L'influence du "gaming" à la littérature

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19/11/2022

Pierre Léauté, Trilogie du Singe, éditions 1115

Pierre Léauté, Trilogie du Singe, éditions 1115

Après un premier roman d'anticipation, Les Négriers de Babylone, Pierre Léauté pose ses valises en territoire uchronique et enchaîne les récits du genre. 

Ainsi, en 2015, il signe chez Le Peuple de Mü, Mort aux grands dont le héros principal fera son retour en 2020 dans Je n'aime pas les grands. Puis, entre 2016 et 2019, il publie sa trilogie Les Temps Assassins. Enfin, en 2022, il multiplie les publications et nous propose pas moins de trois livres : Retour à Malataverne en janvier, The 8 list en octobre et enfin, Trilogie du Singe, en ce mois de novembre. Or, c'est justement de celui-ci dont il va être question dans cette chronique. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions 1115, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse. 

Mon avis :

Qu'il soit compagnon d'aventure, personnage emblématique du cinéma hollywoodien ou simple métaphore, le singe occupe sans surprise le premier rôle dans ce recueil de nouvelles

Réécrire l'Histoire est un exercice de style difficile mais pour lequel Pierre Léauté est bien rôdé. D'ailleurs, avec son triptyque Trilogie du Singe, on est clairement dans le concept du trois salles, trois ambiances. 

Trois récits qui nous font remonter le temps et dessinent de nouvelles perspectives. 

Dans "La grande brisure", nous voici propulsé dans une Bretagne du XVIIIe siècle qui a échappé au giron du roi de France et conservé jalousement son indépendance, notamment grâce au bouleversement géologique qui l'a détachée du continent. Mais le royaume de Bretagne est menacé, son roi vieillissant n'est plus à la hauteur et la conspiration s'est glissée entre ses murs. Or, c'est dans ce contexte houleux qu'il charge un vieil armateur malouin de lui ramener une étrange cargaison. Pour autant, est-ce que cela infléchira le destin des Bretons ? Nul ne le sait car qui vivra verra. Dans ce récit, Pierre Léauté chatouille un sujet qui fait toujours débat en Bretagne, à savoir son indépendance. En s'appuyant sur la fierté et le courage d'un peuple, il lui redessine habilement un autre destin qui s'écrit au son des canons et d'un abordage tout en panache. 

16/11/2022

Guillaume Suzanne, Mort comme au premier jour, éditions Black Rabbit

Guillaume Suzanne, Mort comme au premier jour, éditions Black Rabbit

Romancier et nouvelliste, Guillaume Suzanne signe entre 2008 et 2014 une science-fiction délirante avec sa saga des poubelles.

Appréciant le format court, il se plaît à explorer les littératures de l'Imaginaire au sens large pour mieux poser un regard critique sur la société.

Il compte déjà une quinzaine de nouvelles et trois romans courts à son compteur mais il ne s'est pas arrêté là puisqu'il nous propose un nouveau texte avec Mort comme au premier jour. Celui-ci fait l'objet d'un financement participatif sur la plateforme Ulule, toujours en cours jusqu'au 28 novembre 2022. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Black Rabbit, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

Mourir d'une chute dans un escalier, voilà bien une mort idiote ! Or, c'est ce que Guillaume Suzanne a réservé au personnage principal de sa dernière novella, Mort comme au premier jour. Alors si vous êtes curieux de savoir comment cela se passe dans l'au-delà, suivez le guide mais attention ne croyez pas que cela soit un long fleuve tranquille. Bien au contraire, le repos éternel est devenu un concept surfait. Dans ces conditions, tout devient donc possible...

Mon avis :

La mort est une porte d'entrée idéale à tout bon récit fantastique et ça, Guillaume Suzanne l'a bien compris. En tout cas, c'est la réflexion que l'on se fait quand on jette un œil à certains des titres de sa bibliographie comme "Si près du bord", "L'appel de Latombe" ou "La Cuvée du condamné". Alors rien d'étonnant de la retrouver au cœur de sa dernière novella. 

En trois actes, on suit ce défunt dans l'appréciation de son nouvel environnement et de ses compagnons d'infortune. On est donc transporté dans un au-delà où les nouveaux arrivants perdent leur nom au profit d'un numéro provisoire en attendant qu'ils s'en choisissent un autre. De même qu'ils ont le loisir de choisir le lieu où ils souhaitent se rendre, passé la première étape, mais en omettant de leur préciser que certains désirs ont de lourdes contreparties. 

C'est ainsi que le temps de quelques pages, on partage ce séjour mortifère baigné par l'imaginaire déjanté d'un auteur qui n'hésite pas à jouer avec les grandes figures de l'enfer et du paradis en nous en proposant une réincarnation des plus loufoque. 

Diable, faucheuse, les rencontres se succèdent mais ne se ressemblent pas. Guillaume Suzanne puise allègrement son inspiration dans des épisodes célèbres de la Bible, à l'image du combat de David contre Goliath en s'arrangeant avec la version officielle pour mieux l'adapter à son propos. Le tout étant de garder ici cette légèreté de ton associée à la multiplication de situations burlesques pour continuer de satisfaire un public déjà très attaché à son style.

13/11/2022

Richard Cowper, L'Oiseau Blanc de la Fraternité, éditons Argyll


Richard Cowper, L'Oiseau blanc de la fraternité, éditons Argyll 

Richard Cowper est l'un des deux pseudonymes qu'utilise John Middleton Murry, Jr pour signer ses romans. 

Auteur britannique d'une quinzaine de romans et de nombreuses nouvelles, Richard Cowper s'est consacré exclusivement à l'écriture dans les années 70. 

Après avoir réédité Le Crépuscule de Briareus en 2021, les éditions Argyll viennent de s'attaquer à une autre de ses œuvres, la trilogie de L'Oiseau blanc de la fraternité.

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Argyll, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse. 

Résumé :

A l'aube du troisième millénaire, un jeune joueur de pipeau accompagné d'un vieil homme sont porteurs d'un message d'espoir sous la forme d'une histoire : celle d'un oiseau blanc qui apporterait la paix et la fraternité pour ce monde déclinant. De cette histoire, un culte est né et il n'est pas au goût de tous, particulièrement des Pères Gris de l'Eglise qui ont décidé de faire la chasse à ces adorateurs. Or, c'est dans cette ambiance périlleuse que le Frère Thomas s'engage sur la route pour apporter le testament de Morfedd au sanctuaire de Corlay afin que cette précieuse relique y soit protégée. Il sera notamment épaulé dans sa quête par une jeune fille au don divinatoire. Ensemble, arriveront-ils à déjouer les chausses-trappe que va leur réserver le destin ?

Mon avis :

L'Oiseau blanc de la fraternité est un cycle qui nous propulse dans un futur post apocalyptique où la montée des eaux a eu lieu noyant bien des lieux et emportant une grande partie de la population. Ce cataclysme a donc rebattu les cartes en modifiant profondément le monde renvoyant la société à un temps moyenâgeux. Ainsi, l'auteur a choisi la figure du barde pour porter cette histoire et donner vie au mythe de l'oiseau blanc de la Fraternité. L'ambiance était donc propice pour permettre à l'auteur d'y distiller une forme de magie qui prend corps dans le pouvoir divinatoire, qualifié ici de huesch, de quelques protagonistes, ainsi qu'à travers un certain pipeau qui donne au musicien la capacité d'ensorceler les gens et les animaux. Or, ce puissant artefact est l'enjeu narratif principal de ce cycle car il confère de grands pouvoirs et une grande responsabilité à son détenteur tout en constituant une menace pour l'ordre établi. En suivant la destinée de cet instrument de musique et de ses différents porteurs, on plonge dans la quête d'un avenir meilleur nourri par le fol espoir de voir la paix s'installer durablement dans ce nouveau monde. 

Néanmoins, cette épopée ne va pas se dérouler sans heurts puisque Richard Cowper s'est largement inspiré de la lutte opposant l'Eglise catholique à l'Eglise réformée en rejouant cette même partition avec les Pères Gris de l'Eglise et les frères de la Fraternité. Aussi, ces derniers sont décrétés hérétiques et à ce titre, sont traqués et assassinés par des religieux chargés des basses œuvres que l'on appelle les Faucons et les Corbeaux. 

On est happés par ce texte qui réserve mille dangers à ses personnages en les entraînant au cœur des intrigues conspirationnistes d'un pouvoir qui cherche à les éliminer par tous les moyens. 

La plume délicate de Richard Cowper nous entraîne finalement à cent à l'heure dans les 631 pages qui composent ce récit. 

04/11/2022

Wayne Barrow, Bloodsilver, éditions Mnémos

Wayne Barrow, Bloodsilver, éditions Mnémos

Pour ce Mois de l'Imaginaire, les éditions Mnémos ont fait les choses en grand en proposant une très belle version collector de Bloodsilver de Wayne Barrow

Sacré grand prix de l'Imaginaire en 2008, les lecteurs du genre ne bouderont pas leur plaisir de découvrir ou de redécouvrir ce livre qui a su marquer son époque.

Sous le pseudonyme de Wayne Barrow se cachent deux plumes françaises incontournables des littératures de l'Imaginaire : Xavier Mauméjean et Johan Heliot qui ont décidé de joindre leur talent pour ce projet d'écriture commune. Avec Bloodsilver, les auteurs ont relevé le défi d'écrire à quatre mains une oeuvre qui vient enrichir chacune de leur bibliographie déjà bien foisonnante. 

Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Mnémos, je remercie Nathalie Weil pour l'envoi de ce service de presse. 

Seize nouvelles sont au programme de ce recueil et s'attachent à retracer les grandes étapes de la construction du Nouveau Monde en s'intéressant tout particulièrement à la Conquête de l'Ouest. 

Mon avis :

Bloodsilver est donc une uchronie fantastique dans laquelle les vampires se sont invités au casting et ce dès la première nouvelle, "Nouveau Monde", qui donne d'emblée le ton à l'ensemble du livre. En effet, on y rencontre un individu se faisant appeler le Grec qui vient témoigner du massacre dont a été victime son village après le naufrage d'un bateau venant du vieux continent. Dans ce village indien, nul n'a vu venir le danger de la part de ces naufragés que tous croyaient bel et bien morts. Erreur fatale pour cette petite communauté qui va payer le prix du sang, excepté le Grec, seul survivant de ce génocide. Or, c'est avec un désir de vengeance chevillé au corps qu'il va prendre la route pour traquer ces créatures de la nuit et se joindre à la communauté de chasseurs fondée par un certain Cotton Mather. 

Célèbre pasteur qui s'est illustré lors des procès des sorcières de Salem et que l'on retrouve présentement dans cette ville maudite du Massachusetts pour "Le Jour du Jugement". Première étape pour cet homme de foi qui s'est donné pour mission de purger le malin véhiculé par ce convoi considéré comme maléfique et engagé sur la route de l'Ouest. 

Quoi de mieux que des hors-la-loi, têtes brûlées à la gâchette facile pour rejoindre les rangs de ces chasseurs hors-normes à l'image d'un certain Doc Holliday, de Jesse James, des frères Dalton ou encore de Billy the Kid. Justement la nouvelle "Kid Caesar" est consacrée aux frasques du jeune Billy qui l'ont bien des fois conduit à la prison. Or, c'est fraîchement amnistié qu'il s'engage dans la traque de ces ombres aux dents longues, au moins pendant tout le temps qu'ils étaient considérés comme ennemis de l'Etat. 

Plus que de s'insinuer dans le paysage, ces derniers s'imposent peu à peu dans le destin politique du pays. Ils ont la faveur de certains présidents à l'image de Thomas Jefferson qui ordonne la fondation de Silver City comme zone franche où les chasseurs doivent cohabiter avec les vampires, appelés ici les brookes. Plus tard, Abraham Lincolm prononcera un discours de tolérance en faveur de ces brookes. Enfin, Théodore Rossevelt permettra à un état brooke de voir le jour à Bloodsilver comme en témoigne la nouvelle "Silver City" à travers les souvenirs d'un certain Samuel Clemens, plus connu sous le pseudonyme de Mark Twain qui n'aura de cesse d'empêcher l'avènement de cet état au risque de se faire tuer. Une quête qu'il a entamé très jeune puisque dans "La part d'ombre", il est déjà à l'oeuvre à forger la légende d'un jeune homme que ses écrits ont transformé en héros luttant contre la menace vampirique. Mais, il n'est pas bon d'attirer leur attention, d'ailleurs lui-même en fera les frais tout au long de sa vie. 

A travers Bloodsilver, Xavier Mauméjean et Johan Heliot revisitent avec beaucoup de talent les grands moments de la conquête de l'Ouest en s'appuyant sur les destins d'hommes et de femmes devenus légendaires qu'ils confrontent bien volontiers au surnaturel. 

L'ambiance western qui sied si bien à cette période charnière de l'Histoire des Etats-Unis d'Amérique, s'entremêle habilement avec le fantastique pour nous livrer un patchwork de morceaux choisis au goût acre de la poudre et métallique du sang. 

Il est vrai que le destin de l'Amérique s'est surtout écrit grâce aux armes à feu qui ont très vite donner au pays son hégémonie. Celles-ci sont omniprésentes dans chacune des nouvelles avec des protagonistes qui ont un rapport particulier avec elles, souvent fusionnel, voir totalement dépendant. Or, la nouvelle "La Veuve Noire" met en lumière le destin de la famille Winchester qui s'est enrichie grâce à l'industrie de l'armement et dont les armes légères ont précocement mis fin à la vie de bien des Américains. Or, ne supportant pas la perte de sa fille et de son mari, Sarah Winchester s'était mise en tête de construire un manoir pour accueillir toutes les âmes emportées par ces satanées pétoires. Johan Heliot et Xavier Mauméjean ont puisé allègrement dans le mythe entourant cette femme pour lui brosser une vie fantasmagorique, quitte à forcer le trait. Une manière de remettre au cœur du débat la problématique de l'armement en libre-service pour tous et des conséquences funestes qui lui sont inhérentes. 

30/10/2022

Dan Simmons, Le Nez-Boussole d'Ulfänt Banderōz, éditions Robert Laffont

Dan Simmons, Le Nez-Boussole d'Ulfänt Banderōz, éditions Robert Laffont 

Romancier et nouvelliste américain, Dan Simmons a marqué la science-fiction avec son cycle Hypérion, multiprimé par les prestigieux prix Hugo et Locus du meilleur roman de science-fiction. 

Mais plus que d'être l'auteur de textes de science-fiction, de polar ou d'horreur, Dan Simmons est aussi un lecteur de fantasy. Conquis par les récits de Jack Vance qui ont bercé son enfance, il a souhaité lui rendre hommage en écrivant sa novella, Le Nez-Boussole d'Ulfänt Banderōz publiée, en 2009, dans le cadre de l'anthologie, Chansons de la Terre Mourante, dirigée par G.R.R. Martin et Gardner R. Dozois. Or, dans sa réédition française, en 2013, celle-ci manquait à l'appel, alors les éditions Robert Laffont viennent d'y remédier en la publiant, en même temps que le collector Hypérion

Lu dans le cadre d'un partenariat avec  les éditions Robert Laffont, je les remercie pour l'envoi de ce service de presse. 

La nouvelle est tombée, Ulfänt Banderōz, le plus ancien des sorciers est mort. Shrue le diaboliste y voit là le prétexte de prendre possession de la Bibliothèque Ultime que ce dernier gardait jalousement. Lui qui a toujours voulu percer les mystères des livres anciens, l'occasion est trop belle pour la laisser filer. Seulement, il n'est pas le seul sur le coup. Pire encore son homologue a compliqué son accès. Alors arrivera-t-il à ses fins? Si oui, à quel prix? 

Le Nez-Boussole d'Ulfänt Banderōz prend cadre dans la Terre mourante de Jack Vance. Ici, on chasse sur les terres de la fan-fiction d'un auteur qui a pris sa plume pour célébrer un grand classique du genre. Nous voici donc projeté sur cette planète étrange qu'est devenue la Terre où gisent les ruines d'anciens empires et où rôdent d'étonnantes créatures issues parfois d'autres dimensions. La lune a disparu depuis bien longtemps laissant le soleil orphelin et moribond.

De ce récit initial au goût apocalyptique, Dan Simmons en a repris la thématique des magiciens qui rivalisent pour obtenir toujours plus de connaissances. En effet, ici il nous colle aux basques d'un vieux mage qui s'est mis en tête de mettre la main sur des livres anciens, quitte à altérer les différentes dimensions spatio-temporelles et à risquer de détruire définitivement la Terre. Ce Shrue nous embarque donc dans un road-trip mouvementé, accompagné d'une poignée de femmes aux allures d'amazones, et de Kirdrik, un daihak, autrement dit une créature griffue et toute en crocs, lui servant de garde du corps. Ensemble, ils vont affronter plus d'un danger, chevaucher d'invraisemblables montures et embarquer à bord d'un galion volant grâce au nez d'un mage défunt servant ici de boussole. Ainsi, avec sa novella, Dan Simmons signe une odyssée baroque qui emprunte beaucoup d'éléments traditionnels à la fantasy comme des cristaux de pouvoir, des formules incantatoires ou un bestiaire merveilleux.