. R. Tolkien sur les ravages de l'industrialisation. 

Petit, Grand ou Le Parlement des Fées est un récit politique qui traite de la question écologique et climatique. 

L'auteur joue également beaucoup sur les émotions en mettant notamment en scène des personnages entiers, animés par de puissants sentiments. Aussi, les relations familiales occupent le cœur de cette intrigue car l'auteur y explore leurs complexités et leurs ambiguïtés, voire leurs dérives. 

Ce texte est d'une grande richesse qui va même jusqu'à aborder les abus perpétrés par certaines âmes tourmentées ainsi que les traumatismes enfouis. 

Les protagonistes ne manquent pas entre ces lignes et chacun d'entre eux y va de ses forces et ses failles. Leurs destins donnent vie au Conte au point de les rendre tous très intéressants à nos yeux. Ainsi, on ne résiste pas à ce jeune Fumy prêt à se plier aux exigences farfelues de l'entourage de celle qu'il aime. Il va tout donner à cette demeure et à cette famille et ainsi faire perdurer la tradition en commençant par renoncer à son libre arbitre. Il incarne une certaine loyauté. 

Pour conclure :

Petit, Grand ou Le Parlement des Fées est un roman dense, immersif qui nous conte une histoire calquée sur la grande Histoire. En effet, derrière cette banale aventure, John Crowley se fait le critique d'une société soumise à ses démons privilégiant la destruction et la facilité. Avec ce roman, il signe une fantasy à la saveur d'antan. Ensorcelant, tout simplement.

Fantasy à la Carte

Informations
John Crowley
Petit, Grand ou Le Parlement des Fées
9791036002359
768 pages
Editions L'Atalante

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