L'influence du "gaming" à la littérature

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27/04/2024

Cadwell Turnbull, Ni Dieux Ni Monstres, éditions L'Atalante

Cadwell Turnbull, Ni Dieux Ni Monstres, éditions L'Atalante 

Romancier et novelliste, Cadwell Turnbull s'est déjà fait remarquer en raflant quelques prix, comme le Newkom Institue Literary Arts Award pour son premier roman, La leçon ou le Locus pour Ni Dieux Ni Monstres. Voilà qui donne déjà le ton quant à la richesse de cette plume et à la qualité de ses textes.

Premier tome d'une série intitulée Convergence, Ni Dieux Ni Monstres vient tout juste de paraître aux éditions L'Atalante

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions L'Atalante, je remercie Emma pour l'envoi de ce service de presse.

Son frère vient d'être abattu par la police de Boston, Laina est effondrée. De plus, on vient de lui faire parvenir la vidéo du meurtre et son visionnage la laisse complètement abasourdie. Son frère était un lycanthrope et le policier qui a tiré, a en réalité tuer un monstre. Les créatures surnaturelles existent et elles souhaitent que le monde entier le sache sauf que certains ne semblent pas y tenir. Dans ce monde où deux camps s'opposent, lequel aura le dessus sur l'autre ? 

Ni Dieux Ni Monstres est un roman fantastique teinté d'horrifique. Il prend cadre dans une Américaine contemporaine où le surnaturel s'est révélé brutalement à la population provocant réactions violentes, déni ou censure. Ainsi, on rencontre entre ces lignes toutes sortes de métamorphes, des mages et des oracles. Ils forment une communauté hétéroclite et divisée. Certains choisissent de se rapprocher pendant que d'autres préfèrent rester des électrons libres. 

L'univers tient la route. L'auteur a pris soin d'analyser les comportements sociaux tout au long des mois qui vont suivre ce dévoilement qu'il qualifie lui-même de fracture. Ainsi, la situation va se tendre avec un retour de la chasse aux sorcières ponctuée de massacres de personnes accusées d'être des monstres. Il y a aussi une agitation de la communauté scientifique qui cherche à expliquer le phénomène, ainsi que de la sphère complotiste qui émet, sans surprise, les plus folles théories. Le monde bouillonne et approche de son point de rupture. Plusieurs camps s'y affrontent avec d'un côté, les pro-monstres qui vont jusqu'à organiser des actions de soutien comme une manifestation et de l'autre côté, les anti-monstres qui cherchent à les faire taire à tous prix. L'ambiance est féroce. La tension monte crescendo jusqu'à l'explosion d'une violence létale. 

Derrière Ni Dieux Ni Monstres, Cadwell Turnbull cherche d'abord à interroger la figure du monstre qui se juge non pas à la forme mais plutôt aux actes. Ainsi, la noirceur se cache derrière toutes les apparences et la cruauté n'est pas le seul apanage des personnes possédant des caractéristiques non humaines. Dans le roman de Cadwell Turnbull, nul n'est ni blanc ni noir car chacun possède sa part d'ombre poussant à commettre l'innommable. Il questionne l'humain dans ce qu'il est prêt à faire pour se faire entendre. En choisissant de mettre à l'honneur cette communauté de créatures surnaturelles, la plume de l'auteur se veut clairement engagée vis-à-vis des minorités en quête de reconnaissance et d'acceptation. 

En outre, il laisse une grande place à la diversité dans son roman car on retrouve aussi bien des personnes racisées, non genrées ou des marginaux. C'est réellement très appréciable. Le texte est puissant. Il explore toute la complexité de la société qui  cherche à étouffer ce qui fait pourtant sa force car la richesse des civilisations repose beaucoup sur ses différences. Il pointe donc du doigt ce formatage qui a enfermé notre monde dans un carcan normatif. 

Dans Ni Dieux Ni Monstres, Cadwell Turnbull met la tolérance à l'épreuve de l'individualisme et des préjugés. On se confronte donc à la froideur et à la violence de ce monde impitoyable. 

L'auteur en profite d'ailleurs pour mettre en exergue certains maux qui rongent l'Amérique comme les violences policières ôtant bien des vies. Un sujet de société majeur qui dépasse largement les frontières outre-Atalantique car la triste réalité est que la violence ne peut appeler que la violence. 

Enfin, l'auteur s'intéresse aussi aux modèles économiques en opposant le capitalisme à une forme d'économie coopérative davantage recentrée sur les besoins de chacun et où tout le monde s'implique. 

Ce roman se lit à l'aune des préoccupations qui nous animent actuellement afin de penser un futur davantage en accord avec chacun d'entre nous. 

Ce livre est réellement passionnant du point de vue de toutes les thématiques abordées, surtout que la plume est très belle. 

Néanmoins, sa narration décousue nous faisant passer d'un personnage à l'autre m'a empêchée de m'attacher pleinement aux très nombreux protagonistes. Ce que je regrette un peu. Mais, il faut quand même garder en mémoire que Ni Dieux Ni Monstres est le premier roman d'une série qui, comme tout texte s'inscrivant dans la durée, prend son temps pour poser le décor et les enjeux. Lire la suite devrait donc clarifier davantage d'éléments, notamment ce qui concerne certains personnages.

En lisant Ni Dieux Ni Monstres, j'ai découvert une plume incisive et enflammée qui porte un univers tourmenté que j'ai hâte de retrouver. Alors suite au prochain épisode à l'automne. 

Fantasy à la Carte

Informations

Cadwell Turnbull
Ni Dieux Ni Monstres
9791036001819
349 pages
Editions L'Atalante

Lien vers le site

23/04/2024

Marge Nantel, Code Ardant, éditions Mnémos

Marge Nantel, Code Ardant, éditions Mnémos 

Après deux titres de fantasy urbaine, Dans l'ombre des miroirs et La cité sous les cimes, publiés aux éditions Mille Cent Quinze, Marge Nantel change, cette fois-ci, de registre en nous proposant avec Code Ardant, un postapocalyptique râpeux

Découverte en 2023, je dois vous avouer ma curiosité de voir cette plume s'épanouir dans un autre genre.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Estelle Hamelin pour l'envoi de ce service de presse.

Résumé :

Dans Code Ardant, on suit une bande de convoyeurs dirigée par l'inflexible Cécile Massah. En voulant comprendre pourquoi la forteresse d'Albi est partie en fumée ne laissant qu'un ardant comme seul survivant, juste après y avoir livré un colis, Sioux, Cécile & co se retrouvent très vite pris en chasse par une bande de mercenaires, avides de les liquider. Pour leur échapper, ils n'ont pas d'autre choix que de foncer droit devant afin de découvrir ce que cache ce nom de code de "prieur" qui agite tant de convoitises. 

Mon avis :

Code Ardant est un postapocalyptique qui prend cadre dans un futur proche où le monde a été dépouillé de sa technologie et coupé d'Internet. Soumise aux aléas climatiques, la vie s'est dégradée, menacée par une insécurité perpétuelle. Dans ce nouveau Far West, certaines villes sont devenues des forteresses couvant jalousement la puissance technologique dont elles disposent encore et rivalisant les unes avec les autres. Chaque conflit se règle dans un bain de sang car les armes semblent le seul langage que maîtrise cette humanité survivante. 

Pour pallier à la disparition de l'intelligence artificielle et des robots, une nouvelle génération d'humains a été conditionnée pour se comporter comme des androïdes. Ils sont appelés des ardants et répondent à un langage codé faisant d'eux de véritables armes. Surentraînés et drogués, ils sont contrôlés par les maîtres des donjons à la tête de chaque forteresse qui en usent autant comme des prostitués, des espions ou des hommes de main. 

Dans cet univers incandescent, la moindre étincelle risque de tout faire péter. Or, celle-ci pourrait bien prendre la forme d'une machination entraînant les protagonistes dans un voyage sans retour. En effet, ces derniers vont se retrouver, bien malgré eux, au cœur d'une intrigue politique dont les enjeux vont vite les dépasser. Dans cette quête d'une puissance de feu du passé, rien ne saurait être plus désastreux que de la voir tomber entre de mauvaises mains. Ainsi, le défi de Cécile et de ses hommes sera d'empêcher que cela arrive. Pour eux, cela signifie de s'engager dans un road trip les menant au cœur de l'enfer avec le risque de ne pas revenir. 

Le rythme est enlevé et le ton est âpre. Marge Nantel nous entraîne dans une aventure à cent à l'heure qui nous laisse pas le temps de reprendre notre souffle. Elle nous colle au train d'une communauté de personnages profondément cabossés par la vie. Chiens fous ou gueules cassées, ils témoignent d'un passé douloureux qui en font des êtres à vif. Porte-flingues ou leader charismatique, ils ne laissent clairement pas indifférents et tissent rapidement une proximité émotionnelle avec les lecteurs. Que ce soit Seeyt dit Sioux, le médecin de la bande et tireur d'élite qui a le cœur sur la main et s'attache aux causes perdues ou l'impérieuse boss Cécile, fortement badass, qui mène son petit monde de testostérone à la baguette, en passant par le jeune Endah, affecté par un conditionnement absolu, tous nous touchent chacun à leur manière. 

Derrière ce roman coup de poing qui enchaîne les actions à un rythme affolant, Marge Nantel a pris le temps de travailler la psychologie de ses personnages pour leur donner de la profondeur. Sous leur cuirasse de mercenaires impitoyables et de tueurs froids, se dissimule un cœur qui ne semble battre que pour leur petite compagnie. Ils forment une vraie famille et sont très attachés les uns aux autres au point d'être prêts à se sacrifier si la situation l'exige. Leurs liens sont touchants et nous bouleversent complètement au cœur de ce monde devenu si cruel, surtout à travers l'existence de ces ardants. Ces derniers ajoutent un soupçon d'effroi sur ce futur rugueux qui a transformé un groupe d'humains en machines par un dressage précoce usant de drogues et de violence pour arriver à ses fins. 

Finalement, quelque soit l'avenir qui lui est réservé, l'homme continue de s'adapter, notamment en exerçant sur les plus faibles une domination totale.

L'autrice nous dévoile donc un monde brutal et belliqueux où l'humain use des mêmes travers, se laissant dévorer par sa propre monstruosité, à l'exception de quelques bonnes âmes qui par leurs actions cherchent à apaiser la souffrance.

Enfin, Marge Nantel table sur une narration intéressante qui enchaîne les chapitres courts et l'alternance des points de vue de Sioux et d'Endah. Entre l'argot de l'un et le langage informatique de l'autre, cela donne au texte un style particulier tout en conférant une personnalité très marquée à ces deux narrateurs. 

Pour conclure :

Code Ardant est un récit particulièrement immersif que l'on n'a clairement pas envie de lâcher jusqu'à la fin. En librairie depuis le 10 avril, foncez le lire et dites-moi vite pour quel protagoniste vous craquez ? 

Fantasy à la Carte

A lire sur le blog, mon avis sur La cité sous les cimes.

Informations

Marge Nantel
Code Ardant
9782382671290
479 pages
Editions Mnémos

Lien vers le site

17/04/2024

Frédéric Dupuy, Arborescentes, T.1, éditions Bragelonne

Frédéric Dupuy, Arborescentes, t.1, éditions Bragelonne 

Quand il n'est pas occupé à faire tourner son agence de voyages littéraires (alias les éditions mille cent quinze), Frédéric Dupuy aime prendre la plume pour conter ses propres histoires. Arborescentes est sa première saga qui comptera quatre tomes publiés chez Bragelonne.

Reçu en service de presse, je remercie Frédéric Dupuy pour l'envoi de ce premier volet.

Résumé :

A 11 ans, Méline souffre du syndrome de la Belle au bois dormant, une maladie rare qui risque de la condamner au sommeil éternel comme cela a été le cas pour sa mère et sa grand-mère avant elle. C'est pour cela qu'elle a décidé de ne plus jamais dormir. Trimballée de foyer en foyer, on la retrouve à l'orphelinat des sœurs Aniel. C'est d'ailleurs là-bas qu'elle perd connaissance et est transportée à l'hôpital et où elle fait la rencontre d'une étrange infirmière qui va la conduire dans un lieu insolite pour, paraît-il, guérir. Peu convaincue, elle se laisse peu à peu émerveiller par ce monde-serre qui n'a pas fini de lui révéler tous ses secrets. Mais, elle ignore que le temps est compté car quelque part une menace est tapie, incarnée par l'avidité d'hommes, à l'image d'Arès Varkoda qui, au mépris de la vie d'autrui, recherche un remède pour lui-même car lui aussi souffre d'un mal incurable. Chacun engagé dans son contre-la-montre, peuvent-ils seulement espérer la victoire ? 

Mon avis :

Arborescentes est un roman contemporain piqué d'un onirisme subtil. Celui-ci se révèle à travers le regard d'une petite fille qui se retrouve propulsée dans un endroit secret dont l'existence n'est connue que par une poignée d'élus. Appelé la serre, ce lieu nous apparaît comme un petit paradis où s'épanouit une végétation aussi luxuriante qu'improbable au milieu de cascades d'eau et d'animécas qui s'y ébattent joyeusement, autrement dit de drôles d'animaux mécaniques animés par magie. C'est ici que certains maux réputés incurables trouvent un remède après un court séjour d'observation de patients triés sur le volet et de recherche du traitement adéquat. L'environnement est atypique et tire son pouvoir d'une source dont les origines et le fonctionnement demeurent très énigmatiques.

L'univers s'annonce donc très farfelu car drôle d'endroit pour être soigné, vous en conviendrez ! En outre, son existence ne va pas manquer de soulever la convoitise, réveillant la plus vile cupidité ou le plus fol espoir. Ainsi, au fil des pages, la serre devient un véritable enjeu de pouvoir, un monde à conserver pour les uns ou à s'emparer pour les autres. Son existence va enclencher une série d'actions donnant, par la même occasion, au texte tout son rythme. En effet, dans son sillage gravitent aussi bien des scientifiques curieux qu'un groupe pharmaceutique obnubilé par les brevets et le profit. On imagine donc sans mal que tous les coups seront permis pour arriver à ses fins.

Frédéric Dupuy nous livre donc un univers qui est à la fois chatoyant de par cette nature foisonnante et rugueux de par cette société des hommes implacable. 

Or, en mettant l'accent sur les agissements destructeurs d'un groupe pharmaceutique, l'auteur insert son récit dans une problématique de société, à savoir le sacrifice de la vie au bénéfice des capitaux. 

Ainsi, dans son roman, il nous confronte à la violence sociale et à celle du capitalisme. En effet, à travers Méline, on goûte à la froideur des structures sociales d'accueil et à la solitude et l'isolement de cette enfant. On est totalement bouleversé par son destin fort malmené car elle est à la fois confrontée à la maladie et à l'absence de ses parents entre une mère hospitalisée et un père inconnu. Par son entremise, Frédéric Dupuy aborde des thématiques fortes telles les traumatismes psychologiques, fruits du rejet social, du harcèlement ou encore de l'illettrisme.

Arborescentes est donc un récit riche mais aussi très engagé qui nous place face au mépris d'une caste aisée vis-à-vis de la nature. D'ailleurs, les moyens utilisés pour la détruire sont colossaux et les conséquences volontairement ignorées. Néanmoins, celles-ci reviennent tel un boomerang dans la vie de l'un des protagonistes. En effet, en rasant toutes les ressources naturelles pour répondre à une course aux brevets, le patron des laboratoires Varkoda est bien puni puisque le traitement à sa propre maladie n'est pas découvert et les plantes prélevées sont gâchées le renvoyant à la case départ. Ainsi, cette saga d'Arborescentes se lit comme un hommage à la nature car l'auteur y pointe ses merveilles, la beauté de sa régénérescence et surtout l'importance de vivre en symbiose avec elle car elle demeure la clé de la survie. 

Son cycle est également un cri d'alerte quant à la sauvegarde des forêts, à l'image de l'Amazonie, débitée inexorablement à grands coups de tronçonneuse. 

En outre, en nous attachant notamment aux pas d'une petite orpheline et d'un homme d'affaire peu scrupuleux, Frédéric Dupuy table clairement sur deux salles deux ambiances. Un choix qui, je dois dire, m'a un peu perturbée car d'un côté, on est en but aux difficultés d'intégration d'une gamine qui connaît l'indifférence et la méchanceté, et de l'autre côté, on fait face aux manigances d'un homme qui use des pires moyens pour arriver à ses fins : enlèvement, torture, assassinat et destruction. L'alternance de ces points de vue est déstabilisant car l'un des personnages est aussi détestable que l'autre est attachant. Pour autant, faut-il réellement se fier aux apparences car nous ne sommes pas à l'abri de retournements de situation surtout que la série va s'étaler sur quatre tomes, alors qui peut savoir !

Pour conclure :

Avec ce tome 1 d'Arborescentes, on est clairement sur un roman d'exposition qui prend son temps pour présenter l'univers, les enjeux et les protagonistes. Frédéric Dupuy mêle habilement émotions et actions pour happer le lecteur et l'emporter ainsi dans son univers ciselé et assez questionnant. Alors, attachez bien vos ceintures car le voyage ne fait que commencer !

Fantasy à la Carte

A lire sur la blogosphère, l'avis de  Le Nocher des livres.

Informations

Frédéric Dupuy
Arborescentes
T.1
9791028114480
380 pages
Editions Bragelonne

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